Cinq degrés de l'humilité

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Des cinq degrés d’humilité – Saint François de Sales

Francois Dupas - Jan 09, 2019
Saint François de Sales spiritualité

Le premier degré de l’humilité c’est la connaissance de soi-même, c’est-à-dire lorsque, par le témoignage de notre propre conscience et par la lumière que Dieu répand dans notre esprit, nous connaissons que nous ne sommes rien que pauvreté, que misère et abjection. Cette humilité ici, si elle ne passe pas plus avant, elle n’est pas grande chose, et en effet elle est fort commune ; car il se trouve peu de personnes qui vivent avec tant d’aveuglement qu’ils ne connaissent assez clairement leur vileté, pour peu de considération qu’ils fassent ; mais néanmoins, si bien ils sont contraints de se voir pour ce qu’ils sont, ils seraient extrêmement marris si quelque autre les tenait pour tels. C’est pourquoi il ne faut pas s’arrêter là, ainsi passer au second degré, qui est la reconnaissance ; car il y a différence entre connaître une chose et la reconnaître.

La reconnaissance donc, c’est de dire et publier, quand il en est besoin, ce que nous connaissons de nous ; mais cela s’entend de le dire avec un vrai sentiment de notre néant, car il s’en trouve une infinité qui ne font autre chose que s’humilier en paroles. Parlez à une femme la plus vaine du monde, à un courtisan de même humeur, dites-leur voir : Mon Dieu, que vous êtes brave, que vous avez de mérites ! Je ne vois rien qui approche de votre perfection. — O Jésus, vous répondront-ils, excusez-moi, je ne vaux rien et ne suis que la misère même et imperfection ; mais cependant ils sont extrêmement aises de s’entendre louer, et encore plus si vous le croyez comme vous le dites. Voilà donc comme ces termes d’humilité ne sont que sur le bout des lèvres et ne partent nullement de l’intime du coeur ; car si vous les preniez au mot sur leurs fausses humiliations, ils s’en offenseraient et voudraient que tout sur-le-champ on leur fît réparation d’honneur. Or, de tels humbles Dieu nous en défende.

Le troisième degré est d’avouer et confesser notre vileté et abjection quand les autres la découvrent : car souventes fois nous disons bien nous-mêmes que nous sommes pervers et misérables, mais nous ne voudrions pas qu’un autre nous devançât en cette déclaration ; et si on le fait, non seulement nous n’y prenons pas plaisir, mais de plus nous nous en piquons, ce qui est une vraie marque que notre humilité n’est pas parfaite ni de la fine. Il faut donc avouer franchement et dire : Vous avez raison, vous me connaissez extrêmement bien. Et ce degré ici est déjà fort bon.

Le quatrième c’est d’aimer le mépris et se réjouir quand on nous déprime et avilit ; car, quelle apparence de tromper l’esprit d’autrui ? il n’est pas raisonnable. Puisque nous avouons que nous ne sommes rien, il faut être bien aises que l’on le croie, que l’on le dise et que l’on nous traite comme vils et misérables.

Le cinquième, qui est le dernier et le plus parfait de tous les degrés d’humilité, c’est non seulement d’aimer le mépris, mais de le désirer, de le rechercher et s’y complaire pour l’amour de Dieu : et ceux qui parviennent ici sont bien heureux, mais le nombre en est fort petit. Notre-Seigneur le veuille accroître de vingt-cinq ou trente filles qui lui soient dédiées en cette petite Congrégation. Ainsi soit-il.