Agorique
Citation de Raymond Boudon :
- "Plus une société est complexe, plus elle favorise l'individuation, entendue comme le fait de conférer aux individus la responsabilité d'agir, de faire et de connaitre dans tous les ordres de l'humain. Cette tendance, qui, bien entendu, n'est jamais ni nulle part pleinement aboutie, est imposée par l’impossibilité de faire fonctionner une société complexe de quelque autre manière. Une solution contradictoire est infiniment contre-productive, qui consisterait a confier toutes les décisions de toute nature a tous les niveaux a une agence tentaculaire et intégrée et a transformer tous les acteurs subordonnes en exécuteurs passifs. Les expériences soviétiques et communistes sont allées très loin en ce sens et ont apporte la preuve expérimentale de la nocivité de la méthode. En poussant l'analyse un peu plus loin, on dégage trois modes de coordination des individus en ensembles fonctionnels.
- Le mode mécanique les considère comme les pièces interchangeables d'une machine conque par un ingénieur qui régit tout.
- Le mode organique tient qu'ils sont les organes spécialisés d'un organisme autorégulé : chacun accomplit sa tache, qui contribue spontanément a la bonne marche du tout, si elle est effectuée conformément aux spécifications de sa fonction. Du mécanique à l'organique, l'individuation progresse notablement.
- Elle atteint au plein épanouissement avec un mode non nommé, que l'on peut appeler « agorique».
- Chaque individu tend a y devenir un relais dans un réseau complexe, ou chaque relais fonctionne de manière autonome, en traitant les informations circulant dans le réseau de manière a en extraire lui-même toutes les informations dont il a besoin, pour accomplir au mieux ce dont il a la charge en tant que relais d'un réseau. II en ressort de manière lumineuse que l'individuation bénéficie d'autant mieux au mode agorique et, par son entremise, a la fonctionnalité des sociétés complexes, que les individus explicitent et intègrent mieux trois dimensions de l'humain. Plus ils s'identifient a ce qui les rattache a l’espèce, plus ils sont susceptibles de rationalité.
- Mieux ils sont acculturés aux cercles culturels dans lesquels ils sont actifs, plus leurs contributions a des entreprises collectives sont adaptées a la variabilité des conditions et des circonstances. Enfin, plus ils ont le loisir de mettre en œuvre leurs idiosyncrasies, plus ils sont souples, versatiles, adaptables et mis dans le cas de faire appel a leurs ressources personnelles latentes. Donc la complexification moderne, loin de transformer les individus en zombies et en ectoplasmes, les exhorte avec efficacité a l’épanouissement humain le plus achevé."
Nous en observons l'impact sur le régime de la gouvernance de l'internet que le MAE décrit comme une gouvernance de la "multitude". Nous nous attacherons à cette image au sens de Machiavel et de Spinozza : l'ensemble de ceux qui n'ont pas de contrat social avec une puissance souveraine (ce qui est la cas de l'internaute soumis à l'autocontrôle de la "communauté internet" au sens de la RFC 6852.
- le débat va permettre de valider la direction générale (guidée ou aléatoire) d'un consensus "mou" et d'en informer chacun intéressé : dites "parties prenantes" ;
- chacune de ces parties prenantes va prendre ses propres décisions en fonction de l'air du temps de cette "concertation", du savoir commun, de ses connaissances propres, de ses moyens particulier et de ses libres intentions.
- puis du vivre ensemble vont alors émerger des ajustements mutuels au fil d'entre-eux et des influences contextuelles, que l'on va déclarer "décision en multi-partenariat".
Il convient de noter que :
- si le mode mécanique est cybernétique (monolectique) : il est fondé sur la séquence interne "action <- énaction -> réaction" où l'énaction est elle-même le résultat d'une séquence "action <- énaction -> réaction", etc.
- et le mode organique est de raison logique (dialectique du tiers exclu) fondé sur la séquence d'écoute et de réponse mutuelle externe "captation <=> intellection <=> énonciation"
- le mode agorique relève d'une généralisation polylectique de la logique où l'influence de tous les tiers est directement ("interligence" de tous les liens établis deux à deux) ou indirectement ("perligence" de tous les maillages indirecte) considérée, consistant le plegme (de plegma grec : treillis) complexe.
Sauf à ne pouvoir jamais rien résoudre de ce plegme (or nous le faisons en partie tous les jours), l'analyse et la maîtrise agorique réclament technosophiquement (étude technique de la sagesse) que la complexité ne soit qu'une simplification interne de la simplicité (facilitation par moindre surprise). Nous observons que ceci se fait en général au prix d'une multiplication des liens sous-jacents et d'une fonctionnalité de ces liens (que nous appellerons syllodonnées) entre eux et parfois par un chemin nouveau (que nous appelons innovation).
Il y a donc deux agoriques entremêlées : l'agorique sociétale descriptive de la complexité et l'agorique fondamentale descriptive de sa compréhension.
la modélisation agorique, support de la pensée complexe a fait l'objet de plusieurs approches historiques dans le cadre du groupe TYMSHARE, entre les années 1968 et 1986, puis d'AGORICS Inc. (Ann et Norman Hardy) et une introduction Agorics Papers par Mark S. Miller et K. Eric Drexler.
Ceci fonde les conceptions multimatiques et l'étude d'une théorie de l'intellition de JFC Morfin.