1716 - Saint Louis-Marie Grignion de Montfort révèle « le secret de Marie »
1716 - Saint Louis-Marie Grignion de Montfort révèle « le secret de Marie »
Louis Grignion est né le 31 janvier 1673 à Montfort-sur-Meu, petit village à l’ouest de Rennes. Grand missionnaire apostolique, il sillonne l’Ouest de la France et enseigne comment aller « à Jésus par Marie » grâce à une consécration qui entraîne à vivre par Marie, en Marie et avec Marie, dans un cœur-à-cœur intime qui nous conduit très sûrement au Christ. Il meurt le 28 avril 1716 en pleine mission à Saint-Laurent-sur-Sèvre (Vendée). Il n’avait que 43 ans et 16 ans de sacerdoce. Cette année 2016 nous célébrons le tricentenaire de sa mort.
Père Paulin Ramanandraibe - Recteur de la basilique saint Louis-Marie Grignion de Montfort
Le nouveau-né de la famille Grignion est baptisé le 1er févier 1673 sous le prénom de Louis, en souvenir de saint Louis, roi de France. Plus tard, à l'occasion de sa confirmation, il souhaite ajouter le nom de Marie au sien, pour marquer déjà sa grande dévotion à la Vierge Marie. Puis il ajoute à Louis-Marie le nom du lieu de son baptême pour en marquer l’importance dans sa vie chrétienne.
Après sa formation au séminaire Saint-Sulpice à Paris, Louis-Marie Grignion de Montfort est ordonné prêtre le 5 juin 1700. Il est initié à la mission à Nantes puis à Poitiers auprès des mendiants et petites gens. Son objectif est d’annoncer la Bonne Nouvelle et renouveler l’esprit du christianisme chez les chrétiens. Doué d’un zèle apostolique rare et d’un caractère entier, le Père de Montfort n’accepte pas les demi-mesures, et s’engage de toute son âme. Sa vie entière, il se met en priorité au service des plus défavorisés qu’il identifie à Jésus. Un soir à Dinan, portant sur son dos un miséreux couvert de lèpre trouvé sur son chemin, il frappe à la porte de la maison des missionnaires en criant : « Ouvrez à Jésus-Christ ! » L’homme défiguré par sa triste maladie, dormira dans le lit de Louis-Marie. On le surnommait ainsi « le bon Père de Montfort » à cause de son souci des pauvres.
« Dieu seul » est sa devise. C’est un homme de Dieu qui nourrit sa vie spirituelle de silence et de prières. Il se retire parfois dans des ermitages, comme celui de Mervent (Vendée). C’est là qu’il prépare ses prédications, écrit ses cantiques et ouvrages de spiritualité. Il contemple les mystères du Salut et les trois Personnes de la sainte Trinité sont chez lui sujets d’une réflexion théologique profonde et aboutie. Pour lui, Jésus-Christ, sagesse éternelle et incarnée, doit être cherché, connu, et aimé par-dessus tout. L’aimer veut dire l’imiter et porter la croix sans rougir : uni à la croix, ils deviennent inséparables. « La croix est la sagesse et la sagesse est la croix », souligne le Père de Montfort.
Dès son enfance, Louis-Marie a une grande dévotion envers la Vierge Marie. Il invite sa sœur à prier le rosaire avec lui. Par la Vierge Marie, il découvre le chemin le plus aisé, court et sûr pour aller à Jésus et demeurer fidèle aux promesses du baptême. C’est ainsi qu’il propose aux fidèles la consécration à Jésus par les mains de Marie. « C’est par la très Sainte Vierge Marie que Jésus-Christ est venu au monde, et c’est aussi par elle qu’il doit régner dans le monde. » (Traité de la Vraie Dévotion à la Sainte Vierge n°1) Pour aller à Jésus-Christ, il faut trouver Marie.
Le Père de Montfort souligne que la finalité de toutes nos dévotions est Jésus-Christ. « Si donc nous établissons la solide dévotion de la très Sainte Vierge, ce n'est que pour établir plus parfaitement celle de Jésus-Christ, ce n'est que pour donner un moyen aisé et assuré pour trouver Jésus-Christ. Si la dévotion à la Sainte Vierge éloignait de Jésus-Christ, il faudrait la rejeter comme une illusion du diable. Mais tant s'en faut ! Cette dévotion ne nous est nécessaire que pour trouver Jésus-Christ parfaitement, l'aimer tendrement et le servir fidèlement. » (Traité de la Vraie Dévotion à la Sainte Vierge n°62)
Avant de mourir, le Père de Montfort passe le flambeau à quelques disciples, hommes et femmes. Des congrégations religieuses naissent à sa suite : les « Filles de la Sagesse », la « Compagnie de Marie » (Missionnaires Montfortains), les « Frères de Saint-Gabriel » et les différents associés laïcs.
Louis-Marie Grignion de Montfort est béatifié le 22 janvier 1888 à Rome par le pape Léon XIII et canonisé le 20 juillet 1947 à Rome par le pape Pie XII.
Aujourd’hui, beaucoup se consacrent à Jésus-Christ par Marie selon la méthode du saint. L’un des plus illustres est sans conteste le pape Jean-Paul II dont la devise Totus tuus (« Je suis tout à toi, ô Jésus en Marie ») est empruntée au Père de Montfort.
Extrait de la lettre du pape Jean-Paul II aux familles Montfortaines, 2003.[modifier]
« Il y a 160 ans, était rendue publique une œuvre destinée à devenir un classique de la spiritualité mariale. Saint Louis-Marie Grignion de Montfort a composé le Traité de la vraie dévotion à la sainte Vierge au début des années 1700, mais le manuscrit est resté pratiquement inconnu pendant plus d’un siècle. Lorsque, finalement, presque par hasard, il fut découvert en 1842, et publié en 1843, il eut un succès immédiat, et se révéla être une œuvre d’une extraordinaire efficacité pour diffuser la « vraie dévotion » à la Très Sainte Vierge. Dans ma jeunesse, j’ai été moi-même très aidé par la lecture de ce livre, dans lequel « j’ai trouvé la réponse à mes perplexités » dues à la peur que le culte de Marie, « développé excessivement, finisse par compromettre la suprématie du culte dû au Christ » (Ma vocation, don et mystère, p. 42). Sous la sage conduite de saint Louis-Marie, j’ai compris que, si l’on vit le mystère de Marie dans le Christ, un tel risque ne subsiste plus. La pensée mariologique du saint en effet « s’enracine dans le Mystère trinitaire et dans la vérité de l’Incarnation du Verbe de Dieu » (…) La lecture de ce livre a marqué dans ma vie un tournant décisif. Je dis tournant bien qu’il s’agisse d’un long cheminement intérieur qui a coïncidé avec ma préparation clandestine au sacerdoce. C’est alors qu’est tombé entre mes mains ce traité singulier, un de ces livres qu’il ne suffit pas d’ « avoir lus ». Je me rappelle l’avoir porté longtemps sur moi, même à l’usine de soude, si bien que sa belle couverture était tachée de chaux. Je revenais sans cesse et tour à tour sur certains passages. Je me suis aperçu bien vite qu’au-delà de la forme baroque du livre il s’agissait de quelque chose de fondamental. Il s’en est suivi que la dévotion de mon enfance et même de mon adolescence envers la Mère du Christ a fait place à une nouvelle attitude, une dévotion venue du plus profond de ma foi, comme du cœur même de la réalité trinitaire et christologique. Alors qu’auparavant je me tenais en retrait de crainte que la dévotion mariale ne masque le Christ au lieu de lui céder le pas, j’ai compris à la lumière du traité de Grignion de Monfort qu’il en allait en réalité tout autrement. Notre relation intérieure à la Mère de Dieu résulte organiquement de notre lien au mystère du Christ. Il n’est donc pas question que l’un nous empêche de voir l’autre. (…) On peut même dire qu’à celui qui s’efforce de le connaître et de l’aimer, le Christ lui-même désigne sa Mère comme il l’a fait au Calvaire pour son disciple Jean. »
Marie doit être spécialement connue dans les derniers temps.
Saint Louis-Marie Grignion de Montfort a proposé une doctrine mariale très puissante, résumée dans le « Totus tuus » :
« Je vous choisis, aujourd’hui, ô Marie, en présence de toute la Cour Céleste, pour ma Mère et ma Reine. Je vous livre et consacre, en qualité d'esclave, mon corps et mon âme, mes biens intérieurs et extérieurs, et la valeur même de mes bonnes actions passées, présentes et futures, vous laissant un entier et plein droit de disposer de moi et de tout ce qui m’appartient, sans exception, selon votre bon plaisir, à la plus grande Gloire de Dieu, dans le temps et l’éternité. Amen »
Saint Louis-Marie Grignion de Montfort invite par cet acte de consécration qui a beaucoup de poids, à imiter Jésus en prenant Marie pour Mère, et en lui confiant tout.
Il est important de relire et de méditer souvent le célèbre Traité de la Vraie Dévotion à la Vierge Marie de saint Louis-Marie Grignion de Montfort où les intuitions développées sont fondamentales pour notre temps :
- « Marie a été très cachée dans sa vie : c'est pourquoi elle est appelée par le Saint-Esprit et l'Église Alma Mater : Mère cachée et secrète. Son humilité a été si profonde qu'elle n'a point eu sur la terre d'attrait plus puissant et plus continuel que de se cacher à elle-même et à toute créature, pour n'être connue que de Dieu seul. » (n°2)
- « Dieu, pour l'exaucer dans les demandes qu'elle lui fit de la cacher, appauvrir et humilier, a pris plaisir à la cacher dans sa conception, dans sa naissance, dans sa vie, dans ses mystères, dans sa résurrection et assomption, à l'égard de presque toute créature humaine. Ses parents mêmes ne la connaissaient pas ; et les anges se demandaient souvent les uns aux autres : « Quae est ista ? » (Qui est celle-là ?) Parce que le Très-Haut la leur cachait ; ou, s'il leur en découvrait quelque chose, il leur en cachait infiniment davantage. » (n°3)
- « Dieu le Père a consenti qu'elle ne fit point de miracle dans sa vie, du moins qui éclatât, quoiqu'il lui en eût donné la puissance. Dieu le Fils a consenti qu'elle ne parlât presque point, quoiqu'il lui eût communiqué sa sagesse. Dieu le Saint-Esprit a consenti que ses apôtres et ses évangélistes n'en parlassent que très peu et qu'autant qu'il était nécessaire pour faire connaître Jésus-Christ, quoiqu'elle fût son épouse fidèle. » (n°4)
- « Après cela, il faut dire, en vérité, avec les saints : « De Maria nunquam satis. » On n'a point encore assez loué, exalté, honoré, aimé et servi Marie. Elle mérite encore plus de louanges, de respects, d'amours et de services. » (n°10)
- « Mon cœur vient de dicter tout ce que je viens d'écrire, avec une joie particulière, pour montrer que la divine Marie a été inconnue jusqu'ici, et que c'est une des raisons pourquoi Jésus-Christ n'est point connu comme il doit être. Si donc, comme il est certain, la connaissance et le règne de Jésus-Christ arrivent dans le monde, ce ne sera qu'une suite nécessaire de la connaissance et du règne de la Très Sainte Vierge Marie, qui l'a mis au monde la première fois et le fera éclater la seconde. » (n°13)
- « Dieu le Père a fait un assemblage de toutes les eaux, qu'il a nommé la mer ; et il a fait un assemblage de toutes ses grâces, qu'il a appelé Marie. (...) » (n°23)
- « C'est par Marie que le salut du monde a commencé, et c'est par Marie qu'il doit être consommé. (…) Mais, dans le second avènement de Jésus-Christ, Marie doit être connue et révélée par le Saint-Esprit afin de faire par elle connaître, aimer et servir Jésus-Christ, les raisons qui ont porté le Saint-Esprit à cacher son Épouse pendant sa vie, et à ne la révéler que bien peu depuis la prédication de l'Évangile, ne subsistant plus. » (n°49)
- « Dieu veut donc révéler et découvrir Marie, le chef-d'œuvre de ses mains, dans ces derniers temps. Elle est l'aurore qui précède et découvre le Soleil de justice, qui est Jésus-Christ, elle doit être connue et aperçue, afin que Jésus-Christ le soit. Étant la voie par laquelle Jésus-Christ est venu à nous la premières fois, elle le sera encore lorsqu'il viendra la seconde, quoique non pas de la même manière. » (n°50)
- « Marie doit éclater, plus que jamais, en miséricorde, en force et en grâce dans ces derniers temps. Dieu veut que sa sainte Mère soit à présent plus connue, plus aimée, plus honorée que jamais elle n'a été : ce qui arrivera sans doute, si les prédestinés entrent, avec la grâce et lumière du Saint-Esprit, dans la pratique intérieure et parfaite que je leur découvrirai dans la suite (ie : la « vraie Dévotion »). Pour lors, ils verront clairement, autant que la foi le permet, cette belle étoile de la mer, et ils arriveront à bon port, malgré les tempêtes et les pirates, en suivant sa conduite; ils connaîtront les grandeurs de cette souveraine, et ils se consacreront entièrement à son service, comme ses sujets et ses esclaves d'amour ; ils éprouveront ses douceurs et ses bontés maternelles, et ils l'aimeront tendrement comme ses enfants bien-aimés ; ils connaîtront les miséricordes dont elle est pleine et les besoins où ils sont de son secours, et ils auront recours à elle en toutes choses comme à leur chère avocate et médiatrice auprès de Jésus-Christ ; ils sauront qu'elle est le moyen le plus assuré, le plus aisé, le plus court et le plus parfait pour aller à Jésus-Christ, et ils se livreront à elle corps et âme, sans partage, pour être à Jésus-Christ de même. » (n°55)
La question des apparitions chez saint Louis-Marie Grignion de Montfort.[modifier]
On prête parfois aux saints maintes expériences extraordinaires. Parfois trop. Par exemple, on a soutenu que sainte Thérèse de Lisieux aurait vu la Vierge, ce qu’elle-même n’a jamais dit ou écrit. Qu’en est-il au sujet de saint Louis-Marie Grignion de Montfort ?
La première allusion à des apparitions de la Vierge à notre saint missionnaire date de… 1942, soit 226 ans après sa disparition ! Il s’agit d’un ouvrage de l’abbé L. Le Crom intitulé Un Apôtre marial. Saint Louis-Marie Grignion de Montfort (publié à Pontchâteau). L’auteur dénombre 9 apparitions entre 1708 et 1716 ; la dernière, peu avant la mort de Louis-Marie, aurait eu pour cadre la sacristie de l’église de Saint-Laurent-sur-Sèvre.
L. Le Crom dit connaître ces faits grâce à une documentation sérieuse. Il est plein de bonne foi. Mais en réalité, il confond le mot « apparition » (comme à Lourdes ou à Fatima) et les « révélations privées » qui ne sont que très exceptionnellement accompagnées de visions « corporelles » de Marie.
Or, le saint était un grand priant et un mystique. Il est parfaitement envisageable qu’il ait vécu des échanges avec Jésus et Marie, mais ses œuvres et sa correspondance ne signalent aucune apparition au sens strict. Elles évoquent à deux reprises la présence de Marie sur un mode très fort.
Cette croyance selon laquelle de nombreux saints « verraient » la Vierge est intéressante car elle soulève une question sérieuse : peut-on être saint sans expérimenter des phénomènes extraordinaires ?
La réponse est « oui ». L’Église n’a jamais canonisé qui que ce soit pour des visions ou d’autres faits semblables, mais pour avoir vécu l’Évangile sur un mode extraordinaire. C’est le cas de saint Louis-Marie Grignion de Montfort qui situe toujours sa relation à Marie au plan de la foi. Méfiant à l’égard de « l’irrationnel », le saint sait que Dieu parle à son peuple en Église, dans la prière et les sacrements, dans une vie ordinaire, loin du « merveilleux ».
Sources documentaires[modifier]
- Guitteny Bernard, Grignion de Montfort, missionnaire des pauvres, Le Cerf, Paris, 1994.
- Saint Louis-Marie Grignion de Monfort, Traité de la Vraie Dévotion à la Sainte Vierge, Jules Didiot, Rennes, 1891.
- Perouas Louis, Ce que croyait Grignion de Montfort, Mame, Paris, 1973.
- Laurentin René, Dieu seul est ma tendresse. Louis-Marie Grignion de Montfort, O.E.I.L., Paris, 1984.
- Id., Petite vie de saint Louis-Marie Grignion de Montfort, Desclée de Brouwer, Paris, 1996.