Historialité - Corbin
L’historialité dans la pensée de Henry Corbin
C’est Henry Corbin[1] qui a forgé[2] le terme d’« historial » suite à son entreprise de traduction[3] des ouvrages de Martin Heidegger. Il a toutefois consacré un déploiement propre d’une compréhension de l’« historial » dans ses ouvrages qu’il nous importe d’indiquer ses grandes lignes. Il existe à ce jour très peu d’ouvrages consacrés à la pensée philosophique de Corbin[4].
Si la pensée de Corbin fait état des développements heideggériens, elle se démarque bien de ceux-ci et indique ses distances nettes. Situons brièvement le sens de l’historialité chez Heidegger en guise de point de départ, mais également en guise d’une rupture nécessaire au développement ultérieur. L’historialité (« Geschichtlichkeit ») notamment celle du Sein und Zeit[5], répond au problème de la « Ständigkeit des Selbst » (le maintien de soi)[6]. En ce sens, le Dasein[7] se révèle comme essentiellement ou primairement historial (« geschichtlich »). Il est ainsi un « être historique » avant la science de l’histoire (« Historie »)[8]. Or l’histoire est posée comme problème existential. C’est un rapport du Dasein à son propre passé qui s’entend comme à des possibles dans le passé. L’historialité constitue en fait une élaboration plus concrète de la temporellité (« Zeitlichkeit »)[9].
Le rapport qu’entretient le Dasein au passé peut être authentique ou inauthentique[10]. Il se construit sur plusieurs niveaux notamment sur ce qu’il convient d’appeler un historial « primaire »[11] et un historial « secondaire », pour enfin parler de façon dérivée d’une « histoire du monde »[12]. Il est alors question d’un héritage (« Erbe ») du passé qui ouvre des possibilités qui se transmettent à nous[13] et qui ne peuvent être reprises que par l’attitude de « résolution » (« Entschlossenheit »). S’il s’agit de « répétition » (« Wiederholung »), c’est uniquement en vertu d’une « historialité » ayant en vue l’avenir et non pas en vertu d’une « attitude muséale »[14] du passé.
Ce sont ainsi les grands traits de cette compréhension de l’« historialité » que l’on retrouve dans les pages du Sein und Zeit. Nous n’évoquerons pas ici le développement que lui réserve Heidegger par la suite qui se dira « Seynsgeschichte » ou « Geschick des Seins », après ce qui est communément appelé le tournant (« Kehre »).
Henry Corbin ne récuserait pas la formulation d’une temporalité extatique[15], toutefois l’intérêt de Corbin est le point de vue du « Soi ». C’est ce Soi qui s’ouvre lui-même dans une « histoire » qui appelle un « messianisme » de lui-même. Dès lors, comme nous ferons état, il conviendra de parler d’« historialité » et non d’« histoire ».
Dans un deuxième temps et dans le prolongement d’un lexique tant proche mais tout aussi éloigné de Heidegger, il sera question de mettre en exergue ce que nous dénommons ici une « charge déconstructionniste » d’une « option du monde » reposant sur une conception corbinienne d’un « être-pour-la-mort », mais qui est présent « à » un « au-delà-de-la-mort »[16]. Il sera question d’un être-au-monde sous un regard corbinien qui peut s’ouvrir à un au-delà de la mort. Cette compréhension de l’historial converge vers un messianisme du Soi qui s’élève comme le seul messianisme possible au sens corbinien.
L’approche corbinienne est dense et profonde et a permis un développement important par la suite. C’est ainsi que Gilbert Durand se basant sur cette conception de l’historial corbinien, dira que chaque spectateur qui visite le Louvre se retrouve devant La Joconde de Léonard de Vinci comme devant une inépuisable épiphanie en s’appuyant sur une répétition instauratrice et symbolique[17]. Corbin est aussi considéré par certains comme un des pionniers de la psychologie archétypale[18]. Nous ne pouvons par contre entrer ici dans toutes ses dimensions, ni faire état d’une appréciation critique. Nous tenterons de dégager les grandes lignes de la démarche corbinienne au risque d’exposer seulement des propositions partielles. Nous nous préoccuperons uniquement de deux points, d’une part, la place que peut jouer une hiérohistoire dans une compréhension historiale ; d’autre part, comment toute considération d’une hiérohistoire soulève la problématique d’une « option du monde ».
Sommaire
I. Hiérohistoire et historialité[modifier]
Pour Corbin, le fait de ne pas s’interroger sur une pleine histoire de la vérité et sur le lien qui se tisse au-delà de certaines traditions philosophiques notamment celle de Heidegger et celle d’Avicenne ou de Sohravardî, émanerait d’un voilement qu’il exprimait par « le symptôme d’un cloisonnement ». Dans ce qui ne révélerait pas une logique apparente, il est en vérité question de ce que peut être une « quête du ’philosophe’ ». Or cette quête n’est animée qu’en vertu de ce qui se cache par-derrière elle, même si Corbin ne le dit pas ainsi. C’est le « Soi » lui-même qui cherche à venir à la manifestation. Quête du philosophe et destin du Soi se rejoignent dans une notion de l’historialité corbinienne. Cette « quête » ne saurait, sauf en raison d’un nouveau voilement, être liée à des incidents linguistiques ou de parcours ou d’une certaine histoire quelconque de la philosophie. La quête elle-même appelle à une nouvelle compréhension de l’historial. En cela, Henry Corbin se dit un ‘philosophe’ qui « poursuit sa Quête là où l’Esprit[19] le guide ». Il s’exprimera ainsi :
- « Ce que je voudrais arriver à faire comprendre, tout en désespérant de le faire en ces quelques instants […] ce que je cherchais chez Heidegger, ce que je compris grâce à Heidegger, c’est cela même que je cherchais et que je trouvais dans […] l’œuvre de personnages dont je rappellerai tout à l’heure quelques grands noms »[20].
Ces œuvres dont il parle sont entre autres ceux d’Ibn ’Arabî, de Sohravardî et de Molla Sadra.
La « hiérohistoire »[modifier]
À côté de l’« historialité », Corbin introduira le terme « hiérohistoire »[21], c’est-à-dire ce qui semble renvoyer à une histoire sacrale[22]. À la différence d’une compréhension « naturelle » de l’histoire, la problématique de la hiérohistoire ne vise nullement les faits extérieurs d’une « histoire sainte » ou d’une « histoire du salut », mais d’une telle histoire comme historialité même du Soi.
L’historialité[23] pour Corbin signifie d’abord que l’histoire manifeste des événements y compris des histoires saintes qui ne sont possibles que parce qu’il existe une structure plus profonde rendant la temporalité plus fondamentale[24]. Il y est question de la structure même de la présence[25]. C’est nous-mêmes qui sommes l’histoire et non pas que nous avons en face de nous une histoire, d’où la problématique de l’historialité, mais cette historialité englobe nécessairement une « hiérohistoire ». On ne peut en cela se prémunir contre cette hiérohistoire. Il faudra donc dire que c’est nous même qui sommes aussi cette « hiérohistoire » et non pas que nous avons en face de nous une « hiérohistoire ».
Comment comprendre cette hiérohistoire ? Pour Corbin, celle-ci tente de comprendre quelque chose d’originaire à savoir l’ésotérique caché sous le phénomène des histoires saintes et de leurs productions. Elle renvoie à un au-delà d’elle-même. Il est notamment question des dessous de l’apparence littérale ou naturelle des événements et des textes sacrés, celle des histoires saintes et des Livres saints. Nous pouvons dire que chez Corbin, ce que vise cette hiérohistoire c’est bien une révélation du Soi. C’est le Soi qui se cache derrière la hiérohistoire, dans sa dimension profonde.
Si l’histoire n’est possible qu’en vertu de ce qui serait plus profonde, c’est-à-dire la structure même de la temporalité (d’où l’historialité), la hiérohistoire ne peut se dévoiler chez Corbin qu’en vertu d’une compréhension même de ce qui se cache derrière elle, comme une sorte de doublure. Or, c’est dans ce que nous nommons ici de pli que se révèle chez Corbin le « Soi ». La hiérohistoire est une doublure historiale qui fait intervenir le Soi, qui le présente comme seul acteur de la hiérohistoire et qui le convoque et l’appelle. C’est un appel de lui-même à lui-même. C’est le Soi qui peut ainsi connaître « sa » propre histoire de la vérité. L’historialité s’est déplacée pour être au centre même de la notion d’un « Soi ». Pour autant, il faut éviter qu’on fasse trop rapidement le lien entre ce qui doit être compris comme un Soi corbinien et ce qui est de l’ordre d’un Dasein heideggérien, cette dernière expression ne pouvant pas être tautologique ici. Nous nous permettons de dire, tout en modifiant le lexique corbinien, qu’il faut comprendre le sens de la « hiérohistoire » de Corbin comme une « hiérohistorialité ». Corbin insère donc la problématique de la hiérohistoire dans l’historialité même et cette « doublure » n’est pas sans conséquences sur un « Soi ».
Cette historialité corbinienne revêtira la forme d’une herméneutique du Soi ou le Soi comme lieu de l’herméneutique et comme on le verra le Soi comme un « Sois ! ». En effet, Henry Corbin s’appuie sur l’avènement de l’être. Il s’arrêtera, à cet effet, sur une mise à l’impératif d’un sens d’« être » dans la hiérohistoire. Il citera ainsi l’impératif coranique du divin donnant naissance à l’existence : « Sois ! »[26] (« koun » à la seconde personne, « Esto »). Corbin y verra que ce qui est premier, ce qui n’est ni l’« ens » ni l’« esse », c’est l’« esto », c’est l’impératif du « Sois ! ». C’est alors un impératif inaugurateur de l’être, une entente possible et rendu possible. Le « Sois ! » n’est en vérité, pour Corbin, que l’autre mot pour le « Soi ».
Si on est ici devant ce qui apparaît pour Corbin comme un impératif divin au sens actif, le vrai sens réside dans sa considération par le Soi. C’est aussi le point d’un appel messianique, un événement en soi, un événement « du » Soi. Ce qui était impératif ne peut être pour nous perçue que dans une « significatio passiva » (« amr maf’ûli »). Le « Soi » est d’abord, pour le dire selon un accent heideggérien, une résolution présentifiante. “L’historialement vrai”
Corbin estime toutefois que si l’historialité permet de nous arracher d’une historicité aplatie et linéaire, il n’est pas en tout cas dans l’historicité des événements historiques ou religieuses, ou alors dans la lettre des Livres saints. Sans le dire, Corbin nous permet également de concevoir ce qui pourrait être considéré comme une sortie de l’Histoire comme historiologie et une sortie du Livre en tant que fin de l’herméneutique même de la littéralité. S’il y a un « sens de l’Histoire »[27], il ne serait que dans cette « historialité » corbinienne qui comprend également une « hiérohistorialité » et qui est tissée par ses racines existentiales secrètes et ésotériques[28]. Il faut souligner que le sens de l’Histoire est intimement lié au dévoilement du Soi. Il s’agit du « Soi » que je suis et en cela du « Sois ! » dans lequel je deviens au singulier et non d’un « Soi » qui serait une sorte d’abstraction. De même, il faut comprendre toute « révélation »[29] et son sens qui ne s’épuisera jamais, puisqu’il prend son assise dans l’historial et non dans l’histoire. Corbin cite le cas d’un traité de « théosophie » qui s’intitule « Kashf al-mahjûb » (« le dévoilement des choses cachées »)[30] pour y voir une démarche du phénoménologue, une démarche de tout Soi en quête de son « advenir ». Il est ici question de dévoilement, mais un dévoilement de telle sorte que le Soi-même se dévoile. Il ne s’agit pas de parler de « révélation » comme histoire naturelle, mais de penser ce qui se joue au plan de l’historialité dans cette « révélation ». Or c’est le Soi qui est convoqué à tout moment. La question de la vérité se pose au plan de l’historial et non de l’histoire. Nous pouvons ainsi dire que toute révélation convoque la vérité du Soi.
Pour Corbin, des philosophes de l’historial au sens de l’« hiérohistorialité », comme Sohravardî, ne pensent pas en « historiens ». Sohravardî peut ainsi prendre le passé zoroastrien en charge et tout autre passé qui fait de lui un « présent-à-venir ». Cela est « l’historialement vrai »[31] et non l’historiquement vrai. En cela, nous avons un déplacement et une rupture avec la pensée de Heidegger du Sein und Zeit sur le sens que l’on peut donner à « l’historialité » et qui doit prendre en charge « toute » l’histoire de la vérité, c’est-à-dire et avant tout la vérité du Soi, du « Soi » (ou du « Sois ! ») que je suis.
C’est ainsi que Corbin fait intervenir la hiérohistoire dans l’historialité. Cette historialité doit désormais se lire comme historialité du Soi. L’événement c’est alors le Soi qui se dévoile dans un sens infini. Le Soi s’appelle lui-même à se dévoiler toujours, d’où une historialité messianique que nous pouvons qualifier comme un « advenu » de lui-même qui est toujours dans un « advenir ».
II. L’option du monde[modifier]
De ce développement de « l’historial » qui veut s’inscrire comme une histoire de la vérité au sens corbinien, il en résulte nécessairement une déconstruction de la pensée même de Heidegger, là où les deux conceptions se rencontrent mais ne peuvent cohabiter et doivent de ce fait s’expulser l’une l’autre.
C’est en ce sens que Corbin traitera de la notion de l’« option du monde », qu’il trouve sous-jacente à la conception du Dasein heideggérien, dans une « visée déconstructionniste » même si Corbin n’utilise pas un lexique de la « déconstruction » en tant que tel. Si l’historial se veut être une herméneutique comme transparence, il doit passer, pour Corbin, par la destruction même de l’herméneutique pour révéler le Soi, ce qui sous-entend un repérage de ce qui ne serait pas plus qu’une « option du monde » dans la conception heideggérienne.
Une adhésion obligatoire ?[modifier]
C’est dans cette perspective que Corbin a voulu mettre en exergue que l’herméneutique heideggérienne postule une option philosophique d’un « Weltanschauung » qui devient évidente dans la problématique heideggérienne d’un « être-pour-la-mort ». En ce sens, Corbin se demandera à quel titre une telle adhésion tacite nous y est sollicitée.
Si une autre conception du monde ne coïnciderait donc pas avec celle de Heidegger, ce qui serait tout à fait légitime, le sens du « da » du Dasein heideggérien renverrait à un autre « situs », à une autre dimension autre que celle sur quoi repose Sein und Zeit[32]. Sur ce point, il nous sera permis d’y voir que dès lors que le « da » est lui-même historial au sens corbinien, cette position de Corbin est justifiée.
Corbin ira toutefois plus loin dans son opposition. Comme il l’exprimera, la dette de Heidegger demeure dans la notion de « clavis hermeneutica » comme un geste et une démarche du philosophe. Le développement heideggérien est pour Corbin un secours de pouvoir exprimer ce qu’il aura déjà trouvé chez d’autres penseurs dont il fait état. L’assise de sa pensée emprunte davantage à ces autres penseurs qu’à Heidegger. Ce que la problématique de l’option du monde rend évidente c’est qu’elle consolide un point de rupture avec Heidegger pour ne retenir en somme que la notion de « clavis hermeneutica ». Mais cette clé ne signifie pas pour autant que toute la philosophie de Heidegger doit être convoquée à l’appui sans interrogation. À titre d’exemple, Corbin se dit pouvoir retrouver un autre type de « clavis hermeneutica » chez Emanuel Swedenborg (1688-1772)[33]. L’important c’est la clé que nous transmet un penseur. Le phénoménologue se sert de celle-ci comme une des leçons principales à retenir, y compris dans le cas de Heidegger. C’est la « quête » même du philosophe dont on avait fait état dès le début. En cela et pour Corbin, Heidegger nous présente une clé dont il aura voulu faire état sans nécessairement exiger sur ce plan une adhésion à « sa » conception du monde. Il faut par conséquent penser le travail du phénoménologue tout en étant conscient d’une « déconstruction » qui s’impose.
Des philosophes tels Sohravardî ou Ibn ’Arabî qui formeront l’assise de la pensée corbinienne, avaient bien mis en pièce, aux dires mêmes de Corbin, des métaphysiques de l’Essence. À la place, ils se fondent sur l’acte d’exister, sur l’existence, voire sur l’acte d’être[34] qu’on retrouve chez Corbin dans le messianisme du Soi. Corbin les retrouvent comme les véritables fondateurs de l’existentialisme. L’ambiguïté chez Heidegger
De surcroît, selon Corbin, ce situs d’un « da » (du Dasein) est ordonné chez Heidegger autour d’une ambiguïté. C’est celle de la finitude humaine qui est caractérisée comme un « être-pour-la-mort » (« Sein zum Tode »). Pour un philosophe de l’historial au sens corbinien, la présence telle qu’il l’éprouve en ce monde n’est pas vécue comme ayant pour finalité la mort, comme uniquement un « être-pour-la-mort », mais aussi comme un « être-pour-un-au-delà-de-la-mort ».
À quoi nous invite la démarche de Corbin ? Il nous semble que Corbin nous engage dans le prolongement même de sa pensée qui nous expliquerait sa position. Le propre d’un Soi en se comprenant, opère une circonscription du « da » – si tant est qu’il faille maintenir ce vocabulaire – qui devient le « situs » d’une certaine présence et qui permet de dévoiler un tout autre horizon qui lui était jusque-là caché[35]. Ce qui s’ouvre c’est bien un appel à une transparence même de son Soi, une transparence de son « da », qui s’inscrit toujours dans un messianisme du Soi, qui reste libre quant à son « option du monde »[36].
Quoi qu’il en soit, soulignons enfin cette remarque de Corbin qui résumerait d’une part, l’adage de l’analytique heideggérienne comme être « libre pour la mort »[37]. Mais d’autre part, il en résulte une ferme invite à une liberté pour un « au-delà » de la mort. Corbin se demandera dans quelle mesure cette invite (« Entschlossenheit » comme « sans retrait ») ne serait pas un mouvement de « retrait » devant la mort chez Heidegger, témoignant d’une impuissance à être « libre pour au-delà de la mort », à se rendre présent « à » un au-delà de la mort ? Corbin répliquera comme suivant :
- « Je crois que pour les philosophes, comme un Sohravardî, l’idée d’un « achèvement » ainsi envisagé, dénonce au contraire l’acceptation de l’« inachèvement » d’un être condamné à retomber « en arrière » de lui-même »[38].
C’est ainsi que pointe la problématique de toute immobilisation prématurée sur un achevé qui est à jamais inachevable.
Conclusion[modifier]
Le messianisme du Soi dont nous avons fait état, pouvait bien se comprendre en lui-même sans nécessiter une « déconstruction » de l’option du monde. Or, Corbin engage un pas de plus dans sa pensée. L’option du monde permet à Corbin de préciser dans quelle mesure Heidegger lui fut un secours et dans quelle mesure il lui faut rompre avec la pensée de celui-ci pour donner primauté à ce qui serait plus propre à sa pensée qui tisse des affinités avec bien d’autres penseurs[39].
Il n’en demeure pas moins vrai que l’importance de la hiérohistoire réside dans le fait qu’elle déplace le sens d’un « messianisme » historique vers un messianisme historial, mais d’une telle historialité qu’elle déplace le point de vue d’un « être-au-monde » vers un Soi face à lui-même qui doit connaître « son » histoire de la vérité. Il ne s’agit pas d’écarter la « hiérohistoire » pour dire que ce n’est qu’un « rien », mais pour dire qu’elle fait partie même de toute historialité dans ses pleines potentialités. Sur ce plan, la conclusion qui s’impose c’est que la pensée de Corbin rencontre Heidegger dans son cheminement et ne peut nullement se dire une « reprise » heideggérienne. C’est à l’occasion de cette rencontre que Corbin élève une difficulté quant à l’option du monde. À juste titre, la familiarité lexicale entre la pensée de Corbin et sa traduction de Heidegger doit ainsi être approchée avec une grande prudence, qui nécessite d’y voir l’espace d’une opposition et d’une distance nette. Les présupposés et le dispositif conceptuel dans son ensemble ne sont en réalité pas les mêmes.
Nous préciserons que Corbin nous retient, en retour, par le geste qu’il opère entre ces différents philosophes, comme « clavis hermeneutica ». Certes beaucoup d’autres questions restent en suspens. Si on ne saurait épuiser ici les ressources de cette pensée et ce qu’elle permet de comprendre ou d’interroger, qu’il nous soit permis de souligner uniquement ceci : l’approche de Corbin doit être appréciée en dernière analyse pour elle-même.
Bibliography[modifier]
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References[modifier]
Bibliographical reference[modifier]
Riyad Dookhy, “Un messianisme historial ?”, Les Cahiers philosophiques de Strasbourg, 37 | 2015, 39-54.
Electronic reference[modifier]
Riyad Dookhy, “Un messianisme historial ?”, Les Cahiers philosophiques de Strasbourg [Online], 37 | 2015, Online since 03 December 2018, connection on 04 December 2021. URL: http://journals.openedition.org/cps/480; DOI: https://doi.org/10.4000/cps.480
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- ↑ 1 Corbin (1903-1978) a été l’un des premiers traducteurs de Heidegger (1889-1976) en France à une époque où celui-ci n’était pas encore bien connu. Il a aussi été le traducteur des philosophes relevant d’une autre tradition, voire d’un autre temps, dont des noms comme Sohravardî (Shahab ud dîn yahya 1155-1191 ou 1208) ou Ibn ’Arabî (Ibn ’Arabî de Murcie, d’Espagne de langue arabe, 1165-1240). Sa réponse tient à sa « Quête » de l’esprit, comme il sera question plus loin. Rappelons qu’en date du 6 à 9 mai 1968 s’était tenu un colloque à l’Université de Strasbourg sur l’imâmologie, dans lequel Corbin avait participé. Le titre de sa communication d’alors était : « Imâmologie et philosophie » ; v. Henry Corbin, « Imâmologie et philosophie », in : Le shî’isme imâmite, p. 143-174.
- ↑ 2 Corbin explique : « Ai-je besoin de dire que le cours de mes recherches prenait origine dans l’incomparable analyse que nous devons à Heidegger montrant les racines ontologiques de la science historique, et mettant en évidence qu’il y a une historicité plus originelle, plus primitive, que ce qu’on appelle l’Histoire universelle, l’Histoire des événements extérieurs, la « Weltgeschichte », bref l’Histoire au sens ordinaire et courant du mot. Pour la signifier, je forgeai le terme d’« historialité », et je crois que le terme est à conserver. Il y a entre l’historialité et l’historicité le même rapport qu’entre l’existential et l’existentiel. […] », H. Corbin, L’Imâm caché, p. 186-187.
- ↑ 3 Il convient de rappeler quelques traductions importantes de Corbin : M. Heidegger, Qu’est-ce que la métaphysique ?, p. 254. Cet ouvrage contient des traductions en leur intégralité de « Was ist Metaphysik? », de « Vom Wesen des Grundes » et de « Hölderlin und das Wesen der Dichtung ». À ceux-ci s’ajoutent deux traductions partielles, celle de « Kant und das Problem der Metaphysik » (§ 42-45 sur l’ontologie fondamentale) et celle de Sein und Zeit (§ 46-53 et § 72-74). La traduction de François Vezin de Sein und Zeit est l’« aboutissement » d’un travail dont Henry Corbin a été « l’initiateur » en 1938 ; cf. l’explication en liminaire, in : M. Heidegger, Être et Temps, p. 591, qui est « traduit de l’allemand par François Vezin, d’après les travaux de Rudolf Boehm, Alphonse de Waelhens, Jean Lauxerois et Claude Roëls ». La référence à cet ouvrage est ici abrégée (« ÊeT, Vezin »). Adde : M. Heidegger, Question I et II, p. 582 ; M. Heidegger, Approche de Hölderlin, p. 266.
- ↑ 4 C’est la même remarque que fait T. Cheetam, in : L’envers du monde, Henry Corbin et la mystique islamique, p. 13. Il faut toutefois mentionner l’œuvre de D. Shayegan, Henry Corbin, La topographie spirituelle de l’islam iranien, p. 305. Il faudrait y ajouter également sa deuxième étude : D. Shayegan, Henry Corbin, Penseur de l’islam spirituel, p. 428.
- ↑ 5 M. Heidegger, Sein und Zeit, p. XI + 437, cité ici en titre abrégé (« SuZ »). Pour les traductions, voir la bibliographie choisie.
- ↑ 6 SuZ, p. 375 § 72 ; ÊeT, Vezin, p. 439 § 72.
- ↑ 7 Il conviendrait d’employer le « Dasein » sans la majuscule quand il ne s’agit pas ici d’une pensée strictement heideggérienne. Nous avons préféré faire référence quand le contexte nous le permet de parler d’un « être-au-monde ». L’expression « Dasein heideggérien » comme nous l’aurons indiqué dans le texte ne peut être ici tautologique. De plus, il ne nous apparaît pas nécessaire d’introduire le « Da-sein » aux côtés du « Dasein ».
- ↑ 8 C’est dans les conférences de Kassel en avril 1925 que Heidegger œuvre pour la distinction entre « Historie » et « Geschichte ». Cf. François Jaran traduit « Geschichte » par « histoire » (de l’ordre d’une histoire « vécue ») et « Historie » par « enquête historique » ou « science historique » (qui est de l’ordre d’une histoire « écrite »). S’il traduit « historisch » par « historique », et « geschichtlich » par « historial », il traduit par contre « Geschichtlichkeit » par « historicité » et non « historialité » ; v. F. Jaran, « De la différence entre l’histoire comme événement (Geschichte) et l’histoire comme science (Historie) chez Heidegger », Klésis, p. 105, n° 1. Tant Vezin que Martineau maintiennent le terme d’« historialité » pour « Geschichtlichkeit ». Martineau traduit ‘Historie’ par « enquête historique », alors que Vezin le traduit par « études historiques ». Pour autant, Greisch est d’avis que l’« enquête historique » est trop restrictive pour exprimer « Historie » et que la traduction par « études historiques » par Vezin sera « préférable ». Greisch se permet de penser à « historiographie », mais propose également « science historique » ; J. Greisch, Ontologie et temporalité, Esquisse d’une interprétation intégrale de Sein und Zeit, p. 374. Cf. Les termes de « historical » et « historicality » en anglais, cf. M. Heidegger, Being and Time, p. 427.
- ↑ 9 SuZ, p. 382 § 74 ; ÊeT, Vezin, p. 447 § 74.
- ↑ 10 Sur la qualification de l’historialité « authentique » (Martineau) (ou « propre », Vezin) du Dasein : SuZ p. 386 § 74 ; M. Heidegger, Être et Temps, Martineau, non-paginé, v. § 74 ; ÊeT, Vezin, p. 451 § 74. Le paragraphe 75 SuZ traitera d’une compréhension historiale impropre.
- ↑ 11 SuZ, p. 381 § 73 ; ÊeT, Vezin, p. 446 § 73.
- ↑ 12 On pourra consulter J. Greisch, Ontologie et temporalité, p. 359 et s.
- ↑ 13 SuZ, p. 383 § 74 ; ÊeT, Vezin, p. 448 § 74.
- ↑ 14 J. Greisch, Ontologie et temporalité, p. 373.
- ↑ 15 Cf. Les propos de Corbin : « L’Ayant-été ne peut présentement « être »-ayant-été (« Gewesenheit ») que comme naissant sans cesse de l’avenir. Il n’y a de présent que parce que l’avenir ne cesse de devenir ayant-été (« Gewesend »). Le présent c’est cela : c’est l’avenir ayant-été-à-venir, mais parce que l’avenir « est » ayant-été, il garde au présent toutes ses virtualités et possibilités. Tout dépend de l’« acte de présence » (Da-sein) par lequel l’ayant-été « est » là (da-gewesen). C’est là même le processus de la temporalisation du temps », H. Corbin, L’Imâm caché, p. 190. Pour Heidegger, le fait de contempler un objet dans un musée historique, ce qui est passé, c’est le « monde » d’un Dasein étant-au-monde (« in-der-Welt-seienden Dasein ») et se préoccuppant, qui n’est plus. Même si ce Dasein n’existe plus, il est ontologiquement dans la dimension d’« y-être-été » (« da-gewesen »). Le Dasein recueille ainsi l’héritage (« Erbe ») du fait même qu’il est un être-jeté (« Geworfenheit »), comme être-au-monde (« In-der-Welt-sein ») ; cf. SuZ, p. 380-384 § 73 et 74 ; ÊeT, Vezin, p. 445-448 § 73-74.
- ↑ 16 Une telle certitude s’enracine dans l’Imaginal. Toutefois, faute de temps, on ne pourra pas le traiter ici, ce qui serait par ailleurs une notion clé chez Corbin. Nous pouvons toutefois préciser que l’Imaginal n’est ni intellectuel, ni sensible. Il au carrefour des deux. Pour Corbin c’est le monde des figures-Archétypes, monde intermédiaire, mais monde aussi réel qu’objectif. L’historialité au sens corbinien doit à terme nous permettre un dévoilement de nous-mêmes dans notre propre histoire de la vérité. C’est bien au moyen de l’Imaginal que cette historialité se déploie, tout aussi bien que cette historialité en jeu nous permet de rendre transparent notre Imaginal. L’imaginal, comme le dira Corbin, c’est rendre visible son Soi-même ; H. Corbin, Avicenne et le récit visionnaire, p. 26.
- ↑ 17 G. Durand, L’imagination symbolique, p. 16 et notamment la note 2. Il faudra dire aussi ce que peut être un « symbole » pour Corbin, une question qu’on ne pourra pas traiter ici.
- ↑ 18 T. Cheetam, L’envers du monde, p. 12. Il faudrait faire état ici de la rencontre entre Carl-Gustav Jung et Corbin et le rôle du Cerlce d’Eranos dit aussi Cercle de réunion d’Eranos. Nous citerons ces quelques extraits : « […] j’étais un métaphysicien, non pas un psychologue, Jung était un psychologue non pas un métaphysicien, quoiqu’il ait souvent côtoyé la métaphysique. […] Plus tard je devais être absorbé, et je le suis encore, par la métaphysique de l’Imagination active […] Tout ce que le psychologue énonce sur l’« Imago » prend, pour le métaphysicien, un sens métaphysique. […] De ces recherches, Jung dégageait l’idée d’un « monde de corps subtils ». L’intuition était profondément juste. […] », H. Corbin, L’Imâm caché, p. 241 sq.
- ↑ 19 Qu’est-ce que Corbin entend par « Esprit » ? C’est l’Imaginal pur, c’est-à-dire le propre du Soi qui demande à se manifester. C’est un Soi affranchi des obstacles des perceptions sensibles. Corbin dira que sa méconnaissance tient à une « peur de l’Ange », H. Corbin, L’imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn ’Arabi, p. 11.
- ↑ 20 H. Corbin, L’Imâm caché, p. 175.
- ↑ 21 Sur la distinction entre « hiérohistoire » et « métahistoire », H. Corbin, Histoire de la philosophie islamique, p. 98 et s.
- ↑ 22 On peut retrouver une pensée de la « hiérohistoire » chez les gnostiques et les kabbalistes. Ce sont les mystères de la Tora primordiale, de la Tora-Sophia, contenant les archétypes de la Création que le Saint-béni-soit-il contempla pendant des millénaires avant de créer les mondes ; voir par exemple, le monumental ouvrage Arbre de Vie (Es Hayyim) de Hayyim Vital (1543‑1620) ; cf., S-R. Gabrielle, « Le rôle de la kabbale dans la tradition juive selon Hayyim Vital », Revue de l’histoire des religions, p. 177‑196, et notamment p. 180-181 où le passage est cité. Adde : G. Scholem, La kabbale, p. 661 sq.
- ↑ 23 H. Corbin, L’Imâm caché, p. 186-187.
- ↑ 24 T. Cheetam, The World Turned Inside Out, p. 7.
- ↑ 25 T. Cheetam, The World Turned Inside Out, p. 8. S’il faut bien voir l’acceptation de la formulation d’une temporalité extatique en ce contexte chez Corbin, il faut garder à l’esprit le sens du « Soi » (et non du Dasein), qu’on ne pourra développer ici entièrement. Le Soi est lié à l’Imaginal. Certes, il n’est pas question ici de l’« Esprit » au sens hégélien.
- ↑ 26 Cor. XXXVI : 82 ; v. J. Berque, Le Coran, Essai de traduction, p. 477. C’est l’injonction divine à l’« existence ». Certes, nombreux sont ceux qui ont commenté ce propos, dont Corbin lui-même, qui ne serait pas de l’ordre d’une création de l’« homme » ex nihilo.
- ↑ 27 Corbin dira que la conscience religieuse de l’islam est centrée non pas sur un fait de l’histoire, mais sur un fait de la « métahistoire ». Il faut comprendre « métahistoire » non pas comme quelque chose qui soit « post-historique », mais « trans-historique » ; cf. H. Corbin, Histoire de la philosophie islamique, p. 24. Il faut comprendre alors une métahistoire qui s’associe au sens même du Soi.
- ↑ 28 L’ésotérique s’appuie encore sur l’Imaginal, ou plutôt, c’est en raison de l’Imaginal qu’il nous est permis de parler d’ésotérisme.
- ↑ 29 Notons ici que le « sens » même de la révélation est lui-même historial.
- ↑ 30 A. Y. Sejestani, Le dévoilement des choses cachées, Recherches de philosophie ismaélienne, p. 139.
- ↑ 31 « […] ce ’sens vrai’ sera-t-il ce que l’on appelle couramment le sens historique, ou bien un sens qui nous réfère à un autre niveau que celui de l’Histoire au sens courant de ce mot ? », H. Corbin, L’Imâm caché, p. 177.
- ↑ 32 Il faudrait que nous introduisions ici la problématique de l’Imaginal, de nouveau. Qu’il suffit, pour autant, de dire de façon schématique que l’Imaginal, qui n’est pas l’Imaginaire, advient lors du dévoilement d’un Soi à lui-même.
- ↑ 33 Auteur de Arcana caelestia, ouvrage publié à Londres en latin en 8 volumes entre 1749 et 1796.
- ↑ 34 Cf. par exemple, C. Jambet, L’acte d’être, La philosophie de la révélation chez Mollâ Sadrâ, p. 447.
- ↑ 35 C’est le propre de l’Imaginal, qui joue dans la révélation du Soi à lui-même.
- ↑ 36 Ceci laisse ouverte la question quant à savoir si le Corbin théosophe nous donnera une autre approche.
- ↑ 37 SuZ, p. 384 § 74 ; ÊeT, Vezin, p. 448 § 74.
- ↑ 38 H. Corbin, L’Imâm caché, p. 202.
- ↑ 39 Corbin nous dit en ses propres mots : « […] je crois qu’il m’aurait été beaucoup plus difficile de traduire le vocabulaire d’un Sohravardî, d’un Ibn ’Arabî, d’un Mollâ Sadrâ, etc. si je n’avais pas été entraîné préalablement aux exercices, aux acrobaties qu’il m’avait fallu faire pour traduire le vocabulaire allemand inouï que nous trouvons chez Heidegger », H. Corbin, L’Imâm caché, p. 181.