Père Brottier

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Le Père Brottier, disciple de sainte Thérèse

Père Louis Cesbron Spiritain et chapelain du sanctuaire Sainte-Thérèse

Missionnaire spiritain (membre de la congrégation du Saint-Esprit), le Père Brottier, excellent éducateur et bon gestionnaire, s’illustra notamment pour servir les enfants défavorisés en tant que directeur des Orphelins Apprentis d’Auteuil au début du XXe siècle.

C’est près de Blois, à la Ferté-Saint-Cyr (actuel département du Loir-et-Cher), que naît le jeune Daniel, le 7 septembre 1876 (trois ans après Thérèse). Tout petit, il manifeste une grande dévotion à la Vierge Marie. Garçon décidé et volontaire, il déclare à sa maman, à cinq ans, le grand dessein qui l’habite : « Je serai Pape ! » Sur la remarque qu’il lui faut d’abord devenir prêtre, il répond sans hésiter : « Eh bien, je serai prêtre. » Il suivra cette idée jusqu’à sa pleine réalisation. Rien ne l’arrêtera, pas même les maux de tête qui l’assaillent à partir de l’âge de 14 ans, et qui ne le quitteront plus jusqu’à son dernier souffle.

Il fait sa première communion en octobre 1887 puis devient élève du petit séminaire de Blois. Ordonné prêtre du diocèse en 1899, Daniel est nommé professeur au collège de Pontlevoy. « Vous êtes un éducateur né, votre place est parmi les enfants », lui annonce son évêque. Bientôt, il lui faut un champ d’activité plus large. Il demande alors à rentrer dans la congrégation du Saint-Esprit (fondée en 1703 par Claude Poullart des Places), consacrée principalement à la mission auprès du monde africain.


Sa foi est contagieuse, sa parole entraîne l’adhésion de ceux qui l’entendent
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Après une année de noviciat à Orly (1902-1903), il prononce ses vœux et est envoyé à Saint-Louis du Sénégal en 1903. Vicaire, il y déploie tous ses talents près des œuvres de jeunesses de la ville. En 1904, après les lois Combes sur la laïcité, les religieux de Saint-Louis sont contraints de laisser leur place à des laïcs. Lui redouble d’activité. Il fonde un cercle militaire, un patronage, une fanfare, une chorale… et n’oublie pas les adultes. Pour eux, il prépare des conférences, bien vite très suivies. Dans son désir de communiquer, il crée un bulletin paroissial, premier d’une belle série. Sa foi est contagieuse, sa parole entraîne l’adhésion de ceux qui l’entendent. Dans une communauté chrétienne jusqu’alors divisée par les appartenances diverses, il fait l’unité.

En 1911, suite à un accident, il doit revenir définitivement en France. Son évêque de Dakar, Mgr Jalabert lui confie la construction d’une cathédrale dite du « Souvenir africain » pour cette ville en pleine croissance. Elle sera érigée en souvenir de tous ceux qui ont donné leur vie sur les terres d’Afrique. Dès la fin 1911, il quête pour la réalisation de ce grand édifice. La pose de la première pierre aura lieu le 11 novembre 1923.

Quand éclate la Première Guerre mondiale le 2 août 1914, le Père Brottier, est réformé en raison de ses maux de tête. Avec un de ses confrères, il décide de s’engager comme aumônier. Un corps d’aumôniers volontaires est créé sur ses instances. Il rejoint la 26ème division d’infanterie dès le 26 août et ne la quittera plus durant ces années de guerre. Il sera présent sur tous les champs de bataille : les Flandres, la Somme, Verdun… Toujours en première ligne sur le front, il montre héroïsme, sang-froid et surtout une présence, une disponibilité à tous. Par son dévouement sans faille il apporte le meilleur réconfort moral dans ces lieux d’extrême violence. Toujours en première ligne, il n’est jamais blessé. Il attribuera ce miracle à sainte Thérèse de Lisieux. Dès 1917, il pense à l’après-guerre et convainc le président du Conseil Georges Clémenceau de fonder l’UNC (l'Union Nationale des Combattants) pour reconstruire la France. Pour programme, il lui donne une devise : « Tous unis comme au front. » Il est promu officier de la Légion d’honneur et se voit attribuer la Croix de guerre.

Démobilisé en 1919, il comprend près de Mgr Jalabert qu’il a bénéficié d’une protection spéciale alors qu’il était, durant toute tout le conflit, exposé aux violences et à la mort. Thérèse a veillé sur lui ! Il saura lui exprimer sa reconnaissance. C’est maintenant le moment de reprendre le travail entrepris en 1911. Il se remet à l’œuvre pour la construction de la cathédrale du souvenir africain et, désormais, les tirailleurs sénégalais associés à nos combats sont inclus dans ce mémorial.

Le 21 novembre 1923, sept mois après la béatification de Thérèse, le Père Brottier arrive rue La Fontaine à Paris. Il vient d’être nommé directeur des Orphelins Apprentis d’Auteuil, fondation créée en 1866 par l’abbé Louis Roussel pour s’occuper de l’éducation des enfants orphelins. Le dernier responsable, ne sachant plus comment faire face aux dettes qui se sont accumulées, a donné sa démission à l’archevêque de Paris, le cardinal Louis Dubois. Celui-ci s’est tourné vers la congrégation du Saint Esprit, car dans ses statuts figure cette note : « Elle accepte volontiers des tâches pour lesquelles l’Église trouve difficilement des ouvriers. » Le Père Brottier est l’homme de la situation. Excellent éducateur, bon gestionnaire, il a aussi un talent indéniable pour encourager la générosité des bienfaiteurs.

Le Père Brottier, secondé ou précédé par Thérèse, commence ses folles entreprises. À peine débarqué, son premier courrier sera pour le carmel de Lisieux : « Voulez-vous commencer une neuvaine auprès de votre petite Bienheureuse, pour savoir si elle accepte qu’on lui construise un sanctuaire ? » Thérèse s’associe à ce projet et le « oui » de l’Église embarque tout le monde dans l’aventure. Début décembre, une première souscription est lancée, l’argent arrive en abondance. Les travaux commencés en juillet 1924 seront entièrement achevés pour la consécration du sanctuaire d’Auteuil par le cardinal de Paris Jean Verdier le 5 octobre en 1930. Entre-temps, Thérèse a été canonisée le 17 mai 1925. Installée au cœur de l’œuvre des Orphelins Apprentis d’Auteuil, la jeune sainte veillera sur les enfants comme elle l’a si bien fait pour leur père durant la guerre. Avec elle ils pourront, en toute confiance, avancer dans le grand combat de la vie.

Lorsque le Père Brottier arrive à Auteuil, il ne reste plus que 170 jeunes. Ému par toutes les misères d’enfants qui frappent à sa porte, il ne cesse d’élargir ses murs et de créer de nouveaux sites. En 1936, il accueille 1400 jeunes et a de nombreux projets pour en aider plus encore. Surtout, il a un grand projet pour chacun, redonner dignité à ces enfants en souffrance et une chance pour trouver leur place dans la société. Pour eux, il cherche le meilleur, sait s’entourer de collaborateurs compétents, ne craint pas d’innover en matière pédagogique, crée les Foyers à la campagne, ouvre de nouvelles maisons… Autour de lui, se crée un vaste réseau de bienfaiteurs auquel il sait faire appel. Ils sauront répondre généreusement à toutes ses sollicitations (incitations aux dons, concerts, etc.) ; il offrira lui-même son temps pour répondre à chacun, ne serait-ce qu’un « merci ». Que d’heures dans la nuit pour écrire son courrier !

Le 2 février 1936, le temps est venu de consacrer sa chère cathédrale de Dakar, mais le Père Brottier est un homme épuisé, trop fatigué pour accompagner le cardinal de Paris. Il vivra ce jour sa dernière célébration avec ses orphelins. Le lendemain, il se couche pour ne plus se relever. Le Seigneur vient chercher son bon serviteur, le 28 février, à l’hôpital Saint-Joseph. L’œuvre qu’il a consolidée peut continuer sans lui car il lui a donné des assises solides. En arrivant à Auteuil, il avait confié à son compagnon, le Père Pichon : « Si nous voulons réussir à Auteuil, il nous faut nous consacrer à ces enfants entièrement et sans arrière-pensée. Je me suis offert à Dieu pour les servir jusqu’à la mort. Je ne désire pas d’autre poste : je veux mourir là, à leur service. » Il recevra la palme des bienheureux le 25 novembre 1984. Associé à Thérèse, il continue son œuvre. En 2016, les Apprentis d’Auteuil, qui fêtent leur 150e anniversaire, sont présents dans 50 pays, au sein de 200 établissements qui accueillent plus de 30 000 jeunes et famillles.

Compléments[modifier]

Avec le P. Brottier : une spiritualité pour l’évangélisation.

Au commencement, l’Amour[modifier]

Aimé de Dieu, au cœur d’une famille aimante. Très jeune, il donne place dans sa vie à la Vierge Marie. Avec elle, il avance sur le chemin d’une foi toute simple : « Ne compliquez pas la vie spirituelle. C’est une chose toute simple. La vie spirituelle est faite de petits détails, l’accomplissement de notre devoir d’état pour plaire à Dieu. De cette façon, nous lui sommes constamment unis et nous nous perfectionnons avec sa grâce. »

Dans la docilité à l’Esprit Saint[modifier]

« Il ne faut pas brusquer la Providence. Souvent, on ne comprend pas ce qui arrive. Et, un jour, on voit combien la providence a conduit les événements pour le bien… Quand une affaire ne s’arrange pas, il faut gagner du temps et laisser la Providence agir à son heure. »

Sage avec l’audace de Dieu[modifier]

Il se montre prudent, non pas en se rassurant par une multiplicité de précautions mais en mesurant les risques. « On me traite parfois de téméraire : ma témérité, voyez-vous, a été plutôt de la timidité, lorsque je savais pertinemment que je serai soutenu, encouragé, aidé au-delà même de ce que j’avais demandé. » Devant un projet audacieux : « Je réfléchirai, je prierai, j’attendrai un signe. »

Une charité douce et humble[modifier]

Ferme dans ses décisions, il n’a jamais cédé à des entêtements qui auraient fait passer sa renommée avant l’œuvre de Dieu. « Le cœur d’une œuvre, c’est la vie intérieure. Quand il n’y a pas cette vie intérieure, l’œuvre décline. »

L’union à Dieu[modifier]

Pour lui, une communion habituelle à Dieu. Cette union, « c’est l’habitude de demeurer uni à Dieu au milieu des plus diverses activités et d’être tellement soumis à l’Esprit-Saint, que, plus les activités s’accroissent, plus l’union s’affermit par la nécessité plus grande de se posséder dans la paix pour se laisser conduire par lui. » « Penser à Dieu, c’est ne l’éloigner d’aucun détail de notre vie. »

Don total de soi[modifier]

Au moment où il arrive à Auteuil, il confie à son confrère le P. Pichon : « Je viens de me consacrer, durant la messe, à cette œuvre et aux enfants qui me sont confiés, vous devriez en faire autant ! » Dès sa jeunesse, un ami disait de lui : « Tout ce qu’il faisait, il le faisait à fond. »

En confiance[modifier]

S’il avait œuvré pour lui-même, il aurait bien pu s’inquiéter. Serviteur du Seigneur, il savait pouvoir compter sur son Maître. Auprès des enfants qui lui sont confiés, il avance sûr que le Père ne peut abandonner ces petits qui lui sont si chers. Pourtant quand on lui demande son secret, il répond : « Mon secret, 12 années de travail quotidien, de jour et de nuit, de travail acharné et persévérant, et aussi 12 années de prière acharnées et persévérantes de tous les instants… »

Offrande rédemptrice[modifier]

Avant de recevoir sa première affectation, il écrivait à son supérieur général son désir de se sacrifier et de s’immoler pour le salut des âmes. S’offrant pour les postes les plus difficiles. Le martyre, il le vivra au quotidien avec ses « chers maux de têtes ». Il pourra dire : « Je ne sais pas ce que c’est d’écrire sans avoir mal à la tête », et certains jours, il répondait à plus de 200 lettres.

Extraits de lettres et citations du Bienheureux Daniel.[modifier]

Un cœur de Père[modifier]

« Du pain pour les orphelins ! C’est le cri d’angoisse du père de famille qui ne peut plus tenir parce que la vie trop chère (le pain à 1,40 F) ne lui permet plus de faire face », écrit-il dans Le Courrier de janvier-février 1925. « Mères de famille, vous connaissez votre budget pour trois, quatre, six bouches à nourrir chaque jour : consultez votre livre de dépenses courantes pour la famille où vous ne comptez que quelques membres. Et dites à quel chiffre arriveriez-vous, en multipliant par 300. Comprenez-vous le cri de détresse que nous devons pousser ? »

Servir[modifier]

«  Plus on fait de grandes choses, plus on se sent petit. Ceux qui ne font rien se trouvent toujours très grands.  »
« Servir, c’est n’être plus soi. C’est n’être plus à soi. C’est n’avoir presque pas de droits, c’est n’avoir que des devoirs. C’est ne point connaître son intérêt propre. C’est, en tout cas, le sacrifier toujours à l’intérêt général. C’est penser, vouloir, agir en fonction des autres. C’est vivre et parfois mourir pour le bonheur de tous, dans l’amour de Dieu. »

Réussir[modifier]

« Voyez-vous, nous nous imaginons quelquefois que nous réussissons : mais ce n’est pas nous, c’est le Bon Dieu qui agit. »
« Pour réussir, il faut toujours être gêné par quelque chose. »
« Les causes qui avancent sont celles pour lesquelles on meurt. La cause du Bon Dieu est de celles-là ! »
« Les choses qui ont l’air de réussir toutes seules, sont celles au contraire sur lesquelles on a longuement médité. »

La Providence[modifier]

« Il ne faut pas douter de la Providence, mais prier et agir. Avec cela, on aplani les montagnes. »
« On ne doit jamais brusquer la Providence. Souvent, on ne comprend pas et un jour, on voit combien la Providence a conduit les événements pour le bien. »
« On ne doit jamais brusquer la Providence. Souvent, on ne comprend pas et un jour, on voit combien la Providence a conduit les événements pour le bien. »
« Ce qu’il ne faut pas, à aucun prix, c’est garder une inquiétude contraire à la confiance que nous devons toujours garder en la Providence. »

La prière ·[modifier]

« Penser à Dieu, c’est ne l’éloigner d’aucun détail de notre vie. »
« Tant que nous aurons un souffle de vie, il nous faut bénir le bon Dieu et nous chanterons éternellement les miséricordes du Seigneur. »
« Tant que nous aurons un souffle de vie, il nous faut bénir le bon Dieu et nous chanterons éternellement les miséricordes du Seigneur. »
« L’ingratitude est une forme de l’égoïsme et aussi de l’orgueil. On ne craint pas de demander, mais on oublie trop souvent de remercier. »

Le Ciel[modifier]

« Croyez-moi, ce sont les morts qui mènent les vivants : nous croyons nous conduire seuls, et en réalité, nous sommes menés par toute une foule d’intercesseurs et d’amis que nous avons au Ciel. »

La congrégation du Saint-Esprit. Aperçu historique.[modifier]

La congrégation du Saint-Esprit (missionnaires du Saint-Esprit ou Spiritains) est fondée au début du XVIIIe siècle par un noble rennais, étudiant au collège Louis-le-Grand, Claude Poullart des Places (1679-1709). Son ami, saint Louis-Marie Grignion de Montfort, lui prie de rejoindre sa propre congrégation. Claude refuse, souhaitant créer un apostolat auprès des écoliers démunis. Le 27 mai 1703, il se consacre au Saint-Esprit et à Marie : c’est l’acte fondateur des Spiritains. Les premiers « Messieurs du Saint-Esprit » le rejoignent dès 1705. Claude renonce à sa carrière parlementaire et est ordonné prêtre en décembre 1707. Mais il meurt deux ans plus tard, victime d’une pleurésie. En 1816, le séminaire des Spiritains prend en charge la formation du clergé des colonies françaises. Des missions sont organisées en Afrique et dans l’Océan indien. En 1848, la Société du Saint-Cœur de Marie, fondée par François Libermann (1802-1852), est agrégée aux Spiritains, donnant un nouvel essor à la congrégation. François Libermann, juif d’origine, est né à Saverne d’un père rabbin. Étudiant parisien, il vit une expérience mystique tandis qu’il prie dans sa chambre. Il est baptisé le 24 décembre 1826. Admis au séminaire de Saint-Sulpice, il doit renoncer au sacerdoce car il souffre d’épilepsie. Il réside ensuite au séminaire d’Issy-les-Moulineaux pendant six ans. Puis il devient assistant du maître des novices des Eudistes à Rennes, où il reste deux années. En 1839, un grand mouvement de prière est organisé à Notre-Dame-des-Victoires de Paris pour l’évangélisation des esclaves dans les colonies. L’année suivante, François, accompagné par Paul Drach, juif converti, rabbin devenu bibliothécaire de la congrégation pour la Propagation de la Foi, sont reçus par le pape Grégoire XVI qui soutient leur projet d’évangélisation du peuple noir. La Société du Saint-Cœur de Marie est née. François est finalement ordonné prêtre le 18 septembre 1841. Dix ans plus tard, il achève ses Instructions aux missionnaires : son testament spirituel. Pie X le déclare Vénérable le 19 juin 1910. Le siège des Spiritains est implanté à Rome. Présente dans 60 pays, la congrégation est très enracinée en Afrique et dans l’Océan indien. En 2014, elle compte 2700 membres dont 32 évêques. En France, elle gère 20 communautés. Des laïcs s’y associent et reçoivent des lettres de mission.