Mucchielli - Psychologie de la communication
Mucchielli - Psychologie de la communication
Introduction[modifier]
La psychologie est au centre de nombreuses problématiques concernant la communication. En effet, la communication est une activité humaine fondamentale. Par ailleurs, le sens, la valeur, l’appréciation et l’évaluation d’une communication dépendent essentiellement de la subjectivité des hommes qui la mettent en œuvre. Nous savons bien qu’une communication porte des sens différents selon les sujets qui ont « à faire » avec elle et aussi selon les contextes dans lesquels communication et acteurs s’insèrent. De ce fait, l’étude de la communication a souvent recoupé les théories de la subjectivité humaine et donc les études de la psychologie.
Comme nous le verrons dans cet ouvrage, les connaissances accumulées par la psychologie dans le domaine de la communication concernent essentiellement tout ce qui se passe dans les multiples formes de la relation de face-à-face et il apparaît clairement que toutes les disciplines ont besoin de s’appuyer sur cet ensemble de connaissances de base pour aller plus loin dans leurs propres recherches. On constate en effet, que la situation de communication interpersonnelle est presque toujours, d’une manière ou d’une autre, la situation de référence d’une grande majorité d’études sur les communications. Si l’on explique, par exemple, comment la communication « se déshumanise », se « rationalise », se « monétarise »..., si l’on démonte les effets de marginalisation, de désimplication... dus aux nouvelles formes de communication utilisant les nouvelles technologies, c’est parce que l’on compare toujours ces « nouvelles communications » à la situation référentielle qu’est la communication de face-à-face.
Il y a à cela une raison bien simple : cette situation est celle que nous vivons tous quotidiennement et que nous connaissons intuitivement sous ses multiples aspects : échange amical, fraternel, échange amoureux, communication avec la mère ou le père, avec le maître, le patron, le représentant de l’ordre, dialogue avec le médecin, dialogue psychothérapeutique, disputes diverses, oral d’examen, soutenance de dossier, conférence, interview par un inconnu ou dans un cadre organisé, séminaire de formation, entretien d’embauche, discussion de vente, demande de renseignement, conversation de salon, rituel de présentation...
A l’heure où de nombreuses disciplines se préoccupent de « communication », il convenait de rassembler et de synthétiser, pour les étudiants et les chercheurs en sciences humaines, les multiples résultats obtenus dans ce domaine par la psychologie.
Le présent ouvrage essaie donc de rassembler les données fondamentales résultant d’un siècle d’investigations psychologiques (de 1880 — Freud — à 1980 — Ecole de Palo Alto) centrées sur les phénomènes subjectifs ayant lieu dans les situations où des hommes se trouvent en face à face pour échanger. a psychologie, comme toute science, vise à rendre « intelligible » les phénomènes qui rentrent dans son champ d’analyse. L’intelligibilité scientifique est essentiellement faite de sens partagé. Or, le sens naît toujours d’un rapport à quelque chose. Le sens est en effet toujours sens de quelque chose dans ou par rapport à quelque chose. Le sens (et donc l’intelligibilité scientifique) naît de la confrontation de ce que nous appelons la « réalité » à un certain nombre de références servant de projet de décodage. Un des principaux référents constitutifs de cette appréhension de la « réalité » pour la transformer en « représentation scientifique » est ce que l’on appelle le « paradigme » utilisé par le chercheur.
Un paradigme est un ensemble d’éléments épistémologiques, théoriques et conceptuels, cohérents, « qui servent de cadre de référence à la communauté des chercheurs de telle ou telle branche scientifique [1]. La structure des révolutions… ». A ces éléments il faut adjoindre des résultats de recherche prestigieux, des expériences fondatrices, des croyances et des valeurs partagées par un groupe de chercheurs.
Le paradigme agit comme un mécanisme perceptif et cognitif qui transforme la « réalité » en représentation [2]. C’est un mécanisme de sélection et de recomposition destiné à rendre intelligible une réalité (à lui donner du sens). Ce paradigme est donc le processus transformateur que le chercheur met en œuvre dans son effort de construction de l’objet scientifique de sa recherche. Dès que la réalité est un tant soit peu complexe, le paradigme est forcément réducteur. Par ailleurs, la représentation élaborée porte les traces des orientations du paradigme. Si ce « transformateur » est mécanique, nos représentations seront mécaniques ; s’il est systémique, nos représentations seront systémiques... D’où l’importance accordée à l’explicitation des paradigmes dans l’analyse contemporaine de l’évolution des disciplines scientifiques.
Aucune analyse d’un phénomène ne peut se faire sans qu’il soit fait appel à un paradigme. Il apparaît intéressant, pour comprendre comment une science appréhende un domaine d’étude, d’expliciter d’abord le ou les cadres référentiels qui guident les chercheurs. En ce qui concerne la psychologie, celle-ci est écartelée entre quatre grands paradigmes scientifiques qu’il nous faut expliciter.
Ces grands systèmes de référence pour l’analyse des communications sont le paradigme structuro-expressif, le paradigme formel-transactionnel, le paradigme relationnel-systémique et le paradigme phénoméno-praxéologique.
- ---