Jésus le Juste

De JFCM
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En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Je m’en vais maintenant auprès de Celui qui m’a envoyé, et aucun de vous ne me demande : “Où vas-tu ?”
Mais, parce que je vous dis cela, la tristesse remplit votre coeur.
Pourtant, je vous dis la vérité : il vaut mieux pour vous que je m’en aille, car, si je ne m’en vais pas, le Défenseur ne viendra pas à vous ; mais si je pars, je vous l’enverrai.
Quand il viendra, il établira la culpabilité du monde en matière de péché, de justice et de jugement.
En matière de péché, puisqu’on ne croit pas en moi.
En matière de justice, puisque je m’en vais auprès du Père, et que vous ne me verrez plus.
En matière de jugement, puisque déjà le prince de ce monde est jugé. »

avec les carmes

On ne pourrait rien comprendre aux entretiens après la Cène si l’on y cherchait tout de suite des consignes morales. Et pourtant les paroles de Jésus concernent bien notre vie concrète ; mais ce qui passe en premier, dans ces chapitres inépuisables de l'Évangile de Jean, c’est le regard sur Jésus, en cette heure où il est entré, l’heure de la passion glorifiante, où va se jouer notre salut.

Et Jésus, à ce moment de la Cène, commence par exprimer un regret : "Aucun de vous ne me demande : Où vas-tu ?". Demander à Jésus : "Où vas-tu ?", ce serait lui demander le sens de sa mort, et donc le sens de toute sa vie. Et Jésus répond, à cette question que personne ne lui a posée : "Maintenant je vais à celui qui m’a envoyé".

Or cette révélation, qui aurait dû illuminer le c ur des disciples, ne leur apporte que du chagrin, comme à nos communautés, qui se croient orphelines parce que Jésus un instant les laisse au pied de la croix. D’où la remarque de Jésus, où perce un deuxième regret : "Parce que je vous ai dit cela, la tristesse remplit votre c ur". Voilà les disciples en deuil de Jésus, alors qu’il ne cesse de leur parler de sa venue, de sa présence, de sa manifestation.

(...) la tristesse des disciples, c’est un moment d’appréhension qui précède l’éclosion de la vie. Mais dès maintenant, comme antidote au chagrin du départ, et pour inverser le deuil en espérance, Jésus, de nouveau, promet l’Esprit Paraclet. C’est un des passages les plus denses de tout le quatrième évangile, et il ne livre son sens qu’à partir des grands axes de la théologie johannique.

Quand viendra le Paraclet, "il confondra le monde", le monde du refus ; c’est-à-dire qu’il mettra au c ur des disciples la certitude que le monde du refus est dans son tort, "en matière de péché, de justice et de jugement".

En matière de péché, puisque justement le péché par excellence est de refuser la lumière.

En matière de justice, ajoute Jésus. Mais qu’est-ce que la justice, au sens de l’Ancien Testament, repris ici par Jésus ? Pour nous, modernes, la justice consiste à rendre à chacun selon ses mérites, ses droits ou ses besoins. Cette justice sociale se trouve bien dans la Bible, notamment chez les prophètes, mais ici le sens est tout autre. Est juste, dans l’Ancien Testament, la personne ou la chose qui correspond bien à ce qu’on est en droit d’attendre d’elle. Ainsi les "balances de justice" d’Amos correspondent à ce qu’on attend d’une balance, à savoir qu’elle indique des poids exacts. C’est également en ce sens d'une "attente" que Dieu se montre "juste". Il est juste non pas parce qu’il se plie à des normes de justice qui lui seraient imposées de l’extérieur, mais parce qu’il correspond bien à ce que son peuple est en droit d’attendre de lui, étant donné son parti pris d’Alliance : Dieu se montre cohérent avec son propos de salut. De la même manière le croyant se montre "juste" envers Dieu dans la mesure où il s’a-juste à son plan d’amour, et toute la morale de l’Ancien Testament peut se résumer dans l’harmonie des deux justices : la justice prévenante de Dieu envers l’homme, et la réponse "ajustée" de l’homme à son Dieu. On comprend dès lors comment la première communauté chrétienne a pu voir en Jésus le Juste par excellence, le Fils de Dieu pleinement ajusté au dessein de son Père (Act 3,14; 7,52; 22,14). C’est très précisément de cette justice de Jésus qu’il est question à cet endroit du discours d’adieux : le Père va la manifester en ressuscitant son Fils et en le prenant avec lui dans la gloire. "Je vais au Père, dit Jésus, et vous ne me verrez plus". Personne ne pourra contester la "justice" du Ressuscité ; le Paraclet lui-même l’attestera dans le coeur de chacun des disciples.

Le Paraclet, enfin, mettra le monde dans son tort en matière de jugement. Apparemment c’est Jésus qui va être condamné ; en réalité le triomphe, tout proche, de Jésus marquera la défaite définitive du Chef du refus : "C’est maintenant le jugement de ce monde ; maintenant le Prince de ce monde va être jeté bas ; et moi, une fois élevé de terre, je les attirerai tous à moi" (Jn 12,31s).

Ainsi tout se tient : péché des hommes, justice de Jésus, jugement de l’ennemi.

Le péché des hommes consiste avant tout à ne pas croire en Jésus ressuscité, en Jésus le Juste. Pourtant c’est cette justice de Jésus, sa victoire de Pâques, qui détrône le faux prince de ce monde

Voilà les certitudes qui nous fortifient, parce que nous sommes habités par l’Esprit Paraclet.

Voilà les grandes lueurs qui éclairent pour nous toute l’histoire des hommes, et qui nous permettent d’avancer, dans le monde du refus ou de l’indifférence, porteurs d’une espérance pour tous et pour chacun. Une espérance qui tient en deux mots : Jésus ressuscité.