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ANALOGIE

Écrit par

  • Alain de LIBERA : agrégé de philosophie, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses), chaire histoire des théologies chrétiennes dans l'Occident médiéval
  • Pierre DELATTRE : chef du groupe de biologie théorique au Commissariat à l'énergie atomique, responsable de l'école de biologie théorique du C.N.R.S.


La notion d'analogie a connu une telle fortune qu'il semble presque impossible de lui conférer une définition dépourvue d'équivoque. Son usage premier, en mathématique pythagoricienne, ne présageait aucun glissement : elle était la formule ramenant des termes inégaux proportionnellement comparés à une identité de rapport (a/b = c/d). Pourtant, cette capacité à produire l'unité au travers de la pluralité en inscrivant des éléments isolés dans une continuité logique explique son extension aux autres champs de connaissance, ainsi que les déconvenues d'une pensée de la comparaison développée au-delà de toute raison à l'heure de la critique kantienne et des sciences expérimentales. Les deux études qui suivent se situent respectivement en amont et en aval de cette crise. Mais elles n'épuisent pas une notion où travaille cette fonction intime de langage qui ne peut s'empêcher de créer lors même qu'elle prétend seulement redire les choses rationnellement.

La tradition antique et médiévale[modifier]

L'histoire du concept philosophique d'analogie, dont la théorie de l'« analogie de l'être » est un moment essentiel mais non exclusif, peut être aujourd'hui retracée indépendamment des deux modèles de description qui ont longtemps prévalu dans la tradition historiographique de l'« aristotélisme médiéval » : l'interprétation strictement « aristotélicienne » et l'interprétation « aristotélico-thomiste ». Cette révision critique est fondée sur deux thèses : la théorie de l'analogie de l'être n'est pas une théorie originairement aristotélicienne, c'est une création des commentateurs d'Aristote, sa variété dominante, la théorie dite « aristotélico-thomiste » de l'analogie, étant, quant à elle, une création de la néo-scolastique et du néo-tomisme ; si le concept d'analogie a essentiellement joué son rôle philosophique dans le cadre de la problématique de l'unité du sujet de la métaphysique, d'autres problématiques de l'analogie ont été développées au Moyen Âge, tantôt dans un cadre strictement sémantique, tantôt dans une perspective rigoureusement théologique.

La formulation médiévale du concept d'analogie de l'être est un phénomène tardif qui a été préparé par une longue suite de médiations et de transferts. Son point de départ est la théorie porphyrienne de l'homonymie transmise par Boèce et les Decem Categoriae du pseudo-Augustin (Paraphrasis Themistiana). Sa construction effective, qui a pris plusieurs siècles, s'est déroulée en deux grandes étapes : l'utilisation sous le nom d'analoga d'un nouveau type de termes (emprunté à Avicenne et à al-Ghazālī), les convenientia ou ambigua, dans le rôle d'intermédiaire entre « synonymes » et « homonymes » stricts imparfaitement tenu jusqu'alors par les « paronymes » d'Aristote ; l'interprétation de cette relation de « convenance » dans le sens d'une « analogie d'attribution extrinsèque » forgée à partir d'éléments empruntés à la lecture averroïste du livre IV de la Métaphysique d'Aristote.

Une fois connue la thèse averroïste du « non-être de l'accident », cette théorie a été l'occasion d'un affrontement particulier entre partisans et adversaires de la critique thomiste de la position averroïste. Dans le cours de cette discussion, typique de la fin du xiiie siècle et du début du xive, on a opéré un retour indirect, par le biais du commentaire sur les Catégories de Simplicius, aux formulations porphyriennes originales, mais transposées et retraduites dans les termes de la nouvelle problématique. La théorie de l'analogie de l'être est donc un produit de l'exégèse philosophique médiévale, fondé sur une suite de manipulations de la pensée d'Aristote qui a suivi le rythme des traductions de l'œuvre aristotélicienne et de ses interprétations grecques et arabes.

Cette « création » n'aurait sans doute pas eu l'importance qu'elle a revêtue dans l'histoire de la philosophie du Moyen Âge si, outre la problématique de l'unité du sujet de la métaphysique, ses propres origines ne lui avaient pas fait croiser également le problème du statut ontologique de l'accident et celui de la prédication des termes accidentels concrets.

Quelle qu'ait été son importance philosophique ultérieure, l'histoire du concept d'analogie ne se réduit pourtant pas à celle du concept d'analogie de l'être. Le concept d'analogie intervient dans une pluralité de domaines qui ont été progressivement coordonnés avant d'être plus ou moins absorbés dans les problématiques métaphysiques générales des xiiie et xive siècles. Ces domaines sont les catégories, les transcendantaux, l'ambiguïté, les théophanies. Les trois premiers sont solidaires de l'histoire de l'interprétation d'Aristote, le quatrième se rapporte à celle du pseudo-Denys.

Le point de départ « aristotélicien » : histoire d'un contresens[modifier]

Si l'histoire de la « théorie aristotélicienne de l'analogie » est l'histoire d'un contresens médiéval, ce contresens fait partie de l'histoire même de la transmission des textes d'Aristote. Interprétée en termes de corpus, la théorie médiévale de l'analogie se présente comme la fusion forcée de trois textes d'inspiration, de portée et de signification différentes : la distinction entre synonymes, homonymes et paronymes du premier chapitre des Catégories ; la distinction problématique des trois types d'homonymes intentionnels introduite dans l'Éthique à Nicomaque (I, 6, 1096 b, 26-31) – unité d'origine ou de provenance (ἀϕ' ἑνόν), unité de fin ou tendance (πρός ἕν), unité d'analogie (κατ' ἀναλογίαν), où « analogie » a le sens aristotélicien authentique de proportion mathématique à quatre termes (a/b = c/d) ; la théorie de l'unification de la multiplicité des sens de l'être exposée dans le livre IV de la Métaphysique sur la base de la signification des termes « sain » et « médical », complétée par la théorie de l'accident comme flexion de la substance suggérée par certains passages du livre VII de la Métaphysique (I, 1028 a, 15-25).

L'histoire de la théorie de l'analogie dans l'Occident médiéval est liée à la manière même dont les contenus de ces différents textes lui sont parvenus : en tout état de cause, elle n'a commencé ni avec la diffusion effective de la Métaphysique ni avec celle de l'Éthique dans les premières années du xiiie siècle. Les premiers médiateurs du complexe formé par trois textes sources, qu'Aristote lui-même n'avait jamais combinés en une théorie unifiée, ont été le commentaire de Boèce sur les Catégories (In categorias Arist., I ; P. L. 64, 166 B2-C2) et la Paraphrasis Themistiana (paragr. 17-18). Avec eux, c'était la conception porphyrienne de l'homonymie, et plus largement la théorie des réalités homonymes, synonymes et paronymes, comme fondement de la réflexion sur les « mots premiers » qui pénétrait chez les Latins. À ce stade, représenté dans la période carolingienne par la Dialectica d'Alcuin, il n'était pas encore question d'une théorie de l'analogie de l'être, car il n'y avait tout simplement pas de « problème de l'être » : la triade ἀϕ' ἑνός (ab uno), πρός ἕν (ad unum), κατ' ἀναλογίαν (secundum proportionem) était mise au service d'une analyse des différents types d'homonymie, autrement dit d'un essai de classement systématique des différents types de réalités qui, partageant un même nom, ont toutefois des définitions différentes ; parallèlement, la notion de « paronymie » (denominatio) assumait à elle seule, plus ou moins en liaison avec la théorie du « flux » exposée par les Opuscula sacra de Boèce, et dans le cadre d'un certain platonisme grammatical, le problème sémantique et ontologique du rapport entre l'abstrait et le concret.

Jusqu'au xiie siècle, les médiévaux ont donc lu les Catégories d'Aristote dans l'horizon d'une problématique ne comportant pas l'enjeu métaphysique d'ensemble d'une science de l'« être en tant qu'être », mais celui, tout différent, d'une distinction entre univocité, équivocité et paronymie nécessaire à l'interprétation de la portée ontologique et théologique du discours catégoriel. Ainsi, durant cette période, la question centrale n'est pas celle de la pluralité des sens de l'être, mais celle de l'applicabilité des catégories ontologiques dans le domaine de la théologie. Abondamment illustrée dans les premiers commentaires médiévaux du De Trinitate de Boèce, cette problématique, non aristotélicienne, tient en une question : étant donné que « les catégories changent de sens lorsqu'on les applique à Dieu », y a-t-il équivocité pure ou usage métaphorique du langage catégoriel lorsqu'il est transposé du domaine naturel au domaine divin ?

La première phase décisive pour la constitution du concept médiéval de l'analogie se situe dans les années 1150, avec la traduction et la mise en circulation des textes philosophiques d'Avicenne (Metaphysica, i, 5 ; iv, 1) et d'al-Ghazālī (Logica, iii), qui, dans le cadre de la distinction porphyrienne des univoca (synonymes), diversivoca (polyonymes), multivoca (hétéronymes) et equivoca (homonymes) – transposée du niveau aristotélicien des choses ou réalités catégorielles au niveau non aristotélicien des mots et des concepts (ou « intentions ») –, substituent une notion nouvelle de convenientia ou ambigua à la notion aristotélicienne de « paronymes » (denominativa). Cette théorie comporte l'essentiel de la future théorie de l'analogie : le statut intermédiaire des ambigua, l'interprétation de l'analogie ad unum en termes de « convenance », l'application de cette relation orientée et non convertible, comme l'était déjà la paronymie, au rapport substance-accident désormais compris comme rapport de dépendance selon l'antérieur et le postérieur (secundum prius et posterius). Surtout, la convenientia instrumente désormais une problématique de l'unité du sujet de la métaphysique comme science, une véritable problématique de l'être en tant qu'être directement issue du quatrième livre de la Métaphysique d'Aristote.

Connue par les Latins avant l'œuvre d'Aristote, la théorie métaphysique d'Avicenne a introduit la problématique de la pluralité des sens de l'être sous une forme qui définissait d'avance les conditions d'intelligibilité de la métaphysique aristotélicienne en fondant la possibilité de toute métaphysique comme science sur la possibilité de penser l'unité du concept d'être en termes de « convenance selon l'ambiguïté ». Ainsi, paradoxalement, le texte fondateur de la théorie « aristotélicienne » de l'analogie de l'être n'a pas été Aristote lui-même, mais un passage précis de la Metaphysica (i, 5) d'Avicenne qui, durant des décennies, a porté l'essentiel du discours ontologique : « Nous dirons, par conséquent, que, même si l'être n'est pas un genre et n'est pas prédiqué à égalité de ceux qui sont au-dessous de lui, il y a, néanmoins, une intention dans laquelle ils conviennent selon l'antérieur et le postérieur. Cette intention revient en premier à la quiddité qui est dans la substance, ensuite à ce qui vient après elle. Mais, dès lors que l'être est une intention une, il est suivi d'accidents qui lui sont propres. C'est pourquoi il faut une science une qui traite de l'être, tout comme il est nécessaire d'avoir une science une pour tout ce qui se rapporte à la santé. » L'introduction de la problématique transcendantale de l'unité du sujet de la métaphysique a, avec Avicenne, entraîné la révision de la problématique catégorielle du haut Moyen Âge et la formation d'un véritable « problème de l'être ». Bien que le vocabulaire avicennien des convenientia et des ambigua ait été lui-même reformulé (sans doute dans les premières années du xiiie siècle) dans le langage spécifique de l'« analogie », la notion de convenance a presque toujours coexisté avec celle d'analogia. C'est le cas, notamment, chez Thomas d'Aquin (Quaestiones disputatae de veritate, qu. 2, art. 11) et, plus nettement encore, chez Jacques de Viterbe, dont les Quaestiones de divinis praedicamentis (1293/1300 env.) exposent une théorie de l'analogie fondée sur la notion de convenientia distinguée en « convenance de ressemblance » (convenientia similitudinis) et « convenance » ou « communauté » d'« attribution » (convenientia attributionis), d'« analogie » (analogiae), de « rapport » (habitudinis) ou de « proportion » (proportionis).

Si la conception avicennienne de l'analogie « selon l'antérieur et le postérieur » a été adoptée par les premiers commentateurs de la Métaphysique d'Aristote (Roger Bacon, Quaestiones alterae supra libros primae philosophiae Aristotelis, iv, qu. 3-4, 1240-1245 env.), elle a également servi de cadre d'intelligibilité aux théories sémantiques de l'analogie développées par les logiciens médiévaux dans leur interprétation du paralogisme de l'équivocité décrit par les Réfutations sophistiques d'Aristote.

Dès les années 1200, et pour une large période, l'analyse du phénomène logico-sémantique de l'équivocité se voit lestée de thèmes directement empruntés à Avicenne. C'est sous son influence que l'équivocité « selon l'antérieur et le postérieur » est reconnue par les logiciens (Dialectica monacensis, 1230 env. ; Summae metenses, 1240-1250 env.) comme caractérisant le fonctionnement référentiel non seulement des termes transcendantaux comme tels (« être », « essence », « un », etc.) mais encore de tous les termes accidentels concrets (« blanc », « sain », etc). Dès cette époque, donc, logiciens et métaphysiciens s'accordent à reconnaître avec Avicenne qu'un terme comme « étant » (ens) est « analogique » au sens où « il est dit premièrement et principalement (per prius) de la substance et seulement secondairement (per posterius, ex consequenti) des autres réalités ou accidents ». Dans tous les cas, ce fonctionnement analogique du vocable fondamental de la métaphysique est illustré par l'exemple du fonctionnement référentiel du terme accidentel concret « sain » (sanus) emprunté par Avicenne au livre IV de la Métaphysique d'Aristote.

La deuxième phase décisive dans l'histoire de la constitution de la doctrine « aristotélicienne » de l'analogie est également d'origine arabe. C'est la théorie introduite par la traduction latine (1230 env.) du Grand Commentaire d'Averroès sur la Métaphysique (IV, comm. 2) : le terme « étant » se dit de multiples façons. Ni équivoque ni univoque, « il est du nombre des noms prédiqués de réalités attribuées à une seule et même chose ». Ce terme qui focalise les prédications peut fonctionner de trois manières : soit comme fin, soit comme agent, soit comme sujet. L'attribution « comme à un sujet » remplace à la fois la notion aristotélicienne de prédication κατ' ἀναλογίαν – dont elle modifie radicalement le sens, puisqu'elle l'investit, en réalité, de la notion avicennienne de « convenance selon l'antérieur et le postérieur » – et celle, ontologico-grammaticale, de denominatio (paronymie). Cependant, interprétée au-delà même de l'ambiguïté avicennienne, elle marque une dépendance ontologique encore plus radicale des accidents par rapport à leurs sujets : les accidents ne sont plus que des « flexions » (casus) de la substance ; ils n'ont par eux-mêmes ni être ni quiddité.

C'est cette théorie de la focalisation ontologique que, sous le nom d'analogia entis, reprennent tous les médiévaux qui, comme Albert le Grand ou Thomas d'Aquin, se servent de l'analogie pour fonder la possibilité de la métaphysique comme science une de l'être en tant qu'être ou pour expliciter la relation de dépendance ontologique de la créature et de l'être créé au Créateur – sans toutefois reprendre unanimement à leur compte la théorie de l'accident qui la complète.

Vers la fin du xiiie siècle et au xive, la solidarité entre la théorie de la signification focale du mot « être » et la théorie averroïste du « non-être de l'accident » est reconnue comme telle et reçoit un développement particulier dans l'école dominicaine allemande (Dietrich de Freiberg, De accidentibus, x, 3 ; De quidditatibus entium, x, 6) avec la théorie de l'« analogie de l'accident », qui, chez Maître Eckhart (In Exodum, paragr. 54), préfigure et justifie métaphysiquement une certaine interprétation analogique du non-être créaturel et de la créature comme simple « être-signe » de l'Être divin. L'explication du rapport de l'accident à la substance en termes d'« analogie » est rejetée par les premiers thomistes (Jean Picard de Lichtenberg [1303-1313 env.] et surtout Nicolas de Strasbourg [1325 env.]) sur la base d'une triple distinction entre analogia porportionis, analogia attributionis et analogia participationis (prétendument tirée du commentaire sur les Catégories de Simplicius), qui s'imposera par la suite.

À l'époque de la Contre-Réforme, la théorie de l'analogie est développée en une doctrine du « concept analogique de l'être » (Thomas de Vio Cajétan, 1469-1534), destinée à faire pièce au « concept univoque de l'être » prôné par l'école scotiste. La néo-scolastique du xixe siècle achèvera cette longue dérive de l'aristotélisme en faisant de l'analogie « aristotélicothomiste » le fondement englobant de toute métaphysique possible.

Les domaines de l'analogie[modifier]

Entées sur un complexe de textes hétérogènes, pénétrées d'influences contradictoires, travaillées par des problèmes partiellement étrangers à l'univers d'Aristote, les principales théories médiévales de l'analogie se sont édifiées soit dans un sens « avicennien », soit dans un sens « averroïste ». Le composant avicennien prédomine dans toutes les théories qui font de l'analogie un sous-ensemble de l'équivocité, thèse particulièrement populaire chez les logiciens commentateurs des Réfutations sophistiques, qui font de la prédication des termes « analogiques » un des ressorts particuliers du paralogisme de l'« équivocation » ; le composant « averroïste » prédomine dans toutes les théories qui font de l'analogie un phénomène ontologico-sémantique intermédiaire entre l'univocité et l'équivocité pures, structurellement assimilé à la notion de « dénomination » tirée de la paronymie aristotélicienne. La bipartition des courants reste cependant purement tendancielle, dans la mesure où la problématique latine de l'analogie ne reste pas confinée à la seule question d'une analogie pensée en strict domaine naturel, mais – conséquence inéluctable de la problématique boétienne de l'applicabilité théologique du discours catégoriel – ajoute la question spécifiquement théologique d'une analogie prise au niveau du rapport entre la créature et Dieu. Plutôt que de tenter un classement plus ou moins arbitraire des doctrines médiévales de l'analogie, il semble donc préférable de déterminer quelques ensembles typiques où cette notion trouve son domaine de législation. Cependant, étant donné l'ampleur des matériaux, ces ensembles ne peuvent être que de différentes natures et difficiles à coordonner.

La répartition la plus claire est disciplinaire : la plupart des auteurs font de l'analogie le concept organisateur du discours métaphysique comme tel, réservant l'univocité au logicien et l'équivocité au physicien. Cette distribution est fondée dans une loi générale qui correspond à l'ouverture même du projet métaphysique. Si le sujet de la métaphysique est l'être au sens de l'« existence actuelle », le discours métaphysique rencontre nécessairement les étants dans l'horizon de leur coefficient ontologique. La prédication métaphysique est alors de soi hiérarchique, modelée sur la quantité d'être réalisée en chaque étant. Analogie et hiérarchie communiquent dans l'intensité ontologique. Comme le souligne Roger Bacon (Compendium studii theologiae, 1292 env.), métaphysiquement, les genres doivent être prédiqués, d'abord et plus proprement, « des espèces les plus nobles ou les plus élevées en être ». Le nom même d'analogia marque cette dissymétrie : « Analogia est dérivé de an, qui veut dire prae ou ante, et de logos, qui veut dire mot ou discours » (Quaestiones alterae, iv, q. 3). Ainsi comprise, l'analogie métaphysique s'inscrit dans un mouvement général de « platonisation » des données aristotéliciennes, geste théorique probablement esquissé dès Alexandre d'Aphrodise et consistant dans une « interprétation univocisante de l'analogie, entendue comme participation graduelle à l'Esse » (P. Aubenque). Cette platonisation transparaît dans certaines définitions de l'analogie utilisées par Albert le Grand dans son commentaire sur les Noms divins du pseudo-Denys l'Aréopagite. Attribuée à Proclus, la caractérisation du deuxième mode de l'analogie combine manifestement le langage de la participation avec la référence aristotélicienne au primat ontologique de la substance : il y a analogie quand ce qui est prédiqué « se trouve dans un premier de façon excellente et éminente et n'est dans les autres que grâce à lui ». C'est, exemplairement, le cas de l'étant, qui est « éminemment et excellemment dans la substance et n'est dans les genres des accidents que parce qu'ils sont eux-mêmes dans la substance et par la substance ». Toutefois, ce type d'analogie restant clairement distingué de l'analogie du terme « médical », où ce qui est prédiqué se trouve à la fois dans un terme et dans les autres « par référence à ce terme », il semble que, telle que l'engage Albert, la reprise « platonicienne » de l'analogie recouvre d'abord une interprétation accentuée de l'analogie avicennienne (selon l'antérieur et le postérieur) dans le cadre d'une distinction, commune à tous les platonismes tardifs, entre ce qui est « par essence » et ce qui est « par participation ».

La juxtaposition de la théorie de la signification focale de l'être et de la théorie de l'analogie comme rapport de participation selon l'antérieur et le postérieur est une donnée structurelle de la plupart des doctrines médiévales de l'analogie. Cet apparent collage résulte de l'ambiguïté des sources grecques et arabes, de leur hétérogénéité et, à partir des années 1230, de la double grille de lecture, l'une avicennienne, l'autre averroïste, imposée aux textes mêmes d'Aristote. La difficulté est qu'il y a autant de (néo)-platonisme chez l'un que chez l'autre, et que la présentation averroïste de l'analogie n'est pas une simple théorie de la signification focale de l'être, mais, en son fond, une théorie de l'analogie de l'accident qui, par des voies différentes et plus décisives encore, ramène invinciblement le métaphysicien à la structure ontologique de la participation. La différence ontologique du plus ou du moins affecte tout le discours métaphysique de l'analogie. Ce n'est donc pas sur le terrain général de l'intensivité de l'être (la vehementia d'Avicenne et du Liber de causis) que se créent les positions ou que se séparent les doctrines, mais bien plutôt dans l'évaluation de ses conséquences et de sa portée. Au demeurant, les différentes doctrines de l'analogie rencontrent toutes à leur manière ce tiers état de l'univocité et de l'équivocité dont Aristote a, sous le nom de paronymie, préfacé sa doctrine des catégories. Tel que le formule le chapitre premier des Catégories, le rapport de dérivation morphologique unissant le supérieur (le terme abstrait) à l'inférieur (le terme concret) est comme une invitation permanente à un platonisme non seulement grammatical mais ontologique. Toute métaphysique de l'analogie est une métaphysique de la dérivation et donc de la participation. Ainsi, c'est d'abord sur le terrain de la participation que se jouent les doctrines de l'analogie. Il est raisonnable de penser que des formulations grecques néo-platoniciennes ont, sur ce point, devancé les convenientia d'Avicenne, d'al-Ghazālī et de tous les Latins qui les ont suivis, et que les sources arabes ont simplement repris et développé la doctrine de ceux qui, selon le témoignage même de Simplicius, ont « rassemblé en un seul mode l'homonymie abuno et l'homonymie ad finem » et, plus spécifiquement, « les ont posées comme intermédiaires entre les homonymes et les synonymes » en utilisant la notion de « participatio non ex aequo ».

Si, pour ses partisans, l'analogie « platonisée » est à la métaphysique ce que l'univocité est à la logique, il faut encore spécifier l'étendue de son domaine d'application. Cela revient à demander s'il y a un concept univoque de l'analogie et si l'usage du concept ou des concepts de l'analogie est lui-même analogique ou univoque. Parler d'une univocité du concept d'analogie impliquerait qu'on reconnût à l'analogie un pouvoir d'unification totale du discours métaphysique. En un sens, il est vrai que l'analogie du discours métaphysique semble devoir être nécessairement fondée dans l'unité d'un concept univoque de l'analogie. Ce serait même éminemment le cas si, comme l'écrit Heidegger, la métaphysique médiévale avait en même temps pour objet « l'étant dans son étantité et l'étant qui en pureté correspond à l'étantité : l'étant suprême » ou, plus simplement, si la « philosophie première était, en tant qu'ontologie, la théologie du vraiment étant » (Holzwege, p. 161). Dans cette perspective, un concept univoque de l'analogie ne suffirait d'ailleurs pas tant qu'un véritable concept de l'être univoque à Dieu et à la créature. Or c'est précisément tout le propos de l'analogie que de se refuser un tel concept. Dans sa version la plus commune, la doctrine de l'analogie s'articule non seulement sur l'incommensurabilité de l'être divin et de l'être créé, mais sur le caractère supra-ontologique de la « pureté » de l'étantité de l'« étant » suprême : la puritas essendi divine ne désigne pas généralement la simple pureté de l'être divin, mais bien plutôt sa pureté d'être, le fait que Dieu est dans et par son être même au-dessus de tout être, « pur de tout être ». Un concept univoque de l'être ne peut être posé que pour être retiré, nié ou dépassé. C'est même la fonction précise de l'analogie que de rendre impossible ce que Heidegger appelle la « théiologie » philosophique, une « science de l'étant comme tel » qui serait « en soi onto-théologique ». Dans la perspective propre à l'analogie, la théologie n'est pas une science de l'Étant infini, mais un discours sur Celui qui est infiniment au-dessus de l'être, une théologie essentiellement négative qui ne peut s'inscrire comme un simple moment d'éminence dans le dispositif général d'une ontologie conçue comme métaphysique de l'étant quelconque. Dans une doctrine de l'analogie rigoureuse, il n'y a donc ni concept univoque de l'analogie, ni concept univoque de l'analogie de l'être, ni usage univoque du concept d'analogie.

La tendance à traiter analogiquement le concept d'analogie apparaît dès les premiers commentaires médiévaux de la Métaphysique d'Aristote. Dans ses Quaestiones alterae (iv, qu. 3-4), Roger Bacon oppose l'analogie de simple ordre (de ordine tantum), proche de l'équivocité, et l'analogie d'ordre et de causalité, plus proche de l'univocité, l'une qui prédique la même « intention » sans prédiquer la même res, l'autre qui prédique la même res, sans prédiquer la même intentio. Certes, l'analogie d'ordre simple (référée à Averroès, Metaph., iii, comm. 3) vaut essentiellement pour la catégorie de quantité (toutes les réalités quantifiables s'accordent dans la « raison de mesure » mais diffèrent dans le réel, tels le continu et le discret), tandis que l'analogie d'ordre et de causalité semble s'appliquer à l'étant comme tel. On note, toutefois, que Bacon limite la valence analogique de l'être au seul registre de la substance et de ses accidents. Quarante ans plus tard, Jacques de Viterbe soutient plus radicalement qu'il y a deux « acceptions » de l'être : la première « en tant qu'il s'analogue à Dieu et aux créatures », la seconde « en tant qu'il s'analogue à la substance et aux accidents » (Quaestiones de divinis praedicamentis, qu. 1). Ces deux analogies ne s'univoquent pas pour autant dans un même concept de l'être, ni dans un même type de prédication analogique. Le statut des prédications analogiques est lui-même analogique. Dans une prédication analogique, le « trajet de la prédication » (transitus praedicationis) va de l'antérieur au postérieur et, s'« il suit toujours l'ordre de la connaissance, il ne suit pas toujours celui des réalités connues » : dans le cas de la substance, la prédication d'être va de ce qui est premier selon la nature et selon la connaissance – la substance – à ce qui est secondaire ou dérivé – les accidents. Dans le cas de Dieu, la prédication va de ce qui est premier selon le seul ordre de la connaissance – la créature – à ce qui est en soi inconnaissable tout en étant premier selon l'ordre de la nature – Dieu. Cette inversion des « trajets » interdit toute univocité de l'analogie : « En toute prédication analogique » de l'être, « il y a un changement du mode et de la raison de prédication ». Dans le cas du couple substance-accident, l'être est prédiqué analogiquement de l'accident « selon un mode déficient » ; dans le cas du rapport Dieu-créé, il est prédiqué analogiquement de Dieu « selon un mode suréminent » (qu. 6), c'est-à-dire au-delà de toute « éminence ». Ainsi donc, si « toute analogie est subordonnée à l'analogie de l'être » (qu. 7), la communauté existant entre l'analogie de l'accident et l'analogie divine ne se résorbe pas dans un même concept de l'être : l'analogie de l'être s'articule et se désarticule à la fois dans le trajet contraire des prédications. Telle quelle, cette doctrine prolonge une intuition centrale de la conception thomasienne de l'analogie exposée dans le Contra gentiles, i, 34. Dans ce texte fondateur, Thomas d'Aquin distingue deux grands types de prédications analogiques : la prédication ad unum alterum (celle du terme « sain » relativement à l'animal et au remède), où le terme prédiqué analogiquement est dit « en premier lieu » de ce qui est premier dans l'ordre de la connaissance et second dans l'ordre de la chose (c'est-à-dire l'animal, la virtus sanandi du remède n'étant connue que par ses effets, donc après-coup) ; la prédication ad unum ipsorum (celle du terme « être » relativement à la substance et à l'accident), où le terme prédiqué est dit « en premier lieu » de ce qui est premier dans l'ordre de la chose (c'est-à-dire la substance). C'est fort de cette distinction qu'il aborde le problème de l'analogie divine, qu'il situe en intermédiaire aux deux autres types de prédications analogiques : premier dans l'ordre de la chose, tel la substance, Dieu est aussi, tel la virtus sanandi, connu par ses seuls effets ; son analogie ne peut donc se boucler ni sur l'une ni sur l'autre. C'est ce statut analogique du concept même de l'analogie divine qu'exprime la distinction entre analogie de proportion et analogie de proportionnalité soutenue dans les Quaestiones disputatae de veritate (qu. 2, art. 11). Il y a deux sortes de « communauté d'analogie » : l'une, la convenientia proportionis, qui exprime la convenance entre deux choses liées par une « proportion » ou un « rapport » (habitudo) simple et déterminé, l'autre, la convenientia proportionalitatis, qui exprime le rapport de deux proportions. Des deux, c'est la seconde qui permet de penser l'attribution d'un même nom à Dieu et à la créature. Mais ce rapport lui-même reste absolument indéterminable, car il n'existe pas de « rapport déterminé » entre la créature et Dieu qui nous permette de « déterminer la perfection divine ». Il n'y a donc « rien de commun » par analogie à Dieu et à la créature ; en matière théologique, l'attribution analogique reste toujours l'expression d'une proportionnalité sans mesure instaurée entre deux proportions dont l'une est connue et l'autre inconnue. Thomas ne se borne donc pas à soutenir, avec le Livre des XXIV philosophes, que « Dieu est ce par rapport à quoi la substance est accident, et l'accident néant ». Loin d'inscrire Dieu dans le jeu d'équivalences maîtrisées d'une théologie de l'éminence, la doctrine thomasienne de l'analogie jette les bases conceptuelles d'une théologie négative, de soi incommensurable à l'ontologie.

Analogie théologique et théophanies[modifier]

La critique thomasienne de l'usage univoque du concept d'analogie est complétée par une distinction méthodique entre analogie philosophique et analogie théologique. Chez Albert le Grand, qui lance la formule, « l'analogie philosophique » est définie en termes plus ou moins avicenniens comme « le mode selon lequel l'être créé entre dans la substance des choses, tout en existant en certaines de façon primordiale et en d'autres de façon dérivée ». L'analogie théologique se voit seule confier la tâche d'exprimer le rapport du créé et de l'incréé. Ce projet, qui a sa contrepartie chez Thomas d'Aquin, suppose une non-univocité des concepts philosophiques et théologiques de l'analogie. Cette non-univocité est particulièrement claire chez Albert, qui l'a poussée sans doute plus loin qu'aucun de ses contemporains. L'analogie du théologien et l'analogie du philosophe ne sont ni purement univoques ni purement équivoques. Elles ont en commun le plus et le moins, l'intensité de l'être, l'antérieur et le postérieur, la participation, mais elles diffèrent l'une de l'autre en ce que la première est dynamique et active, tandis que la seconde est purement passive.

C'est cette notion de dynamisme analogique qui permet à Albert de formuler une conception théologique de l'analogie dans laquelle le créé est dit être « analogiquement » ce que Dieu est selon son essence ou substance en tant qu'« il y participe en l'atteignant autant qu'il le peut ». Cet accès ou tension du créé vers l'incréé n'a évidemment plus rien à voir avec la conception « aristotélicienne » de l'analogie. L'analogia dont part Albert n'est pas celle d'Aristote, c'est celle de Denys. C'est une analogie de réception ou, plus exactement, « l'analogie d'un récepteur », analogia recipientium, une « capacité réceptive finie » qui est la mesure précise de ce qu'un étant créé peut recevoir de son créateur, étant donné la place qu'il occupe dans l'univers hiérarchique. Tel que le conçoit Albert, le rapport de l'être incréé à l'être créé est un rapport d'effusion et de descente du Principe dans le principié, déterminé par l'analogie de chaque étant, conformément à la règle valable dans tout l'univers hiérarchique selon laquelle « chacun reçoit ce que son analogie lui permet de recevoir » (unumquodque recipit, secundum quod unicuique propria analogia distribuit). L'univers de l'analogie est donc un univers d'analogués, relatifs à un même Principe qui se trouve reçu en eux selon différentes analogies, c'est-à-dire « différents modes essentiels ». Le rapport des créatures à Dieu est alors analogique au sens strict où « chaque créature a en elle, selon sa propre vertu » ou analogie, « une similitude de ce qui est en Dieu ». Pareille définition de l'analogia semble exclure toute possibilité de dynamisme. En fait, il n'en est rien. Le propos d'Albert étant un propos de théologien, sa théorie de l'analogie théologique n'a pas pour point d'application l'être de l'étant dans sa totalité, mais l'âme humaine en tant que douée d'un intellect, qui, dans son régime ontologique propre, situe l'homme au-dessus du vivant et du simple étant.

L'intellectualité étant pensée comme image de Dieu, lumière de grâce et inhabitation du Verbe en l'homme, l'effusion théophanique de Dieu dans sa création ne peut être pensée univoquement au triple niveau de l'étant, du vivant et du pensant. La capacité réceptrice définissant l'humanité de l'homme, autrement dit son intellectualité (car « l'homme en tant qu'homme est purement intellect »), est elle-même incommensurable avec l'analogie constitutive de l'étant inanimé et du vivant irrationnel. Si la capacité réceptive de l'étant n'est ouverte qu'à l'être, celle du vivant à la vie végétative ou sensitive, tous deux reçus passivement, celle de l'« homme selon l'intellect » est une capacité d'assimilation active. Le système des théophanies n'est donc pas univoque, ni analogique au simple sens de participation selon l'antérieur et le postérieur. Le régime théophanique n'est pas le dévoilement uniformément varié de la lumière divine selon le degré ontologique de l'étant qu'elle éclaire. Il n'y a pas de commune mesure entre l'étant et le pensant. La communication de Dieu à la créature dotée d'intellect ne peut être pensée sans la conversion de ladite créature à Dieu, sans un mouvement d'assimilation active au principe d'où elle émane. En d'autres termes : chez l'homme, la théophanie désigne un double mouvement de descente et de retour par lequel seul l'étant dans son ensemble se trouve lui-même reconduit à son origine transcendante en une sorte de palingénésie dont l'âme est à la fois le centre et l'aliment. L'analogie théologique s'accomplit dans la théologie de l'intellect et la doctrine de l'assimilation (intellectus assimilatus) qui culmine elle-même dans la divinisation de l'intellect (intellectus divinus). Réciproquement, la théorie de l'analogie théologique implique une théorie de l'anagogie philosophique, qu'Albert trouve dans la théorie métaphysique de l'« éduction des formes », qui lui permet de penser la création dans son ensemble comme une collation de l'être créé. Toutefois, c'est dans l'intellect, exemplaire et modèle de tout l'être en tant qu'être, que cette collation reste réalisée au plus haut point.

Poursuivie chez Ulrich de Strasbourg (1260 env.), la doctrine théologique de l'analogie a été abandonnée chez Maître Eckhart au prix d'une formulation nouvelle de la théorie de la grâce visant à résorber la théologie de l'assimilation intellectuelle dans une théologie de l'unité originaire de l'incréé et du créé affirmant le co-engendrement du Principe et du principié dans le « Fond sans fond de l'âme », Dieu « engendrant son Fils unique dans la partie la plus élevée de l'âme, en même temps qu'elle l'engendre à son tour dans le Père » (Sermon allemand 22). D'Albert, cependant, Eckhart retient l'idée que la métaphysique philosophique de l'analogie ne peut trouver en elle-même sa propre vérité, et réclame, pour être fondée, d'être absorbée dans une conception théologique, tirée d'une lecture particulière de la notion d'inhabitation du Verbe. C'est ce qui explique que, tout en proposant une des dernières formulations non scolaires de la théorie de l'analogie qui accentue avec Averroès le thème du non-être de l'accident, véritable paradigme de la « nihilité de l'être créaturel » débouchant sur une théorie du statut ontologique de la créature comme cet étant particulier qui « a en n'ayant pas et en n'ayant pas a » – un thème que le Thuringien justifie par celui de la différence ontologique traversant l'être du créé, à la suite de Boèce montrant que l'homme n'est pas lui-même son propre être et n'a part à ce qu'il est qu'en participant à ce qu'il n'est pas –, Eckhart, finalement, renonce à donner un sens ultime à la métaphysique de l'analogie comme ontologie de la finitude. C'est que, pour lui, la théorie de l'analogie ne peut suffire à construire une théologie chrétienne : de fait, une métaphysique de l'analogie ne saurait exister à l'état séparé ou autonome sans se couper de la grâce de l'Incarnation. Le rejet final de l'analogie chez Eckhart signifie que, pour lui, la métaphysique de l'analogie – c'est-à-dire la métaphysique de l'être, ce qu'il appelle la métaphysique de l'Ancien Testament – doit être dépassée dans la métaphysique « que le Christ lui-même nous a apportée », c'est-à-dire dans une métaphysique du Verbe et de la naissance du Fils dans l'âme. Développée pour elle-même, la métaphysique de l'analogie ne serait qu'une instrumentation philosophique nouvelle – l'analogie de l'accident selon Averroès – pour un thème qui ne peut avoir de sens chrétien s'il demeure à l'état isolé : celui du vide et de la vacuité de l'être créé dont l'essence et l'être diffèrent et qui tient tout son être « d'un autre et du dehors », être de participation, être d'indigence (esse indigentiae), être d'un étant dont tout l'être consiste à « mendier l'être ». En rejetant l'analogie au bénéfice de l'unité, Eckhart n'a pas seulement troqué la perspective métaphysique de l'être au bénéfice de la perspective hénologique qu'il pouvait trouver chez Denys et chez Proclus ; il a voulu montrer que la théorie de l'analogie ne pouvait assumer qu'une nature privée de la grâce, un rapport de création laissant extérieurs l'un à l'autre le Créateur et le créé.

Le Thuringien n'a pas été suivi sur ce terrain ; et sa critique de l'analogie a été, elle-même, submergée par la consolidation scolaire d'un concept général de l'analogie tiré de la triple distinction thomasienne des diverses formes d'analogie ad unum alterum et ad unum ipsorum.

En cherchant à faire de l'analogie la clef de voûte d'une métaphysique ou d'une philosophie chrétiennes, axées sur la participation graduelle à l'être, la théologie néo-scolastique a ainsi perdu à la fois le contact avec Aristote et avec Thomas. Instrument de réaction contre le nominalisme et le scotisme, la doctrine de l'analogie a, dans son souci d'unification générale des objets, des corpus et des discours, perdu ce qui faisait sa vérité même : le refus d'un discours univoque sur l'être.

— Alain de LIBERA

Analogie et connaissance scientifique=[modifier]

Une équivalence partielle[modifier]

Dans son acception ancienne, venue des mathématiques, l'analogie était une identité de proportions, de rapports. Si a/b = c/d, on peut dire que a est à b ce que c est à d. Ainsi, deux objets dont certaines dimensions homologues sont dans le même rapport peuvent être dits, en vertu de cette définition, analogues. Le fait que les grandeurs à comparer doivent être homologues n'est pas sans importance. L'idée d'homologie impose que l'on ne mette en correspondance, par leurs dimensions, que des parties qui jouent, dans les objets auxquels elles appartiennent, des rôles équivalents. Par exemple, un rectangle et un triangle ne peuvent pas être dits analogues, même si le rapport de certaines de leurs dimensions prises deux à deux est identique. En revanche, deux rectangles dont le rapport longueur/largeur est le même sont analogues dans le cadre de cette première définition de l'analogie. On dit même dans ce cas, étendu à chaque type de figure géométrique, que les figures considérées sont semblables.

Limitée d'abord à cette définition mathématique, la signification du concept d'analogie a évolué au cours du temps, dans le sens d'un assouplissement vis-à-vis des contraintes géométriques et métriques initiales. Mais le contenu sous-jacent, exprimé par les mots qu'on a dû employer ici pour préciser la première définition (homologue, équivalent, semblable), a subsisté. On y retrouve essentiellement l'idée de ressemblance, qui implique elle-même l'existence à la fois de points communs et de différences.

Sans examiner en détail l'évolution historique du concept ni les nuances de signification qui lui sont attribuées dans différents contextes intellectuels, il suffit de retenir que l'analogie exprime une équivalence partielle, pouvant porter sur des facteurs très divers. C'est d'ailleurs de cette grande diversité des applications possibles que résultent le caractère flou du concept et l'absence de consensus sur quelque définition que ce soit, dès que celle-ci vise à une certaine précision. Ce n'est qu'en se limitant au noyau commun des différentes acceptions, comme on vient de le faire en ne retenant que l'idée très générale d'équivalence partielle, qu'il devient possible de réaliser éventuellement l'accord des points de vue. À partir de ce point d'ancrage, l'étude épistémologique peut progresser par l'analyse précise des caractéristiques sur lesquelles porte l'équivalence relevée, ainsi que des liens entre ces caractéristiques et celles qui échappent à la mise en correspondance.

Établir une analogie, c'est donc, en premier lieu, mettre en correspondance des entités qui demeurent distinctes, mais que l'on considère comme étant équivalentes d'un certain point de vue. En matière scientifique, cette équivalence ne peut être que fonctionnelle, ce qui veut dire que les entités considérées doivent être situées dans un contexte de relations lié à certaines au moins de leurs propriétés, ou constituer elles-mêmes de telles relations. Il est donc exclu que la mise en correspondance analogique porte sur des entités considérées indépendamment soit de leur structure interne, soit de leur rôle ou comportement dans un environnement donné.

Le premier genre de correspondance à envisager, parce qu'il est le plus élémentaire et le plus fondamental, est celui que l'on établit entre un système quelconque à étudier et le langage de description mis en œuvre pour l'appréhender. Toute autre correspondance entre divers systèmes, en effet, passe obligatoirement par l'intermédiaire du ou des langages servant à les décrire. On peut donc, en dernier ressort, ramener l'énoncé analogique à l'opération élémentaire qui consiste à mettre en parallèle deux systèmes, dont l'un au moins est un langage constitué de signes symboliques entre lesquels les relations possibles sont plus ou moins formalisées.

Sémantique et syntaxe, signifié et signifiant[modifier]

Tout langage de description ou d'interprétation théorique utilisé dans les sciences de la nature comporte une sémantique et une syntaxe, la première portant sur les « objets » que l'on met en relation, la seconde sur ces relations elles-mêmes. Les données sémantiques sont au fond des dénominations qui sont censées résumer l'ensemble des propriétés (relations) que chacun des objets considérés peut manifester vis-à-vis de chacun des autres objets inclus dans ce langage. Les données syntaxiques, elles, concernent les arrangements que peuvent constituer les propriétés précédentes lorsqu'elles s'enchaînent, se combinent, s'associent, etc., entre elles. Ces définitions reflètent bien, comme il est connu, le fait qu'il existe des liens étroits entre sémantique et syntaxe d'un langage. Mais le vrai problème est de préciser les modalités d'intervention de ces liens d'interdépendance, d'une part lorsqu'on se place à l'intérieur d'un langage considéré pour lui-même, d'autre part lorsqu'on cherche à établir une correspondance entre le système que constitue un tel langage et un autre système quelconque. C'est évidemment dans ce dernier cas qu'apparaissent les questions relatives à l'analogie proprement dite.

Si l'on se place dans le cadre d'un langage construit a priori, par exemple de manière axiomatique comme en mathématiques, alors tous ses éléments constitutifs sont entièrement (exhaustivement) définis par leurs relations réciproques ou par les assemblages qu'ils peuvent former entre eux, ces relations et assemblages étant délibérément choisis. Toutes les données sémantiques sont contenues dans ces définitions et elles conditionnent par voie de conséquence toute la syntaxe du langage. Il y a donc ici implication réciproque (et même confusion) entre sémantique et syntaxe ; on peut indifféremment considérer le système sous l'un ou l'autre de ces aspects, chacun étant suffisant pour en épuiser toutes les propriétés. On remarquera que cette situation est liée au fait que le système est clos ; on ne se préoccupe pas d'éventuelles relations que les éléments constitutifs pourraient avoir avec d'autres éléments non contenus dans le système lui-même.

Dans le cadre du langage courant, la situation est déjà très différente. Par suite de la longue histoire de ses usages, chaque mot porte une charge sémantique généralement beaucoup plus grande que celle qui peut être manifestée dans un énoncé quelconque. Si cette sémantique du mot fixe grossièrement certaines caractéristiques des syntaxes dans lesquelles il peut être inclus, le véritable problème pour parvenir à une signification précise de l'énoncé est d'utiliser au mieux les raffinements syntaxiques et le contexte des autres mots, pour que seule une partie bien définie de la sémantique potentielle soit manifestée. On retrouve ici encore une action réciproque entre sémantique et syntaxe, mais celle-ci ne correspond plus à l'implication biunivoque qu'on a rencontrée à propos du langage mathématique axiomatisé. En particulier, dans le cas présent, la syntaxe mise en œuvre dans un énoncé donné n'épuise plus la totalité du contenu sémantique des mots du langage.

Les situations propres au travail scientifique, dans lesquelles on utilise des énoncés théoriques plus ou moins formalisés pour rendre compte du comportement des systèmes autres que le langage théorique lui-même, ne sont pas dans leur principe différentes de celle qui vient d'être évoquée. Le langage courant constitue déjà, en effet, un système de signes destiné à décrire autre chose que lui-même. Le fait d'utiliser des langages plus formalisés ne vise qu'à réduire autant que possible le flou, c'est-à-dire le caractère non univoque des énoncés, sans pour autant modifier le principe fondamental de la description, qui est toujours de mettre en correspondance au moins deux systèmes de signes que l'on peut appeler, pour simplifier, le signifié (système dont on veut rendre compte) et le signifiant (système du langage théorique utilisé).

L'objectif premier de la science est, en définitive, de s'assurer qu'il existe une correspondance entre les caractéristiques du système signifié et celles du système signifiant, ou plus précisément que l'étude des propriétés du second permet de rendre compte des propriétés du premier. Lorsque cet objectif est atteint, on peut dire que les caractéristiques sémantiques et syntaxiques introduites dans le système signifiant sont suffisantes. Pour établir qu'elles sont, en outre, nécessaires, ce qui est un second objectif scientifiquement important, on peut montrer qu'il est indispensable de se placer dans le cadre d'un langage bien spécifié (Delattre, 1979).

Compte tenu de la définition générale retenue ici de l'analogie comme équivalence partielle, on constate immédiatement que la mise en correspondance du système signifié et du système signifiant relève bien de cette notion, ne serait-ce que parce que les caractéristiques respectives, sémantiques et syntaxiques, des deux systèmes ne sont pas de même nature physique. Ce qui peut être considéré comme équivalent, dans l'analogie ainsi établie, concerne donc uniquement l'existence et l'arrangement de diverses relations entre les entités mises en jeu dans chacun des systèmes, abstraction faite de leur nature physique. Il faut également voir que l'analogie pourra apparaître forte ou faible selon que les correspondances établies porteront sur un nombre plus ou moins grand de caractéristiques ou de propriétés des deux systèmes. On peut, pour illustrer ce point, considérer deux cas extrêmes correspondant à ce que l'on pourrait appeler l'analogie purement sémantique, d'une part, et l'analogie structurale (c'est-à-dire syntaxique) complète, ou isomorphie, d'autre part.

Ces situations se rencontrent surtout lorsque l'on compare plusieurs systèmes décrits dans un même langage servant de point de référence de la comparaison. Mais cela n'est pas essentiellement différent de ce qui se passe dans la mise en correspondance d'un seul système signifié et du système signifiant qui lui est attaché. Il est à noter, à ce propos, que le fait d'appliquer la notion d'analogie à une relation signifié-signifiant déborde la tradition philosophique, qui pose ce concept exclusivement comme rapport entre des signifiants. Admettre que l'analogie peut aussi concerner une relation signifié-signifiant est, au fond, la conséquence d'une certaine attitude « réaliste ». Si l'on admet que les objets peuvent « interagir » entre eux, indépendamment de notre connaissance, ils sont des signifiants les uns pour les autres. Notre appréhension cognitive de ces interactions, partielle sans doute, nous donne accès à ces signifiants (même si cela est très incomplet et imparfait), qui deviennent les signifiés de notre représentation dans le langage choisi. Il ne semble pas légitime de refuser de considérer ce lien signifié-signifiant comme une analogie, tout au moins, répétons-le, dans le cadre d'une philosophie réaliste acceptée dans toutes ses conséquences.

Analogie sémantique et analogie structurale[modifier]

Le cas de l'analogie sémantique se rencontre lorsque l'on met en correspondance deux éléments placés, chacun de son côté, dans un environnement défini seulement de manière très globale, c'est-à-dire juste assez spécifié pour que la dénomination sémantique donnée à l'élément ait quand même une signification fonctionnelle, si vague fût-elle. C'est ce que l'on fait, par exemple, si l'on prononce une phrase telle que : « L'homme est à l'univers ce que le grain de sable est à la mer. » Ici les relations structurales entre les entités mises en correspondance sont réduites à leur plus simple expression ; on affirme globalement leur existence, mais on ne les explicite d'aucune manière. C'est à ce genre d'analogie que peut être rattachée la notion de métaphore, applicable surtout lorsque l'écart sémantique entre les entités mises en correspondance est très grand.

On a affaire à l'analogie structurale (ou syntaxique) lorsque deux systèmes sont représentés par deux énoncés tout à fait identiques quant à la forme, c'est-à-dire la structure, la seule différence portant sur la nature physique des entités mises en relation par cette structure. Un exemple typique de cette situation est celui d'un système mécanique et d'un système électrique dont certaines propriétés obéissent à la même équation de D'Alembert, ou encore l'expression commune de l'information dans la théorie de Shannon et de l'entropie d'un système chimique selon Boltzmann.

Entre ces deux cas extrêmes, toutes les situations intermédiaires sont possibles, selon les poids respectifs des aspects communs et des dissemblances entre les caractéristiques des systèmes comparés. Les considérations qui précèdent montrent que tout modèle d'interprétation théorique, formalisé ou non, correspond déjà en fait à une analogie entre système signifié et système signifiant. Le problème n'est donc pas de chercher à éliminer l'analogie de la science, mais seulement d'essayer de préciser pourquoi certaines analogies sont scientifiquement acceptables, alors que d'autres ne le sont pas. Même si la frontière n'est pas très nette, comme il est probable, il vaut la peine de tenter de la situer de manière moins intuitive et subjective qu'on ne le fait habituellement. Cela ne peut qu'aider à mieux distinguer, ou à mieux associer, les différents types d'activité intellectuelle, tels qu'ils se manifestent dans les divers domaines de la connaissance. Pour mener à bien ce genre d'étude épistémologique, il est déjà clair qu'à l'intérieur même de l'activité scientifique la distinction de Reichenbach à propos des contextes de découverte et de preuve doit être de la plus grande utilité (Reichenbach 1951, 1968). Si les analogies faibles, ou même très faibles, peuvent avoir une valeur heuristique, il n'en reste pas moins vrai que les connaissances qui trouvent là leur origine n'acquièrent un statut scientifique (ou reconnu comme tel à une époque donnée) qu'en étant transformées en analogies beaucoup plus fortes. La procédure qui mène des unes aux autres rencontre les nombreuses difficultés de la justification des modèles (Delattre et Thellier, 1979).

Une autre question épistémologique liée à l'analogie, question qui est de toute première importance, concerne l'analyse de la signification profonde (c'est-à-dire à un niveau plus fin de description) des analogies structurales relatives à divers systèmes signifiés, telles qu'elles apparaissent dans les systèmes signifiants correspondants. Une telle analyse ne peut être faite avec fruit sans que d'abord on traduise les modèles signifiants dans un langage théorique unifié. L'exemple de l'analogie entre information et entropie, qui a déjà fait l'objet de très nombreuses études (Brillouin, 1959 ; Atlan, 1972, notamment), sans que l'on puisse prétendre que le problème soit définitivement et complètement éclairci, relève de cette problématique.

Ce genre de préoccupation devrait conduire aussi à mieux préciser en quoi est légitime la suspicion envers ce que l'on appelle le raisonnement par analogie. L'abus dénoncé revient toujours à extrapoler la validité d'une analogie hors du domaine où elle a été établie, ce qui montre son lien avec tout ce qui touche au pouvoir de prédiction des modèles. Or ce pouvoir de prédiction constitue seulement l'un des aspects de la justification des modèles, qui est un problème complexe qu'on ne peut guère aborder sans se placer dans le cadre d'un langage théorique bien spécifié – une telle nécessité rejoignant celle qui vient d'être évoquée.

Toutes ces questions concernant le statut scientifique de l'analogie suscitent un renouveau d'intérêt très marqué, favorisé et, dans une certaine mesure, provoqué par la recherche de nouvelles synthèses qu'appelle le fractionnement de la science en disciplines et sous-disciplines de plus en plus spécialisées. Il est significatif, par exemple, que René Thom appelle souvent la théorie des catastrophes une théorie de l'analogie (Thom, 1977 ; Thom et al., 1978) ; et la littérature scientifique des dernières décennies contient de nombreuses études sur les usages et le contenu de ce concept (Hutten, 1956 ; Black, 1962 ; Canguilhem, 1963 ; Hesse, 1966, 1972 ; Perelman, 1969 ; Bunge, 1970, 1973 ; Leatherdale, 1974 ; Coster, 1978 ; Lichnerowicz et al., 1979...). Mais il reste beaucoup à faire pour parvenir dans ce domaine à une maîtrise épistémologique satisfaisante, qui conditionne l'utilisation pertinente de cet outil intellectuel.

— Pierre DELATTRE

Bibliographie[modifier]

La tradition antique et médiévale[modifier]

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Analogie et connaissance scientifique[modifier]

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