Benoit XVI et le Concile
Benoît XVI: beaucoup de doutes jadis sur le Concile, mais il s'est avéré nécessaire
Dans une lettre au président de l'Université franciscaine de Steubenville (Ohio, États-Unis), qui organise un symposium international sur l'ecclésiologie de Ratzinger, Benoît XVI explique comment «Vatican II a d'abord menacé de perturber et d'ébranler l'Église plus que de lui donner une nouvelle clarté pour sa mission». «Sa puissance positive émerge lentement», relève le Pape émérite de 95 ans.
Salvatore Cernuzio - Cité du Vatican
Le doute, l'étonnement et surtout la crainte que le Concile ne «dérange et n'ébranle» l'Église dans ses fondements. Au contraire, Vatican II s'est avéré être non seulement «significatif» mais aussi «nécessaire». Dans l'un de ses désormais rares discours publics, le Pape émérite Benoît XVI revient 60 ans en arrière, sur l'annonce de Jean XXIII qui avait stupéfié les cardinaux réunis dans la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs. Il l'a fait dans une lettre en anglais adressée au père Dave Pivonka, président de l'Université franciscaine de Steubenville, université privée catholique américaine de l’Ohio, où se tenait le 10ème Symposium international sur l'ecclésiologie de Joseph Ratzinger.
Une occasion de «grand honneur et de joie» pour le Souverain pontife émérite qui, depuis le monastère Mater Ecclesiae où il réside depuis sa renonciation il y a une dizaine d'années, a pris la plume et remercié pour cet événement qui a inséré sa «pensée et effort dans le grand courant dans lequel il s'est mû», à savoir le Concile.
Sommaire
L'annonce du Concile[modifier]
«Lorsque j'ai commencé à étudier la théologie, en janvier 1946, personne ne pensait à un Concile œcuménique», commence Benoît XVI dans la lettre, diffusée dans son intégralité par la Fondation vaticane Joseph Ratzinger et lue au début des travaux du Symposium par son président, le père Federico Lombardi. «Lorsque le Pape Jean XXIII l'a annoncé, à la surprise générale, de nombreux doutes ont été émis quant à l'utilité, voire à la possibilité, d'organiser les réflexions et les questions dans l'ensemble d'une déclaration conciliaire et d'une déclaration d'une autre personne et de donner ainsi à l'Église une orientation pour la suite de son chemin. En fait, un nouveau Concile s'est avéré non seulement important, mais nécessaire».
«Une puissance positive» du Concile[modifier]
«Pour la première fois, écrit encore le Pape émérite, la question d'une théologie des religions s'était montrée dans sa radicalité. Il en va de même pour la relation entre la foi et le monde de la "simple raison"». Des thèmes qui, tous deux, «n'avaient jamais été envisagés de cette manière»: ceci explique, note le Pape émérite bavarois, «pourquoi le Concile Vatican II, au début, menaçait davantage de perturber et d'ébranler l'Église que de lui donner une nouvelle clarté pour sa mission».
Entre-temps, ajoute-t-il dans la lettre, la nécessité de reformuler la question de la nature et de la mission de l'Église est devenue progressivement évidente. De cette façon, «la puissance positive du Concile émerge aussi lentement».
Une dimension spirituelle plus ample[modifier]
Dans cette missive, le Pape émérite rappelle également comment son travail ecclésiologique a été marqué par la «nouvelle situation» créée dans l'Église en Allemagne après la fin de la Première Guerre mondiale. «Si jusqu'alors l'ecclésiologie avait été traitée essentiellement en termes institutionnels, désormais la dimension spirituelle plus large du concept d'Église était perçue avec joie». Les mots de Romano Guardini, auteur de référence pour le Pape bavarois, reviennent: «Un processus d'une immense importance a commencé. L'Église se réveille dans les âmes».
La doctrine augustinienne[modifier]
Benoît XVI rappelle le développement du concept de «Corps du Christ», cristallisé dans l'encyclique Mystici Corporis promulguée par Pie XII en pleine Seconde guerre mondiale, en juin 1943. Il mentionne également son mémoire sur le Peuple et la Maison de Dieu dans la doctrine augustinienne de l'Église, qu'il a approfondi lors du Congrès augustinien de Paris en 1954. Il rappelle ensuite la disputatio sur la signification de Civitas Dei qui «semblait définitivement réglée» et la dissertation de Heinrich Scholz, qui avait reçu l'approbation de l'opinion publique «qui assignait à l'Église et à sa foi une place belle, mais aussi inoffensive». «Quiconque ose détruire ce beau consensus ne peut être considéré que comme obstiné», écrit-il. Il souligne dans ce texte que «l'augustinisme médiéval était en effet une erreur fatale, qui aujourd'hui, heureusement, a été définitivement surmontée».
La juste compréhension de l'Église et du monde[modifier]
«Lors de Vatican II, la question de l'Église dans le monde est finalement devenue le véritable problème central», affirme le Pape émérite dans les dernières lignes de sa lettre. D'où le souhait que le Symposium de l'Université de Steubenville puisse être «utile dans la lutte pour une juste compréhension de l'Église et du monde à notre époque».