Notre Père - St Thomas
Nous entrons aujourd’hui dans la méditation des paroles du Notre Père. Dans cette prière, nous commençons d’abord par nous adresser à Dieu comme « Notre Père » et nous le situons par rapport à nous : « Qui es aux cieux ».
Sommaire
- 1 « Notre Père »
- 2 « Qui es aux cieux »
- 3 « Que ton nom soit sanctifié », première demande
- 4 « Que ton règne vienne », deuxième demande
- 5 « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel », troisième demande
- 6 « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour », quatrième demande
- 7 « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés », cinquième demande
- 8 « Et ne nous laisse pas entrer en tentation », sixième demande
- 9 « Mais délivre-nous du mal », septième demande
- 10 Aperçu général
« Notre Père »[modifier]
Nous avons vu que la confiance a une importance considérable dans la prière. Saint Thomas nous enseigne que nous devons nous adresser à Dieu avec foi et sans hésitation. La prière du Notre Père commence par exposer les motifs qui font naître cette confiance : la bienveillance du Père que nous exprimons par les mots « Notre Père » et la grandeur de sa puissance que nous exprimons par les mots « Qui es aux cieux ».
Saint Thomas d’Aquin écrit d’abord qu’il y a trois raisons pour lesquelles nous appelons Dieu « Père » :
- A cause de la manière particulière dont il nous a créés.
- « Il nous créa en effet à son image et à sa ressemblance, image et ressemblance qu’il n’imprima pas dans les autres créatures inférieures à l’homme. Il est lui-même notre Père, dit le Deutéronome (32, 6), lui qui nous a faits et nous a créés » ;
- A cause de sa sollicitude particulière, envers les hommes, dans le gouvernement de l’univers.
- « Si rien, en effet, n’échappe à son gouvernement, celui-ci s’exerce différemment envers nous et envers les créatures inférieures à nous. Celles-ci, il les gouverne comme des esclaves, mais nous, il nous gouverne comme des maîtres. Ô Père, dit le livre de la Sagesse (14, 3), votre providence régit et conduit toutes choses ; et (Sag. 12,18) vous disposez de nous avec beaucoup d’égards » ;
- Parce qu’il nous a adoptés.
- « Tandis qu’aux autres créatures il n’a fait que de petits présents, il nous a fait, à nous, don de son héritage, et cela parce que nous sommes ses fils. Parce que nous sommes ses fils, dit saint Paul (Rom 8, 17), nous sommes ses héritiers, et (verset 15) : Vous n’avez pas reçu un esprit de servitude pour retomber dans la crainte, mais vous avez reçu un esprit d’adoption, qui nous fait crier : Abba, Père. »
Parce que Dieu est notre Père, nous avons des obligations à son égard :
- nous lui devons l’honneur (par la louange, la pureté de notre corps, et l’équité de nos jugements sur le prochain) ;
- nous devons l’imiter (par l’amour, la miséricorde et la perfection) ;
- nous lui devons obéissance et nous devons être patients lorsqu’il nous corrige.
Saint Thomas fait remarquer ensuite que nous ne disons pas seulement Père mais Notre Père. Le « Notre » implique nos devoirs envers nos proches. Nous leur devons l’amour car ils sont nos frères. Nous leur devons aussi le respect car nous avons un seul et même Père.
« Qui es aux cieux »[modifier]
Saint Thomas explique que nous employons cette expression pour trois raisons :
- Elle nous prépare à la prière (par l’imitation, la contemplation et le désir des réalités célestes désignées par « cieux ») ;
- Elle se rapporte à la facilité de Dieu à entendre notre prière du fait de sa proximité par rapport à nous (Dieu habite dans les saints appelés aussi « cieux ») ;
- Elle se rapporte à la toute puissance du Père pour nous exaucer (« cieux » désigne enfin les cieux matériels et visibles).
Cette expression nous donne au moment de la prière un triple motif de confiance. Notre confiance repose alors sur :
- La puissance de Dieu ;
- La présence intime de Dieu en nous et dans les saints qui nous font bénéficier de leur patronage. « Plusieurs ont prétendu que Dieu, à cause de son élévation, ne prend pas soin des choses humaines. Il faut au contraire penser qu’il est proche de nous, bien plus, qu’il est présent intimement en nous » ;
- La convenance de notre demande. Les cieux désignent alors les biens spirituels et éternels. « Si, en disant au Père céleste : vous, qui êtes dans les cieux, nous pensons que les cieux désignent les biens spirituels et éternels, objet de la béatitude, alors notre désir des choses célestes s’enflamme. Notre désir doit en effet tendre là où est notre Père, car là aussi est notre héritage. »
Pour résumer cette méditation d’aujourd’hui, on peut encore lire ce que saint Thomas écrit dans la Somme de théologie :
- Ce n’est pas pour fléchir Dieu que nous lui adressons notre prière, mais pour exciter en nous-même une demande confiante. Cette confiance naît en nous surtout quand nous considérons l’amour qu’il nous porte et qui lui fait vouloir notre bien ; c’est pourquoi nous disons « Notre Père » ; et quand nous considérons son excellence qui lui permet de l’accomplir : c’est pourquoi nous disons : « Qui es aux cieux. » (ST II-II, q. 83, a. 9, ad 5)
Méditation du jour : Récitons lentement ces premiers mots « Notre Père, qui es aux cieux » en entrant dans cette attitude de confiance fondée sur la bienveillance de Dieu envers nous et sur sa toute puissance. Nous pouvons nous les répéter plusieurs fois dans la journée.
Achevons notre prière avec l’oraison de la fête de saint Thomas d’Aquin :
- « Dieu qui as fait de saint Thomas d'Aquin un modèle admirable par sa recherche d'une vie sainte et son amour de la science sacrée, accorde-nous de comprendre ses enseignements et de suivre ses exemples. »
« Que ton nom soit sanctifié », première demande[modifier]
Dans la première demande, nous demandons que la sainteté de Dieu soit reconnue.
Attention : le commentaire dont nous disposons pour cette première demande n’est pas de saint Thomas d’Aquin mais d’Aldobrandini de Toscanelle.
Le nom de Dieu est :
- Admirable. En toute créature, ce nom opère des œuvres merveilleuses ;
- Aimable. Il nous sauve ;
- Vénérable. Tout genou fléchit au nom de Jésus, au ciel, sur la terre et dans les enfers ;
- Inexprimable. Aucune langue n’est capable d’en exprimer toute la richesse.
Nous demandons que le nom de Dieu soit manifesté, connu et tenu pour saint. « Saint » signifie trois choses :
- ce qui est ferme, solide, inébranlable ;
- ce qui n’est pas terrestre ;
- et ce qui est « teint de sang », lavé du péché par le sang du Christ.
Dans la Somme de théologie, saint Thomas d’Aquin, à la suite de saint Augustin, associe chaque demande du Notre Père à un don du Saint-Esprit et à une béatitude. Cette première demande est associée au don de « crainte » et à la béatitude : « Heureux les pauvres de coeur, car le royaume des cieux est à eux ».
« Que ton règne vienne », deuxième demande[modifier]
Dans la deuxième demande, nous demandons que Dieu nous fasse parvenir à la vie éternelle.
Le règne de Dieu a toujours existé, pourquoi donc demandons-nous son avènement ? Saint Thomas donne trois raisons de cette demande :
Le règne de Dieu sous sa forme achevée suppose la parfaite soumission de toutes choses à Dieu. Tout n’est pas encore parfaitement soumis à Dieu. Cela se réalisera à la fin du monde. Nous demandons que les justes se convertissent, que les pécheurs soient punis et que la mort soit détruite ;
Le règne des cieux désigne la gloire du Paradis. Nous demandons de triompher des obstacles pour avoir part à la gloire du Paradis. « Règne ne signifie rien d’autre que gouvernement. Un gouvernement atteint son plus haut point d’excellence, lorsque rien ne vient plus faire obstacle à la volonté de celui qui gouverne. Or la volonté de Dieu est le salut des hommes, car Dieu veut les sauver tous (cf. 1 Tim 2, 4). » Cette volonté divine s’accomplira surtout dans le Paradis où il n’y aura rien de contraire au salut des hommes. Ce royaume est extrêmement désirable pour trois raisons : la souveraine justice qui y règne, la parfaite liberté et la merveilleuse abondance de ses biens ;
Parfois le péché règne et triomphe en ce monde. Nous demandons donc que Dieu vienne régner en nos c urs. « Quand donc nous demandons la venue du règne de Dieu, nous demandons que ne règne plus en nous le péché, mais Dieu seul et pour toujours. »
Cette deuxième demande est associée au don de « piété » et à la béatitude : « Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage ».
Nous pouvons résumer la méditation de ce jour par ce passage de la Somme de théologie :
Notre fin, c’est Dieu, vers qui le mouvement de notre c ur tend à double titre. Nous voulons sa gloire, et nous voulons jouir de cette gloire. Il s’agit d’abord de la dilection que nous portons à Dieu lui-même, et ensuite de celle par quoi nous nous aimons nous-même en Dieu. De là notre première demande Que ton nom soit sanctifié ; elle exprime notre désir de la gloire de Dieu. Et la deuxième Que ton règne vienne par quoi nous demandons de parvenir à la gloire de Dieu et de son règne. (ST II-II, q. 83, a. 9, co.)
Méditation du jour : Récitons lentement ces mots « Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne », en ayant au c ur un profond désir que la gloire de Dieu soit reconnue et que nous participions à cette gloire. Nous pouvons répéter plusieurs fois ces mots dans la journée.
Achevons notre prière avec l’oraison de la fête de saint Thomas d’Aquin : « Dieu qui as fait de saint Thomas d'Aquin un modèle admirable par sa recherche d'une vie sainte et son amour de la science sacrée, accorde-nous de comprendre ses enseignements et de suivre ses exemples. »
« Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel », troisième demande[modifier]
Dans la troisième demande du Notre Père, nous demandons que Dieu accomplisse en nous sa volonté. La volonté de Dieu est exprimée par les deux premières demandes que nous avons vues hier : que nous reconnaissions sa gloire et sa sainteté et que nous y participions.
Saint Thomas d’Aquin précise en trois points en quoi consiste cette volonté de Dieu pour nous, dont notre prière demande la réalisation. Dieu veut :
Que nous possédions la vie éternelle. Dieu n’a pas créé l’homme pour rien. Il l’a créé pour une fin : la possession de la vie éternelle. C’est cela le salut. Dieu veut pour nous le salut. Cette volonté est déjà accomplie dans les anges et dans les saints. « Mais nous, nous désirons que, comme la volonté divine s’est accomplie dans les Bienheureux qui sont au ciel, elle s’accomplisse aussi en nous, qui sommes sur la terre » ;
Que nous observions ses commandements. Les commandements sont les moyens nécessaires à l’obtention de la vie éternelle. Dieu veut pour nous les moyens nécessaires à l’obtention de la vie éternelle, comme le médecin veut pour son patient les remèdes nécessaires à sa santé. L’observation des commandements est accomplie dans les justes, mais pas encore dans les pécheurs. « Ciel » désigne alors les justes et « terre » les pécheurs. Nous demandons donc que la volonté de Dieu soit accomplie dans les pécheurs comme elle l’est dans les justes. Saint Thomas ajoute une précision importante :
Il faut remarquer ceci : Jésus, par la manière même dont il a formulé la troisième demande du Notre Père, nous donne un enseignement. En effet, il ne nous fait pas dire à notre Père : « faites votre volonté », ni non plus : « que nous fassions votre volonté » ; mais il nous fait dire : Que votre volonté soit faite.Deux choses en effet sont nécessaires pour parvenir à la vie éternelle ; à savoir la grâce de Dieu et la volonté de l’homme. Et, bien que Dieu ait fait l’homme sans l’appeler à coopérer avec lui, cependant il ne le justifie pas sans sa coopération. « Celui qui t’a créé sans toi, ne te justifiera pas sans toi », dit saint Augustin, dans son Commentaire sur saint Jean. Dieu, en effet, veut cette coopération de l’homme. Il dit en Zacharie (1, 3) : Convertissez-vous à moi et je me convertirai à vous. Et saint Paul écrit (1 Co 15, 10) : C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis, et sa grâce n’a pas été inactive en moi. Ne présumez donc pas de vous-même, mais confiez-vous en la grâce de Dieu, ne renoncez pas à votre effort, mais apportez votre collaboration. C’est pourquoi Jésus ne nous fait pas dire : « Que nous fassions votre volonté », autrement il semblerait que la grâce de Dieu n’a rien à faire. Et il ne nous prescrit pas non plus de dire : « Faites votre volonté », sinon il semblerait que notre volonté et notre effort ne servent à rien. Mais Jésus nous fait dire : Que la volonté de Dieu soit faite, par la grâce de Dieu, à laquelle nous joignons notre travail et notre effort.
Que nous soyons rétablis dans l’état et la dignité dans lesquels le premier homme fut créé. L’esprit et l’âme du premier homme ne ressentaient aucune opposition de la part de la chair et de la sensualité. « Aussi longtemps que l’âme fut soumise à Dieu, la chair fut soumise à l’esprit si parfaitement qu’elle n’éprouva ni la corruption de la mort, ni l’altération de la maladie et des autres passions. Mais à partir du moment où l’esprit et l’âme, qui tiennent le milieu entre Dieu et la chair, se rebellèrent contre Dieu par le péché, aussitôt le corps se rebella contre l’âme et il commença à éprouver les infirmités et la mort, et continuellement sa sensibilité se révolta contre l’esprit. » Dieu veut que nous retrouvions l’unité intérieure du premier homme. Cette volonté de Dieu ne sera réalisée qu’à la résurrection des saints. « Ciel » désigne alors notre esprit et « terre » notre chair. Nous demandons donc que la volonté de Dieu se réalise dans notre chair, comme elle se réalise dans notre esprit.
Cette troisième demande est associée au don de « science » et à la béatitude : « Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés ».
Méditation du jour : Récitons lentement ces mots « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » en ayant bien conscience que Dieu veut notre bien. Il veut ce qu’il y a de mieux pour nous : notre salut ; que nous prenions les moyens d’y parvenir avec lui ; et que nous retrouvions cette unité intérieure entre notre chair et notre esprit. Nous pouvons répéter plusieurs fois ces mots dans la journée.
Achevons notre prière avec l’oraison de la fête de saint Thomas d’Aquin : « Dieu qui as fait de saint Thomas d'Aquin un modèle admirable par sa recherche d'une vie sainte et son amour de la science sacrée, accorde-nous de comprendre ses enseignements et de suivre ses exemples. »
« Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour », quatrième demande[modifier]
La quatrième demande que nous voyons aujourd’hui porte sur ce qui nous soutient pour faire la volonté de Dieu, ce qui nous en donne la force. Le « pain » que nous demandons est un bien nécessaire à la vie présente.
Dans les trois demandes précédentes, nous avons demandé à Dieu des biens spirituels qui ne seront réalisés pleinement que dans la vie éternelle et seulement partiellement dans la vie présente (que la sainteté de Dieu soit reconnue, qu’il nous fasse parvenir à la vie éternelle et qu’il accomplisse en nous sa volonté). Dans cette quatrième demande, nous demandons à Dieu des biens indispensables dont la possession parfaite est possible dans la vie présente.
Ces paroles du Notre Père nous font obtenir l’aide de Dieu contre cinq péchés, dus à un désir immodéré des choses temporelles :
Demander des biens au-dessus de notre condition. Dans cette demande, nous demandons seulement du « pain », c’est-à-dire les biens nécessaires à chacun, en cette vie, suivant sa condition particulière ;
Commettre des injustices et des fraudes dans l’acquisition des biens temporels. Dans cette demande, nous demandons pour nous « notre » pain et pas le pain d’autrui ;
Une sollicitude excessive pour les biens terrestres. Dans cette demande, nous demandons seulement ce dont nous avons besoin : notre pain « de ce jour » ;
Une insatiable avidité des biens terrestres. Dans cette demande, nous demandons seulement le pain d’une journée et non pas le pain de dix jours que nous pourrions consommer en un jour ;
L’ingratitude. Dans cette demande, nous reconnaissons que nous tenons de Dieu tous nos biens. C’est ce que nous exprimons par « Donne-nous ».
En plus du « pain » comme nourriture du corps, Thomas fait remarquer qu’il existe deux autres sortes de pain : le pain sacramentel (l’Eucharistie) et le pain de la parole de Dieu. Dans le Notre Père, nous demandons aussi ce pain sacramentel que nous recevons en gage de notre salut futur, ainsi que ce pain de la parole de Dieu qui nous fait vivre.
Cette quatrième demande est associée au don de « force » et à la béatitude : « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés ».
Méditation du jour : Récitons lentement ces mots « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » en prenant conscience de tous les biens que nous recevons chaque jour de Dieu et qui nous font vivre. Remercions-le de sa sollicitude envers nous. Nous pouvons répéter plusieurs fois ces mots dans la journée.
Achevons notre prière avec l’oraison de la fête de saint Thomas d’Aquin : « Dieu qui as fait de saint Thomas d'Aquin un modèle admirable par sa recherche d'une vie sainte et son amour de la science sacrée, accorde-nous de comprendre ses enseignements et de suivre ses exemples. »
Nous avons vu que la troisième et la quatrième demandes du Notre Père portent sur des biens qui nous ordonnent directement à la gloire de Dieu et à notre participation à cette gloire. La troisième demande que nous avons vue hier portait sur le fait d’accomplir la volonté de Dieu.
« Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés », cinquième demande[modifier]
Le premier obstacle à éviter pour parvenir à la vie éternelle est le péché, c’est l’objet de cette cinquième demande. Le péché nous exclut de la gloire de Dieu. Cette demande fait donc écho à la deuxième demande : « Que ton règne vienne ».
Pourquoi faisons-nous cette demande ?
Cette demande du Notre Père nous donne deux enseignements nécessaires en cette vie :
L’homme doit toujours se tenir dans la crainte et l’humilité. On ne peut pas vivre en ce monde sans pécher. « Il convient, en effet, indubitablement, à tous les saints eux-mêmes de réciter ces paroles de l’oraison dominicale. Tous les hommes sans exception se reconnaissent donc et s’avouent pécheurs et débiteurs. »
Nous devons vivre toujours dans l’espérance. Nous ne devons jamais désespérer du pardon de Dieu.
Ainsi donc, la considération du contenu de cette cinquième demande de l’oraison dominicale : Remettez-nous nos dettes, fait naître en nous la crainte et l’espérance ; elle nous montre que tous les pécheurs contrits, qui avouent leurs fautes, obtiennent miséricorde.
Quand cette demande est-elle exaucée ?
Tout péché contient deux éléments : la faute et la peine qui en est la conséquence. La faute est remise par la contrition (le regret) des péchés, accompagnée du propos de les confesser. Cela suffit pour la rémission de la faute. Le pécheur ne doit donc pas désespérer. Mais si cela suffit, à quoi sert le prêtre ?
Par la contrition, Dieu remet la faute et change la peine éternelle en peine temporelle. Le pécheur contrit reste donc soumis à une peine temporelle. S’il mourait sans s’être confessé, il irait au purgatoire. Dans la confession, le prêtre absout de la peine temporelle due aux fautes. Cette peine temporelle peut être aussi remise par les indulgences. « Les péchés sont remis, quant à la faute, par la contrition, et, quant à la peine, par la confession et par les indulgences. »
Que devons-nous accomplir pour que Dieu exauce cette demande ?
Pour que le Seigneur exauce cette demande, nous devons pardonner à notre prochain les offenses qu’il nous fait. C’est la seule condition. Si quelqu’un ne veut pas pardonner à son prochain, doit-il s’abstenir de prononcer ces paroles « comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés » ?
« Il faut répondre qu’il n’est pas pour autant dispensé de dire : comme nous, nous remettons à nos débiteurs. En fait, il ne ment pas, parce qu’il ne prie pas en son nom, mais au nom de l’Eglise qui, elle, ne s’y trompe pas ; c’est pourquoi d’ailleurs cette demande est exprimée au pluriel. » Saint Thomas ajoute qu’il y a deux manières de pardonner au prochain : une manière parfaite, quand l’offensé va au-devant de l’offenseur et une manière commune à tous et obligatoire pour tous, quand nous accordons le pardon à qui le sollicite.
Cette cinquième demande est associée au don de « conseil » et à la béatitude : « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde ».
Méditation du jour : Récitons lentement ces mots « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés » en adoptant cette attitude d’humilité et d’espérance. Regrettons profondément nos fautes et tournons-nous en toute confiance vers Dieu. Nous pouvons répéter plusieurs fois ces mots dans la journée.
Achevons notre prière avec l’oraison de la fête de saint Thomas d’Aquin : « Dieu qui as fait de saint Thomas d'Aquin un modèle admirable par sa recherche d'une vie sainte et son amour de la science sacrée, accorde-nous de comprendre ses enseignements et de suivre ses exemples. »
La sixième demande du Notre Père porte sur un deuxième obstacle à éviter pour parvenir à la vie éternelle : la tentation. Il ne s’agit pas seulement de demander pardon pour nos péchés, mais il faut encore que nous apportions toute l’application nécessaire pour ne pas retomber dans le péché. La tentation nous empêche de faire la volonté de Dieu. Cette demande fait donc écho à la troisième demande : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ».
« Et ne nous laisse pas entrer en tentation », sixième demande[modifier]
Qu’est-ce que la tentation ?
Tenter, c’est « mettre à l’essai ou éprouver ». Tenter un homme, c’est éprouver sa vertu. La vertu de l’homme est mise à l’épreuve parfois au point de vue de l’excellence de son agir et parfois au point de vue de son éloignement du mal.
L’homme peut être éprouvé pour voir s’il est prompt à se porter au bien. La promptitude signifie alors que sa vertu est grande. Dieu nous éprouve parfois de cette manière pour que notre vertu - qu’il connaît déjà - soit connue de tous et soit un exemple pour tous. C’est de cette manière seulement que Dieu tente l’homme : en l’excitant à bien faire.
Pour éprouver la vertu de l’homme, on peut aussi l’inciter au mal. S’il résiste fortement et ne consent pas, c’est que sa vertu est grande. S’il succombe à la tentation, c’est que sa vertu est manifestement inexistante. Dieu ne tente jamais l’homme de cette manière. Il ne pousse personne au mal.
Comment et par qui l’homme est-il tenté ?
Nous sommes tentés par trois choses :
- La chair. Elle nous pousse au mal par la recherche incessante de délectations charnelles et elle nous détourne du bien spirituel ;
- Le diable. Il est appelé le tentateur. Saint Thomas montre comment le diable nous tente :
- Dans ses tentations, le diable se montre consommé en ruse. Semblable à un habile chef d’armée, occupé à assiéger une forteresse, il considère les points faibles de l’homme qu’il veut attaquer et fait alors porter l’effort de la tentation là où il constate que son adversaire est plus désarmé. Ainsi il tente les hommes, vainqueurs de leur chair, du côté des vices auxquels ils sont le plus enclins, comme la colère, l’orgueil et les autres maladies de l’esprit. Votre adversaire, le diable, dit saint Pierre (1 Pierre 5, 8), comme un lion rugissant, rôde autour de vous ; il cherche qui dévorer. Le démon, dans ses tentations, emploie une double tactique.
- D’abord, il ne propose pas aussitôt à l’homme, au moment de la tentation, un mal manifeste, mais un bien apparent. Ainsi, au début, il ne détourne que légèrement l’homme de son orientation générale antérieure, mais suffisamment pour ensuite l’amener plus facilement à pécher. A ce sujet, l’Apôtre écrit aux Corinthiens (2 Jean 11, 14) ; Rien d’étonnant (si de faux apôtres se camouflent en apôtres du Christ), Satan lui-même se déguise bien, lui, en ange de lumière.
- Après avoir amené l’homme à pécher, Satan l’enchaîne ensuite pour l’empêcher de se relever de ses fautes.
- Ainsi donc le démon fait deux choses :
- il trompe l’homme
- et il maintient l’homme trompé dans son péché.
- Le monde. Il nous tente par un désir excessif et immodéré des choses temporelles et par les frayeurs que nous inspirent les persécuteurs et les tyrans.
De quelle manière l’homme est-il délivré de la tentation ?
L’homme est délivré de la tentation par la grâce.
Le Christ nous enseigne à demander au Père non pas la grâce de ne pas être tentés, mais bien celle d’éviter de nous établir passivement dans l’état où nous met la tentation. C’est en effet en surmontant et en dominant la tentation que l’homme mérite la couronne de gloire incorruptible.
L’épreuve est pour notre bien.
Ainsi donc, Jésus nous enseigne à demander au Père de ne pas nous laisser succomber à la tentation, en lui donnant notre consentement. Aucune tentation, dit saint Paul (1 Co 10, 13), ne nous est survenue, qui passât la mesure humaine. Que l’homme soit tenté en effet est chose normale, mais qu’il consente à la tentation et s’y abandonne, cela ne l’est pas, mais lui vient du diable.
Dieu ne pousse pas au mal, mais il permet seulement la tentation dans la mesure ou un bien plus grand peut en sortir.
Cette sixième demande est associée au don d’« intelligence » et à la béatitude : « Heureux les coeurs purs, car ils verront Dieu ».
Méditation du jour : Récitons lentement ces mots « Et ne nous laisse pas entrer en tentation », en identifiant consciemment les tentations de la chair, du diable et du monde, et en ayant au coeur la conviction que nous sommes capables de les surmonter avec la grâce de Dieu. Nous pouvons répéter plusieurs fois ces mots dans la journée.
Achevons notre prière avec l’oraison de la fête de saint Thomas d’Aquin :
- « Dieu qui as fait de saint Thomas d'Aquin un modèle admirable par sa recherche d'une vie sainte et son amour de la science sacrée, accorde-nous de comprendre ses enseignements et de suivre ses exemples. »
« Mais délivre-nous du mal », septième demande[modifier]
La septième demande du Notre Père porte sur un troisième obstacle à éviter pour parvenir à la vie éternelle : le mal. Dieu nous enseigne à demander à être préservé du mal en général. Le mal désigne le péché, les maladies et les afflictions. Les deux demandes précédentes ont traité du péché et de la tentation. Cette demande se rapporte donc aux maladies et aux afflictions. Le mal nous empêche d’avoir ce dont nous avons besoin pour vivre. Cette demande fait donc écho à la quatrième demande : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour »
Saint Thomas explique que Dieu nous délivre de quatre manières des adversités et des afflictions. Dieu :
écarte l’affliction de l’homme. Dieu fait cela rarement, mais il le fait quand il sait l’homme incapable de supporter l’épreuve ;
octroi des consolations au temps de l’affliction ;
comble les affligés de tant de bienfaits qu’ils en viennent à oublier leurs maux. Les tribulations ne durent pas ;
tire du bien de tous les maux, tentations et tribulations. Nous ne demandons pas à Dieu d’être délivrés des tribulations mais du mal qu’elles portent avec elles. Les tribulations sont pour notre bien, pour nous faire mériter la couronne de gloire.
Cette septième demande est associée au don de « sagesse » et à la béatitude : « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu ».
Le mot Amen est la réaffirmation générale des sept demandes de l’oraison dominicale.
Méditation du jour : Récitons lentement ces mots « Mais délivre-nous du mal », en ayant au coeur la certitude que Dieu peut toujours tirer un bien des tribulations que nous rencontrons. Avec Dieu, rien ne peut nous nuire. Nous pouvons répéter plusieurs fois ces mots dans la journée.
Nous arrivons aujourd’hui au terme de notre méditation du Notre Père. C’est pour nous l’occasion de revenir sur le chemin parcouru. Saint Thomas lui-même nous donne une explication abrégée de cette prière :
Aperçu général[modifier]
Pour avoir un aperçu général sur l’Oraison dominicale, il suffit de savoir qu’elle contient tout ce que nous devons désirer, et tout ce qu’il nous faut fuir et éviter.
Or, parmi tous les biens désirables, le plus désiré est aussi le plus aimé, et c’est Dieu. C’est pourquoi notre première demande : Que votre nom soit sanctifié est une demande de la gloire de Dieu. De Dieu, vous attendez pour vous-même trois biens.
- Le premier est l’obtention de la vie éternelle ; cette vie éternelle, vous la sollicitez par la demande : Que votre règne arrive.
- Accomplir la volonté de Dieu et sa justice est le deuxième des biens que vous désirez pour vous-même ; la prière : Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel est la demande de ce deuxième bien.
- Le troisième bien que vous voulez pour vous-même consiste en la possession des choses nécessaires à votre vie ; la possession de ces choses, vous la sollicitez par cette prière : Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien.
Une parole du Seigneur citée par saint Matthieu (6, 33), se rapporte à ces trois objets de nos désirs, qui sont : le royaume de Dieu ou la vie éternelle, la volonté de Dieu et sa justice, les biens nécessaires à la vie d’ici-bas. Cette parole, la voici : Cherchez le royaume de Dieu et sa justice et tout le reste vous sera donné par surcroît. Elle correspond exactement dans ses trois parties aux trois objets de nos désirs, énumérés plus haut et que sollicitent les deuxième, troisième et quatrième demandes de l’Oraison dominicale. Nous avons dit que le Notre Père contient également tout ce que nous devons fuir et éviter. Il nous faut fuir et éviter ce qui est contraire au bien. Le bien est ce qu’en toute chose nous désirons d’abord. Nous venons d’énumérer les quatre biens que nous désirons.
- Le premier est la gloire de Dieu. A ce bien, aucun mal ne s’oppose. Si tu pèches, dit le Livre de Job (35, 6), en quoi nuis-tu à Dieu ? Si tu multiplies les offenses, lui fais-tu quelquemal ? Si tu es juste, que lui donnes-tu ou que reçoit-il de ta main ? En effet, la gloire de Dieu résulte et du mal, en tant que Dieu le punit, et du bien, en tant qu’il le récompense.
- Le deuxième bien, objet de nos désirs, est la vie éternelle. A elle s’oppose le péché ; par le péché, en effet, nous perdons la vie éternelle. Aussi pour repousser le péché, nous disons : Remettez-nous nos dettes, comme nous-mêmes, nous remettons à nos débiteurs.
- Le troisième bien consiste dans la justice et les bonnes oeuvres. La tentation s’oppose à l’une et aux autres. En effet, les tentations nous empêchent d’accomplir le bien et pour les repousser, nous disons : Et ne nous laissez pas succomber à la tentation.
- Le quatrième bien désiré de nous comprend les choses nécessaires à notre vie terrestre. A elles sont contraires les adversités et les tribulations. C’est pourquoi, nous en demandons l’éloignement par cette prière : Mais délivrez-nous du mal.
Méditation du jour : Récitons lentement le Notre Père en faisant mémoire de tout ce que nous avons reçu dans cet enseignement de saint Thomas d’Aquin. Remercions Dieu d’avoir ouvert un peu plus notre intelligence et notre coeur, et demandons-lui de réciter cette prière avec toujours plus de confiance et de ferveur.
Achevons notre prière avec l’oraison de la fête de saint Thomas d’Aquin : « Dieu qui as fait de saint Thomas d'Aquin un modèle admirable par sa recherche d'une vie sainte et son amour de la science sacrée, accorde-nous de comprendre ses enseignements et de suivre ses exemples. »
Bonne journée en prière avec saint Thomas d’Aquin !
Ici s'achève notre méditation du Notre Père avec saint Thomas d'Aquin. Merci de nous avoir suivis jusque-là.