Notre-Dame de Paris, un phare dans la ville
Notre-Dame de Paris, un phare dans la ville
Arnaud Bouthéon Président de l’association Lux Fiat créée pour célébrer la cathédrale Notre-Dame de Paris et faire rayonner son message en France et à l'étranger
Majestueuse sur l’Île de la Cité, la cathédrale Notre-Dame de Paris érigée à partir du XIIe siècle est le monument le plus fréquenté d’Europe avec 14 millions de visiteurs par an. Attirés par tant de grandeur et de beauté, les visiteurs ne le sont-ils pas aussi (un peu, voire beaucoup ?) par une perfection surnaturelle qui les dépasse ?
- « Lorsque les cloches de Notre-Dame s’ébranlèrent et que les portes s’ouvrirent pour répandre dans toute la capitale cette foule riche de l’aumône de la vérité, il nous semblait assister non pas à la résurrection du catholicisme, car le catholicisme ne meurt point, mais à la résurrection religieuse de la société actuelle. »
Les mots du célèbre prédicateur Lacordaire résonnent étonnamment, quelques jours après la célébration internationale de la fin de la Première Guerre mondiale, diffusée en mondovision, et qui aura vu les plus grands de ce monde commémorer le centenaire de la paix… convoqués à l’appel des cloches de Notre-Dame.
La construction d’un mythe. Le 12 octobre 1160, Maurice de Sully est nommé évêque de Paris. Dans un contexte de forte expansion démographique et de dynamisme économique, la ville affirme l’importance de son rôle dans le royaume de France comme capitale politique, centre économique et haut-lieu de formation intellectuelle avec le rayonnement international de l’école-cathédrale. Dès son élection, Maurice de Sully propose la reconstruction d’une église-cathédrale dédiée à la Vierge Marie (Notre-Dame) et regroupant les fonctions d’église de l’évêque, d’église des chanoines et de baptistère. Ce projet est au centre d’un gigantesque chantier urbain : – démolition de l’ancienne Saint-Étienne et édification de Notre-Dame ;
- aménagement d’un parvis voulu comme un espace intermédiaire entre le monde profane et le monde de la foi : lieu de catéchèse par l’enseignement sculpté aux portails ;
- percement de la rue Neuve-Notre-Dame : ample voie de 6 mètres de large permettant un accès facile à la cathédrale pour une population nombreuse ; elle servira de cadre aux cours des siècles aux grandes processions ;
- reconstruction du palais épiscopal et de l’Hôtel-Dieu.
Le printemps 1163 est la date traditionnellement retenue pour la pose de la première pierre de Notre-Dame, en présence du pape Alexandre III. Le nouvel édifice s’inscrit dans l’élan du nouvel art que l’on appellera gothique (ou art ogival), qui se répand dans toute l’Europe à partir du Bassin parisien. En 2013, nous avons fêté les 850 ans de l’édifice, plusieurs fois remanié, long de 127 mètres et large de 48. Les tours mesurent 69 mètres de haut, tandis que la flèche culmine à 96 mètres.
La lumière de l’hexagone[modifier]
- La France a été qualifiée « d’éducatrice des peuples » par le pape saint Jean-Paul II quand saint Paul VI remarquait qu’elle « cuisait le pain intellectuel de la chrétienté ». L’Américain Thomas Jefferson disait que « tout homme a deux patries : son pays et la France ». Notre-Dame de Paris est un phare pour la France dont la voix porte mystérieusement et historiquement vers l’universel. Première destination touristique mondiale, la France accueille près de 90 millions de visiteurs chaque année. Au cœur de Paris, la cathédrale Notre-Dame est le premier monument visité de France, avec près de 14 millions de personnes foulant son parvis et entrant en son porche. Certains jours, plus de 50 000 personnes s’y pressent ; la cathédrale peut contenir 9 000 fidèles, dont 1 500 dans les tribunes. Notre-Dame accueille en son parvis le célèbre point zéro, début du comptage du kilométrage de toutes les routes de France. Pour Sacha Guitry, tous les chemins partent de Notre-Dame et toutes les routes y reviennent.
France, terre chrétienne par excellence[modifier]
- Ce monument est une merveille de l’art gothique français, il est le lieu d’accueil des joies et des peines du peuple de France. La célèbre Pietà nous rappelle le vœu de Louis XIII de consécration de notre pays à la Sainte Vierge, en 1638. Il y a aussi ces joies de la libération, du Te Deum et des cloches, sonnées par les soldats américains et les pompiers de Paris, en novembre 1918. Les peines sont celles des enterrements de nos hommes d’Église et d’État ou, plus récemment, des célébrations nationales après les attaques et exactions commises contre notre civilisation. Notre pays a été façonné par les sanctuaires et les monastères. Ses familles ont engendré des cohortes de saints. La France est à la fois une terre bénie et blessée. Bénie par ses saints et blessée par les penseurs et promoteurs de l’humanisme athée. Notre pays est celui de grandes figures masculines apôtres de la Sainte Vierge Marie : saint Bernard, saint Louis-Marie Grignon de Montfort, et plus récemment Le Père Doncœur, Bloy et Péguy, et surtout Claudel, converti de façon fulgurante au pied de la désormais célèbre Vierge au pilier à droite du cœur de Notre-Dame.
Le cube et la cathédrale.[modifier]
- Notre-Dame est le monument emblématique de notre civilisation chrétienne, celle qui féconde cet humanisme chrétien si bien décrit par Henri de Lubac et si bien célébré par le pape Benoît XVI dans son allocation au collège des Bernardins en 2011. Au moment de l’annonce de la mort du Père Hamel, en juillet 2016, à Cracovie, dans l’antre du Mercy Center, je m’approchai de Georges Weigel, le célèbre biographe de saint Jean-Paul II, à l’issue du point presse offert aux médias anglophones. Je l’informai de la mort de l’ecclésiastique et surtout de la portée de ce drame. Il me renvoya vers son ouvrage Le Cube et la Cathédrale, écrit en 2004. Autour de Notre-Dame de Paris se joue en effet un enjeu de civilisation. Face à la Cathédrale Notre-Dame de Paris, le cube de l’Arche de la Défense, dans l’ouest parisien, situé dans l’axe des Champs Élysées et du Palais du Louvre, dispose de dimensions tellement gigantesques qu’il permet d’intégrer, d’enchâsser, d’étouffer la majestueuse Notre-Dame de Paris. Ce cube immense, aux parois lisses et froides, aux formes géométriques strictes et impeccables, est le symbole de l’esprit cartésien et rationaliste ; d’un esprit techniciste, venant de l’homme et centré sur l’homme. Cette opposition entre le cube et la cathédrale représentante l’affrontement du XXe siècle entre l’humanisme athée et l’humanisme chrétien. L’humanisme athée, enterrant toute transcendance et toute vie divine, en cette période postmoderne et postchrétienne, conduit les hommes à la violence de l’idolâtrie politique, à la sécheresse et à l’ennui, à l’angoisse existentielle. Notre-Dame est ce pôle d’attraction unique qui demeure le lieu de convoitises de nombreuses institutions laïques, qui voudraient en faire un mausolée, un musée, lisse et froid, à l’accès tarifé, un lieu de déambulation culturelle dépourvu de toute vitalité sacramentelle quotidienne.
De visiteur à pèlerin ?[modifier]
- Autour de Notre-Dame, sanctuaire marial, l’enjeu est d’attirer à la Sainte Vierge Marie les quelque 14 millions de visiteurs annuels afin que par la grâce et la beauté, ils se transforment, selon l’économie divine, en pèlerins. Ces flux entrants, à travers ce mouvement touristique d’attraction, sont autant d’invitations et d’engagements à la conversion des cœurs. Le texte du spectacle Dame de cœur nous identifie au soldat épuisé, celui qui promet et qui confesse : « Je voudrais moi aussi déposer une bougie, comme le premier hommage, celui des plus pauvres, des humbles bergers, dans la première cathédrale d’humilité. » Face à un monde inapaisé, entré en guerre de façon visible ou larvée, Notre-Dame célèbre la Vierge Marie, Mère et Reine de la Paix. Celle qui, dans son humanité immaculée, dans ses souffrances offertes, a su dire oui. Retrouver le Fiat et le vivre avec Elle, telle est l’invitation que nous voulons éternelle de Notre-Dame de Paris.
Notre-Dame de Paris en quelques dates.[modifier]
- 1160 : l’évêque Maurice de Sully décide la construction d’une nouvelle cathédrale.
- 1163 : date traditionnelle de la pose de la première pierre.
- 1239 : le roi saint Louis y dépose la couronne d’épines du Christ.
- 1250 : fin de la construction de la tour Nord.
- 1363 : fin de la construction du chevet.
- 1431 : Henri VI d’Angleterre est sacré à Notre-Dame.
- 1447 : Te Deum pour la reprise de Paris par le roi Charles VII.
- 1558 : mariage de Marie Stuart avec le futur roi François II.
- 1594 : Te Deum d’Henri IV pour la fin des guerres de Religion.
- 1660 : Te Deum en l’honneur du mariage du roi Louis XIV.
- 1687 : éloge funèbre du Grand Condé par Bossuet.
- 1793 : le culte de la Raison à Notre-Dame.
- 1804 : Napoléon Ier sacré empereur par le pape Pie VII.
- 1831 : publication du roman Notre-Dame de Paris de Victor Hugo.
- 1835 : conférences de Lacordaire à Notre-Dame.
- 1853 : mariage de Napoléon III et d’Eugénie de Montijo.
- 1864 : fin de la restauration de Notre-Dame sous la direction de Viollet-le-Duc.
- 1944 : Magnificat pour la libération de Paris en présence du général de Gaulle et du général Leclerc.
- 1970 : cérémonie religieuse pour la mort du général de Gaulle.
- 1980 et 1997 : visites du pape saint Jean-Paul II.
- 2015 : messe d’hommage aux victimes des attentats terroristes.
Notre-Dame de Paris vue par Victor Hugo.[modifier]
- « Notre-Dame de Paris n’est point du reste ce qu’on peut appeler un monument complet, défini, classé. Ce n’est plus une église romane, ce n’est pas encore une église gothique. Cet édifice n’est pas un type. Notre-Dame de Paris n’a point, comme l’abbaye de Tournus, la grave et massive carrure, la ronde et large voûte, la nudité glaciale, la majestueuse simplicité des édifices qui ont le plein cintre pour générateur. Elle n’est pas, comme la cathédrale de Bourges, le produit magnifique, léger, multiforme, touffu, hérissé, efflorescent de l’ogive. Impossible de la ranger dans cette antique famille d’églises sombres, mystérieuses, basses et comme écrasées par le plein cintre ; presque égyptiennes au plafond près ; toutes hiéroglyphiques, toutes sacerdotales, toutes symboliques ; plus chargées dans leurs ornements de losanges et de zigzags que de fleurs, de fleurs que d’animaux, d’animaux que d’hommes ; œuvre de l’architecte moins que de l’évêque ; première transformation de l’art, tout empreinte de discipline théocratique et militaire, qui prend racine dans le bas-empire et s’arrête à Guillaume le Conquérant. Impossible de placer notre cathédrale dans cette autre famille d’églises hautes, aériennes, riches de vitraux et de sculptures ; aiguës de formes, hardies d’attitudes ; communales et bourgeoises comme symboles politiques ; libres, capricieuses, effrénées, comme œuvre d’art ; seconde transformation de l’architecture, non plus hiéroglyphique, immuable et sacerdotale, mais artiste, progressive et populaire, qui commence au retour des croisades et finit à Louis XI. Notre-Dame de Paris n’est pas de pure race romaine comme les premières, ni de pure race arabe comme les secondes.
C’est un édifice de la transition.[modifier]
- L’architecte saxon achevait de dresser les premiers piliers de la nef, lorsque l’ogive qui arrivait de la croisade est venue se poser en conquérante sur ces larges chapiteaux romans qui ne devaient porter que des pleins cintres. L’ogive, maîtresse dès lors, a construit le reste de l’église. Cependant, inexpérimentée et timide à son début, elle s’évase, s’élargit, se contient, et n’ose s’élancer encore en flèches et en lancettes comme elle l’a fait plus tard dans tant de merveilleuses cathédrales. On dirait qu’elle se ressent du voisinage des lourds piliers romans. D’ailleurs, ces édifices de la transition du roman au gothique ne sont pas moins précieux à étudier que les types purs. Ils expriment une nuance de l’art qui serait perdue sans eux. C’est la greffe de l’ogive sur le plein cintre.
- Notre-Dame de Paris est en particulier un curieux échantillon de cette variété. Chaque face, chaque pierre du vénérable monument est une page non seulement de l’histoire du pays, mais encore de l’histoire de la science et de l’art. Ainsi, pour n’indiquer ici que les détails principaux, tandis que la petite Porte-Rouge atteint presque aux limites des délicatesses gothiques du quinzième siècle, les piliers de la nef, par leur volume et leur gravité, reculent jusqu’à l’abbaye carlovingienne de Saint-Germain-des-Prés. On croirait qu’il y a six siècles entre cette porte et ces piliers. Il n’est pas jusqu’aux hermétiques qui ne trouvent dans les symboles du grand portail un abrégé satisfaisant de leur science, dont l’église de Saint-Jacques-de-la-Boucherie était un hiéroglyphe si complet. Ainsi, l’abbaye romane, l’église philosophale, l’art gothique, l’art saxon, le lourd pilier rond qui rappelle Grégoire VII, le symbolisme hermétique par lequel Nicolas Flamel préludait à Luther, l’unité papale, le schisme, Saint-Germain-des-Prés, Saint-Jacques-de-la-Boucherie, tout est fondu, combiné, amalgamé dans Notre-Dame. Cette église centrale et génératrice est parmi les vieilles églises de Paris une sorte de chimère ; elle a la tête de l’une, les membres de celle-là, la croupe de l’autre ; quelque chose de toutes.
- Nous le répétons, ces constructions hybrides ne sont pas les moins intéressantes pour l’artiste, pour l’antiquaire, pour l’historien. Elles font sentir à quel point l’architecture est chose primitive, en ce qu’elles démontrent, ce que démontrent aussi les vestiges cyclopéens, les pyramides d’Égypte, les gigantesques pagodes hindoues, que les plus grands produits de l’architecture sont moins des œuvres individuelles que des œuvres sociales ; plutôt l’enfantement des peuples en travail que le jet des hommes de génie ; le dépôt que laisse une nation ; les entassements que font les siècles ; le résidu des évaporations successives de la société humaine ; en un mot, des espèces de formations. Chaque flot du temps superpose son alluvion, chaque race dépose sa couche sur le monument, chaque individu apporte sa pierre. Ainsi font les castors, ainsi font les abeilles, ainsi font les hommes.
Le grand symbole de l’architecture, Babel, est une ruche.[modifier]
- Les grands édifices, comme les grandes montagnes, sont l’ouvrage des siècles. Souvent l’art se transforme qu’ils pendent encore : pendent opera interrupta ; ils se continuent paisiblement selon l’art transformé. L’art nouveau prend le monument où il le trouve, s’y incruste, se l’assimile, le développe à sa fantaisie et l’achève s’il peut. La chose s’accomplit sans trouble, sans effort, sans réaction, suivant une loi naturelle et tranquille. C’est une greffe qui survient, une sève qui circule, une végétation qui reprend. Certes, il y a matière à bien gros livres, et souvent histoire universelle de l’humanité, dans ces soudures successives de plusieurs arts à plusieurs hauteurs sur le même monument. L’homme, l’artiste, l’individu s’effacent sur ces grandes masses sans nom d’auteur ; l’intelligence humaine s’y résume et s’y totalise. Le temps est l’architecte, le peuple est le maçon. »
- (Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, Livre III, 1831)
La conversion de Paul Claudel à Notre-Dame racontée par lui-même.[modifier]
- « Je suis né le 6 août 1868. Ma conversion s’est produite le 25 décembre 1886. J’avais donc dix-huit ans. Mais le développement de mon caractère était déjà, à ce moment, très avancé. Bien que rattachée des deux côtés à des lignées de croyants qui ont donné plusieurs prêtres à l’Église, ma famille était indifférente et, après notre arrivée à Paris, devint nettement étrangère aux choses de la Foi.
- Auparavant, j’avais fait une bonne première communion qui, comme pour la plupart des jeunes garçons, fut à la fois le couronnement et le terme de mes pratiques religieuses. J’ai été élevé, ou plutôt instruit, d’abord par un professeur libre, dans des collèges (laïcs) de province, puis enfin au lycée Louis-le-Grand. Dès mon entrée dans cet établissement, j’avais perdu la foi, qui me semblait inconciliable avec la pluralité des mondes. La lecture de la Vie de Jésus de Renan fournit de nouveaux prétextes à ce changement de convictions que tout, d’ailleurs, autour de moi, facilitait ou encourageait. […]
- Je vivais d’ailleurs dans l’immoralité et, peu à peu, je tombai dans un état de désespoir. La mort de mon grand-père, que j’avais vu de longs mois rongé par un cancer à l’estomac, m’avait inspiré une profonde terreur et la pensée de la mort ne me quittait pas. J’avais complètement oublié la religion et j’étais à son égard d’une ignorance de sauvage. La première lueur de vérité me fut donnée par la rencontre des livres d’un grand poète, à qui je dois une éternelle reconnaissance, et qui a eu dans la formation de ma pensée une part prépondérante, Arthur Rimbaud. La lecture des Illuminations, puis, quelques mois après, d’Une saison en enfer, fut pour moi un événement capital. Pour la première fois, ces livres ouvraient une fissure dans mon bagne matérialiste et me donnaient l‘impression vivante et presque physique du surnaturel. Mais mon état habituel d’asphyxie et de désespoir restait le même.
- Tel était le malheureux enfant qui, le 25 décembre 1886, se rendit à Notre-Dame de Paris pour y suivre les offices de Noël. Je commençais alors à écrire et il me semblait que dans les cérémonies catholiques, considérées avec un dilettantisme supérieur, je trouverais un excitant approprié et la matière de quelques exercices décadents. C’est dans ces dispositions que, coudoyé et bousculé par la foule, j’assistai, avec un plaisir médiocre, à la grand’messe. Puis, n’ayant rien de mieux à faire, je revins aux vêpres. Les enfants de la maîtrise en robes blanches et les élèves du petit séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet qui les assistaient, étaient en train de chanter ce que je sus plus tard être le Magnificat. J’étais moi-même debout dans la foule, près du second pilier à l’entrée du chœur à droite du côté de la sacristie. Et c’est alors que se produisit l’événement qui domine toute ma vie. En un instant mon cœur fut touché et je crus. Je crus, d’une telle force d’adhésion, d’un tel soulèvement de tout mon être, d’une conviction si puissante, d’une telle certitude ne laissant place à aucune espèce de doute, que, depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards d’une vie agitée, n’ont pu ébranler ma foi, ni, à vrai dire, la toucher. J’avais eu tout à coup le sentiment déchirant de l’innocence, l’éternelle enfance de Dieu, une révélation ineffable.
- En essayant, comme je l’ai fait souvent, de reconstituer les minutes qui suivirent cet instant extraordinaire, je retrouve les éléments suivants qui, cependant, ne formaient qu’un seul éclair, une seule arme, dont la Providence divine se servait pour atteindre et s’ouvrir enfin le cœur d’un pauvre enfant désespéré : « Que les gens qui croient sont heureux ! Si c’était vrai, pourtant ? C’est vrai ! Dieu existe, Il est là. C’est quelqu’un, c’est un être aussi personnel que moi ! Il m’aime, Il m’appelle. » Les larmes et les sanglots étaient venus et le chant si tendre de l’Adeste ajoutait encore à mon émotion.
- Émotion bien douce où se mêlait cependant un sentiment d’épouvante et presque d’horreur ! Car mes convictions philosophiques étaient entières. Dieu les avait laissées dédaigneusement où elles étaient, je ne voyais rien à y changer, la religion catholique me semblait toujours le même trésor d’anecdotes absurdes, ses prêtres et les fidèles m’inspiraient la même aversion qui allait jusqu’à la haine et jusqu’au dégoût. L’édifice de mes opinions et de mes connaissances restait debout et je n’y voyais aucun défaut. Il était seulement arrivé que j’en étais sorti.
- Un Être nouveau et formidable, avec de terribles exigences pour le jeune homme et l’artiste que j’étais, s’était révélé que je ne savais concilier avec rien de ce qui m’entourait. L’état d’un homme qu’on arracherait d’un seul coup de sa peau pour le planter dans un corps étranger au milieu d’un monde inconnu est la seule comparaison que je puisse trouver pour exprimer cet état de désarroi complet. »
- (Paul Claudel, Contacts et circonstances, 1940)
Sources documentaires[modifier]
- Erlande-Brandenburg Alain, Notre-Dame de Paris, Éditions de la Martinière, Paris, 1997.
- Leniaud Jean-Michel, Notre-Dame de Paris, Éd. Molière, 2009.
- Riocreux Jean-Pierre, Les vitraux du cloître de la cathédrale Notre-Dame de Paris, 2005, à télécharger ici.
- Hors-série du Pèlerin, Notre-Dame de Paris, la cathédrale vue du ciel. Des photos inédites, 2012.
- Notre-Dame de Paris 1163-2013. Actes du colloque scientifique tenu au Collège des Bernardins, à Paris, du 12 au 15 décembre 2012, dir. Cédric Giraud, Turnhout, Brepols, 2013.
Sites Internet[modifier]
- http://www.notredamedeparis.fr
- https://www.damedecoeur.paris
- http://www.orgues-et-vitraux.ch/default.asp/2-0-2191-11-6-1/