Catégories 2 - Aristote

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CHAPITRE VIII - DE LA QUALITÉ
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Définition de la qualité : qualité est un mot à plusieurs sens. 1° espèce de la qualité : Capacité et disposition : rapports et différences de l'une et de l'autre.

Les qualitatifs sont en général dénommés par dérivation des qualités: exceptions.

Propriétés de la qualité :

§ 1. J'appelle qualité ce qui fait qu'on dit des êtres qu'ils sont de telle façon. [1]

§ 2. Qualité, du reste, est un mot à plusieurs sens. [2]

§ 3. Ainsi la capacité et la disposition forment une première espèce de qualité. [3]

§ 4. La capacité diffère de la disposition en ce qu'elle est beaucoup plus durable, beaucoup plus stable; les sciences et les vertus sont dans le même cas. La science, en effet, paraît une des choses les plus stables, les plus inébranlables pour peu qu'on la possède, sauf le cas de maladie ou telle autre circonstance analogue qui détermine en nous un grand changement. Et dans l'ordre des vertus, la justice, par exemple, la sagesse ou toute autre vertu pareille, semblent quelque chose qui n'est ni facilement variable ni changeant. Les dispositions, au contraire, sont les qualités qui changent sans peine et se modifient rapidement. Ainsi la chaleur, le froid, la santé, la maladie et toutes choses pareilles. L'homme est dans un certain état selon ces dispositions diverses, et il peut changer subitement, de chaud devenant froid, passant de la santé à la maladie, [9b] et ainsi du reste. Mais si quelqu'une de ces dispositions même est, par sa longue durée, devenue en quelque sorte naturelle, irrémédiable ou tout à fait immuable, alors on peut l'appeler une véritable capacité. [4]

§ 5. Car il est clair que ce qui est plus durable et de changement plus difficile, doit être nommé capacité. Ceux qui ne possèdent pas complètement les principes des sciences, mais qui sont encore ébranlables sur bien des points, ne sauraient passer pour avoir une réelle capacité, bien qu'ils aient plus ou moins de dispositions pour la science. Ainsi, la disposition diffère de la capacité en ce que l'une est mobile, tandis que l'autre est plus durable et moins changeante. [5]

§ 6. Les capacités, du reste, sont aussi des dispositions; mais les dispositions ne sont pas nécessairement des capacités. Ceux qui ont acquis réellement des capacités sont constitués par elles dans une certaine disposition; mais ceux qui ont la disposition n'ont pas nécessairement et par cela seul une capacité.

§ 7. Une seconde espèce de la qualité est celle qui nous fait dire, par exemple, que les gens sont susceptibles d'être lutteurs, coureurs, bien portants ou malades; en un mot, tout ce qui est dénommé d'après la puissance ou l'impuissance physique. En effet, tous ces gens sont ainsi qualifiés, non point à cause d'une certaine manière d'être réelle, mais à cause de leur puissance ou de leur impuissance physique à faire aisément ou à ne pas souffrir. Par exemple, on appelle certaines gens lutteurs, coureurs, non parce qu'ils sont en une certaine disposition, mais parce qu'ils ont la puissance physique de faire aisément certains exercices. On appelle hommes sains ceux qui ont la puissance physique de ne pas souffrir aisément de tous les accidents fortuits; les valétudinaires, ceux qui sont par constitution impuissants à ne pas souffrir aisément de tous ces accidents. C'est dans le même sens qu'on appelle telle chose dure, telle autre molle; dure, parce qu'elle a la puissance de ne pas être divisée aisément; molle, parce qu'elle a l'impuissance de cette même qualité. [6]

§ 8. Un troisième genre de qualité se forme des qualités affectives et des affections. Telles sont la douceur, l'amertume, l'âcreté, et toutes les choses de même ordre; elles sont encore la chaleur, le froid, la blancheur, la noirceur. [7]

§ 9. Il est évident que ce sont là des qualités; pour les choses qui les reçoivent sont dites d'après elles être telles ou telles. Ainsi c'est parce que le miel reçoit la douceur qu'il est appelé doux: et le corps est dit blanc, parce qu'il reçoit la blancheur; et ainsi du reste. [8]

§ 10. Ces qualités sont appelées affectives, non pas parce que les choses qui les reçoivent seraient elles-mêmes [10a] affectées en rien ; car le miel, non plus que telle autre chose de ce genre, n'est pas appelé doux, parce qu'il est affecté d'une certaine façon; la chaleur, le froid ne sont pas appelés qualités affectives, parce que les corps qui reçoivent ces qualités éprouvent eux-mêmes une modification d'un certain genre. Mais elles sont dites qualités affectives, parce que relativement aux sensations qu'elles nous donnent, chacune de ces qualités produit une affection particulière; ainsi la douceur cause une affection sur le goût, la chaleur sur le toucher, et de même pour les autres. [9]

§ 11. La blancheur et la noirceur, en un mot les couleurs, ne sont pas appelées qualités affectives dans le même sens que les qualités précédemment nommées; mais c'est parce qu'elles proviennent elles-mêmes d'une affection. Il est évident en effet que souvent des affections produisent des changements de couleurs. La honte fait rougir, la crainte fait pâlir, et ainsi du reste. Que si l'on vient à éprouver une de ces affection par suite de causes toutes naturelles, on doit prendre alors aussi une couleur semblable; car la disposition qui se produisait à l'occasion de la honte dans les éléments du corps, peut bien être produite identiquement par un tempérament naturel, de sorte qu'une couleur de même genre soit causée par la nature.

§ 12. Toutes les modifications analogues qui prennent leur origine dans quelque affection permanente et invariable, se nomment donc des qualités affectives. Ainsi la blancheur et la noirceur sont dites des qualités, soit qu'elles résultent d'une constitution naturelle, parce qu'alors elles font que nous sommes qualifiés d'après elles de telle ou telle manière; soit qu'une maladie fort longue ou bien une chaleur brûlante, produisent ce même effet de blancheur ou de noirceur, et qu'alors ces deux qualités deviennent difficilement effaçables, ou même demeurent durant la vie entière de l'individu. Dans ce cas même, ce sont encore des qualités, puisque nous sommes encore qualifiés d'après elles. Toutes les modifications qui procèdent de causes aisément détruites, et dont les effets sont passagers, peuvent être appelées des affections, mais non des qualités; car elles ne peuvent déterminer une qualification pour l'individu. On ne dit pas qu'un homme est de couleur rouge, parce qu'il rougit de honte; on ne dit pas qu'un homme est de couleur pâle, parce qu'il pâlit de crainte; on dit plutôt qu'il est affecté d'une certaine manière. Ce sont donc là des affections, et non pas des qualités. [10]

§ 13. II y a également pour l'âme des qualités affectives et des affections; tout ce qui dès la naissance provient de quelques affections inébranlables, se nomme qualité. Par exemple, la fureur maniaque, la colère, etc., etc., parce qu'en effet on est qualifié d'après elles de furieux, de colérique. On en peut dire autant encore des déportements de divers genres qui ne sont pas de nature, mais qui, par d'autres circonstances, deviennent excessivement difficiles à changer, ou même tout à fait immuables. Eux aussi sont dits qualités parce que nous sommes qualifiés d'après eux. Mais on limite le terme d'affection aux modifications qui naissent de causes rapides et toutes passagères. Par exemple, si par suite d'un chagrin l'on devient plus irascible, on ne dit pas alors que l'individu qui est plus irritable sous l'impression du chagrin, soit un homme colère; on dit plutôt qu'il éprouve quelque souffrance. Ainsi ce sont là des affections, mais non des qualités. [11]

§ 14. Le quatrième genre de qualité, c'est la figure et la forme extérieure de chaque chose. C'est en outre la direction en ligne droite, en ligne courbe, et telle autre propriété analogue. Chacune de ces propriétés, en effet, suffit pour qualifier une chose. Être triangulaire ou quadrilatère, suffit pour qualifier une chose, et de même pour un objet droit, un objet courbe : et la forme suffit ainsi pour qualifier quoi que ce soit. [12]

§ 15. Rare et dense, rude et uni, sont des mots qui semblent indiquer encore quelque qualité; mais toutes ces choses semblent sortir en réalité des divisions de la qualité; car ces mots expriment plutôt la situation que peuvent avoir les parties d'un corps. Dense s'emploie quand ces parties sont rapprochées les unes des autres; rare, quand elles sont éloignées; uni, quand elles sont disposées en ligne plane; rude, quand au contraire l'une est élevée et l'autre déprimée. [13]

§ 16. Il peut y avoir encore quelque autre mode de la qualité; mais les modes qu'on vient de citer sont les principaux et les plus fréquemment employés. [14]

§ 17. Les qualités sont donc telles que nous les avons énoncées. [15]

§ 18. Quant aux objets qualifiés (qualitatifs), ce sont ceux qui sont nommés d'après ces qualités, soit par dérivation, soit de toute autre manière. [16]

§ 19. La plupart, et l'on peut dire presque tous, sont nommés par dérivation. Ainsi blanc vient de blancheur, grammatical de grammaire, juste de justice; et de même pour tous les autres. [17]

§ 20. Pour quelques-uns de ces objets, comme les qualités elles-mêmes n'ont pas de nom spécial, ils ne peuvent être nommés par dérivation de ces qualités. Ainsi coureur, lutteur, en tant que qualifications appliquées à une certaine faculté physique, ne sont pas formés  [11a] par dérivation d'une qualité, puisqu'il n'imite pas de mot pour exprimer les facultés d'après lesquelles on donne ces qualifications, de même qu'il en existe pour les sciences dont la pratique fait donner aux gens les noms de coureurs, de lutteurs. En effet, il existe une science qui reçoit le nom de Pugilat et de Palestre: et ceux qui s'y livrent reçoivent une qualification dérivée du nom de ces sciences. Parfois aussi, il arrive que même quand il existe un nom spécial pour la qualité, on ne qualifie pas l'objet par dérivation de cette qualité. [18]

§ 21. Ainsi honnête est le qualitatif de vertu, on nomme quelqu'un honnête parce qu'il a de la vertu ; mais son appellation ne dérive pas de vertu. Ce cas du reste n'est pas fréquent. [19]

§ 22. On peut donc dire que les qualitatifs sont les mots dénommés d'après les qualités, soit par dérivation, soit de toute autre manière.

§ 23. Les contraires existent aussi pour la qualité. Ainsi la justice est le contraire de l'injustice, la blancheur de la noirceur, et ainsi du reste. Ceci s'applique aussi aux qualitatifs formés d'après ces qualités. Par exemple, le juste est opposé à l'injuste; le blanc, au noir. [20]

§ 24. Cette propriété n'est pas cependant générale : ainsi, roux, pâle et telles autres couleurs pareilles, n'ont pas de contraire, quoique ce soient là aussi des qualitatifs. [21]

§ 25. Si l'un des deux contraires est qualitatif, l'autre le sera également; et cela devient évident, en interrogeant particulièrement les autres catégories. Soit, par exemple, la justice contraire à l'injustice, si justice est un qualitatif, l'injustice en sera aussi un; car aucune catégorie ne répondra à l'injustice, ni celle de la quantité, ni celle de la relation, ni celle du lieu, ni aucune autre, si ce n'est celle de la qualité. Cette observation s'applique à tous les contraires qui se rapportent à la qualité. [22]

§ 26. Les qualitatifs sont susceptibles de plus et de moins : une chose blanche est plus ou moins blanche qu'une autre; une chose juste est plus ou moins juste qu'une autre; et ces choses reçoivent individuellement une augmentation de qualité; car une chose blanche peut devenir plus blanche. [23]

§ 27. Si, du reste, ce s'est pas là le cas général, c'est du moins celui de la plupart des qualitatifs. Mais une justice est-elle plus ou moins justice? pourrait-on demander; et de même pour toutes les autres dispositions morales. Ces doutes, en effet, ont été élevés; on ne peut pas absolument dire qu'une justice soit plus ou moins justice, une santé plus ou moins santé; [11b] pourtant on peut dire que tel homme a moins de santé, moins de justice qu'un autre. Cette remarque peut s'étendre à la science de la grammaire, ou à toutes les autres facultés morales. Donc les choses qui sont dénommées d'après elles, sont incontestablement susceptibles de plus et de moins, puisqu'on dit de tel homme qu'il est plus grammairien, plus juste, moins pourtant, que tel autre, et ainsi du reste. [24]

§ 28. Un triangle, tout au contraire, ou un quadrilatère ou telle autre figure, ne paraît pas susceptible de plus ou de moins; car tout ce qui admet la définition de triangle ou de cercle, est cercle et triangle de la même façon; et quant aux choses qui ne l'admettent pas, elles ne sont triangle ni cercle, pas plus l'une que l'autre. En effet, un quadrilatère n'est pas plus un cercle que ne l'est un trapèze, puisque ni l'un ni l'autre n'admettent la définition du cercle. En général, à moins que les deux objets ne puissent admettre la définition de la chose en question, l'un ne pourra pas être dit plus que l'autre. Donc tous les qualitatifs ne reçoivent pas le plus et le moins. [25]

§ 29. Dans tout ce que nous avons dit jusqu'ici, il n'y a point encore de propriété spéciale à la qualité.

§ 30. Cette propriété spéciale aux qualités, est de pouvoir être dites semblables et dissemblables; une chose est semblable à une autre, parce qu'elle est qualifiée d'une certaine manière; donc, le propre de la qualité, c'est que semblable et dissemblable s'appliquent à elle. [26]

§ 31. Il ne faut pas craindre qu'on nous objecte ici qu'en voulant traiter de la qualité, nous y avons aussi compté bon nombre de relatifs, puisque les facultés et les dispositions faisaient, selon nous, partie des relatifs. [27]

§ 32. C'est que, dans presque tous ces cas, les genres se rapportent à la relation, et que les espèces particulières ne s'y rapportent pas. Ainsi, on peut dire de la science, qui est un genre à elle seule, qu'elle n'est ce qu'elle est que par une autre chose, puisqu'on dit la science d'une chose. Mais quant aux sciences spéciales, aucune n'est ce qu'elle est par une autre chose : ainsi la grammaire n'est pas dite la grammaire d'une chose, la musique n'est pas dite la musique d'une chose; et cependant par le genre dont elles font partie, elles sont, elles aussi, des relatifs; ainsi la grammaire est la science de quelque chose, et non pas la grammaire de quelque chose; la musique est la science de quelque chose, et non la musique de quelque chose. On voit donc que chacune de ces sciences en particulier n'appartient plus à la relation. Nous recevons d'autre part des qualifications d'après ces sciences particulières; car nous les possédons, et nous sommes appelés savants par cela seul que nous possédons quelques-unes de ces sciences en particulier. Ainsi prises spécialement, elles pourraient être considérées comme des qualités, puisque par rapport à elles, nous sommes dénommés de telle ou telle façon; mais par elles-mêmes, elles n'appartiennent pas à la relation. [28]

§ 33. Du reste, si une même chose peut être à la fois et de relation et de qualité, il n'y a rien d'absurde à la compter dans l'un et l'autre genre à la fois. [29]

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  1. § 1. Qu'ils sont de telle façon, Je n'ai pu rendre en français toute la symétrie du grec: et il aurait peut-être fallu dire : qu'ils sont qualifiés de telle façon.
  2. § 2. Est un mot à plusieurs sens, C'est le titre particulier, d'après les commentateurs, du 5e livre de la Métaphysique. Voir M. Ravaisson, Essai sur la Métaphysique, p. 111 et suiv.
  3. § 3. La capacité, J'ai préféré ce mot à celui d'habitude, qui aurait cependant eu l'avantage de se rapprocher plus de la forme du mot grec; c'est la première espèce de la qualité.
  4. § 4. La science... paraît une des choses les plus stables, Voir Derniers Analytiques, liv. 1, ch. 33.
  5. § 5. Plus ou moins de dispositions, Ou mieux : Qu'ils aient plus ou moins d'habileté dans la science dont ils s'occupent.
  6. § 7. Une seconde espèce de la qualité, C'est la puissance ou l'impuissance physique, l'adresse ou la maladresse naturelle, etc., selon Simplicius. Eudore soutenait que cette seconde espèce se confondait avec la première, Schol. p. 71. b, 33.
    - Une certaine manière d'être, Non point parce qu'ils sont actuellement de telle ou telle façon; mais parce qu'ils peuvent être ou ne peuvent pas être ordinaIrement de telle ou telle façon.
    - En une certaine disposition, Non parce qu'ils luttent ou qu'ils courent actuellement, mais parce qu'ils pourraient courir ou lutter, s'ils en avaient le besoin ou la volonté.
  7. § 8. Un troisième genre, Aristote prend ici le mot genre dans le sens d'espèce ; cette confusion est très fréquente.
    - Qualités affectives, en tant qu’elles affectent d'autres corps; affections, en tant qu'elles sont dans le corps même.
    - La noirceur, j'ai pris ce mot au physique, bien que ce sens soit réel.
  8. § 9. Telles ou telles. Le mot a comme plus haut un rapport complet de ressemblance avec le mot de qualité; voir la note du § 1 - Reçoit la douceur, pour réunir sa qualification de douceur.
  9. § 10. Parce que relativement aux sensations qu'elles nous donnent, On pourrait reconnaître ici le germe de la doctrine des qualités premières et secondes de la matière.
    - Elles proviennent elles-mêmes d'une affection, C'est tout au moins une comparaison singulière dont se sert Aristote. Les corps humains sont rouges ou blancs, semble-t-il dire, comme nous-mêmes nous devenons rouges de honte, ou pâles de crainte. Les qualités naturelles du corps sont comme les émotions morales en nous.
    - Une couleur du même genre soit causée par la nature, la nature agit dans le corps primitivement comme certaines émotions morales agissent sur l'homme, selon les circonstances diverses. Physiologiquement, ceci est encore à prouver.
  10. § 12. Permanente et invariable, Comme celle que la nature nous donne dès notre naissance et qui persiste durant notre vie entière.
    - Une chaleur brûlante, Comme pour les peuples du Midi.
    - Ce sont donc là des affections, Aristote distingue donc ici trois degrés : 1° les qualités affectives, qui viennent de la nature même, et qui font partie du tempérament: elles sont dès l'origine et persistent sans cesse: 2° les qualités affectives qui ne sont pas naturelles, mais qui sont en quelque sorte acquises par suite d'un accident ou d'une longue habitude; elles sont permanentes d'ailleurs comme les premières, ou ne peuvent que très difficilement disparaître : 3° les affections qui sont flottantes, passagères, et qui ne laissent pas de traces durables.
  11. § 13. ll y a également pour l'âme, Des qualités affectives du corps, il passe aux qualités affectives de l'âme ; et il y fait les trois distinctions, qu'il vient de dire pour le corps. - Causes rapides et passagères, l'édition de Berlin ne donne que l'un de ces mots dans le texte.
  12. § 14. Le quatrième genre, Genre est encore pris ici pour espèce, comme plus haut § 8.
    - La figure et la forme, Ces deux mots peuvent être considérés comme identiques; ou bien l'on peut comprendre, comme l'ont fait quelques commentateurs, que la figure s'applique aux figures mathématiques, et la forme aux choses naturelles. L'exemple cité plus bas du triangle et du quadrilatère semblerait justifier cette distinction.
  13. § 15. Expriment bien plutôt la situation, et rentrent par conséquence dans cette Catégorie, voir plus loin ch. 9, § 5, et plus haut ch. 4, § 1, et ch. 7, § 4.
  14. § 16. II peut y avoir encore quelque autre mode, II a terminé la Catégorie précédente de la relation par une remarque tout à fait pareille, ch. 7, § 29. Ces observations sembleraient indiquer que la rédaction de ce traité n'est pas achevée, et qu'Aristote songeait à y mettre une dernière main.
  15. § 17. Telles que nous les avons énoncées, C'est-à-dire, formant plusieurs espèces distinctes.
  16. § 18. Qualitatifs, C'est un mot que j'ai cru devoir forger, et qui se comprend sans peine : il répond à ce mot spécial en grec, et il est tout à fait indispensable, comme le prouveront les développement, qui suivent.
    - Soit par dérivation, paronymiquement : voir plus haut ch. 1, § 3 - Ou de tout autre manière, Quand il n'y a pas un nom analogue pour la qualité et le qualitatif.
  17. § 19. Presque tous, Il y a des exceptions, et il en cite dans les § § suivants.
  18. § 20. Il n'existe pas de mot, Il y en a plus en français qu'il n'y en a en grec.
    - Une qualification dérivée, la langue française n'a pas de mot de ce genre.
  19. § 21. Ainsi honnête est le qualitatif de vertu, En français le qualitatif de vertu, c'est vertueux : en grec, l'analogie n'existe pas, et l'adjectif est tout à fait différent du substantif. Je n'ai pu conserver exactement cette ressemblance dans notre langue et j'ai dû prendre le mot d'honnête qui, s'il ne correspond pas à vertu, pourrait correspondre à honneur, comme vertueux et vertu se correspondent. J'ai vainement cherché dans notre langue deux mots qui fussent dans un désaccord analogue à celui que présentent les deux mots grecs. La pensée du reste se comprend fort bien, et n'a pour ainsi dire pas besoin d'explication.
  20. § 23. Les contraires existent aussi, Première propriété de la qualité.
  21. § 24. Cette propriété n'est pas cependant générale, Ainsi elle n'appartient pas à la qualité omni et soli.
  22. § 25. Si l'un des deux contraires, Les commentateurs font ici une seconde propriété de la qualité. Je crois qu'on pourrait regarder cette observation comme la conséquence nécessaire de ce qui précède; et que ce n'est pas à vrai dire une propriété nouvelle : ce n'est que la suite et le complément de la première.
  23. § 26. Les qualitatifs sont susceptibles de plus et de moins, Seconde propriété de la qualité, ou troisième, si on veut compter la seconde comme les commentateurs le font. - Une augmentation de qualité, ou une diminution. Car la qualité étant susceptible de plus, et de moins peut avoir l'un ou l'autre.
  24. § 27. Qu'une justice soit plus ou moins justice, La qualité ne reçoit pas de plus et de moins : le qualitatif, l'objet ou l'être qualifié d'âpres cette qualité en reçoit. - Donc les choses, ou les êtres.
  25. § 28. Un triangle... ou un quadrilatère, Voilà des qualitatifs qui ne sont pas susceptibles de plus et de moins.
  26. § 30. Cette propriété spéciale aux qualités, Quatrième ou troisième propriété de la qualité, selon que l'on admet ou que l'on n'admet pas la seconde. C'est la propriété spéciale, omni et soli.
  27. § 31. Faisaient, selon nous, partie des relatifs, Voir plus haut, ch. 7, § 2.
  28. § 32. Se rapportent à la relation, Font partie de la catégorie de la relation comme pour les exemples cités plus bas.
    - Mais par elles-mêmes, Ou mieux par leur genre qui entre, il est vrai, dans leur définition essentielle.
  29. § 33. Dans l'un et l'autre genre, Dans l'une et l'autre catégorie. La science prise en elle-même et regardée comme une certaine disposition de l'esprit, est dans la catégorie de la qualité : considérée par rapport à l'objet auquel elle s'applique, elle est dans la catégorie de la relation. Rien n'empêche de la classer dans les deux catégories.


CHAPITRE IX - DES AUTRES CATÉGORIES
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§ 1. L'action et la passion admettent les contraires et le plus et le moins. [1]

§ 2. Echauffer en effet, est le contraire de refroidir; être chaud, d'être froid; être content, d'être chagrin; ainsi l'action et la passion reçoivent les contraires.  [2]

§ 3. Elles reçoivent également le plus et le moins: on peut échauffer plus ou moins, être chaud plus ou moins, être plus ou moins chagrin. Ainsi donc, l'action et la passion sont susceptibles de plus et de moins. [3]

§ 4. Je n'en dirai pas davantage sur ces deux catégories.

§ 5. Quant a celle de situation, il en a été question dans les relatifs, et l'on a dit qu'elle était exprimée par dérivation des positions mêmes. [4]

§ 6. Enfin, pour les autres catégories, le temps, le lieu, la manière d'être, comme elles sont parfaitement claires, on n'ajoutera rien à ce qu'on en a dit au début: à savoir, que la manière d'être, c'est, par exemple, d'être chaussé, d'être armé; et le lieu : dans le lycée, dans la place, etc., et autres explications déjà données. [5]

§ 7. La discussion précédente doit suffire en ce qui concerne les genres que nous nous étions proposé d'étudier. [6]

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  1. § 1. L'action et la passion, Dans renonciation des catégories, ch. 4, §1. il plaçait l'action et la passion en dernier lieu.
  2. § 2 Reçoivent les contraires, Première propriété de l'action et de la passion.
  3. § 3. Elles reçoivent également le plus et le moins, Seconde propriété de l'action et de la passion.
    - Etre plus ou moins chagrin, L'édition de Berlin rejette ces mots dans les variantes: ils sont certainement bien placés dans le texte, et ils correspondent au § précédent.
  4. § 5. Quant à celle de situation, Plus haut, ch. 4, § 1, elle est placée après le temps. - Il en a été question dans les relatifs, ch. 7, § 4.
  5. § 6. A ce qu'on en a dit au début, Voir plus haut, ch. 4, § § 1 et 2.
  6. § 7. En ce qui concerne les genres ou catégories.
    - Pour compléter cette discussion des catégories on peut voir d'abord sur la catégorie de la manière d'être ou possession, le dernier chap. des Catégories, puis le chap. 13 du cinquième livre de la Métaphysique, et pour la catégorie de la position le chap. 21 du même livre. Simplicius, Schol., p. 76, b, 45, fait remarquer qu'Aristote a traité tout au long de l'action et de la passion dans le livre de la Génération et de la destruction, du lieu et du temps dans les Leçons de physique, et de toutes les catégories en général dans la Métaphysique. Lévi, le commentateur d'Averroës, a essayé de suppléer à la concision d'Aristote et à celle d'Averroës, en développant tout au long les dernières catégories résumées ici. Voir l'édition d'Averroës, Venise, 1551.
    - On peut voir aussi les chap. 2, 3, 4, 5 du livre Gilbert de la Porrée sur les six principes, et le long commentaire d'Albert sur ce livre.



SECTION TROISIÈME - HYPOTHÉORIE
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CHAPITRE X - DES OPPOSÉS
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Quatre espèces d'opposés : les relatifs, les contraires, les opposés par possession et privation, et les opposés par affirmation et négation; exemples divers.

§ 1. Nous devons parler maintenant des opposés, et dire de combien de façons ils sont ordinairement opposés. [1]

§ 2. Une chose peut être opposée à une autre de quatre manières différentes; ou comme les relatifs ou comme les contraires, ou comme privation ou comme possession, ou enfin comme affirmation et négation. [2]

§ 3. Et pour donner des exemples, toutes ces choses sont opposées entre elles, ainsi qu'en fait de relatifs, le double l'est à la moitié; en fait de contraire, le bien au mal, en fait de privation et de possession, l'aveuglement et la vue; et enfin, en fait d'affirmation et de négation : il est assis, il n'est pas assis. [3]

§ 4. Tout ce qui est opposé comme relatif est dit ce qu'il est de la chose qui lui est opposée, ou il se comporte de toute autre manière : par exemple, le double est dit ce qu'il est, est dit le double d'une chose double que lui-même, il est le double de quelque chose. La science est opposée comme relatif à la chose qui doit être sue, et la science est dite ce qu'elle est de ce qui est su; la chose sue n'est dite ce qu'elle est que par rapport à un opposé, c'est-à-dire, à la science. En effet, la science qui est sue, est dite sue par quelque autre chose, par la science. [4]

§ 5. Toutes les choses donc qui sont opposées comme relatifs, sont dites ce qu'elles sont des choses qui leur sont opposées; ou ces choses ont entre elles un autre rapport quelconque de réciprocité.
Les choses opposées comme contraires ne sont pas du tout dites réciproquement les unes des autres ce qu'elles sont, bien qu'elles soient dites contraires les unes des autres. Ainsi le bien n'est pas appelé le bien du mal, mais le contraire du mal ; le blanc n'est pas dit le blanc du noir, mais le contraire du noir. Et c'est ainsi que ces oppositions diffèrent entre elles. [5]

§ 6. Toutes les fois que les contraires sont tels [13b] que l'un des deux doit de toute nécessité se trouver ou dans les choses qui les possèdent naturellement, ou dans celles auxquelles on les attribue, il n'y a pas d'intermédiaire entre eux. [6]

§ 7. Pour ceux au contraire dont l'un des deux ne doit pas nécessairement exister, il y a toujours quelque intermédiaire. [7]

§ 8. Ainsi la santé et la maladie sont par nature dans le corps de l'animal. De toute nécessité, l'une des deux, maladie ou santé, doit y être. De même aussi pair et impair sont des attributs du nombre, et il faut de toute nécessité que l'un ou l'autre, pair ou impair, soit au nombre. Ici, aucun intermédiaire, ni entre la santé et la maladie, ni entre le pair et l'impair. [8]

§ 9. Mais pour les contraires où l'alternative n'est pas nécessaire, il existe des intermédiaires: par exemple, blanc et noir sont des qualités naturelles du corps; mais il n'est pas indispensable que l'un ou l'autre appartienne au corps, puisque tout corps n'est pas nécessairement blanc ou noir. De même encore, on dit mauvais, bon, en parlant de l'homme et de tant d'autres choses; mais il n'est pas nécessaire que l'une de ces deux qualités soit dans les objets auxquels on peut les attribuer, puisque toutes choses ne sont pas nécessairement bonnes ou mauvaises. Aussi existe-t-il entre ces contraires-là des intermédiaires : par exemple, entre le blanc et le noir, il y a le gris et le pâle, et bleu d'autres nuances; entre le bon et le mauvais, ce qui n'est ni bon ni mauvais. [9]

§ 10. Parfois les intermédiaires ont des noms spéciaux : par exemple, le gris, le pâle et les autres nuances entre le noir et le blanc. Parfois il ne serait pas facile de donner un nom à l'intermédiaire, et alors on le détermine par la négation de l'un et l'autre extrême: par exemple, quand on dit d'une chose qu'elle n'est ni bonne ni mauvaise, ni juste ni injuste. [10]

§ 11. La privation et la possession se disent par rapport à une seule et même chose : par exemple, l'aveuglement et la vue se disent en pariant de l'œil Et en général c'est pour la chose même où la possession est une qualité naturelle, qu'on peut employer tour à tour l'une et l'autre. [11]

§ 12. Quand nous disons pour une chose susceptible de possession, qu'elle est affectée de privation, c'est qu'elle ne se trouve, ni dans la chose, ni dans le temps où elle doit naturellement se trouver. On dit d'un être qu'il est édenté, non pas par cela seul qu'il n'a pas de dents, ou qu'il est aveugle, non pas par cela seul qu'il n'a pas la vue, mais parce qu'il n'a ni dents ni vue, quand par sa nature il devrait avoir l'un et l'autre. Certains êtres, en effet, sont, au moment de leur naissance, privés de dents et de vue, et on ne les appelle pas pour cela édentés ou aveugles. [12]

§ 13. Être privé et posséder ne doivent pas être confondus avec privation ou possession. La possession c'est la vue; la privation, c'est l'aveuglement. Mais avoir la vue n'est pas la vue, être aveugle n'est pas l'aveuglement. L'aveuglement, en effet, est une privation : être aveugle, c'est être privé, ce n'est pas privation. Si l'aveuglement était la même chose qu'être aveugle, on pourrait attribuer l'un et l'autre au même objet. [13a] Or, on dit d'un homme qu'il est aveugle, mais l'on ne saurait dire qu'il est aveuglement. [13]

§ 14. Du reste, être privé et posséder paraissent opposés entre eux, comme le sont entre elles privation et possession : le mode de l'opposition est le même de part et d'autre; et de même que l'aveuglement est opposé à la vue, de même être aveugle est opposé à posséder la vue. [14]

§ 15. De même non plus ce qui tombe sous la négation et l'affirmation, ne doit pas être confondu avec la négation et l'affirmation: l'affirmation est un jugement affirmatif; la négation, un jugement négatif. Quant aux choses qui tombent sous l'une de ces deux énonciations, on ne saurait dire qu'elles sont des jugements; ce sont des choses. [15]

§ 16. Mais on peut dire que ces choses aussi sont opposées entre elles, comme la négation et l'affirmation. En effet, le mode de l'affirmation est identique; car de même que dans ces deux phrases : Il est assis, il n'est pas assis, l'affirmation est l'opposé de la négation, de même les choses exprimées dans ces deux énonciations sont opposées: Être assis, n'être pas assis. [16]

§ 17. On voit sans peine que la privation et la possession ne sont pas opposées entre elles, comme le sont les relatifs; car ici la chose n'est pas dite être ce qu'elle est de celle qui lui est opposée. La vue, par exemple, n'est pas la vue de l'aveuglement, et ne peut être dite de l'aveuglement de quelque autre façon que ce soit. Et de même l'aveuglement n'est pas dit l'aveuglement de la vue; car on dit que l'aveuglement est la privation de la vue, et l'on ne dit pas qu'il est l'aveuglement de la vue. [17]

§ 18. D'un autre côté, on sait que tous les relatifs s'appliquent à des choses réciproques : si donc l'aveuglement était un relatif, on pourrait employer réciproquement pour lui la chose à laquelle on le rapporte; mais il n'y a point ici de réciprocité pareille; on ne dit pas que la vue est la vue de l'aveuglement.

§ 19. De plus, voici qui démontre que les choses énoncées par privation et possession ne sont pas opposées entre elles comme le sont les contraires. D'abord, pour les contraires entre lesquels il n'existe pas de termes moyens, il est toujours nécessaire que l'un des deux existe dans les choses où il est placé par nature, ou bien dans celles auxquelles on l'attribue; et l'on se rappelle qu'il n'y a point d'intermédiaires pour les contraires dont l'un des deux doit nécessairement se trouver dans le sujet qui les reçoit. L'on a cité pour exemple la maladie et la santé, le pair et l'impair. On sait encore que, pour les contraires qui ont des intermédiaires, il n'y a pas nécessité que l'un ou l'autre soit dans tout le sujet: par exemple, il n'est pas nécessaire que tout sujet susceptible de blanc et de noir soit blanc ou noir, non plus que chaud ou froid. Rien en effet, ne s'oppose à ce qu'il n'y ait ici des intermédiaires. Souvenons-nous, de plus, qu'il y a des intermédiaires entre les contraires dont l'un ou l'autre ne doit pas exister nécessairement dans le sujet qui les reçoit, si ce n'est pourtant dans les choses qui n'ont qu'une seule qualité par nature: pour le fer par exemple, d'être chaud; pour la neige, d'être blanche. Pour ces choses-là, il faut de toute nécessité que l'un des deux contraires leur appartienne spécialement, et non pas l'un ou l'autre au hasard, puisque le feu ne peut être froid, et la neige ne peut pas davantage être noire.
Ainsi donc il n'est pas nécessaire [13b] que l'un ou l'autre de ces contraires appartienne à tout le sujet qui les reçoit; mais c'est nécessaire seulement, dans les choses qui naturellement n'ont qu'un seul des contraires; et alors ce contraire unique est en elles d'une manière déterminée, et non pas indifféremment. On le voit donc, tout ce que l'on a dit jusqu'ici est inapplicable à la privation et à la possession. D'abord, il n'est pas toujours nécessaire que l'une ou l'autre se trouve dans le sujet qui les peut admettre: ce qui naturellement n'a pas encore dû avoir de vue n'est pas appelé aveugle ou voyant. Ainsi donc la privation et la possession ne sont pas au nombre des contraires sans intermédiaire. Elles ne sont pas non plus de ceux qui ont des intermédiaires; car il faut toujours nécessairement que l'un d'eux se trouve dans tout l'objet qui les reçoit : ainsi, d'un objet fait par nature pour avoir actuellement la vue, on dit qu'il est aveugle ou qu'il a la vue, sans que positivement l'une de ces deux propriétés soit déterminée, l'une pouvant être aussi bien que l'autre, puisqu'il n'y a pas nécessité que l'être soit aveugle ou qu'il ait la vue, et qu'il peut indifféremment être l'un, ou avoir l'autre. Loin de là, dans les contraires qui ont des intermédiaires, on se rappelle qu'il n'y a jamais nécessité que l'un ou l'autre appartienne à tous les objets qui peuvent les admettre, mais ils peuvent appartenir à quelques-uns; et ces objets alors n'en ont qu'un seul d'une manière spéciale, et non pas indifféremment un des deux. Concluons donc qu'évidemment les choses énoncées par privation et possession, ne sont opposées entre elles d'aucune des deux façons dont les contraires peuvent l'être entre eux. [18]

§ 20. De plus, les contraires, dès qu'il y a un sujet qui les reçoit, peuvent se changer l'un dans l'autre, à moins que l'un des deux uniquement ne soit une nécessité physique, comme la chaleur dans le feu. En effet, l'homme bien portant peut devenir malade, le blanc peut devenir noir, le froid peut devenir chaud, le chaud peut devenir froid, le bon peut devenir mauvais; le mauvais peut devenir bon. Ainsi, l'homme pervers ramené à de meilleures habitudes, à de meilleurs conseils, peut s'amender en quelques points, quelque légers qu'ils soient; et s'il s'amende une fois, quelque peu que ce soit, il est évident qu'il changera complètement de conduite, ou qu'il recevra du moins une grande amélioration. Il acquiert de plus en plus de penchant à la vertu, et quelque légère que soit l'amélioration qu'il ait sentie dès le principe, il est probable qu'elle ne fera que s'accroître par le temps; et les progrès continuant toujours, il finira, à moins que le temps ne l'arrête, par arriver à une manière d'être totalement différente de la première. Mais pour la privation et la possession, il est impossible qu'elles se changent jamais l'une dans l'autre. De la possession il peut bien se faire un changement en privation; mais il n'y a pas de changement possible de la privation à la possession : quand on est une fois devenu aveugle, on ne recouvre pas la vue; un homme chauve n'est jamais devenu chevelu, un édenté n'a jamais fait de dents. [19]

§ 21. Les opposés qui le sont comme négation ou affirmation ne sont évidemment [14a] opposés d'aucune des façons qu'on a dites jusqu'ici; mais pour ces choses, et pour elles seules, il faut toujours nécessairement que l'une des deux soit vraie et l'autre fausse. [20]

§ 22. Dans les contraires, il n'est pas toujours nécessaire que l'un des deux soit vrai et l'autre faux, ni dans les relatifs, ni dans les choses de possession et de privation. Ainsi, la santé et la maladie sont des contraires, et cependant ni l'une ni l'autre n'est ni vraie ni fausse. Et de même pour le double et la moitié, qui sont opposés comme relatifs, ni l'un ni l'autre ne sont ni vrais ni faux, non plus que les choses de privation ou de possession, par exemple, la vue et l'aveuglement. En général, les mots pris isolément n'expriment ni vérité ni erreur, et les mots dont on vient de parler sont tous pris sans combinaison. [21]

§ 23. Toutefois, on pourrait croire que cette remarque s'applique surtout aux contraires exprimés avec combinaison de mots, et qu'ainsi : Socrate est bien portant est contraire à : Socrate est malade. Mais, même pour les contraires de ce genre, il n'est pas toujours nécessaire que l'un soit vrai, l'autre faux. Si Socrate existe, l'un sera vrai, et l'autre faux; si Socrate n'existe pas, ils seront faux tous les deux; puisqu'en effet si Socrate n'existe pas du tout, il ne peut être vrai, ni qu'il soit malade, ni qu'il soit bien portant. [22]

§ 24. Dans les choses de privation et de possession, quand l'objet n'existe pas, aucun des deux contraires n'est vrai; et quand l'objet existe, il ne s'ensuit pas toujours que l'un soit vrai et l'autre faux. Ainsi, Socrate y voit, Socrate est aveugle, sont deux propositions opposées comme possession et privation. En admettant que Socrate existe, il n'est pas nécessaire encore que l'un des deux soit vrai ou faux, puisque si le moment naturel de la possession n'est pas encore venu, tous deux sont faux; et si Socrate n'existe pas du tout, les deux assertions sont également fausses, qu'il est aveugle ou qu'il y voit. [23]

§ 25. Au contraire, pour la négation et l'affirmation, que l'objet existe ou n'existe pas, il faut que l'une soit fausse et l'autre vraie. Soit par exemple, l'affirmation : Socrate est malade, et la négation: Socrate n'est pas malade; si Socrate existe, il faut nécessairement que l'une soit vraie et l'autre fausse et il en est encore de même s'il n'existe pas : s'il n'existe pas, être malade est faux, n'être pas malade est vrai.  [24]

§ 26. Ainsi donc, les choses qui sont opposées, comme négation et affirmation, ont seules cette propriété spéciale que l'une des deux doit toujours être fausse ou vraie.

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  1. § 1. Andronicus rejetait cette dernière partie des Catégories. Le fameux Archytas avait fait sur les matières qui y sont traitées un ouvrage spécial, Simplicius, Schol., p. 81, a, 27, et b, 23.- Opposés est un terme plus général que contraires: il ne faut pus les confondre. Voir sur l'opposition le ch. 10 du liv. 5 de la Métaphysique.
  2. § 2. De quatre manières différentes. Qu'Il va étudier successivement dans le reste du chapitre. et comparer entre elles.
  3. § 3. Et pour donner des exemples, Aristote emploie ici la même expression qu'il a employée plus haut pour l'énonciation des catégories.
  4. § 4. Comme relatif est dit ce qu'il est de la chose, Voir pour la définition des relatifs, plus haut.
  5. § 5. Toutes les choses donc, Pacius fait ici un paragraphe, et j'ai cru devoir conserver sa division : mais il vaudrait mieux placer le Paragraphe un peu plus loin à l'alinéa suivant.
    - Les choses opposées comme contraires, Après avoir traité des relatifs, il passe ses contraires, seconde espèce des opposés. - Ne sont point dites réciproquement, Comme le père est le père du fils, le fils est le fils du père. - Ces oppositions, L'opposition par relatifs, l'opposition par contraires.
  6. § 6. Qui les possèdent naturellement, Comme sujets d'inhérence.
    - Auxquelles on les attribue, Comme sujets d'attribution. Voir plus haut, ch. 2, § 9, et la note.
    - Il n'y a pas d'intermédiaire entre eux, Ce sont les contraires immédiats.
  7. § 7. Il y a toujours quelque intermédiaire, Ce sont les contraires médiats.
  8. § 8. Ici aucun intermédiaire, Pacius fait remarquer que Galien distingua plus tard, comme médecin, un état intermédiaire entre la santé et la maladie, qu'il nomma état neutre. La citation d'Aristote n'en est pas moins juste : et le prétendu état neutre de Galien n'est qu'une nuance insaisissable de l'un ou l'autre extrême. Les extrêmes d'ailleurs sont ici également difficiles à déterminer.
    - Ni entre le pair et l'impair, Ici l'absence d'intermédiaire est plus évidente.
  9. § 9. Où l'alternative n'est pas nécessaire, Dans les cas où les deux contraires peuvent manquer simultanément.
    - Ce qui n'est ni bon ni mauvais, Voir le paragraphe qui suit.
  10. § 10. On le détermine par la négation, Comme il vient de le faire lui-même dans le paragraphe qui précède.
  11. § 11. La privation et la possession, Troisième espèce des opposés.
    - L'un et l'autre, La possession et la privation.
  12. § 12. Susceptible de possession, Ou mieux susceptible d'être possédée.
    - Qu'elle est affectée de privation, Que le sujet qui devrait posséder cette qualité en est privé.
    - Édenté. J'ai gardé ce mot, qui dans la langue de l'histoire naturelle à une autre signification, afin d'éviter une longue périphrase. La pensée d'ailleurs est fort claire. Édenté ne se dira pas d'un enfant qui vient de naître, parce que naturellement, à ce moment de la vie, l'enfant ne doit pas avoir de dents. On le dira au contraire fort bien d'un vieillard qui a perdu les siennes. - Ou qui est aveugle, Comme pour le petit chien qui vient de naître, on ne peut pas dire qu'il soit aveugle, bien qu'il ne voie pas: à cette époque de sa vie, il doit naturellement avoir les yeux fermés et n'y point voir.
    - Certains êtres, L'enfant, le petit chien, etc.
  13. § 13. Être privé et posséder, La remarque qui suit est vraie ; mais on ne voit pas bien comment elle est nécessaire ici : c'est peut-être pour préparer la remarque du § 15.
  14. § 14. De même que laveuglement, voilà le rapport de ressemblance après la différence.
  15. § 15. Ce qui tombe sous la négation, Les objets auxquels s'appliquent la négation et l'affirmation.
    - L'affirmation est un jugement, Ou, pour être plus approché du texte : une énonciation.
  16. § 16. On peut dire que les choses aussi, Comme plus haut, § 14, être privé et posséder sont opposés entre eux.
    - Être assis, n'être pas assis, Même remarque.
  17. § 17. On voit sans peine, Discussion sur la nature spéciale de l'opposition entre la privation et la possession. Elles ne sont pas opposées comme les relatifs; il sera prouvé au § suiv. qu'elles ne le sont pas comme les contraires.
    - De celle qui lui est opposée, Voir plus haut la définition vulgaire des relatifs, ch. 7, § 1. - De quelque autre façon que ce soit, Par un autre cas que le génitif.
    - On sait que les relatifs s'appliquent à des choses réciproques, C'est la troisième propriété des relatifs. Voir plus haut, ch. 7, § 9.
    - De réciprocité pareille, On ne dit pas plus la vue de l'aveuglement que l'aveuglement de la vue; mais l'un dit fort bien pour les relatifs : le père du fils, le fils du père.
  18. § 19. D'abord pour les contraires, Voir plus haut dans ce ch. § 6 et suiv., et au chapitre suivant les propriétés des contraires.
    - Et l'on se rappelle, Voir plus haut. § 8. - L'on a cité pour exemples, ibid.
    - On fait encore, Voir plus haut, § 9.
    - Souvenons-nous de plus, Pacius remarque avec raison que tous ces détails sont un peu prolixes, (utitur prolixitate, dit-il,) il est certain que ce § aurait pu être plus concis.
    - Ce qui naturellement n'a pas encore, Voir plus haut, § 12.
    - On se rappelle qu'il n'y a jamais nécessité, Voir plud haut. § 9.
  19. § 20. Comme la chaleur dans le feu, Voir le § précédent
    - On peut remarquer aussi une certaine abondance de mots dans ce  §.
    - Une fois devenu aveugle, Dans le sens rigoureux du mot.
  20. § 21. Les opposés qui le sont comme négation, Quatrième espèce des opposés Voir plus haut, § § 2 et 3.
    - Que l'une des deux soit vraie et l'autre fausse, Voilà le caractère spécial de cette opposition.
  21. § 22. Dans les contraires... Dans les trois espèces d'opposition autres que l'affirmation et la négation.
    - En général les mots pris isolément, C'est la pensée tout entière des Catégories. Voir plus haut, ch. 2, § 1. et ch. 4, § 1.
    - Dont on vient de parler, Les trois espèces d'opposition différentes de l'affirmation et de la négation.
  22. § 23. Avec combinaison de mots, An lieu de considérer les mots dans leur isolement, comme on le fait dans tout ce traité.
  23. § 24. Dans les choses de privation et de possession, Après les contraires exprimés par des mots combinés, formant une proposition, il examine de même les opposés par privation ou possession exprimés aussi dans une proposition en forme.
  24. § 25. Ainsi donc. Propriété spéciale des opposés par négatifs et affirmation, et qui les distingue de tous les autres.


CHAPITRE Xl - DES CONTRAIRES
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Exemples divers de contraires. - Un contraire peut exister sans l'autre. - Le sujet des contraires est le même, soit en espèce, soit en genre. - Les contraires doivent être ou dans le même genre, ou dans des genres contraires, ou former eux-mêmes des genres contraires.

§ 1. Le mal est nécessairement contraire au bien; et cela est évident en parcourant les cas particuliers. La maladie est contraire à la santé, la justice [16b] à l'injustice, le courage à la lâcheté; et ainsi du reste. [1]

§ 2. Mais si le bien est le contraire du mal, parfois aussi le mal est le contraire du mal : par exemple, le luxe qui est un mal, est le contraire de la misère qui est un mal aussi; et de même l'aisance, la médiocrité, qui est contraire à l'un et à l'autre, est un bien. Ceci, du reste, s'applique à un fort petit nombre de cas; dans la plupart, c'est le bien qui est le contraire du mal. [2]

§ 3. En outre dans les contraires, l'existence de l'un n'entraîne pas nécessairement celle de l'autre. Si tout le monde se porte bien, la santé existera et la maladie n'existera point; et de même si tous les objets sont blancs la blancheur existera et la noirceur n'existera pas. [3]

§ 4. II y a plus; si « Socrate se porte bien » est contraire à « Socrate est malade », comme il n'est pas possible que les deux choses existent à la fois dans le même individu, il est impossible aussi que l'un des contraires existant, l'autre existe aussi; car si ce fait : « Socrate se porte bien », existe, cet autre fait : « Socrate est malade », n'existe pas. [4]

§ 5. II est évident que les contraires sont naturellement applicables à un objet identique, soit en genre soit en espèce. Ainsi, la maladie et la santé sont naturellement placées dans le corps de l'animal; la blancheur et la noirceur ne peuvent être non plus que dans le corps, la justice et l'iniquité, que dans le cœur de l'homme. [5]

§ 6. Il faut nécessairement pour tous les contraient qu'ils soient ou dans des genres contraires, ou dans le même genre, ou enfin qu'ils soient eux-mêmes des genres. Noir et blanc appartiennent à un même genre, puisque la couleur est le genre de tous les deux: justice et iniquité sont dans des genres contraires; car le genre de l'un c'est la vertu, celui de l'autre c'est le vice. Enfin, le bien et le mal ne sont pas dans un genre, mais ils sont eux-mêmes genres de certaines choses. [6]

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  1. § 1. Le mal est nécessairement, Pacius fait de cette remarque une première propriété des contraires. Cette distinction n'est pas très juste et je ne crois pas devoir l'adopter.
  2. § 2. Mais si le bien est le contraire du mal, Seconde propriété des contraires suivant Pacius ; elle n'est pas plus réelle que la première.
    - De même l'aisance est un bien, On reconnaît là cette théorie morale d'Aristote, qui place la vertu, le bien, entre deux vices, deux maux extrêmes. Voir la Morale à Nicomaque, liv. II, ch. 6, 7 et 8.
  3. § 3. En outre, dans les contraires, Pacius reconnaît ici une troisième propriété des contraires; j'en ferais plutôt la première, les deux autres n'étant pas vraiment des propriétés.
    - Si tout le monde se porte bien, Il faut remarquer qu'il ne s'agit ici que des contraires simples une combinaison : la santé, la maladie.
  4. § 4. II y a plus, si Socrate se porte bien, Il s'agit ici de contraires combinés, c'est-à-dire, représentés par des propositions entières.
  5. § 5. Il est évident que les contraires, On pourrait faire de ceci une seconde propriété des contraires : c'est la cinquième pour Pacius.
  6. § 6. Il faut nécessairement Troisième propriété des contraires, la sixième pour Pacius.
    - Il faut rapprocher de ce chapitre et du précédent le chap. 10 du 5ème liv. de la Métaphysique où sont résumées la théorie des opposés et celle des contraires


CHAPITRE XII - DE LA PRIORITÉ
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Quatre espèces principales de priorité :

1° relativement au temps;
2° relativement à la non-réciprocité;
3° relativement à l'ordre;
4° relativement au mérite.

On peut distinguer encore une cinquième espèce de priorité, la priorité de nature.

§ 1. Une chose peut être antérieure à une autre de quatre façons différentes. [1]

§ 2. D'abord et de la manière la plus spéciale, relativement au temps, d'après lequel une chose est dite plus vieille ou plus ancienne qu'une autre. En effet, par cela seul qu'il s'est écoulé un espace de temps plus considérable, la chose est appelée plus vieille, plus ancienne. [2]

§ 3. En second lieu, la priorité appartient à toutes les choses qui ne rendent pas réciproquement la consécution d'existence. Ainsi, un précède deux, parce que deux existant, il s'ensuit sur-le-champ qu'un existe; tandis qu'un existant, il ne s'ensuit pas nécessairement que deux existe; et l'un ne suit pas réciproquement l'existence du reste. Ainsi donc, une chose semble être première quand il n'en sort pas réciproquement l'existence d'une autre. [3]

§ 4. En troisième lieu, l'idée de priorité s'applique à un ordre quelconque, comme dans les sciences et dans les discours. Dans les sciences démonstratives, il y a la priorité et la postériorité selon un certain ordre: ainsi, les éléments précèdent en [15a] ordre les démonstrations de géométrie; et dans la grammaire, les lettres précèdent les syllabes. Et de même dans les discours, l'exorde est selon l'ordre avant la narration. [4]

§ 5. Outre ces priorités qu'on vient d'énumérer, on peut dire encore que le mieux, le plus honorable, tient par nature le premier rang: c'est ainsi que l'on dit généralement que l'homme qu'on estime le plus, qu'on aime le plus, est le premier des hommes. Mais de tous les modes de priorité, ce dernier est le moins commun. [5]

§ 6. Tels sont, à peu près, tous les modes de priorité.

§ 7. Mais peut-être pourrait-on croire qu'outre tous ceux-là il en existe encore un autre. Ainsi, dans les choses qui se rendent réciproquement la présupposition d'existence, celle qui d'une façon quelconque est cause de l'existence de l'autre, semblerait naturellement devoir être appelée première. Or, il est évident qu'il y a certaines choses de ce genre. Par exemple, quand on dit: L'homme existe, il y a rapport réciproque entre l'existence de l'homme, et le jugement vrai qu'on énonce sur cette existence; en effet, si l'homme existe, le jugement par lequel nous déclarons que l'homme existe est vrai. Et la réciproque n'est pas moins juste; car si le jugement par lequel nous déclarons que l'homme existe est vrai, l'homme existe aussi véritablement. Mais un jugement, quelque vrai qu'il puisse être, n'est pas cause qu'une chose est; et la chose, au contraire, semble lire en quelque sorte la cause de la vérité du jugement, puisqu'en effet, c'est selon que la chose est ou n'est pas que le jugement est faux ou vrai. [6]

§ 8. Ainsi donc, l'on peut dire de cinq façons qu'une chose est antérieure à une autre.

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  1. § 1. Une chose peut être antérieure à une autre, Voir le 5e livre de la Métaphysique, ch. 2, où la priorité et la postériorité sont divisées autrement qu'ici et moins nettement.
  2. § 2. Une chose est dite plus vieille, La guerre de Troie est antérieure à la guerre Médique, exemple cité au ch. Il du 5e livre de la Métaphysique.
  3. § 3. Qui ne rendent pas réciproquement la consécution d'existence, Les exemples que cite Aristote obscurcissent la pensée. Je n'ai pu trouver une traduction plus claire que celle que j'ai donnée. - Réciproquement l'existence d'une autre, Qui implique l'existence de la première.
  4. § 5. Dans les sciences démonstratives, Les mathématiques, comme le prouve l'exemple cité plus bas.
    - Les démonstrations de géométrie, Ou, comme le texte dit, les figures qui servent en géométrie pour faire les démonstrations.
    - L'exorde est selon l'ordre, Voir la Rhétorique, liv. III ch. 14.
  5. § 5. Outre ces priorités, Quatrième espèce de la priorité.
  6. § 7. Mais peut-être pourrait-on croire, Cinquième espèce de la priorité : la réalité est antérieure au jugement qui l'énonce. Simplicius affirme que, dans d'autres ouvrages, Aristote énonçait beaucoup plus d'espèces de priorité qu'il ne fait ici, et que Straton, dans sa monographie sur l'antérieur et le postérieur, en distinguait aussi bien davantage. Schol., p. 89, a, 40 et p. 90, a, 12.


CHAPITRE XIII - DE LA SIMULTANÉITÉ
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Trois espèces de simultanéité :

1° en temps;
2° par nature;
3° par division spécifique.



§ 1. On dit en général, et dans le sens le plus spécial du mot, que deux choses coexistent quand leur existence a lieu dans le même temps. L'une n'est pas antérieure, ni l'autre postérieure; elles sont dites exister à la fois dans le temps. [1]

§ 2. On appelle simultanées par nature, les choses qui se rendent réciproquement la présupposition d'existence, sans que l'une soit cependant pour l'autre cause d'existence. Tels sont, par exemple, le double et la moitié; car ces deux choses sont réciproques; parce que dès que le double existe, la moitié existe; et que réciproquement, la moitié existant, le double existe aussi; mais l'un n'est pas la cause de l'existence de l'autre. [2]

§ 3. Les choses d'un même genre, mais placées dans des divisions différentes les unes des autres, sont dites aussi simultanées par nature. Placées dans des divisions différentes les unes des autres, se dit des choses comprises dans une même division: par exemple, le volatile est divisé par opposition en terrestre et en aquatique; terrestre et aquatique, en effet, sortis du même genre, sont des divisions opposées l'une à l'autre. L'animal se divise, en effet, en toutes ces classes : en volatile, en terrestre, en aquatique; et de toutes ces choses, aucune n'est antérieure ou postérieure à l'autre ; elles coexistent naturellement. [15b] Au reste, chacun de ces genres pourrait encore se décomposer en espèces diverses, le volatile aussi bien que le terrestre et l'aquatique. On appelle donc simultanées par nature les choses sortant d'un même genre, et comprises dans une même division. [3]

§ 4. Les genres, du reste, précèdent toujours les espèces; car ils ne rendent pas réciproquement la superposition d'existence. Par exemple, du moment que l'espèce aquatique existe, le genre animal doit exister; mais l'animal peut exister sans qu'il y ait nécessité que l'aquatique existe. [4]

§ 5. Ainsi donc, on appelle simultanées par nature, des choses qui, réciproques quant à la supposition d'existence, ne sont pas causes d'existence l'une pour l'autre, et les choses d'un même genre, séparées par divisions opposées entre elles. D'une manière générale, on appelle simultanées, les choses dont l'existence se produit dans le même temps. [5]

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  1. § 1. On dit en général, La simultanéité la plus ordinaire est celle qui est considérée dans le temps.
  2. § 2. Qui se rendent réciproquement la présupposition, Voir au ch. précédent, § 3. - Par nature, Ou dans la nature.
  3. § 3. Sont dites aussi simultanées par nature, L'expression d'Aristote est la même qu'au paragraphe qui précède. La formule est pareille, mais les choses qu'elle comprend sont différentes : Ici, les divisions opposées d'un même genre: là, des choses réciproques l'une à l'autre. II faut soigneusement faire cette distinction.
  4. § 4. Les genres précèdent toujours les espèces, Logiquement parlant: l'exemple donné fait bien comprendre la pensée.
  5. § 5. Ainsi donc on appelle, Résumé des diverses espèces de simultanéité développées dans tout ce chapitre


CHAPITRE XIV - DU MOUVEMENT
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Six espèces de mouvement : rapports et opposition de ces espèces entre elles.

§ 1. On distingue six espèces de mouvement: naissance ou génération, destruction, accroissement, décroissement, modification, déplacement dans le lieu. [1]

§ 2. Évidemment tous ces mouvements diffèrent entre eux : la naissance n'est pas la destruction; l'accroissement n'est pas le décroissement, non plus que le déplacement, et ainsi du reste. [2]

§ 3. Quant à la modification, on peut demander s'il n'est pas toujours nécessaire que ce qui est modifié le soit selon un des autres mouvements. [3]

§ 4. Mais cette supposition n'est pas juste. Dans toutes nos sensations, ou du moins dans la plupart, il arrive que nous sommes modifiés sans qu'aucun autre mouvement ne vienne nous affecter. II n'est pas nécessaire, en effet, que ce qui est mû par une sensation s'accroisse ou diminue, ni qu'il éprouve aucun des autres mouvements. Ainsi donc la modification est bien réellement un mouvement d'espèce différente de toutes les autres. Si elle n'était qu'un mouvement de même nature, il faudrait que sur-le-champ la chose modifiée s'accrût ou diminuât, ou éprouvât un des autres mouvements; or, il n'en est rien. [4]

§ 5. Et de même, il faudrait que ce qui croît ou est affecté de tout autre mouvement fût aussi modifié; mais il est des choses qui croissent sans être modifiées : par exemple, un quadrilatère, si on lui applique le gnomon, devient il est vrai plus grand, mais il n'est pas autre chose qu'un quadrilatère. Ceci peut être dit de toutes les choses du même genre, etc. Ainsi, tous ces mouvements sont différents les uns des autres. [5]

§ 6. D'une manière absolue, le repos est contraire au mouvement; mais chaque mouvement spécial est contraire à un autre mouvement spécial : la destruction à la génération, le décroissement à l'accroissement; le repos dans le lieu au déplacement dans le leu. Le déplacement dans un lieu contraire, pourrait plus que les autres mouvements sembler une modification : par exemple, le déplacement en haut est opposé au déplacement en bas, et réciproquement. Mais pour la modification, le dernier des mouvements énoncés, il ne serait pas facile de dire ce qui est son contraire. Rien, en effet, ne paraît lui être contraire à moins qu'on ne lui oppose le repos avec telle qualité ou bien le changement de la qualité dans son contraire; de même qu'au déplacement dans le lieu, on oppose le repos dans le lieu, ou le changement dans le sens contraire. [6]

§ 7. La modification, en effet, est aussi un changement de qualité : ainsi, le repos dans une qualité ou bien le changement dans le contraire de cette qualité sera opposé au mouvement dans la qualité; ainsi devenir blanc sera opposé à devenir noir; car alors, l'objet est modifié, parce que le qualitatif vient à changer en ses contraires. [7]

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  1. § 1. On distingue six espèces de mouvement, Voir la théorie générale du mouvement dans les Leçons de Physique, liv. 5 et suiv., et dans la Métaphysique, liv. Il. chap. 12, et liv. 12. ch. 7.
    - Modification, Ou altération, l'action de devenir autre. J'ai préféré le mot de modification comme plus général. Celui d'altération présente en français un sens trop spécial, et par conséquent infidèle.
  2. § 2. Différent entre eux, Quelques-uns sont contraires les uns des autres. Voir plus bas, § 6.
  3. § 3. Quant à la modification ou altération.
  4. § 4 Cette supposition n'est pas juste, La modification ou altération est une espèce toute particulière du mouvement, qui ne peut se confondre avec aucune autre.
  5. § 5. Si on lui applique le gnomon, Si l'on prolonge la diagonale d'un carré d'une quantité égale à elle-même, et qu'on abaisse de l'extrémité de ce prolongement des parallèles à chacun des côtés, la portion de figure ainsi ajoutée à la figure primitive est ce qu'on appelle un gnomon. On a formé ainsi un carré nouveau égal à quatre fois le premier carré. Le quadrilatère est donc accru, mais les parallèles mêmes n'ont fait que l'accroître sans changer sa figure: il est toujours quadrilatère, et carré, par exemple, s'il l'était d'abord. La dimension est changée : la forme n'est pas modifiée, altérée : elle n'est point autre. Albert donne deux explications du gnomon d'après Euclide et d'après Boèce.
  6. § 6. D'une manière absolue, En général, et sans poser aucune limitation à l'expression.
  7. § 7. Le qualitatif, Voir pour la justification de ce mot, plus haut. ch. 8, § 18.


CHAPITRE XV - DE LA POSSESSION
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Huit espèces principales de la possession ; exemples.

§ 1. Avoir, s'emploie de plusieurs façons. [1]

§ 2. D'abord comme manière d'être, disposition ou toute autre qualité : on dit, en effet, qu'un homme a de la science, de la vertu. [2]

§ 3. En second lieu, comme quantité, par exemple, la taille que quelqu'un a ; car on dit qu'il a trois coudées, quatre coudées. [3]

§ 4. Ou bien relativement à ce qui entoure le corps : on dit que quelqu'un a un manteau, un vêtement. [4]

§ 5. Ou par rapport à ce qui est dans une partie du corps : comme on dit que quelqu'un a un anneau à la main.

§ 6. Ou même relativement à une partie du corps : on dit que quelqu'un a un pied, une main.

§ 7. Ou par rapport à ce qui est dans un vase, comme on dit que le médimne a du grain, la cruche du vin; car on dit fort bien que le médimne a du grain, que la cruche a du vin. Et toutes ces mesures sont dites avoir quelque chose en tant que vase. [5]

§ 8. Ou enfin comme propriété; car on dit que quelqu'un a une maison, un champ. [6]

§ 9. On dit encore d'un homme, qu'il a une femme, d'une femme qu'elle a un mari; mais ce mode de possession paraît le plus éloigné de tous; car ordinairement avoir une femme ne signifie pas autre chose que cohabiter avec elle. [7]

§ 10. Il y a peut-être encore d'autres modes de possession; mais nous avons énuméré tous ceux à peu près qu'on emploie le plus habituellement. [8]

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  1. § 1. Avoir, Comparez plus haut la catégorie de la qualité ch. 4, § 2, ch. 9, § 6 et dans ma Métaphysique chapitre 23 du livre 5e.
  2. § 2. Par toute autre qualité, la catégorie de la possession est appliquée à celle de la qualité.
  3. § 3. En second lieu comme quantité, ou bien elle est appliquée à celle de la quantité.
  4. § 4. On dit que quelqu'un a un manteau, Voir plus haut, ch. 4, § 2, l'exemple cité.
  5. § 7. Par rapport à ce qui est dans un vase, La catégorie de la possession est appliquée ici à celle du lieu.
  6. § 8. Comme propriété, Et à celle de la relation.
  7. § 9. Cohabiter avec elle, Pacius s'indigne qu'Aristote réduise le mariage à la cohabitation, et il le traite de païen. C'est mal comprendre ce passage. Aristote ne dit pas que le mariage ne soit que la cohabitation, comme le pense le commentateur. Voir T. VI, 7, 3.
  8. § 10. Il y a peut-être encore, On aurait pu attendre ici un résumé de tous le traité des Catégories.