Piaget

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JP42: Classes, relations et nombres. Essai sur les groupements.[modifier]

Cet ouvrage contient le premier exposé complet des huit groupements "formalisés" ou "axiomatisés" (au sens faible de ces termes) par Piaget à la fin des années trente.

JP49: Essai de logique opératoire[modifier]

Cet ouvrage est l’un des trois écrits consacrés par Piaget à l’exposé de la logique opératoire qu’il a été amené à établir dans le but de modéliser les conduites et les opérations logiques de la pensée concrète et de la pensée formelle. Il contient l’exposé du groupe INRC, une nouvelle structure de la pensée découverte à la fin des années quarante.

JP52: Essai sur les transformations des opérations logiques[modifier]

Cet essai décrit les 256 opérations ternaires de la logique bivalente, et les différents systèmes de transformations qu’ils forment et qui les relient les unes aux autres.

JP87: Vers une logique des significations[modifier]

Co-rédigé avec Garcia, cet ouvrage contient l’ultime tentative faite par Piaget pour développer une logique qui puisse modéliser les connexions propre à la "dialectique des significations", qui apparaît dès l’intelligence sensori-motrice

Présentation de l'œuvre: Préambule[modifier]

Une oeuvre complexe

Introduction[modifier]

Il y a deux mille cinq cents ans environ, savants et philosophes de l’Asie mineure et de la Grèce antique ont posé un certain nombre d’interrogations fondamentales sur l’homme et sur la connaissance de l’univers qui seront à l’origine de la "pensée occidentale". «Qui sommes-nous?», «Que pouvons-nous connaître?», «Peut-on se fier à la raison humaine?», mais aussi bien sûr «Que devons-nous faire?», «Que pouvons-nous espérer?» - De telles interrogations ont nourri l’esprit des plus grands savants et philosophes, de Platon à Kant, d’Aristote à Darwin, et ce sont certaines d’entre elles qui apportent la clé de l’oeuvre de Piaget. Le présent document a pour but de faciliter l’accès à cette dernière, dont chaque partie ne se comprend bien que si elle est reliée à chaque autre. Tout jeune, l’auteur s’est d’abord passionné pour des problèmes touchant la biologie, puis la philosophie. Sa double formation et l’état général d’évolution des problèmes en biologie et en philosophie l’ont conduit au projet d’établir une épistémologie ou une théorie de la connaissance basée sur la biologie et ses méthodes, puis sur la psychologie. Les décennies de recherche qu’il consacrera à la réalisation de ce projet l’entraîneront à proposer une conception nouvelle de la connaissance, le constructivisme, basée sur des réponses originales apportées aux questions sur la genèse des formes vivantes et des formes de la pensée (*).

Un éclairage toujours actuel sur la psychologie de l’intelligence[modifier]

En cherchant à résoudre des problèmes formulés par les philosophes de l’Antiquité au moyen de la psychologie, Piaget n’a pas seulement fortement contribué à leur apporter des solutions plausibles. Il a tout autant contribué à éclairer les comportements humains. Appliquée au domaine des conduites humaines, l’interrogation épistémologique permet de mieux comprendre leur pourquoi et leur comment. Tout parent qui a fait l’effort de lire les ouvrages, certes difficiles, que Piaget a consacré au développement de l’intelligence enfantine, reconnaîtra mieux l’extraordinaire travail intellectuel de ses enfants, et cela dès les semaines qui suivent la naissance.

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Il comprendra par exemple combien le simple fait de se mouvoir dans l’espace ou y déplacer des objets, comme celui de coordonner son action et celle d’autrui, ou de coordonner ce que l’enfant pense et ce que pense autrui, sont en réalité des activités compliquées qui exigent la construction lente et progressive de connaissances et de savoir-faire de différents niveaux de difficulté. Il comprendra aussi que le monde de l’enfant n’est pas donné d’avance, mais qu’il est le résultat de cette construction dont l’oeuvre psychologique de Piaget décrit l’impressionnante organisation.

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L’intelligence de l’enfant est aussi remarquable, dans son ingéniosité et sa créativité, que celle des plus grands savants, et c’est elle qui lui permet de devenir un être humain à part entière, un adulte libre et autonome pouvant répondre aux exigences éthiques de la raison humaine. C’est cela que l’oeuvre de Piaget révèle, et c’est par cela qu’elle peut enchanter toute personne qui fera l’effort de l’assimiler, sans pour autant acquiescer forcément à toutes ses affirmations.

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Intérêt de l’oeuvre du point de vue philosophique

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Les questions qui sont au coeur de l’entreprise piagétienne trouvent pour la plupart leur source directe dans la philosophie. C’est notamment le cas du problème de l’origine et de la nature de la raison humaine. Et c’est aussi le cas des questions portant sur la signification, l’origine ou la valeur des différentes sortes de connaissances scientifiques. Toute personne intéressée par ce type de problèmes ne devrait pas manquer de prendre connaissance des solutions apportées par Piaget. Pour ne pas se méprendre à leur sujet, il faudra pourtant qu’il sache constamment les rattacher à ces réponses d’enfants que l’auteur ne perd jamais de vue lorsqu’il avance une thèse. Mais l’extraordinaire détour que Piaget a fait pour apporter des éléments de solutions un tant soit peu fiables aux questions sur l’origine, la signification ou la valeur des connaissances est à lui seul une leçon de sagesse.

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Piaget a peu écrit sur la philosophie. Celle-ci est pourtant sans cesse présente entre les lignes de ses textes d’épistémologie, de psychologie, de sociologie, voire même de biologie. Ceci donne à son oeuvre une saveur, une valeur humaine et une dimension éthique que les philosophes sauront reconnaître.

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... et du point de vue épistémologique

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Les recherches consacrées soit à l’histoire des sciences, soit surtout à la psychogenèse des notions scientifiques chez l’enfant et l’adolescent ont considérablement enrichi notre compréhension de ces connaissances dites élémentaires (l’arithmétique élémentaire, la géométrie élémentaire, etc.), mais dont les mathématiciens de la fin du dix-neuvième siècle ont découvert qu’elles continuent à donner sens et pour certaines à fonder les sciences les plus avancées. Souvent des savants ne comprennent pas que l’on puisse perdre du temps à étudier l’intelligence de l’enfant pour comprendre le sens des connaissances scientifiques. Mais d’autres, qui ne confondent pas la profondeur d’une explication avec sa complexité, ont su apprécier l’éclairage que les résultats de l’épistémologie génétique, si simples soient-ils, peuvent jeter sur leur science.

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Outre cet apport, l’épistémologie génétique est susceptible de contribuer d’une toute autre façon à l’essor des sciences. Ses thèses les plus importantes portant sur le problème du rapport entre les sciences, il en résulte une défense de l’interdisciplinarité et de la transdisciplinarité qui pourrait progressivement se voir concrétisée dans le fonctionnement même des institutions universitaires.

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Qui se rappelle aujourd’hui que Piaget est le premier à avoir formulé cette notion de transdisciplinarité qui marque peu à peu de son empreinte le fonctionnement des sciences? Certes l’épistémologie génétique est aujourd’hui relayée par les sciences cognitives dans cette défense d’une autre conception de l’organisation universitaire. Mais tout indique que l’oeuvre de Piaget est une source d’inspiration pour ces sciences, et qu’elle le deviendra de plus en plus si celles-ci continuent à unir dans un commun effort les interrogations et les méthodes des biologistes, des éthologues, des psychologues, des sociologues, des linguistes, des logiciens, des mathématiciens, des physiciens, des ingénieurs, etc., pour aboutir à une compréhension meilleure de la "cognition", et donc de l’intelligence et des connaissances.

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Une oeuvre complexe

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Les quelques considérations précédentes le suggèrent; l’oeuvre de Piaget est complexe non pas tant par les thèses qui y sont proposées (seuls les travaux de logique offrent une difficulté qui en rend la lecture plus ardue) que par la multiplicité des domaines qu’elle recouvre (la biologie, la psychologie, l’épistémologie, la logique, la sociologie, la philosophie, pour ne mentionner que les principaux), ainsi que par l’organisation qui les attache les uns aux autres. En ceci cette oeuvre est proche des organisations biologiques, psychologiques et sociales qui constituent son objet d’étude principal, et c’est un peu avec les mêmes méthodes que l’on utilise pour comprendre le vivant qu’il faut l’approcher si on veut la saisir dans toute son ampleur et sa profondeur.

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C’est en partie pour rendre un peu plus accessible la structure organique de l’oeuvre que ce document a été conçu. Aussi l’utilisateur est-il invité à en visiter les différentes parties, découpées selon les caractéristiques de l’oeuvre: la structure (les domaines de recherche dans lesquels Piaget s’est investi), la genèse (les étapes de l’oeuvre), l’interaction (l’environnement cognitif ou intellectuel dans lequel l’oeuvre s’est développée).

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Ce que l’utilisateur découvrira ainsi, c’est une image de l’oeuvre en miniature. Il pourra se faire une certaine idée de ses parties, de son évolution, de l’environnement dans laquelle elle s’est construite. A partir de là, s’il souhaite pénétrer et comprendre davantage tel ou tel chapitre de cette oeuvre, des indications bibliographiques lui indiqueront les ouvrages ou les articles de Piaget qui ont servi de base pour la construction de cette image (ces indications sont loin d’être systématiques et exhaustives; des compléments utiles pourront être trouvés à ce sujet dans l’ouvrage de R. Droz et de M. Rahmy "Lire Piaget", publié chez Dessart en 1972).

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Un certain nombre d’outils d’information sont par ailleurs offerts tels que des repères biographiques, des glossaires d’auteurs et de notions, ou encore des liens hypertextes vers de brèves définitions, ou vers des références bibliographiques... L’utilisateur pourra également imprimer la section du texte dans laquelle il se trouve afin d’en permettre une lecture plus soutenue.

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Bien sûr le voyage intellectuel auquel nous invitons le lecteur de ce document ne saurait se parcourir en un court laps de temps (sauf pour qui connaît déjà l’oeuvre de Piaget). Il y faudra du temps et un rythme de parcours adapté à la complexité de l’univers offert. Mais il est toujours possible de ne chercher au sein de ce document que les indications permettant d’aller directement aux sources, c’est-à-dire aux textes originaux de Piaget, comme il est possible de brièvement se remettre à l’esprit tel ou tel chapitre de son oeuvre (les six stades de l’objet permanent par exemple).

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Les domaines - Introduction générale

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La plus grande partie des apports de Piaget à la vie intellectuelle du vingtième siècle concerne principalement six domaines d’étude: la biologie, l’épistémologie, la psychologie, la logique, la sociologie et la philosophie.

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Ses recherches en biologie, qui ont débuté dès l’adolescence, ont porté le plus souvent sur les mollusques, mais aussi sur des plantes. Dans les deux cas, Piaget a cherché à répondre à des questions sur l’origine des formes animales et végétales. Mais très tôt, en relation avec sa formation en philosophie, il a élargi le champ de ses interrogations et de ses recherches, en traitant aussi bien des questions philosophiques et épistémologiques, que des questions psychologiques, sociologiques et logiques.

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Si la plus grande partie des travaux publiés concernent la biologie, l’épistémologie et la psychologie, on ne saurait négliger la portée des études consacrées à la philosophie et à la logique, ainsi que, dans une moindre mesure, celles consacrées à la sociologie. Non seulement elles se traduisent par des réalisations enrichissant de manière originale ces disciplines, mais elles permettent également de mieux comprendre le sens et la portée des thèses formulées en biologie, en épistémologie et en psychologie.

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En plus des apports aux six disciplines mentionnées, il convient d’ajouter les réflexions et les suggestions que Piaget a formulées à l’attention des enseignants et des pédagogues et qui reflètent la complexité des solutions apportées au problème de l’origine et de la genèse des connaissances scientifiques.

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L’utilisateur peut choisir d’entrer dans l’un ou l’autre des domaines de son choix. L’ordre n’a qu’une faible importance. Ainsi le lecteur intéressé par la seule psychologie peut-il ignorer les autres parties. Ce n’est que s’il souhaite par la suite comprendre le sens le plus profond des recherches de psychologie qu’il pourra alors aborder les parties portant sur l’épistémologie ou sur la biologie.

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Quant à l’ordre adopté dans la table des matières, il se base à la fois sur la succession chronologique par laquelle Piaget a abordé les disciplines, mais aussi sur leur importance. La biologie et la philosophie sont ainsi placées en tête parce que ces deux disciplines ont servi de base à l’édification de toute l’oeuvre. La psychologie et l’épistémologie suivent, parce que ce sont les disciplines auxquelles Piaget a consacré l’essentiel de ses efforts et pour lesquelles ses contributions sont les plus importantes. La psychologie et l’épistémologie génétiques recourant par méthode à la logique, nous avons placé la logique directement derrière l’épistémologie. Enfin la sociologie et la pédagogie sont placées dans cet ordre en raison de l’importance plus ou moins grande des contributions de Piaget à ces disciplines.

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Une carte générale de navigation permet non seulement à l’utilisateur d’avoir une vue d’ensemble sur ce document, mais également de choisir n’importe quelle section mentionnée. Les parties de la carte se déroulent en cliquant sur les entrées qui les désignent.

Biologie[modifier]

Introduction[modifier]

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La biologie occupe une place doublement importante dans l’oeuvre de Piaget. Elle est d’abord la discipline qui a fourni la problématique et les méthodes de base à partir desquelles cette oeuvre s’est construite par un processus qui est lui-même profondément biologique. Elle détient ensuite la clé ultime de la solution que Piaget recherche au problème de l’origine des connaissances scientifiques, et plus généralement de la raison.

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Que Piaget ait appris le métier d’homme de science en pratiquant la biologie, sous la forme qui était la sienne à la fin du dix-neuvième et au début du vingtième siècle, est d’une portée considérable pour le reste de l’oeuvre. La biologie de cette époque était encore une discipline proche de l’étude de la nature et elle était encore sous le choc de l’oeuvre de Darwin qui avait placé la question de l’origine des espèces au coeur du questionnement biologique.

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Bien que la théorie à laquelle il aboutira en psychologie et en épistémologie soit un franc constructivisme, c’est-à-dire une doctrine accordant une importance considérable à l’activité constructive du sujet dans la genèse des connaissances, Piaget a marqué tout au long de ses recherches scientifiques un respect sans faille pour les faits en tant que base empirique des solutions proposées.

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Ce profond respect de l’enquête empirique, qui traverse toute l’oeuvre de Piaget, c’est à sa formation de biologiste qu’il le doit, c’est-à-dire, d’abord, aux nombreuses et patientes observations qu’il a été conduit à réaliser en malacologie. Guidées par les méthodes de catalogage et de classification acquises à travers un passé qui remonte à Aristote, ce sont ces observations et les questions qui leur sont liées qui ont donné à Piaget le goût de la science.

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Ce n’est pas seulement une forme particulière d’esprit scientifique, faite de patience, d’entêtement et de systématicité, que Piaget a acquise à travers ses années de formation en histoire naturelle et en biologie, c’est également toute une problématique, c’est-à-dire un ensemble de questions générales liées à l’étude des êtres vivants (), ainsi qu’un ensemble de notions qui servent à ordonner les faits recueillis et à les interpréter.

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Les questions que Piaget a apprises en pratiquant très jeune la biologie peuvent être classées en deux groupes, selon qu’elles relèvent de la démarche descriptive qui est le propre de l’ancienne histoire naturelle, ou selon qu’elles se rattachent à la démarche explicative de la biologie issue des travaux de Lamarck, de Darwin, de Claude Bernard, et de quelques autres grands savants du dix-neuvième siècle, qui ont pu contribuer à la formation de la problématique biologique qui sous-tend la totalité de l’oeuvre piagétienne.

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Psychologie[modifier]

Introduction générale[modifier]

La psychologie occupe une place de choix dans l’oeuvre de Piaget. Si on en mesure l’importance au nombre d’écrits qu’il lui a consacré, on peut même affirmer qu’elle est le domaine de recherche dans lequel l’auteur a investi la plus grande partie de son activité scientifique.

Mais quelle que soit l’importance de cet investissement, il serait erroné de croire que l’on puisse séparer les travaux réalisés en psychologie des recherches que l’auteur a par ailleurs consacrées aux autres disciplines traitées tout au long de sa vie, et en particulier à la biologie et à l’épistémologie. Le lien entre les différents centres d’intérêts de l’oeuvre découle d’ailleurs très directement des raisons qui ont conduit Piaget à se faire psychologue.

Comme le montre l’examen de ses années de formation (JJD84), Piaget s’est en effet engagé dans l’étude des phénomènes psychologiques pour répondre à des questions fondamentales qui relevaient de la biologie (l’origine des formes biologiques), mais aussi, et surtout, de la philosophie: justifier les normes et les formes de la raison, telles qu’elles se manifestent ou agissent dans les champ de l’action (la morale) et de la science.

Par ailleurs, si l’on sait que la tradition philosophique occidentale a toujours étroitement unis les questions de la science et de la morale, du vrai et du bien, et si l’on a à l’esprit que Piaget n’était pas sans ignorer cette tradition lorsqu’il a démarré ses recherches de psychologie, on ne s’étonnera pas que les études de psychologie de l’intelligence occupent une place importante dans l’oeuvre psychologique de l’auteur.

Intelligence: Préambule[modifier]

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Introduction

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Dans ses travaux de psychologie, Piaget a repris le découpage classique de l’objet psychologique, basé sur la distinction entre les fonctions mobilisatrices du comportement (le besoin, la volonté, etc.), les fonctions évaluatrices ou régulatrices (le sentiment, l’affectivité, etc.) et les fonctions intellectuelles (la perception, la mémoire, l’intelligence, etc.).

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Son effort principal de recherche a porté sur la troisième famille de fonctions, et tout spécialement sur l’intelligence, dans la mesure où l’objet principal de son interrogation scientifique était l’origine des formes de connaissance Causerie 1 (Causerie I.1: Intelligence: Définition).

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Il est possible de considérer de trois points de vue les travaux de Piaget sur l’intelligence: fonctionnel, génétique et structural :

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  • Le point de vue fonctionnel concerne l’intelligence en tant que processus particulier d’adaptation d’un animal ou d’un être humain à des réalités qui posent problème, ou de transformation adaptée de ces réalités.

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  • Le point de vue génétique met en évidence les étapes franchies par un système psychologique pour acquérir les compétences utiles ou nécessaires à cette adaptation.

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  • Enfin le point de vue structural met à jour la structure ou les lois de structure des organisations d’action et de connaissance caractéristiques de chacune des étapes.

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Un des résultats les plus saisissants de la psychologie génétique est de montrer que, s’il existe une continuité des mécanismes fonctionnels de base à travers tout le développement cognitif, celui-ci se déroule en deux temps, marqués chacun par des stades similaires de passage à des niveaux de compétences opératoires et de connaissances de plus en plus élevés: (1) le temps de la construction, par le bébé, de l’intelligence sensori-motrice; suivi (2) du temps de la construction, par l’enfant puis l’adolescent, de l’intelligence (ou de la pensée) représentative.

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Le point de vue fonctionnel

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La fonction première de l’intelligence est d’atteindre efficacement un but pour lequel il n’existe pas de solutions données d’avance. Sous une forme plus développée et plus spéciale, l’intelligence a aussi pour fin de comprendre ou d’expliquer un phénomène ou une réalité quelconque, et elle se donne les moyens d’y parvenir.

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Comme Bergson l’avait remarqué, la vie a découvert deux grandes voies permettant aux organismes d’atteindre des buts utiles à eux-mêmes ou à l’espèce à laquelle ils appartiennent: l’instinct et l’intelligence.

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L’étude de la genèse de l’intelligence chez l’enfant a permis à Piaget de mieux connaître les processus caractéristiques de la seconde voie.

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Toute adaptation comportementale fait intervenir des sortes d’organes biologiques et mentaux que Piaget appelle des schèmes, en reprenant une notion qui, dans l’usage qu’il en fait, remonte à Kant, puis à plusieurs auteurs de la fin du dix-neuvième siècle et du début du vingtième, dont Bergson et Janet.

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Brièvement dit, un schème ou une organisation de schèmes est ce qui permet à un sujet d’agir de façon appropriée sur une réalité, de lui donner une signification, de la comprendre, ou encore de la créer.

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Deux processus de base se produisent lorsqu’un schème est mis contribution: l’assimilation et l’accommodation.

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Si, dans l’ordre de l’instinct, le bagage de schèmes qui permettent aux organismes de s’adapter à leur milieu ou de le transformer est relativement fixe, dans l’ordre de l’intelligence en revanche, la mise en oeuvre des processus d’assimilation et d’accommodation entraîne la construction, par différenciation ou par coordination, de schèmes nouveaux, correspondant à différents niveaux de hiérarchie des conduites.

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Ces schèmes permettent au sujet de connaître ou reconnaître de nouvelles réalités, d’agir sur elles de façon appropriée ou encore de les construire, et en définitive de les expliquer ou d’en comprendre les raisons.

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Des schèmes de complexité croissante

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Le fonctionnement de l’intelligence est toujours sous-tendu par une organisation plus ou moins complexe de schèmes variés et de différents niveaux de complexité: schèmes de perception, d’action, d’anticipation, de représentation, de contrôle, etc., spécialisés dans le traitement, par exemple, de l’espace, du temps, des relations interindividuelles, de tel ou tel trait plus particulier d’une réalité qui fait problème...

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Il se caractérise toujours aussi par des mises en relation nouvelles relatives à la réalité traitée, mises en relation assurées par des différenciations et des coordinations proprement créatrices des schèmes appartenant à cette organisation.

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Comme le montrent les résultats de l’enquête psychogénétique sur la naissance de l’intelligence sensori-motrice, la forme la plus élémentaire d’intelligence (l’art de résoudre efficacement, et en l’absence de pensée représentative, des problèmes pour lesquels il n’existe pas de solutions disponibles) met en oeuvre des formes particulières de coordinations de schèmes sensori-moteurs.

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De la même façon, les résultats des enquêtes sur la genèse de la pensée montrent que l’intelligence en son aboutissement, à savoir l’intelligence comme compréhension des réalités matérielles ou mentales, repose sur une coordination particulière, liée à la construction des structures opératoires.

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Si, en un sens, le fonctionnement de l’intelligence entraîne la construction de schèmes de plus en plus efficaces et organisés, donc une genèse de schèmes dotés de structures de plus en plus puissantes, inversement, cette genèse et les structures des organisations qui en résultent, se traduisent par un fonctionnement toujours plus efficace d’une intelligence de plus en plus à même de découvrir la raison des réalités dont elle se nourrit ou qui lui posent problème.

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L’intelligence comme équilibre entre l’assimilation et l’accommodation

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A tous les niveaux de sa genèse, l’intelligence est faite d’équilibre psychologique entre les processus ou les activités d’assimilation et d’accommodation. Cet équilibre est même la marque des conduites proprement intelligentes.

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Lorsque, dans une activité quelconque, la part de l’assimilation aux schèmes acquis par le sujet l’emporte sur celle de l’accommodation à l’objet de l’action ou de la réflexion, ou inversement lorsque la part de l’accommodation l’emporte sur celle de l’assimilation, l’activité du sujet tend soit à se complaire dans le jeu, sans effort de s’adapter à un réel ou de le transformer, conformément à des buts pour lesquels il n’existe initialement pas de solutions toutes faites, soit à se calquer sur l’objet considéré, sans véritable capacité de le maîtriser et de le comprendre.

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Toute une part des recherches de Piaget a porté sur la façon dont les déséquilibres du fonctionnement de l’assimilation et de l’accommodation donnent naissance, lorsqu’il y a primat de l’accommodation, à l’imitation (déjà présente sous forme élémentaire dans toute perception) et à l’image mentale, et, lorsqu’il y a primat de l’assimilation, au jeu.

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On voit par là que le choix de construire une conception de l’intelligence à partir des notions biologiques d’assimilation et d’accommodation a permis à Piaget d’aboutir à une théorie synthétique susceptible d’éclairer la quasi-totalité des phénomènes psychologiques, y compris ceux classiquement étudiés par la psychanalyse et qui relèvent de la pensée symbolique. Si l’intelligence est l’objet central de la psychologie de Piaget, on ne saurait négliger la portée de sa conception par rapport à la vie psychologique dans sa totalité.

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Le point de vue génétique

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L’intelligence n’est pas un organe dont le fonctionnement et la structure seraient acquis en une seule étape. Elle est un outil d’adaptation et de compréhension des différentes formes de réalités qui se construit peu à peu.

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L’approche génétique a précisément pour but de mettre en lumière comment fonctionne l’intelligence à travers ses différentes étapes de développement, et comment ses composantes se coordonnent les unes les autres pour permettre cette adaptation ou cette compréhension.

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En observant les enfants de tout âge, elle a conduit à mettre en évidence des stades de développement de l’intelligence, ou des stades de développement cognitif (selon que l’on a en vue essentiellement les processus de fonctionnement ou bien au contraire les connaissances qui sous-tendent les conduites intelligentes).

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Les nombreuses recherches réalisées par Piaget et ses collaborateurs sur l’intelligence de l’enfant ont conduit ainsi à distinguer trois grandes étapes de développement ():

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  • la première, qui se déroule de la naissance à une année et demie environ, aboutit à l’intelligence sensori-motrice;

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  • la seconde est celle qui conduit à l’intelligence opératoire concrète (dont l’apparition est liée à ce que les philosophes appelaient avec bonheur l’âge de raison, mais qui se prépare bien avant celui-ci);

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  • et enfin la troisième est celle de l’intelligence opératoire formelle, qui se prépare dès la fin de l’étape précédente.

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Deux critères permettent de comprendre ce qui distingue ces trois formes d’intelligence. Le premier concerne la présence ou l’absence d’un système de représentation (image ou langage verbal) pleinement développé, permettant à l’enfant de maîtriser ou non des événements ou des réalités non actuellement perçus; le second est celui de la structure propre à chacune de ces trois formes d’intelligence.

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Le point de vue structural

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Hormis l’ampleur des recherches psychogénétiques, et leur enracinement dans un questionnement épistémologique qui a permis à Piaget d’y manifester une perspicacité tout à fait exceptionnelle, le point de vue structural est certainement ce qui constitue l’un de ses apports les plus originaux à la psychologie de l’intelligence.

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L’approche structurale met en oeuvre deux idées clés, dont la mise en relation formera le fondement du constructivisme épistémologique (soit la thèse qu’il y a une certaine unité de nature ou une filiation entre les mathématiques et la biologie): l’idée d’organisation (empruntée à la biologie) et l’idée de structure (empruntée à la mathématique du début de ce siècle).

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Elle consiste à décrire les relations entre les composantes d’une organisation cognitive au moyen des lois de composition de structures mathématiques appropriées.

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Cette description est simultanément une application et une attribution.

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Piaget utilise par exemple la notion de groupe mathématique en l’appliquant à un certain nombre de comportements étudiés chez le bébé, chez l’enfant ou chez l’adolescent.

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En certains cas, et notamment dans celui de comportements consistant à ordonner ou à classer différentes propriétés des objets (par exemple leur grandeur, ou leur forme), la mathématique existante ne fournissant pas de modèles appropriés, Piaget créera lui-même les structures mathématiques, certes intuitives, permettant de les décrire.

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Mais l’approche structurale va plus loin que la simple application et tend à l’explication. Elle soutient que si des modèles mathématiques structuraux peuvent être appliqués à des enchaînements de comportements, cela tient au fait que les comportements intelligents qui ont atteint un certain niveau de développement obéissent effectivement à des lois ou à des normes qui traduisent chez les sujets les propriétés de structure des regroupements d’actions ou d’opérations ().

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Intelligence sensori-motrice

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L’intelligence sensori-motrice est cette forme de comportement adaptatif qui permet non seulement à l’homme, mais aussi à des animaux tels que les primates (chimpanzés, etc.) de résoudre de manière efficace et créative des problèmes d’adaptation à leur environnement.

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La logique que manifestent les coordinations d’actions qui lui sont propres, ainsi que les catégories épistémiques indissociablement attachées à ces actions (l’espace, le temps, l’objet, la causalité, etc.), constituent le fondement psychologique à partir duquel pourront être édifiées l’intelligence représentative et la raison humaine.

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Deux exemples illustrent la forme particulière d’adaptation des organismes à leur milieu, caractéristique de l’intelligence sensori-motrice.

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  • Le premier exemple est suggéré par la conduite de Lucienne Piaget, alors âgée de une année et quatre mois, cherchant à ouvrir une boîte d’allumettes. Elle y parvient non pas en agissant de manière désordonnée sur l’objet, mais en assimilant la situation présente au schème d’ouvrir et de fermer la bouche (obs. 180[NI], JP36, p. 293).

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  • Le second exemple est suggéré par les observations de Köhler sur le comportement de chimpanzés confrontés à des problèmes tels que celui d’atteindre des fruits suspendus hors de leur portée au plafond d’un local dans lequel ils se trouvent. Des animaux qui n’ont pas acquis les processus liés à l’intelligence sensori-motrice ne sauront pas atteindre l’objectif, sinon par hasard, à la suite de tâtonnements non dirigés. Comme Lucienne cherchant à ouvrir sa boîte d’allumettes, le chimpanzé manifeste au contraire une conduite étonnante. Après quelques essais, il arrête de se déplacer, regarde autour de lui, donne à l’observateur le sentiment qu’il réfléchit, et tout d’un coup va chercher ce qui devient alors un moyen, un instrument lui permettant d’atteindre son but (Köhler, "L’intelligence des singes supérieurs". Chap. 2. Paris: F. Alcan, 1927).

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Ce sont de tels comportements que les études sur la naissance de l’intelligence réalisées par Piaget ont contribué à rendre un peu moins mystérieux, en les insérant dans une genèse des comportements.

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Les nombreuses observations réalisées par Piaget sur les conduites sensori-motrices de ses trois enfants, Jacqueline, Lucienne et Laurent, ont permis:

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  • de mettre en évidence la spécificité des comportements intelligents par rapport à des comportements de résolution de problème ou des comportements adaptatifs plus primitifs,

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  • de montrer comment les comportements plus évolués dérivent des comportements moins évolués par le jeu d’un certain nombre de processus tels que l’assimilation et l’accommodation, ou encore la différenciation, l’intégration et la coordination de schèmes, dont Piaget esquissera ultérieurement la théorie dans un ouvrage sur l’équilibration des structures cognitives (JP75).

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La construction de l’intelligence sensori-motrice, une triple co-évolution

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Conduits avec, à l’esprit, des interrogations épistémologiques sur les catégories générales (l’objet, le temps, l’espace, etc.) grâce auxquelles le bébé donne sens à ce qu’il fait et ce qu’il perçoit et au moyen desquelles il organise le monde qui l’entoure, les travaux sur la naissance de l’intelligence ont mis en évidence le lien étroit de l’évolution de la capacité toujours plus puissante de résolution de problème avec l’évolution de ces catégories. Ils ont aussi permis à leur auteur de montrer la dialectique subtile qui existe entre, d’un côté, la construction de cette intelligence et de ces catégories, et de l’autre, la construction de la fonction sémiotique.

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L’évolution des comportements adaptatifs, de ces catégories et de la fonction sémiotique passe par un certain nombre de stades ou étapes, dont chacun se caractérise par une nouvelle compétence construite à partir des acquis du stade précédent (la première étape n’est que relativement initiale puisqu’elle est elle-même le résultat d’une construction réalisée sur le terrain de la phylogenèse de l’espèce humaine).

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Cette triple co-évolution des comportements adaptatifs, des catégories et de la fonction sémiotique, est décrite dans trois ouvrages parmi les plus importants de toute l’oeuvre psychogénétique de Piaget (JP36, JP37, JP45), dans lesquels l’auteur manifeste une capacité d’analyse et de synthèse peu commune!

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Si la première étape de construction de l’intelligence sensori-motrice commence avec des comportements héréditaires élémentaires, très vite le bébé va révéler une prodigieuse capacité de construire de nouveaux comportements, de les maîtriser et de les modifier de façon de plus en plus intentionnelle ().

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C’est dès les mois qui suivent sa naissance que l’enfant commence ainsi à devenir maître de son activité, certes à une niveau bien plus rudimentaire que cela ne sera le cas dans les années qui suivront.

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Et c’est vers une année et demie que la construction de l’intelligence sensori-motrice s’achèvera, relativement à la compétence structurale du moins, grâce à l’apport alors fourni par la pleine apparition d’une fonction sémiotique qui entraînera alors l’enfant vers le nouveau monde de la représentation.

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Epistémologie génétique

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Créée par Piaget dans les années vingt, l’épistémologie génétique se veut une nouvelle discipline scientifique dont l’objet général est la connaissance, et dont la méthode principale est l’étude de l’évolution des connaissances chez l’enfant et dans l’histoire de la science.

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En lançant les bases de cette science dès les années vingt et en en assurant l’essor dès les années trente, Piaget jetait très clairement, et au début tout à fait amicalement, un pavé dans la mare de la philosophie. En effet celle-ci a, dès ses débuts chez Platon et Aristote, intégré parmi ses interrogations fondamentales celle de la connaissance, et tous les grands philosophes de la pensée occidentale ont apporté des éléments de réponse aux problèmes généraux que soulève la connaissance (sa nature, sa valeur, ses variétés, sa signification, son origine, sa genèse).

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Au dix-huitième siècle encore Kant a défini le champ d’étude de la philosophie par les trois questions centrales que peut se poser l’être humain par rapport à son destin: Que puis-je savoir? Que dois-je faire? Que puis-je espérer? La première de ces questions relève de l’épistémologie. Mais ce qui distingue l’épistémologie génétique est sa manière scientifique de délimiter et de traiter les problèmes.

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En faisant de la philosophie de la connaissance une science, Piaget ne faisait certes pas oeuvre complètement originale. A l’égal de ce qui s’était passé pour la psychologie, le dix-neuvième siècle et le début du vingtième comportent plusieurs démarches allant dans ce sens. L’épistémologie génétique elle-même avait trouvé une première préfiguration chez le psychologue J.-M. Baldwin, qui, avant Piaget, avait cherché à construire une "théorie génétique de la réalité" basée sur l’étude du développement cognitif de l’enfant.

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Mais aucune de ces démarches n’avait complètement coupé le lien d’assujettissement, et toutes restaient ce qu’il était alors souvent convenu d’appeler des "philosophies scientifiques".

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Une épistémologie pleinement scientifique

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Ce qui fait la valeur de la tentative de Piaget, c’est d’une part la force de travail et le génie de l’auteur, ainsi que la précocité du projet (Piaget a vingt-huit ans lorsqu’il rédige le texte – une revue critique de l’un des livres de son maître Brunschvicg – qui peut être considéré comme le point de départ de l’épistémologie génétique); mais c’est d’autre part et surtout qu’il disposait d’atouts maîtres pour réussir son coup de force.

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Contrairement à Baldwin ou à d’autres auteurs, tout en conservant de l’amitié pour la philosophie, Piaget a su rompre avec l’écorce philosophique qui enveloppait ses premiers travaux consacrés à la pensée humaine et à la connaissance, en libérant sur ce terrain l’esprit scientifique, c’est-à-dire le grand respect pour les faits méthodiquement et patiemment conquis, qu’il avait acquis sur le terrain de la zoologie pendant ses jeunes années.

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Il a pu dès lors d’autant mieux maîtriser la fibre philosophique que par ailleurs, autre atout maître, l’approche adoptée pour étudier la connaissance s’est avérée très vite être la bonne: l’enquête méthodique et patiente sur la formation des connaissances s’avérait aussi précieuse et solide que l’enquête sur les formes biologiques, leur classification et leurs liens de filiation.

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L’autre grande approche adoptée par des savants de valeur du début de ce siècle, Frege, Russell, etc., était en un sens vouée à l’échec, dans la mesure où elle était développée à partir de disciplines, la logique et la mathématique des fondements, dont l’objet a toujours possédé pour ceux qui l’étudiaient une aura la faisant placer dans le domaine des idées en soi, des êtres d’un autre monde, du monde des fées, comme le disait le philosophe Hume, précurseur de l’étude psychologique des connaissances.

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Bref, étudier la connaissance, lorsque l’on vient de la biologie (cette science du mortel) n’est pas tout à fait la même chose que de l’étudier lorsque l’on vient de la logique ou de la mathématique (ces sciences de l’éternel)!

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Une nouvelle approche de la connaissance

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En créant l’épistémologie génétique, Piaget a eu dès le départ l’idée très claire que la meilleure façon de résoudre les problèmes que soulève la connaissance (sa valeur, sa signification, etc.) était de considérer celle-ci sous l’angle de son évolution ().

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Jusqu’au dix-neuvième siècle l’essentiel des efforts des philosophes avait porté sur la connaissance en tant qu’achevée.

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En considérant les connaissances de son temps, Platon avait ainsi pu distinguer les opinions changeantes de ses concitoyens, qui à ses yeux n’étaient pas de vraies connaissances, de la véritable science, dont les mathématiques fournissaient le modèle le plus connu (mais Platon souhaitait chapeauter celle-ci par une science supérieure, celle du philosophe – posture très souvent partagée par les "philosophes de métier", qui fera définitivement s’éteindre l’amitié pour la philosophie longtemps conservée chez Piaget).

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De son côté, Kant, considérant la géométrie euclidienne comme le modèle d’une science complète, en avait fait une voie royale pour répondre à la question de la possibilité de la connaissance; c’est elle qui lui avait permis de remonter de son existence de fait aux conditions permettant d’accéder à cette science.

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Les analyses conduites par Platon, Kant et bien d’autres n’ont pas été vaines. Elles ont effectivement éclairé certains pans de la connaissance. Il n’en reste pas moins que les quelques résultats de valeur apportés par l’analyse philosophique des connaissances sont perdus dans une masse d’affirmations incontrôlées, immanquablement générées par le pouvoir de déduction de l’esprit humain lorsque celui-ci ne trouve pas le moyen de brider son goût pour la spéculation.

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Au contraire, étudier les connaissances sous l’angle de leur évolution contraint inévitablement le savant à garder les pieds sur terre, du moins si cette étude adopte les méthodes positives des sciences de l’évolution (la biologie, la psychologie du développement, l’histoire). Cela ne signifie pas l’abandon de la spéculation, mais seulement son relatif asservissement à l’approche scientifique.

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La sociologie[modifier]

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Introduction

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Les travaux de sociologie de Piaget sont remarquables. Voilà un auteur, biologiste de formation, féru de philosophie, professeur d’histoire des sciences, qui s’est, dès ses premiers travaux de psychologie génétique, hissé au premier rang des psychologues de l’intelligence, et qui, lorsqu’il aborde la domaine de la sociologie, le fait non pas en se limitant au seul examen épistémologique de cette discipline, mais en mettant la main à la pâte, pour ainsi dire, et en développant une conception tout à fait originale de l’objet étudié!

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Contrairement aux travaux en biologie, en psychologie ou en épistémologie, les travaux sociologiques de Piaget ne sont certes pas nombreux. Pour l’essentiel, si l’on fait exception des études sur la socialisation de la pensée de l’enfant, qui sont à mi-chemin de la psychologie et de la sociologie, ils se réduisent même à "l’Essai sur la théorie des valeurs qualitatives en sociologie" (JP41_4).

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Assez court, relativement facile à lire, cet essai n’en révèle pas moins une double capacité d’analyse "empirique" et de synthèse théorique peu commune. En quelques dizaines de pages, ce sont rien moins que les échanges, équilibrés et déséquilibrés, entre individus ou entre sociétés, la comparaison entre les simples échanges, les échanges moraux et les échanges juridiques, la clarification de notions telles que celle de sympathie, qui sont ainsi traités de façon souvent éclairante.

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Cette réussite, qui sera saluée par plusieurs sociologues, et qui anticipe par ailleurs les meilleures études de la "psychologie systémique", en particulier les études sur le rôle des dettes et des reconnaissances dans les dysfonctionnements des petites sociétés humaines telles que la famille, Piaget la doit à sa capacité prodigieuse d’analyser et de synthétiser les données et les idées traitées, mais aussi aux découvertes et aux travaux quil a réalisés tant sur le plan de l’étude empirique de l’intelligence, que sur le plan de sa modélisation logique.

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Le choix du domaine étudié

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Comme le révèle le titre de la principale étude de Piaget en sociologie (JP41_4), l’objet qu’il considère relève de la sociologie des valeurs. Ce choix n’est pas quelconque, mais s’inscrit dans le direct prolongement des travaux de psychologie génétique réalisés dans les années vingt et trente. On peut aussi admettre qu’il est basé en partie sur la personnalité intellectuelle de l’auteur.

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Les raisons d’un choix

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Lorsque Piaget aborde le domaine de la sociologie, ses recherches sur le développement de la pensée intellectuelle et de la pensée morale de l’enfant lui ont déjà permis de mettre le doigt sur l’étroite parenté qui unit ces deux aspects de la pensée. Non seulement elles lui ont montré que l’intelligence représentative doit beaucoup à la socialisation de la pensée, mais aussi que cette dernière dépend en retour, et de façon essentielle, du développement de l’intelligence.

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Piaget rejoint et dépasse ici les grandes figures de la philosophie occidentale en montrant la profonde unité de ce qui, dans la pensée, lie l’intellectuel et le moral, l’individuel et le social. Cette unité est due pour l’essentiel à la présence d’actions et d’opérations individuelles et interindividuelles qui obéissent à des lois communes, révélées par la modélisation logico-mathématique.

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C’est la découverte de cette unité, ainsi que la grille d’analyse très solide et complète qui l’accompagne, qui permettront à Piaget d’éclairer l’organisation propre aux phénomènes sociaux qu’il s’autorise à étudier (dans la mesure où l’université de Genève l’a nommé, sans même l’en avertir, au poste de professeur de sociologie).

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Bien entendu lorsqu’il décide de contribuer par des travaux de sociologie, et non pas seulement d’épistémologie de la sociologie, à l’essor de cette discipline, l’objet qu’il choisit d’étudier est lié à ses intérêts transdisciplinaires de recherche (une théorie générale des normes), ainsi qu’aux recherches déjà conduites sur le développement du jugement moral de l’enfant.

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Ce sont les questions de normes et de valeurs qui l’intéressent avant tout, lui qui dans ses anciennes réflexions de 1917-1918 se demandait si la vie valait la peine d’être vécue, et si oui, en quoi consistait cette valeur pour laquelle il convenait de se battre. La culture scientifique et philosophique de Piaget, son génie intellectuel, qui chez un autre aurait pu l’isoler du monde social, ont toujours été accompagnés chez lui par un souci primordial d’échange intellectuel avec ses pairs. Sur le plan plus général de la société et de l’éducation, il a dès l’adolescence choisi le camp de la coopération.

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Dans ses réflexions et dans ses exposés des années vingt sur les rapports entre l’individuel et le social, il s’est toujours refusé à suivre le camp de l’individualisme ou le camp du totalitarisme au profit de pratiques et de théories prônant l’interaction sociale, la coordination des points de vue, le respect et l’accord mutuels, ou encore la réciprocité morale.

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Tout ceci explique que lorsque, à l’approche de la cinquantaine, il décide de s’engager dans l’étude des faits sociaux, ce sont les échanges de valeurs qui l’intéressent au premier chef, ce d’autant que les valeurs sont, selon lui, l’un des objets centraux de la vie sociale, et donc de la sociologie, au côté des règles et des signes.

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Mais peut-être, vue sa personnalité intellectuelle, se serait-il engagé dans une autre direction de recherche si ce dernier point n’avait pas été pas confirmé par certains découpages traditionnels de la sociologie. Sur ce terrain-là, comme sur celui de la psychologie, quelle que soit son originalité, Piaget était en effet trop soucieux de communiquer et de partager ses travaux pour qu’il étudie des objets sans rapport avec ceux adoptés par les chercheurs qui le précèdent.

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Or la question des valeurs était de facto un objet d’importance dans la sociologie existante. Et elle l’est d’autant plus à ses yeux que l’université de Lausanne, où il enseigne la psychologie, abrite une école de sociologie économique de renommée mondiale, avec à sa tête un auteur, Pareto, qui, avec Walras, a développé une importante théorie de l’action et des valeurs économiques.

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Rien dès lors ne pouvait empêcher Piaget de chercher à confirmer, sur le plan de la réalité sociale, les intuitions acquises à travers ses études sur la socialisation de la pensée enfantine.

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La méthode d’approche

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Etant entendu que l’objet social adopté par Piaget est celui constitué par différentes formes d’échanges des valeurs susceptibles de se produire au sein des sociétés, il restait à l’auteur à trouver une méthode d’approche susceptible d’apporter des résultats intéressants.

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Valeurs quantitatives et valeurs qualitatives

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Lorsqu’il décide d’investir le champ de la sociologie, ses recherches de psychologie génétique viennent d’aboutir à la découverte des structures opératoires de la pensée concrète. Elles lui ont permis de plus de mettre le doigt sur l’importante distinction entre les opérations qualitatives et celles portant sur les quantités extensives (quantité extensive). Il apparaît probablement instantanément à Piaget que cette distinction doit se retrouver sur le plan des valeurs sociologiques.

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Et en effet, si d’un côté l’économie a pour objet principal les valeurs quantitatives, d’un autre côté, la majorité des échanges qui se produisent dans la vie quotidienne des individus sont qualitatifs. Par exemple, telle ou telle personne rend un service à telle ou telle autre qui contracte ainsi une dette à son égard. Ce service et cette dette peuvent être relatifs à un livre prêté, une aide quelconque, etc. Le plus souvent, les valeurs des services rendus, le "montant" de la dette contractée, et les multiples faits de ce genre qui vont être considérés par Piaget, n’ont rien de monnayables et ne sont pas monnayés.

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La différence ici est du même genre que celle qui oppose la pensée logique et la pensée arithmétique. Dans ces deux sortes de pensée peuvent par exemple intervenir des opérations de mise en relation. Ainsi on pourra dire que telle collection comporte plus de membres que telle autre (classification logique), sans pour autant juger la valeur de la différence. On pourra même comparer des différences, dire que la différence de grandeur entre telle collection et telle autre est plus grande que la différence entre la première et une troisième, sans faire entrer dans ce jugement aucune considération métrique ou arithmétique. Il en va de même sur le plan des valeurs.

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Les économistes ont privilégié l’étude des valeurs quantitatives. Piaget ne s’en désintéressera pas, mais les résultats acquis en psychologie de la pensée lui suggèrent de prêter autant d’attention aux valeurs qualitatives qu’aux valeurs quantitatives. Ils lui suggèrent même probablement l’existence d’une relation de filiation sur le terrain des valeurs sociologiques similaire à celle observée sur le terrain des opérations logiques et numériques.

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Il est assez vraisemblable que c’est cette intuition là qui va l’inciter à réaliser une étude sur les valeurs sociologiques. Démontrer en effet cela serait faire d’une pierre deux coups: d’une part confirmer d’une nouvelle manière les thèses acquises sur le plan du développement de la pensée individuelle; deuxièmement contribuer de façon originale à l’essor de la sociologie.

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Mais comment aborder le domaine des valeurs qualitatives? La sociologie ne paraissant pas offrir à Piaget des méthodes empiriques aussi fécondes que l’étude du développement de l’intelligence, il va sur ce terrain adopter une démarche qui, d’un côté, est en partie similaire à celle qu’il a mise en place en psychologie, et de l’autre s’apparente à celle des anciens logiciens et des linguistes: la "formalisation", au sens de l’ancienne logique, des faits considérés.

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L’appoche axiomatique

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En psychologie génétique, deux méthodes sont utilisées pour prendre connaissance du développement cognitif: l’analyse psychogénétique et l’analyse logique alors entendue comme une axiomatisation informelle des structures de l’intelligence (l’axiomatisation ou la formalisation est poussée aussi loin que l’exigent les questions du chercheur, en particulier jusqu’au point où peuvent apparaître les rapports de filiation logique entre différentes structures telles que celles des classes, des relations et des nombres).

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Mais les conditions dans lesquelles Piaget engage son étude sociologique sont telles qu’il n’a pas la possibilité de poursuivre des recherches sociogénétiques, notamment sur le terrain des valeurs normatives. La difficulté de poursuivre sur le plan sociologique le type de recherche génétique engagée sur le terrain psychologique contraint Piaget à n’utiliser que la seconde méthode, l’approche axiomatique, qui s’est avérée très efficace dans ses travaux sur le développement de l’intelligence.

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Il reste que cette méthode n’a de sens que par rapport à un objet en partie au moins déjà connu. Le problème qui se pose alors n’est pourtant pas insurmontable. Il est du même type que celui auquel s’est confronté Aristote lorsqu’il jeta les bases de la logique formelle, ou auquel se confrontera Chomsky lorsque, à la fin des années cinquante, il cherchera, dans une optique purement descriptive et explicative, à dégager la grammaire du langage.

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C’est dans l’intuition du sujet ou de l’agent social que Piaget cherche les faits qui, soumis à l’analyse axiomatique (informelle) lui permettront de dégager des structures similaires à celles découvertes sur le terrain de l’intelligence et de la connaissance. Les équations de base qu’il va être amené à poser sont ainsi l’expression «de rapports qualificatifs directement perçus par la conscience des individus» (JP65a, p. 108).

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Le point de départ de l’auteur est en quelque sorte le même que celui de Kant lorsque celui-ci, partant du constat de Rousseau sur la connaissance interne immédiate du bien et du mal chez l’être humain, cherche à découvrir ou à clarifier par déduction les conditions de cette conscience morale.

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La seule différence par rapport au philosophe est que, guidé par le résultat de ses recherches sur l’intelligence, ce n’est plus un principe apriori que Piaget recherche, mais la structure reliant les échanges de valeur et les sentiments normatifs, principalement chez les adultes, mais aussi, par extrapolation, entre enfants et adultes, ou encore entre groupes sociaux, par exemple dans la dialectique dirigeants – dirigés (lorsqu’il considère de tels rapports sociaux, Piaget fait preuve d’une grande liberté d’esprit par rapport à toute idéologie).

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La logique[modifier]

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Introduction

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De toutes les disciplines dans lesquelles Piaget a oeuvré, la logique est certainement la plus délicate à traiter. La raison en est que l’auteur a ici adopté une direction de recherche qui prend largement le contre-pied de celle choisie par la science logique au vingtième siècle.

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Alors qu’en biologie, tout en développant des solutions qui passent outre au postulat central du néo-darwinisme (l’absence d’effets "directs" des acquisitions propres à chaque organisme sur le patrimoine génétique transmis à ses descendants), l’auteur cherche à répondre aux mêmes questions générales que celles de ses collègues biologistes, en logique le fossé avec les logiciens de métier est beaucoup plus profond.

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C’est au niveau même de la conception de l’objet d’étude et des problèmes qui s’y rapportent qu’il se refuse à suivre la voie tracée par des logiciens qui, à la suite de Frege et de Russell, en sont venus à bannir tout lien entre leur discipline et le fonctionnement logique de la pensée naturelle tel que l’étudie le psychologue.

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Nous allons tout de suite y revenir. Mais auparavant, il convient de mettre en garde la personne soucieuse de prendre connaissance des travaux logiques de Piaget contre un certain nombre de pièges qui ne cessent de faire barrage à leur compréhension.

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Des pièges à éviter...

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Un premier piège à viter est de croire que Piaget ignorait les développements de la logique contemporaine. C’est sciemment qu’il s’est refusé de les suivre. Un deuxième piège est de trop vite mesurer la valeur de ces travaux à la bien moins grande virtuosité technique dont fait preuve leur auteur comparativement à l’extraordinaire précision et rigueur propre aux logiciens de métier à la suite des exigences formulées par Frege. Il est évident que, sur le terrain de la logique, Piaget n’a jamais cherché à devenir "logicien de profession". Son but a été de tracer quelques pistes en fonction des connaissances approfondies acquises en psychologie génétique.

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A n’en pas douter, Piaget était conscient des lacunes techniques de ses esquisses ou de ses essais de logique. L’avant-propos de 1949 de son "Essai de logique opératoire", d’abord malencontreusement publié, à la demande de l’éditeur, sous le titre principal de "Traité de logique", contient une affirmation dans laquelle l’auteur reconnaît que «tout vrai logisticien [...] pourra donc constater les lacunes de la formalisation dont se contentent ces pages» (JP49, p. 6).

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Plusieurs logiciens de profession ne manqueront pas d’intervenir en ce sens. Piaget recevra ainsi une critique des plus sévères de la part du logicien Beth («ce livre abonde en erreurs...», dans "Methodos", vol. 8. 1950, p. 264), qu’il s’empressera alors d’inviter au Centre international dépistémologie pour qu’ils puissent tous deux se mettre d’accord sur les points principaux...

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Une approche hétérodoxe de la logique

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Lorsqu’on prend connaissance, à travers des critiques comme celle de Beth, de l’ampleur du fossé qui sépare les logiciens de profession de quelqu’un qui se définit comme n’étant «ni un spécialiste de l’axiomatique, ni un mathématicien» (id.), on peut se demander si Piaget n’a pas pêché par naïveté, par orgueil ou par imprudence, en rédigeant ou en publiant des études de logique.

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Il est vrai que dans les années quarante, les pays francophones n’avaient pas connu le développement universitaire considérable réalisé par la logique devenue complètement mature, institutionnellement parlant, dans les pays anglo-américains, mais aussi dans des pays européens tel la Pologne. Ce n’est plus seulement à quelques logisticiens dont «l’espèce est encore rare» (id.) que Piaget avait affaire, mais à une véritable institution scientifique, avec ses règles, ses exigences, etc.

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D’un autre côté, il serait fâcheux pour une discipline scientifique telle que la logique de ne pas laisser une place pour des francs-tireurs de génie qui pourraient explorer des dimensions que les logiciens de métier, pris dans les rets de leur discipline, ne peuvent apercevoir.

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Quoi qu’il en soit, vu la rigueur et l’extrême spécialisation propres à la logique scientifique du vingtième siècle, on ne peut, en un sens, que louer le sort qui a fait que Piaget n’avait pas toutes les cartes en main lorsqu’il a conçu et rédigé ses essais de logique. S’il les avait eues en effet, il est possible et même probable que la prudence et le besoin psychologique de voir ses recherches être approuvées par les autres savants auraient fait obstacle au développement de ces études. Ce qui aurait été une perte pour la psychologie théorique, et peut-être aussi pour la science logique.

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Un troisième piège à éviter serait de croire que, pour aller plus loin que ne l’a fait Piaget dans la voie de la modélisation logique de la pensée naturelle, il suffirait d’employer l’une ou l’autre des multiples logiques développées au cours du vingtième siècle. Cette façon de procéder serait la plus sûre manière de tomber dans le logicisme, que, de son côté, Piaget a très largement réussi à éviter lors de ses études sur les logiques de l’enfant et de l’adolescent, cela d’abord grâce à une incontestable indépendance d’esprit par rapport à la vision que se faisaient généralement les logiciens postfrégéens de leur objet d’étude, et grâce aussi au fait qu’il a puisé ses modèles de départ dans une logique qui se définissait encore comme une science de la pensée.

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L’objet de la logique

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Pour Piaget, l’objet premier de la logique est, ou devrait être, la pensée logique, ou rationnelle, et son but, l’axiomatisation de cette pensée. Bien sûr tout n’est pas réglé lorsque l’on a dit cela, puisqu’il convient de s’entendre alors sur ce qu’est la pensée logique. Mais c’est précisément l’un des buts des recherches logiques et des recherches psychogénétiques de Piaget de clarifier ce point.

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En caractérisant la logique comme étant science de la logique de l’enfant, ou de l’adolescent, ou du savant (le logicien compris), etc., Piaget ne dit encore rien de ce que sont ces dernières. Néanmoins par cette définition, qui n’a rien d’original puisqu’elle prolonge une tradition qui, des logiciens algébristes du dix-neuvième siècle, remonte à Aristote en passant par Leibniz, Piaget sait qu’il s’écarte de la notion en vogue au début du vingtième siècle et qui s’inspire largement de la conception de Frege.

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La science logique de la première moitié du vingtième siècle était en effet largement dépendante de deux traits, certes importants pour le psychologue et épistémologue logicien, mais qui ne devraient pas, selon celui-ci, être identifiés à l’objet premier de cette discipline: la logique comme langue artificielle bien faite (la "caractéristique universelle" de Leibniz), et la logique comme branche des mathématiques chargée de résoudre les problèmes de fondement des mathématiques.

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Dans l’optique choisie par Piaget, l’objet principal d’une logique prenant pour champ d’étude la mathématique (avec ses théorèmes, ses démonstrations, etc.) devrait être la pensée logique du mathématicien, les opérations logiques qu’il met en oeuvre pour construire ses objets ou pour démontrer ses théorèmes.

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Cela étant, de son côté, et puisqu’il adopte la démarche génétique à l’occasion d’études logiques conçues en étroit parallèle avec ses travaux de psychologie, c’est non pas la pensée du mathématicien qu’il prend prioritairement pour objet d’étude, mais la pensée de l’enfant et de l’adolescent.

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Mais alors si, à l’encontre de Frege, on admet que la logique est une science de la pensée, que peut ou que doit être son rapport avec la psychologie? Sur ce point Piaget est très clair et prend comme modèle les rapports qui existent entre la «cristallographie géométrique [et] la cristallographie physique» (JP42, p. 5). Par son objet, la logique paraît être une branche de la psychologie autant que de la mathématique!

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L’approche logique

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La logique se distingue de la psychologie de la pensée non pas essentiellement par son objet, mais par son approche, composée d’analyses logiques et axiomatiques, et non pas empiriques. Comme logicien occasionnel, la démarche qu’adopte Piaget est conforme à cette approche, même si l’auteur ne la pousse pas aussi loin que les logiciens de métier.

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Plus précisément, la psychologie génétique ayant mis en évidence le caractère non atomistique de la pensée (il n’existe pas de concept, de jugement ou de raisonnement isolés; tout concept, celui d’animal par exemple, renvoie à d’autres concepts, ceux de vivant, de végétal, etc., et est le résultat d’un travail logique qui le construit en même temps que ces autres concepts), il s’agit pour le psychologue logicien de réaliser l’analyse logique des structures de cette pensée.

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Il suffit dès lors de citer le premier chapitre de "Classes, relations et nombres" (JP42) pour comprendre l’essence de l’engagement et du travail de Piaget sur le terrain de la logique:

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«Toute axiomatique se réfère à un savoir réel, en dehors duquel la déduction pure perdrait sa signification. Mais, en dégageant momentanément de ses attaches intuitives ou expérimentales la science qui lui correspond, pour mieux en isoler le mécanisme intellectuel, une axiomatique constitue une sorte de préparation d’instruments : elle permet, tôt ou tard, à cette science de prendre possession de son objet concret d’autant plus fermement que l’analyse de son fonctionnement formel aura davantage affiné les outils de dissection» (JP42, p. 5).

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La logique telle que la considère Piaget a donc bien le même objet que la psychologie. Simplement elle prend quelque distance par rapport au strict respect des faits, cela afin de mieux faire ressortir la forme de cet objet. Ce détachement ne doit pourtant pas lui faire perdre contact avec la réalité qu’étudie par ailleurs le psychologue au moyen de l’observation systématique ou de la méthode expérimentale.

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Une notion particulière d’axiomatisation

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Pour bien comprendre le travail de "logisticien" dans lequel s’engage Piaget, il convient d’apporter une précision au sujet de la notion d’axiomatisation. L’auteur prend là encore une position qui, pour n’être pas complètement originale, s’écarte d’une notion purement formaliste, issue des travaux de Hilbert sur l’axiomatisation de la géométrie.

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L’activité d’axiomatisation réalisée par le psychologue s’inspire de la «vigoureuse critique» (JP42, p. 5) que Gonseth donne de la méthode axiomatique et qui tient dans cette formule: «la distinction entre l’abstrait et l’expérimental n’est que de tendances, mais non d’essence». Il s’agit de construire pour une science donnée, un «modèle idéal de la réalité» et non pas de construire des systèmes formels gratuits.

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Dans le cas particulier de la pensée, l’axiomatisation fournit non seulement un tel modèle, mais elle débouche par ailleurs sur des règles ou des normes qui aident la pensée à fonctionner selon les formes et les normes logiques qui la guidaient préalablement à cette axiomatisation (cette circularité est patente dès l’oeuvre d’Aristote qui, dégageant d’un côté un certain nombre de formes idéales de fonctionnement de la pensée, contribue par ailleurs à améliorer le réglage de cette même pensée!).

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Il y a un danger de l’axiomatisation, remarque enfin Piaget: «l’illusion des commencements absolus» (JP42,p. 6). Avec le réalisme platonicien qui tente tout logicien ou mathématicien fasciné par la permanence des vérités mathématiques, c’est cette illusion qui, génératrice d’une conception atomistique de la réalité logique, explique que les logiciens de ce siècle aient en majorité cru pouvoir se passer de la psychologie.

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C’est dès lors non seulement pour construire un meilleur instrument d’investigation de la pensée logique que Piaget s’est lancé dans le travail de schématisation des opérations de cette pensée, mais aussi avec le probable espoir de réorienter la logique dans la direction de l’approche opératoire adoptée par Leibniz et Boole.

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Les recherches logiques

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A la fin des années trente, le psychologue Piaget, bon connaisseur des recherches sur la mathématique des groupes et bon connaisseur également de l’ancienne algèbre logique, découvre que la clé de l’intelligence, ce sont les opérations logico-mathématiques de la pensée: l’addition logique, la multiplication logique, etc.

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Dès lors la direction qu’il va décider de suivre en ce qui concerne la modélisation ou l’axiomatisation logique est toute tracée.

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Ce sont ces opérations et leur structure dont Piaget estime important qu’elles soient l’objet des recherches logiques. Les logiciens n’ayant pas accompli ce travail (ce qu’ils ne pouvaient faire, puisqu’ils ignoraient la pensée de l’enfant et de l’adolescent), il va lui-même s’en charger, ce qui, dans un premier temps, l’entraîne à mettre en évidence huit groupements logiques élémentaires.

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L’étude logique ou "axiomatique" de ces groupements lui permettra de dégager un certain nombre de caractéristiques que la simple analyse psychologique des faits aurait laissé échapper. Ensuite, considérant dès la fin des années quarante l’objet le plus traditionnel de la logique classique, les propositions, il va être conduit à découvrir une nouvelle forme de pensée, qui s’ajoute à celle, concrète, observée chez l’enfant entre six ans et dix ans environ.

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La logique concrète de l’enfant est de type "interopératoire": elle regroupe des opérations au sein de structures dont chacune est modélisée au moyen d’un des huit groupements mentionnés. La pensée relativement plus formelle qui apparaît vers douze ans est de type "interstructurale": elle réunit les structures opératoires concrètes, et donc les opérations qui leur sont propres, au sein de structures plus générales. Dans les deux cas, l’étude axiomatique à laquelle procède Piaget aboutit à des résultats originaux.

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Vers une logique des significations

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Lorsque Piaget entreprend le travail de modélisation des structures opératoires concrètes, puis des structures opératoires formelles, il utilise, en les adaptant, les résultats de la logique symbolique classique, et plus précisément de la formalisation que les logiciens algébristes avaient établie du calcul des classes, du calcul des relations et de celui des propositions vers la fin du dix-neuvième siècle et le début du vingtième.

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Ce calcul considérait la réalité logique avant tout du point de vue de l’extension (les individus subsumés par un concept), en laissant en arrière-plan la "compréhension" (les concepts eux-mêmes), ou encore du point de vue de la vérité des propositions, sans se préoccuper de leur signification.

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Dans ses travaux de logique réalisés dans les années trente et quarante, à une exception près qui concerne la logique des relations asymétriques, Piaget va privilégier la même stratégie. Ce faisant il laissera en arrière-plan toute une part de l’activité logique du sujet, part composée de ces implications entre significations si importantes pour la psychologie génétique, y compris l’étude du bébé.

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Dans les années septante, et essentiellement en collaboration avec Garcia, Piaget cherchera à compléter ses anciennes recherches logiques en soulignant comment une modélisation, pour être complète, devrait aussi porter sur les aspects "intensionnels" de la pensée logique, et de ses origines dans l’action sensori-motrice.

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Ce travail reste largement à accomplir, Garcia et Piaget n’en ayant posé que la toute première pierre. Exposée dans l’ouvrage "Vers une logique des significations" publié en 1987, cette esquisse laisse déjà pressentir que, complétée par des opérations portant sur les significations et non pas seulement sur l’extension des concepts, la logique opératoire encore à construire sera une logique "bi-dimensionnelle", la première dimension reprenant la logique opératoire extensionnelle, et la seconde portant sur son double, la logique opératoire intensionnelle, d’autant plus importante que l’on remonte vers le début de la psychogenèse.

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La philosophie:[modifier]

Introduction

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De toute l’histoire de la pensée occidentale, rares sont les auteurs que l’on peut qualifier de "savants et de philosophes", en prenant ces deux termes dans le sens le plus compréhensif qui soit. Piaget appartient à cette "république des esprits" qui a su traduire avec la plus grande justesse toute une part de l’expérience humaine.

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Savant, il l’est à la fois par le nombre de disciplines scientifiques dont il maîtrisait les notions et les problèmes les plus fondamentaux, par la qualité de ses recherches théoriques et empiriques en biologie, en psychologie, en épistémologie, en logique et en sociologie, et par la valeur des thèses qu’il a été amené à proposer en ces différents domaines.

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Philosophe, Piaget l’est par ses réflexions sur la science et la philosophie, et aussi par les choix qui ont présidé au destin de l’homme et de son oeuvre. Mais, philosophe, il l’est aussi par la grande maîtrise qu’il avait des affirmations formulées dans chacun de ses écrits ou presque.

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Quelque part l’auteur affirme que "la logique est la morale de la pensée", et la "morale, la logique de l’action". Mais écrire c’est penser et agir, et le sentiment s’impose à la lecture de ses écrits que, complétés par une excellente connaissance des limites de la raison et de la science, les deux idéaux de la morale et de la logique n’ont cessé de guider sa plume. L’ombre de Piaget philosophe n’a ainsi pas cessé d’accompagner un auteur qui s’est voulu homme de science, de telle sorte que bon nombre des jugements qu’il formule ont simultanément une valeur scientifique et philosophique.

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Piaget philosophe malgré lui?

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Ce lien entre Piaget savant et Piaget philosophe, comment le concilier avec la propre affirmation d’un auteur qui, par ailleurs, parle en termes de déconversion à propos de ses rapports avec la philosophie (JP65b, p. 9)? Seul l’examen des étapes de ces rapports apporte une réponse complète. Contentons-nous ici de résumer quelques-unes des thèses ou des réflexions que l’auteur a proposées au sujet d’une discipline qui a profondément nourri son oeuvre.

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Dans ses réflexions sur la philosophie Piaget a été conduit, d’une part à se prononcer sur la philosophie elle-même, sur ses rapports avec la science, et d’autre part à adopter des choix proprement philosophiques, qui ont trait au sens de la vie. Il est probable que l’interrogation sur le sens de la vie a perdu au fil des décennies l’acuité qu’elle avait chez le jeune Piaget, mais sans jamais quitter complètement l’horizon de ses réflexions, comme le montrent ces premières lignes de "Sagesse et illusion de la philosophie" dans lesquelles il affirme que cet ouvrage s’est imposé à lui comme un "devoir", ou «tout au moins en vertu d’une exigence de plus en plus contraignante» (JP65b, p.1).

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L’auteur s’est battu dans ce livre pour une certaine idée de la connaissance et de la science, et pour une certaine idée de la philosophie; et ceci relève, au moins partiellement, d’un engagement personnel, du besoin de défendre un certain nombre de valeurs qui traversent toute son oeuvre et que l’on peut considérer comme l’aboutissement de la philosophie critique et plus généralement d’une philosophie de la raison, même si cet aboutissement implique la négation de la philosophie comme science.

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Ses prises de position se laissent résumer dans les thèses de l’immanentisme, de la philosophie comme matrice à partir de laquelle sont nées les sciences, de la philosophie comme réflexion interne aux sciences, et enfin de la philosophie comme sagesse ou comme coordination raisonnée des valeurs. Cette activité de coordination, l’auteur l’a poussée très loin dans ses "années de formation" (JJD84), et c’est probablement elle qui donne à la plupart de ses affirmations psychologiques, épistémologiques, logiques et biologiques une résonance philosophique.

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Pédagogie[modifier]

Introduction

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Piaget n’a jamais réalisé de recherches en pédagogie et il a clairement et à maintes reprises affirmé qu’il n’était pas un pédagogue. Cela n’empêche nullement son oeuvre d’avoir eu une influence considérable sur les transformations des systèmes scolaires de ce siècle, autant que sur les sciences de l’éducation, et en particulier sur la didactique des sciences. L’auteur s’est d’ailleurs fortement engagé en ce sens en participant activement aux travaux d’organisations internationales telles que le Bureau International de l’éducation ou l’Unesco, dont le but est de fournir aux décideurs politiques des informations et des recommandations en vue de modifier les structures d’enseignement dans les pays membres.

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Il faut rappeler ici que Piaget a commencé officiellement sa carrière dans un lieu, l’institut Jean-Jacques Rousseau, dont l’un des buts principaux était non seulement de développer des recherches en psychologie de l’enfant, mais également de participer à la formation des enseignants et de réaliser des recherches en sciences de l’éducation.

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Sous l’impulsion de Pierre Bovet et d’Edouard Claparède, cet institut, qui deviendra institut des sciences de l’éducation, puis école de psychologie et des sciences de l’éducation, et enfin faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, fut incontestablement au début du siècle à la pointe non seulement de la recherche pédagogique, mais également du combat pour améliorer l’éducation scolaire.

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Bien que, par son ampleur et ses visées, l’oeuvre piagétienne dépasse largement ce combat, elle s’inscrit, partiellement au moins, dans la continuation des objectifs fixés par Bovet et Claparède. Et Piaget lui-même n’a jamais perdu de vue ces derniers, du moins si l’on en croit la permanence avec laquelle au cours des décennies il a continué à s’intéresser de près aux progrès, trop lents à ses yeux, des institutions d’enseignement et des didactiques.

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Même si Piaget n’a jamais réalisé de recherche en pédagogie, il n’a pas manqué cependant de formuler un certain nombre de suggestions quant aux applications pouvant être tirées des résultats de la psychologie génétique, notamment la prise en compte des conditions favorisant le développement des opérations intellectuelles et des notions épistémiques qui leur sont attachées (le nombre, l’espace, la logique, etc.).

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Vu les caractéristiques de l’école traditionnelle, il a le plus souvent insisté sur l’importance d’une éducation faisant appel à l’activité constructrice ou créatrice de l’enfant (), mais sans pour autant nier les rôles formateurs de la transmission culturelle et de l’interaction sociale. Il est vrai que les questions qui ont guidé ses travaux de psychologie génétique portant sur l’origine des formes et des catégories de l’intelligence générale et de la connaissance scientifique l’ont conduit à neutraliser autant que possible, dans ses recherches psychologiques, le facteur social.

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Pourtant, cette neutralisation n’implique nullement une négation. Sa théorie tout à la fois constructiviste et interactionniste de l’origine des connaissances permet de concevoir une pédagogie qui ne cède ni au romantisme rousseauiste ou au mythe de Robinson Crusoé, ni à l’empirisme de l’éducation traditionnelle qui conçoit l’esprit enfantin comme entièrement formé par les interventions des adultes ou des enfants plus avancés. La maturation biologique, l’activité organisatrice, différenciatrice et intégratrice de l’individu, les actions transformatrices du sujet sur le monde physique, les interactions avec les pairs, mais aussi la transmission sociale, sont, pour Piaget, les facteurs indispensables au développement cognitif de l’enfant et de l’adolescent (ce qui n'est pas contradictoire avec sa prédilection pour une école qui valorise l'activité créatrice et donc la plus libre possible des enfants).

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ÉTAPES DE L'ŒUVRE[modifier]

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Introduction

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L’une des thèses centrales de la psychologie et de l’épistémologie génétiques est celle selon laquelle l’une des meilleures façons de comprendre la pensée adulte est d’en retracer les étapes de formation. Cette recommendation s’applique très bien à l’oeuvre de Piaget elle-même.

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De manière assez générale, il y a une sorte de jeu de miroir, que l’on retrouve chez d’autres auteurs comme Bergson ou Freud, entre une conception développée par un créateur intellectuel et la démarche suivie par celui-ci dans son travail, ou la façon dont l’oeuvre de ce créateur évolue au cours des années. Piaget est une excellente illustration de cette sorte de correspondance.

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Pour mettre en lumière le caractère constructif de l’oeuvre piagétienne, nous utiliserons deux niveaux de présentation, l’un, très macroscopique, l’autre plus détaillé.

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Une approche très macroscopique des étapes de l’oeuvre

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Dans le premier, nous essayerons de donner une image d’ensemble de la totalité de cette oeuvre. Il va de soi qu’une telle image est forcément réductrice. Des points essentiels ne peuvent être exposés explicitement, et seule la personne qui a déja une connaissance très étendue peut reconstruire l’arrière-fond par rapport auquel cette description prend tout son sens.

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Cependant pour une personne qui connaît encore mal l’oeuvre de Piaget, cette lecture est susceptible de lui apporter une première idée, certes insatisfaisante et lacunaire, de son apport à l’avancement des sciences et de la philosophie.

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Il ne faut pas s’effrayer de l’obscurité de cette prise de contact globale avec les thèses de Piaget. Pour apprendre une langue, il est aujourd’hui vivement conseillé de se plonger dans une communauté de langage, en s’efforçant d’échanger des propos dans cette langue avec les personnes qui la parlent quotidiennement, même si lors de ces échanges bien des points restent obscurs. Il en va de même avec l’acquisition de la psychologie et de l’épistémologie génétiques. Toute démarche d’acquisition moulée sur les anciens procédés scolaires d’apprentissage est certainement vouée à l’échec.

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Une approche plus détaillées des étapes de l’oeuvre

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De même que l’on sait aujourd’hui qu’une approche globale est une bonne façon de s’approprier intellectuellement un domaine d’étude un tant soit peu complexe, de même sait-on que l’on a tout intérêt à compléter cette approche par sa complémentaire, plus analytique.

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Généralement les domaines du vivant que l’on cherche à connaître ont, pour ainsi dire, la bonne grâce de s’offrir à nous en nous présentant des découpages fonctionnels (et épistémiques) non quelconques. Vu le caractère organisé et organique de l’oeuvre de Piaget, comme de sa construction, il n’est pas étonnant que nous puissions, sans trop lui faire violence, la décomposer en ses volets principaux que sont la biologie, la philosophie, la psychologie et l’épistémologie, pour les prendre dans un ordre non entièrement gratuit. En suivant les étapes de formation de chacune des dimensions de l’oeuvre, nous n’aurons garde d’oublier qu’elle n’est pas, loin de là, dépourvue de liens internes avec les autres dimensions, alors partiellement cachées par cette approche plus analytique.

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Enfin, la personne qui naviguera dans cette présentation de l’oeuvre de Piaget pourra avoir par moment le sentiment d’une certaine répétition. C’est là le prix à payer pour une présentation à caractère volontairement "fractal". Nous avons en effet tenté, au prix parfois d’induire un tel sentiment, de faire ressortir la façon dont chaque partie est grosse de tout le reste (aussi bien des autres parties que des différentes étapes de l’oeuvre).

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La structure du présent document est ainsi en un sens un reflet de cette leçon de la psychologie génétique selon laquelle, dans le champ des phénomènes intellectuels, l’analyse structurale ne peut pas ne pas refléter la dimension génétique implicite de toute structure, et vice versa.

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Il en va de même du troisième point de vue que nous avons adopté pour présenter l’oeuvre de Piaget, celui, interactionniste, qui prend en compte, plus qu’il n’est usuel de le faire en psychologie génétique classique, le rôle de l’environnement intellectuel ou cognitif dans la constitution d’une pensée. On ne peut comprendre l’interaction sans avoir en vue les dimensions structurales et génétiques qu’elle implique forcément pour une oeuvre qui a choisi comme l’un des critères de sa construction celui de la cohérence

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Environnement cognitif

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La psychologie et l’épistémologie génétiques de Piaget s’affirment non seulement constructivistes, mais aussi interactionnistes. Piaget n’a sur ce point jamais oublié l’héritage de sa formation en biologie et l’insistance mise par les néo-lamarckiens du début du vingtième siècle sur l’importance des interactions entre les organismes et leur milieu dans l’explication de l’adaptation des espèces.

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Une chose pourtant frappe si l’on compare les travaux de Piaget en zoologie et en psychologie génétique. Alors que sur le premier terrain l’auteur n’a jamais cessé de prêter une attention égale aux biotopes et aux organismes qui les peuplent, sur le terrain de l’intelligence et de la connaissance, il n’a pas, au contraire, cherché à décrire ces milieux (physiques, biologiques et sociaux) avec lesquels les sujets sont supposés interagir.

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Les raisons d’une telle mise entre parenthèses méthodologique du facteur du milieu sont évidentes. Alors qu’il est relativement aisé de décrire le biotope d’un organisme, il est beaucoup plus délicat de caractériser l’environnement cognitif en interaction avec lequel un sujet construit son intelligence et ses connaissances. Ce milieu doit en effet être découpé selon le cadre notionnel qui, chez un sujet, lui donne sens.

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Afin de pouvoir reconstruire de manière un tant soit peu adéquate cet environnement intellectuel, il est nécessaire de connaître préalablement ce cadre. Or ce qui permet d’y parvenir, c’est précisément la méthode génétique et logique (ou structurale, ou axiomatique) utilisée par Piaget pour dégager les cadres apriori de la pensée humaine en différentes étapes de son développement, et pour en saisir la signification. C’est seulement dans une étape ultérieure de la recherche, laquelle devrait relever non seulement de la psychologie génétique, mais aussi de disciplines portant sur l’étude des milieux sociaux, physiques et biologiques, qu’il devient possible de suivre dans le détail comment l’intelligence individuelle s’appuie sur les acquis sociaux pour s’auto-construire (à condition naturellement de ne pas perdre de vue les acquis de l’analyse génétique et structurale).

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C’est ce schéma de pensée que nous avons utilisé ici pour tenter de clarifier de façon la plus complète possible le sens de l’oeuvre de Piaget. A côté de la description des domaines et des étapes de construction, nous avons cherché à atteindre une connaissance aussi exhaustive que possible de ces "environnements cognitifs" en partie grâce auxquels "Piaget est devenu Piaget".

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Sans prétendre à l’exhaustivité, les quelques sections consacrées à la description de cet environnement devraient suffire à donner une première idée des thèses que Piaget a pu découvrir à travers ses échanges avec ses maîtres (Reymond, Brunschvicg, Janet, etc.) et à travers ses nombreuses lectures de jeunesse.

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Conclusion générale

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Mise en perspective par rapport à l’évolution générale des idées de la science et de la philosophie occidentales, l’oeuvre de Piaget révèle deux apports majeurs, qui relèvent, l’un de la théorie, et l’autre de la méthode.

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Deux apports majeurs de l’oeuvre

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La première contribution est le constructivisme épistémologique, qui apporte sur le plan des connaissances et de leur évolution une vision et une conception d’ensemble aussi riches et novatrices que celle que les naturalistes du dix-neuvième siècle (Lamarck, Darwin, etc.) ont acquises sur le plan de l’évolution du vivant.

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Mais cette première contribution ne vaudrait pas à Piaget de rejoindre les trois ou quatre grands esprits (Platon, Aristote, Kant...) qui ont marqué l’histoire des théories de la connaissance, s’il n’avait par ailleurs – et c’est le second apport majeur – été l’inventeur d’une méthode apte à répondre empiriquement, et non plus seulement théoriquement, aux grandes questions sur la nature (la composition), l’origine et la signification des catégories et des conduites par lesquelles l’être humain organise et comprend le monde: la méthode génétique (que, par souci de précision, il vaudrait peut-être mieux qualifié de "génético-critique").

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Cette méthode, dont l’entretien critique est un moment clé, s’inscrit certes en prolongement de la méthode logico-critique d’analyse de la connaissance et de la méthode historico-critique qui l’a complétée. Mais, par l’appui qu’elle prend sur la psychologie génétique et sur l’axiomatisation logique, elle apporte à ces approches l’élément leur permettant de tendre à l’objectivité scientifique.

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C’est en analysant les réponses d’enfants de différents âges à des problèmes cognitifs basiques que l’on découvre non seulement les compétences intellectuelles des enfants, mais aussi les connaissances générales qui organisent leurs conduites et ordonnent le monde connu. Or ces connaissances se confondent précisément, pour une large part, avec les grandes catégories épistémiques, que les philosophes et savants avaient peu à peu amenées au jour par leurs analyses réflexives et logiques de l’esprit humain, tel qu’il se manifeste aussi bien dans la pensée commune que dans la pensée scientifique. Du même coup, c’est aux questions les plus centrales de l’épistémologie auxquelles cette méthode apporte de précieux éléments de réponses.

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En définitive, créé par Piaget dans les années vingt, puis développé avec ses plus proches collaborateurs dans les années trente et quarante, l’art d’observer et d’interroger les enfants (voir les films annexes) repose sur le talent du psychologue à dialoguer avec l’enfant, mais aussi sur la perspicacité épistémologique acquise en assimilant les travaux de philosophie et d’histoire des sciences.

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Cette assimilation réciproque de l’art de l’entretien clinique, de la méthode génétique empruntée à la biologie et des savoirs les plus avancés acquis par les sciences, définit la méthode génético-critique grâce à laquelle Piaget a considérablement approfondi notre compréhension de la science et, plus généralement, de la raison humaine ().

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Directions futures de l’épistémologie génétique

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Dans quelle direction l’oeuvre laissée par Piaget est-elle appelée à se développer dans le futur proche?

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Peut-être dans la direction d’une analyse toujours plus fouillée et élargie des catégories intellectuelles plus ou moins générales grâce auxquelles l’esprit humain perçoit et conçoit l’univers qui l’abrite et dont il provient. Mais aussi dans une direction, que Piaget a lui-même commencé à défricher dans la dernière décennie de son existence: une meilleure compréhension des mécanismes généraux de construction cognitive.

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A ces deux orientations, qui s’inscrivent très directement dans le prolongement de l’oeuvre, on peut ajouter une troisième, dont Bärbel Inhelder et Guy Cellérier ont tracé l’esquisse dès la fin des années septante: le constructivisme psychologique, complémentaire du constructivisme épistémologique de Piaget (Inhelder, Cellérier et coll., Le cheminement des découvertes chez l’enfant, 1992).

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En complétant les analyses principalement génétiques et structurales des conduites et des connaissances, l’analyse du fonctionnement en situation plus naturelle (c’est-à-dire moins "épistémologiquement épurée") de l’intelligence humaine a pour but premier le développement d’une théorie de l’organisation et du fonctionnement des schèmes. Le sujet épistémique est en effet incorporé dans l’activité de sujets psychologiques qui n’ont généralement pas pour but de construire les catégories générales de l’entendement, ce qu’ils réalisent pourtant dans les faits, comme l’ont montré les recherches classiques de psychologie et d’épistémologie génétiques.

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Pour en savoir plus

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[Bibliographie à compléter...]

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J.-M. Barrelet et A.-N. Perret-Clermont, 1996, Jean Piaget et Neuchâtel. Lausanne: Éditions Payot.

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J.-J. Ducret, 1984, Jean Piaget, savant et philosophe: les années de formation. Etude sur la formation des connaissances et du sujet de la connaissance. Librairie Droz, Genève, 2 volumes.

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J.-J. Ducret, 1984, Jean Piaget, savant et philosophe: les années de formation. Etude sur la formation des connaissances et du sujet de la connaissance. Librairie Droz, Genève, 2 volumes.

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J.-J. Ducret, 2000, Jean Piaget 1968-1979: Une décennie de recherches sur les mécanismes de construction cognitive. (Genève, Service de la recherche en éducation, Cahier 7, 539p.)

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J.-J. Ducret, 1990, Jean Piaget, Biographie et parcours intellectuel. Neuchâtel et Paris: Delachaux- Niestlé.

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G. Henriques et al. (2004), La formation des raisons. Étude sur l'épistémogenèse. Sprimont (Belgique): Pierre Mardaga.

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J. Montangero et D. Maurice-Naville, D. (1994). Piaget ou l'intelligence en marche. Liège, Mardaga.

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Les groupements de classe[modifier]

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Introduction

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Une classe est l’extension d’un concept. Par exemple au concept de "siège" correspond la classe des objets qui sont des sièges. Du point de vue de la construction des classes par le sujet, les premières classes sont le résultat de la possible substitution d’un objet à un autre par rapport à un schème d’action, laissant inchangé le résultat de l’action (en l’occurrence, l’action de s’asseoir). Cette possible substitution permet en effet au sujet d’un certain niveau de développement de concevoir l’équivalence qualitative entre les objets considérés. L’extension correspondant à cette équivalence qualitative est une classe.

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Notons dès l’abord l’originalité de Piaget. Là où le logicien chercherait immédiatement à fournir une définition abstraite, il part de ce que lui fournissent les nombreux faits recueillis sur le terrain de la psychologie génétique et condensés dans une théorie génétique de l’action et de la pensée incluant la notion empirique d’une logique de l’action et de la pensée.

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Le travail auquel le psychologue logicien procède alors revient à expliciter, sans avoir à la respecter dans ses détails empiriques, la réalité logique impliquée dans l’objet "psycho-logique" étudié par le psychologue. C’est probablement la même démarche qu’adoptent les logiciens de métier lorsqu’ils ne considèrent pas seulement le résultat d’une activité de pensée (une théorie mathmatique par exemple), mais également cette activité.

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La différence est que, préalablement ou conjointement au travail de schématisation ou d’axiomatisation logique, Piaget accomplit une étude empirique systématique de l’objet considéré. C’est ce qui fait la valeur de sa logique et qui pourrait bien lui assurer une place dans l’histoire de cette science.

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Soit maintenant des classes symbolisées par A1, A2, A3, etc., quelles sont les opérations qui peuvent être engages par rapport à elles? Nous n’allons pas résumer ici la logique des classes élaborées par Piaget, mais seulement nous efforcer d’en donner une première idée.

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L’opération d’addition des classes

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Les opérations qui peuvent être accomplies par rapport à un certain nombre de classes sont, ainsi que l’ont affirmé les logiciens algébristes, l’addition et la multiplication, ainsi que leur inverse. Piaget a d’autant moins de peine à suivre ici ces logiciens qu’il a pu non seulement découvrir la présence de telles opérations chez les enfants, mais que, comme biologiste, il a lui-même réalisé un travail conscient de classification des formes biologiques, travail dans lequel ces opérations ne cessent d’intervenir.

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Dès lors il n’a aucune difficulté à percevoir que celles-ci offrent des différences remarquables par rapport aux opérations arithmétiques de même nom. Comment additionne-t-on logiquement des classes? Pour s’en tenir à cette opération qui est la plus élémentaire, le travail de réflexion et de schématisation réalisé par l’auteur le conduit à la définition suivante.

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L’addition, ou l’union, de classes est l’opération qui consiste «à réunir deux classes équivalentes dans la plus petite des classes du point de vue desquelles ces deux classes sont équivalentes» (JP42, p. 22). L’addition de classes ne peut ainsi se faire qu’en fonction d’un concept ou d’une relation d’équivalence qui permet cette addition.

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Si l’on peut additionner la classe des chiens, disons A1, et la classe des chats, A2, c’est que ces deux classes sont équivalentes du point de vue de la classe des animaux, disons B1 (B2 pouvant par exemple représenter les végétaux). A1 et A2 sont mutuellement substituables l’un à l’autre part rapport à B1. Ils sont vicariants et sont en relation d’altérité.

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En dépit du caractère apparemment gratuit de cette action, on peut aussi additionner une classe à elle-même, par exemple la classe des chiens à la classe des chiens. En ce cas le concept englobant est le même que celui correspondant à la classe additionnée à elle-même, et l’addition n’ajoute rien à la classe de départ (la classe des chiens additionnée à elle-même donne la classe des chiens). L’opération d’addition se réduit alors à une tautologie.

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Une remarque peut être faite au sujet de l’addition de classes ne se réduisant pas à une tautologie. La classe B1 du point de vue de laquelle sont considérées A1 et A2 pour être additionnées n’est généralement pas le résultat de leur addition (réunis dans une même classe, les chiens et les chats ne forment qu’une partie de la classe des animaux). Elle peut aussi inclure des classes A3, A4, etc.

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En soustrayant à la classe B1 l’une des classes qui la composent, par exemple A1, on obtient un nouveau type de classes, dites «secondaires» (JP42, p. 22), ou, dans un langage plus conforme aux mathématiques contemporaines, «complémentaires» (JP72a, p. 80).

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Ainsi la complémentaire de A1 par rapport à B1, obtenue par la soustraction B1 - A1 est-elle la classe A1'; dans l’exemple il s’agit de la classe des animaux moins celle des chiens. Ces classes secondaires peuvent à leur tour faire l’objet d’un certain nombre d’opérations. L’examen de ces opérations, ainsi que celui des opérations agissant sur les classes primaires, permet alors à Piaget de mettre en évidence quatre groupements, deux portant sur l’addition des classes, et deux autres sur leur multiplication.

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Le groupement d’addition des classes

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Considérons à titre d’exemple, et de façon très sommaire par rapport aux distinctions que Piaget introduit dans son analyse logique, les deux groupements additifs les plus simples. Le premier, le plus élémentaire, concerne l’addition des classes primaires.

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Soit une suite de classes primaires obtenues par addition à chaque classe de départ de la classe secondaire qui lui correspond, par exemple les chats domestiques plus les félins non-chats (A1+A1'= B1), les félins plus les carnassiers non félins, les carnassiers plus les mammifères non carnassiers, etc. (dans cet exemple, A1 représente la classe des chats domestiques, B1 celle des félins). L’opération inverse de l’addition est bien sûr la soustraction qui permet, à partir par exemple des félins de retrouver les chats domestiques: B1 - A1' = A1.

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L’analyse des liens entre les opérations additives et soustractives des classes primaires montre qu’elles forment un groupement dans le sens où elles obéissent aux lois de composition, d’inversion, d’associativité et d’existence de deux formes d’opérations identiques, caractéristiques de la structure mathématique propre à tout groupement.

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La composition des additions

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La composition de deux opérations produit une nouvelle opération appartenant au même groupement: (A1 + A1' = B1) composée avec (B1 + B'1 = C1) est égale à l’opération (A1 + A1' + B1' = C1). Psychologiquement elle signifie qu’il revient au même de réunir les chats domestiques avec les félins qui ne sont pas des chats domestiques pour obtenir les félins, puis de réunir ces derniers avec les carnassiers non félins pour obtenir enfin la classe des carnassiers, que de réunir les chats domestiques avec les félins qui ne sont pas des chats domestiques en leur ajoutant les carnassiers non félins.

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De même [(B1 - A'1 = A1) + (C1 - B1' = B1)] = [(C1 - (A1' + B1') = A1].

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On peut observer que, en dépit d’une certaine similitude, composer des additions de classes ne revient pas à composer des additions de nombre en ce sens que, pour les classes, le point de départ de l’une des deux opérations composées doit être le point d’arrivée de l’autre.

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Ce qui signifie qu’en logique, contrairement à ce qui se passe en arithmétique, les éléments composés sont soumis à des contraintes de proximité ou de connexité (en arithmétique, on peut composer sans problème 3 + 2 = 5 avec l’opération 4 + 7 = 11). En logique, ajouter la classe des crayons à la classe des souris n’a pas de sens.

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On observera aussi que, par opération, au moins au départ de son analyse, Piaget entend chaque acte global de l’esprit par lequel celui-ci additionne, ou soustrait, deux ou plusieurs termes, y compris son résultat. Des considérations supplémentaires lui permettent en certains cas précis de réaliser des simplifications qui lui font retrouver la notion plus commune d’opération (par exemple les opérations + A1', - B1', etc.).

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Une interprétation psychologique des propriétés de composition

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Inspirée de la théorie mathématique des groupes, la description par Piaget de la loi ou de la propriété de composition de l’addition ou de la soustraction logique reflète à l’évidence le souci de l’auteur d’établir un lien entre l’objet de la science logique et celui de la science psychologique.

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Il en va de même dans son analyse de la propriété d’associativité que manifeste le groupement d’additions de classes primaires.

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Soit, par exemple, trois opérations d’addition de classes x, y et z qui respectent les conditions permettant leur composition. Il revient au même de composer d’abord la première avec la seconde, puis l’opération résultante avec la troisième, que de composer d’abord la deuxième et la troisième, l’opération résultante étant à son tour composée avec la première. En termes symboliques abrégés: (x + y) + z = x + (y + z).

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Si l’on prend l’exemple des chats domestiques, des félins et des carnassiers, il revient au même (1) de composer d’abord l’addition des chats domestiques et des félins non domestiques avec l’addition des félins et des carnassiers non domestiques, puis de composer l’opération d’addition qui résulte de cette première composition avec l’addition des carnassiers et des mammifères non carnassiers, que (2) de composer l’addition des félins et des félins non carnassiers et l’addition des carnassiers et des mammifères non carnassiers, pour ensuite composer l’addition des chats domestiques et des félins non domestiques avec l’opération résultant de la composition de départ. En termes symboliques complètement développés: [(A1+A1')+(B1+B1')]+[C1+C1'] = [A1+A1']+[(B1+B1')+(C1+C1')].

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L’axiomatisation à laquelle aboutit l’analyse de Piaget n’est nullement gratuite. Elle peut correspondre à des processus logiques réels mis en oeuvre, par exemple, dans les activités de classification des animaux. Avant de découvrir les sous-classes An d’une certaine classe B1, le biologiste pourrait avoir découvert d’abord les classes B1, C1 et D1. Lorsque plus tard il découvrira les sous-classes An, sa connaissance implicite de la propriété d’associativité lui évitera de reprendre à zéro son travail de classification.

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La coordination des opérations directes et inverses

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La signification des opérations inverses dans le groupement additif des classes primaires est évidente. Par exemple, ayant ajouté les félins non domestiques à la classe des chats domestiques, il est toujours possible de retrouver celle-ci en soustrayant aux félins la classe des félins qui ne sont pas des chats domestiques.

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Une telle opération inverse paraît banale. Pourtant le petit enfant ne parvient pas à la mettre en oeuvre sans anéantir la classe de départ (dans l’exemple, les félins), alors qu’il est bien évident à l’adulte que la classe des félins B1 n’a pas perdu un seul membre lorsque, de cette classe, il soustrait A1' pour produire A1 (de même que le nombre 7 n’est pas modifié lorsqu’on lui soustrait 4).

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Une opération ne modifie pas l’élément sur lequel elle agit mais construit à partir de lui un nouvel élément qui a alors une certaine relation (pour les classes: l’inclusion) avec l’élément de départ!

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Que se passe-t-il alors lorsque l’on compose une opération directe avec son inverse, c’est-à-dire une addition de classe avec la soustraction qui lui correspond? On obtient la classe nulle: (A + A') + (- A - A') = 0.

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La classe nulle permet quant à elle de vérifier l’existence d’une opération identique au sein du groupement additif des classes primaires: A + 0 = A. (La présence d’une opération identique est l’une des conditions de l’existence d’un groupe ou d’un groupement mathématique.)

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Des opérations identifiques spéciales

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On peut par ailleurs constater une particularité de l’addition de classes par rapport à l’addition numérique. Ce n’est pas seulement l’addition de la classe nulle à toute autre classe qui donne cette autre classe comme résultat. C’est aussi l’addition de toute classe à elle-même: la classe des chiens plus la classe des chiens égale la classe des chiens, ni plus ni moins. Soit: A + A = A.

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On constate ainsi l’existence au sein du groupement des classes de la présence, au côté de l’existence d’une opération identique générale (+ 0), de l’existence pour chaque classe considérée, d’une opération identique spéciale qui n’est autre que l’addition de cette classe à elle-même. C’est là une des caractéristiques des groupements par rapport aux groupes.

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Le groupement des vicariances

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Etant entendu que les opérations sur les classes primaires obéissent aux lois de la structure de groupement, il est possible d’établir un calcul de ces classes qui s’apparente au calcul numérique, à la réserve près que le premier doit refléter les particularités du groupement par rapport au groupe (composition et associativité limitées, existence d’identiques spéciales, etc.). Comme tout algèbre, ce calcul permet d’automatiser les opérations d’addition et de soustraction et de simplifier les formules exprimant ces opérations et leur résultat.

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Mais ne nous arrêtons pas sur l’exposé des règles de ce calcul et examinons au contraire brièvement le second groupement analysé par Piaget, le «groupement de l’addition secondaire des classes» (JP42, p. 58) ou «groupement des vicariances» (JP72a, p. 107).

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Ce groupement a pour objet les transformations des classes secondaires. Il est important en ce qu’il fournit «le principe du groupement de toutes les relations symétriques et transitives» (JP42, p. 59. A la différence du premier groupement, le second groupement porte sur les différentes façons de parvenir à une classe emboîtante (A1, A2, etc., pour aboutir à B1, B2, etc.), et il décompose les classes complémentaires de chaque classe A1, A2, etc., soit A1', A2', etc.

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Pour illustrer son analyse, Piaget prend l’exemple de la classe des humains, qui peut être considérée comme la réunion des français et des non-français, ou la réunion des chinois et des non-chinois: B = A1 + A1' et B = A2 +A2'. Constatant que les français sont inclus dans la classe des non-chinois et les chinois dans la classe des non-français, A1 est inclus dans A2' et A2 est inclus dans A1', Piaget appelle «substitution complémentaire» ou «vicariance» le procédé qui consiste à substituer A2 à A1 et A1' à A2' dans les expressions précédentes.

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Les opérations de substitution complémentaire ou de vicariance obéissent aux lois de la structure de groupement (JP72a, p. 110).

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L’opération directe – soit l’addition de deux vicariances – s’écrit comme suit: [(A1+A1'=A2+A2') + (B1+B1'=B2+B2')] = [A1+A1'+B1'=B2+B2']. L’opération inverse est la soustraction d’une vicariance: (B1+B1'=B2+B2') - (B1+B1'=B2+B2') = 0. L’opération identique générale est : 0+0 = 0+0, et les opérations identiques spéciales sont les réunions des vicariances avec elles-mêmes.

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Ce groupement offre en outre des particularités intéressantes. Par exemple l’addition des non-français et des non-chinois, c’est-à-dire de A1' et de A2', a pour résultat la classe résultant de l’addition d’une classe primaire et de sa complémentaire: A1'+A2' = A1+A1' = A2+A2' = B.

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Toujours en vue de donner une première idée des travaux logiques de Piaget, et pour montrer comment l’esprit systématique dont il fait preuve dans tous les domaines de recherche qu’il a abordés se retrouve dans ces travaux (voir JP52 pour une parfaite illustration de cette forme d’esprit), signalons que le sixième des huit groupements décrits par l’auteur, qui porte sur l’addition secondaire des relations symétriques, offre les mêmes particularités et les mêmes règles de calcul que ce deuxième groupement qui, lui, porte sur l’addition secondaire des classes. La raison en est simple.

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Les relations symétriques dont il est question dans le sixième groupement portent sur des termes formés de plusieurs individus qui sont équivalents du point de vue de chacune d’entre elles. La formule générale en est la suivante: «x appartient à la même classe B que y mais pas à la même sous-classe A» (JP42, p. 128).

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Enfin mentionnons simplement le nom des deux derniers groupements de classes considérés par Piaget. Il s’agit des groupements de multiplication bi-univoque et co-univoque des classes. Tous les deux reposent sur l’opération d’intersection de classes et son inverse, l’abstraction (si de la classe des ronds rouges on fait abstraction de la couleur de ses éléments, le résultat est la classe des ronds tout entière).

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Les groupements de relation[modifier]

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Introduction

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Avant de considérer les groupements d’opérations agissant sur les relations, Piaget commence par déterminer avec soin ce qu’il convient d’entendre par "relation", ce qui va le conduire à adopter une position originale selon laquelle les relations concernent la compréhension des concepts ou des prédicats, alors que les classes concernent leur extension.

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Cette position paraît être une synthèse de la logique classique et la logique moderne. La logique classique ignorait les relations pour ne considérer que des attributs ou des prédicats attributifs (par exemple "rouge") et leur extension (la classe des objets rouges); ou plutôt elle les réduisait à des attributs (par exemple l’attribut "plus haut que le Cervin", qui en fait repose sur la relation "plus haut que").

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Le grand saut de la logique moderne par rapport à l’ancienne logique est précisément d’avoir considéré la relation comme l’un de ses trois objets de base, à côté de la classe et de la proposition. La logique symbolique, réunifiera ces trois objets au moyen de la fonction propositionnelle. La fonction "rouge(x)" désigne à la fois le prédicat en compréhension "rouge" et la classe des individus qui la satisfont, les "x". La fonction "plus grand(x,y)" désigne la relation "plus grand" et les couples d’individus qui la satisfont.

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Mais alors sur quoi porte la logique des relations? Sur les couples, ou les trios, etc., d’individus, ou bien sur la relation en compréhension qui correspond aux classes de couples, de trios, etc.? Pour Piaget, les relations ne sont pas les classes de couples, de trios, etc., mais bien les prédicats "plus grand que", "être entre", etc., qui leur correspondent. L’auteur va d’ailleurs plus loin en incluant dans la logique des relations les prédicats unaires ("rouge", "pesant", "homme", etc.) de la logique classique, ce qui le conduira à distinguer deux grands sous-domaines de la logique des relations: celui portant sur les relations symétriques, ou relations de classe, et celui portant sur les relations asymétriques.

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Une logique basée sur la compréhension des relations

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En affirmant que la logique des relations est une logique de la compréhension des prédicats, unaires (par exemple "rouge"), ou non (par exemple "plus grand que") Piaget s’oppose explicitement à certains logiciens qui se font une conception purement extensionnaliste des objets de cette science.

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Soit, par exemple, la relation "plus grand ou égal" portant sur les nombres {0, 1, 2, 3}. Une représentation de type matricielle ou un tableau multiplicatif rendent immédiatement visible les couples satisfaisant cette relation et ceux qui ne la satisfont pas.

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Bien que Piaget accepte tout à fait une telle représentation extensionnaliste de la relation, il remarque que celle-ci ne fournit que «le résultat de cette représentation et non pas la relation comme telle» (JP72a, p. 123; ceci, notons-le en passant, est pédagogiquement important).

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Pour lui, il est beaucoup plus profond et intéressant de considérer les relations en jeu, par exemple «en attribuant à la relation d’équivalence la signification d’une différence nulle et aux relations asymétriques transitives constituant l’ordre la signification d’une différence croissante» (id.).

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En adoptant le point de vue extensionnaliste du mathématicien, le logicien «intervertit l’ordre naturel de la construction et contraint l’esprit à reconstituer, par une inférence proprement dite, la relation en compréhension à partir de la disposition en extension, au lieu de reconnaître en cette disposition un résultat de la mise en relation et de chercher à atteindre celle-ci sur le plan de la compréhension» (JP72a, pp. 123-124).

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L’originalité de Piaget

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Mais il y a plus, remarque l’auteur. Le point de vue extensionnaliste ignore l’existence d’opérations portant sur les relations, et non pas sur leur extension. Ces opérations, et c’est là que Piaget fait oeuvre tout à fait originale, sont celles portant sur les différences non nulles propres à une relation asymétrique, ou nulles propres à une relation symétrique. Ces opérations sont le pendant de celles que l’on constate sur le terrain des classes. On peut additionner ou multiplier des différences comme on additionne ou on multiplie des classes.

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Les relations logiques sont des relations intensives

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Pour délimiter l’objet et le champ de la logique des relations, il reste un dernier point à considérer. Que la logique soit la science des différentes opérations pouvant intervenir sur des différences nulles ou non ne suffit pas à la distinguer de la science mathématique elle-même, dans la mesure où celle-ci contient elle aussi des opérations de cette nature (on peut ainsi considérer la différence existant entre les nombres 5 et 7 comme l’addition des différences entre 5 et 6 et entre 6 et 7).

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Pour distinguer les deux domaines d’étude, il convient de préciser alors que la logique des relations a pour objet spécifique les "relations intensives". La différence, objet de base de la logique des relations, peut être en effet quantifiée soit en intension (on sait seulement qu’une différence est plus grande ou plus petite qu’une autre, ou qu’elle lui est égale), soit en extension (on sait précisément, c’est-à-dire numériquement ou métriquement, de combien une différence est plus grande ou plus petite qu’une autre). Seule la première intéresse la logique entendue en son sens le plus étroit.

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Avant de présenter de façon très sommaire les différents groupements des opérations de relation logique, notons une conséquence intéressante de la conception de Piaget sur laquelle celui-ci s’est prudemment tu. Si la logique des relations, comme d’ailleurs la logique des classes et des propositions sont des disciplines qui ont pour objet les opérations de la pensée, il en va au moins partiellement de même de la mathématique!

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Que la théorie des groupes arithmétiques soit aussi une théorie psychologique, un modèle abstrait d’un aspect au moins du fonctionnement de la pensée, voilà qui peut paraître curieux, mais qui l’est moins si l’on considère ce fait à travers la conception épistémologique que des savants tels que Poincaré se faisaient des fondements psychologiques de la mathématique (et cela sans aucun psychologisme, la vérité logique et la vérité mathématique n’étant en rien suspendues à la vérité expérimentale du psychologue).

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L’addition des relations asymétriques

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Le premier groupement des relations décrit par Piaget est celui de l’addition des relations asymétriques transitives, en d’autres termes, le groupement de la sériation intensive.

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Soit un certain nombre de termes O, A, B, C, D, etc., pouvant être sériés selon une relation asymétrique transitive telle que la grandeur, ou la lourdeur. (A->B) signifie que B dépasse A selon la relation considérée (B est par exemple plus grand, ou plus lourd, etc.

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Contrairement à l’addition des classes qui portait sur les termes eux-mêmes, l’addition des relations porte sur les différences séparant les termes les uns des autres. Piaget symbolise par des minuscules ces différences: "a" désigne par exemple la différence entre O et A, "b" la différence entre O et B, et "a'" la différence entre A et B. Pour des raisons de commodité, nous désignerons ici par da, db et da’ ces différences.

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Plus précisément la différence entre A et B sera notée da'(A->B), et la différence entre O et B comme db(O->B). La somme de deux différences voisines s’écrit ainsi: db(O->B) = da(O->A) + da'(A->B).

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Tenir compte du sens dans lequel la relation asymétrique est considérée permet en outre de définir la soustraction d’une différence à elle-même, par exemple da'(A->B) - da'(A->B), comme revenant à inverser le sens du parcours et donc à relier A à A lui-même.

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En ce cas, on a alors da'(A->B) - da'(A->B) = da'(A->B) + da'(B<-A), ce qui signifie que la soustraction d’une relation asymétrique positive équivaut à l’addition de la relation converse ("plus petit" à la place de "plus grand"), étant entendu qu’additionner une relation converse veut dire additionner la différence entre les deux termes ordonnés selon cette relation.

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Dans l’exemple de la grandeur, (B<-A) signifie que A est plus petit que B. En clair cela signifie que si, partant de A, nous cherchons le terme qui est da' plus grand que lui, nous trouvons B, puis que si, partant de B, nous cherchons le terme qui est da' plus petit que lui, alors nous trouvons A.

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Le groupement des additions de différences

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Une fois clarifiée la nature des relations en jeu, ainsi que la nature des opérations de sériation, c’est-à-dire d’addition des différences, on s’aperçoit sans difficulté comment ces opérations obéissent aux lois de la structure de groupement.

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L’opération directe est l’addition des différences, que de façon abrégée on peut écrire: da + da' = db, db + db' = dc, etc. On constate alors que l’addition des relations asymétriques offre la même restriction que l’addition des classes, comparativement à l’addition des nombres: l’addition des relations ne se fait qu’entre des termes connexes (on passe de O à A, puis de A à B, puis de B à C, etc.).

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L’opération inverse est la soustraction d’une diffrence: db(O->B) - da'(A->B) = da(O->A). Composer l’inverse d’une addition avec cette addition revient à retrouver le terme initial de cette addition. Cette composition d’une addition et de sa soustraction équivaut à ajouter une différence nulle au terme de départ.

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Comme chaque opération additive comporte une inverse, cela signifie que l’opération de sériation respecte la condition d’existence d’une opération identique générale, que l’on peut symboliser par do(A->A). Ajouter la différence nulle à un terme de la série revient à relier ce terme à lui-même.

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En plus de l’opération identique générale, il intervient, comme dans le groupement additif des classes primaires, des identiques spéciales: da'(A->B) + da'(A->B) = da'(A->B). Ce qui veut dire qu’il revient au même de partir de A pour lui ajouter da', puis de repartir de A pour lui ajouter à nouveau da', que, simplement, partir de A pour lui ajouter da' (dans le domaine numérique au contraire, da' + da' = 2da' !). Comme pour l’addition des classes, ces identiques spéciales n’ont pas de sens en elles-mêmes, mais seulement en tant qu’elles font partie d’une structure opératoire!

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Enfin l’associativité propre à la structure de groupement est elle aussi vérifiée: da(O->A) + [db'(B->C) + dc'(C->D)] = [da(O->A) + db'(B->C)] + dc'(C->D).

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Groupement additif des classes et groupement additif des relations

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Si la structure du groupement de l’addition des classes primaires et celle des relations asymétriques transitives sont généralement proches l’une de l’autre, il existe pourtant une différence importante: l’absence de commutativité de la seconde.

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Pour les classes, il est indifférent d’ajouter A à A' ou A' à A pour obtenir B. Comme les relations en jeu dans le premier groupement des relations sont asymétriques, l’ordre dans lequel on procède est au contraire essentiel, ce que révèle l’absence de vicariance. Ainsi, alors que dans le cas des classes on peut aboutir à B en ajoutant A1 à A1' ou A2 à A2', il n’y a rien de tel dans le cas d’une sériation logique: «[...] on peut subdiviser une suite de relations asymétriques en autant de segments que l’on voudra, on obtiendra toujours des segments successifs constituant la même série totale» (JP72a, p. 138).

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On comprend dès lors pourquoi le passage par le groupement additif des classes secondaires (ou groupement des vicariances) va jouer un rôle important pour construire un groupement équivalent sur le terrain de la logique des relations. Le deuxième groupement des relations va en effet porter non plus sur des relations asymétriques (et donc sur des différences non nulles), mais sur des relations symétriques, c’est-à-dire les relations qui définissent les classes!

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L’addition des relations symétriques

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Le deuxième groupement additif des relations est celui de l’addition des relations symétriques. L’exemple utilisé par Piaget pour illustrer son analyse axiomatique est celui des relations de parenté: fils, père, grand-père, cousin, etc. (Piaget ne considère que la moitié masculine du genre humain dans l’exemple qu’il choisit; on peut sans façon lire "soeur" pour "frère", etc.; en tous les cas, toute personne qui voudrait devenir un virtuose dans l’examen des relations de parenté aura intérêt à lire les pages consacrées au groupement additif des relations symétriques; la notion de cousin issu de germain ne sera plus un mystère pour elle!).

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On peut représenter les relations symétriques et les termes sur lesquelles elles portent de la façon suivante: da(x<->y) signifie, dans l’exemple des relations de parenté, être issu d’un même parent (donc être frère ou soeur), db(x<->y) signifie être issu dun même grand-parent, dc(x<->y) signifie être issu d’un même arrière-grand-parent, etc.

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Sans entrer dans le dédale des relations de parenté, contentons-nous alors de reproduire les lois très simples du groupement d’addition des relations symétriques, relations qui portent sur des individus appartenant à la classe déterminée par une certaine relation symétrique.

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L’opération directe est l’addition de relation symétrique: da(x<->y) + da(y<->z) = da(x<->z) (x est frre de y et y frère de z équivaut à x est frère de z). L’opération inverse revient à additionner la converse de l’opération directe: -da(x<->y) = da(y<->x). L’opération identique, soit l’identité do(x<->x) est aussi le résultat de la composition de toute addition et de sa converse: da(x<->y) + da(y<->x) = do(x<->x). Enfin on constate là aussi la présence d’identités spéciales: da(x<->y) + da(x<->y) = da(x<->y), ainsi que da(x<->y) + db(x<->y) = db(x<->y), ce qui, dans le cas des relations de parenté voudrait dire que l’addition de la relation "x est le fils d’un même père que y", et de la relation "x est le petit-fils d’un même grand-père que y" équivaut à considérer que x est le petit-fils d’un même grand-père que y.

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Donnons un seul exemple de la façon dont les additions de relations symétriques interviennent dans les relations de parenté, prenons l’exemple db(x<->y) + da'(y<->z) = db(x<->z): si x et y sont petits-fils du même grand-père et que y est cousin germain paternel de z, alors x et z sont petits-fils du même grand-père (JP72a, p. 147). D’autres exemples peuvent être produits sur le terrain de la classification des espèces biologiques.

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La multiplication des relations

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De même que les deux groupements additifs des classes sont complétés par deux groupements portant sur la multiplication bi-univoque ou sur la multiplication co-univoque des classes, de même les deux groupements additifs des relations le sont par deux groupements portant sur la multiplication bi-univoque ou sur la multiplication co-univoque des relations.

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Citons simplement, pour terminer, comment Piaget conçoit la construction de ces groupements à partir des groupements additifs de relation:

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«[...] lorsqu’à une suite unidimensionnelle ou additive de relations on fait correspondre un ensemble de mêmes suites, mais en ordonnant ces correspondances selon une ou plusieurs autres sériations, on obtient une table multidimensionnelle, c’est-à-dire une multiplication» (JP42, p. 146).

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La différence entre le groupement bi-univoque et le groupement co-univoque des relations résulte du fait que dans le premier cas on multiplie une série de relations asymétriques par une autre série de relations asymétriques (plus haut fois plus large, par exemple), alors que dans le second cas, on multiplie une suite de relations asymétriques par une suite de relations symétriques.

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Pour illustrer les opérations de multiplications co-univoques de relation, Piaget utilise les relations de parenté en croisant les relations symétriques (être le fils d’un même père, etc.), et les relations asymétriques (être le fils de, être le père de, etc.). Cette multiplication des relations "horizontales" de parenté par les relations "verticales" permet de relier n’importe quel membre d’un arbre généalogique, abstraction faite des liens de parenté acquis par alliance.

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C’est ce groupement qui permettra de parler, avec une plus ou moins grande virtuosité opératoire selon l’intérêt que l’on porte à ce tissu de relations, de A, qui est le petit-fils du cousin germain de B, etc., ou de relier par de multiples chemins les liens entre des membres plus ou moins éloignés de la famille (loi d’associativité de la multiplication co-univoque).

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La logique des propositions[modifier]

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Introduction

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A la différence de la logique des classes et de celle des relations, qui, chez Piaget, ont pour objets principaux les opérations d’addition et de multiplication des classes ou des relations, la logique des propositions porte sur les opérations agissant sur les propositions. Il existe pourtant un lien entre les deux premières et la troisième:

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Le résultat des opérations de classe et des opérations de relation peut être exprimé au moyen d’une proposition (par exemple "les hommes sont mortels" exprime l’inclusion de la classe des hommes dans la classe des mortels).

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Il était usuel dans la logique symbolique du début du siècle de construire ou d’exposer la logique en commençant par la logique des propositions, pour n’aborder qu’ensuite la logique des classes et des relations. Soucieux de calquer autant que possible la construction de la logique, ou l’axiomatisation logique, sur la réalité que cette axiomatisation est supposée schématiser, Piaget procède dans l’ordre inverse.

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La raison en est que l’enfant commence par organiser logiquement son univers, en classant les objets et en opérant sur leurs relations, avant de se soucier d’opérer sur les propositions (même s’il les utilise, et même s’il commence à réaliser des liens entre propositions avant l’achèvement de la construction de ses opérations de classe et de relation). Le travail sur les propositions est affaire plus de l’adolescent que de l’enfant.

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L’objet de la logique des propositions

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Piaget ne se contente pas de renverser l’ordre de construction ou d’exposé de la logique des propositions par rapport aux logiques des classes et des relations. Il prend là aussi à contre-courant le courant dominant de la logique contemporaine qui conçoit l’axiomatisation d’une discipline essentiellement comme une découverte des axiomes de base à partir desquels cette discipline se laisserait déduire de façon toute mécanique.

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Pour lui, le travail du logicien doit consister d’abord à expliciter la forme ou la structure de l’objet étudié, en l’occurrence non pas les propositions, mais les opérations agissant sur elles.

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Les seize opérations de base

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L’étude logique des opérations interpropositionnelles entreprise permet à Piaget de mettre en évidence plusieurs structures de groupe ou de groupement reliant ces opérations les unes aux autres.

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Dans l’exposé des résultats de cette étude, l’auteur part des seize façons classiquement reconnues de relier au sein d’une affirmation les combinaisons possibles de deux propositions bivalentes (c’est-à-dire pouvant être chacune soit vraie, soit fausse). Décrivons-en quelques-unes.

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- La première de ces seize liaisons est la tautologie ou affirmation complète, que Piaget note (p*q), et qui affirme que les quatre couples (pq v pq' v p'q v p'q') peuvent être vrais (c’est-à-dire que l’on peut avoir p vrai et q vrai, ou bien p vrai et non q vrai, ou encore non p vrai et q vrai, etc., avec "v" signifiant "ou" et l’apostrophe, la négation de la proposition qu’il indice).

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  • La seconde liaison est la négation de la première, c’est-à-dire la négation complète: on n’a ni pq, ni pq', etc., ce que Piaget note par (0) = df. (0) v (0) v (0) v (0).

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  • Viennent ensuite la disjonction non exclusive, notée p v q, la négation conjointe, notée (p'.q') (avec "." signifiant la conjonction de deux propositions), l’incompatibilité, notée (p'|q'), la conditionnelle, notée (p>q), etc.

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  • Pour donner encore un dernier exemple de définition, remarquons que la conditionnelle est définie de façon la plus classique qui soit par la liaison (p.q) v (0) v (p'.q) v (p'.q'). En d’autres termes, p implique q s’il est vrai que l’on peut avoir p et q vrais ensemble, ou bien non p et q, ou bien encore non p et non q, mais que l’on a pas p et non q vrais ensemble (l’implication "Socrate est un homme donc Socrate est mortel" est vraie parce qu’être un homme et être immortel ne sont jamais vrais ensemble).

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Nous n’allons pas entrer dans le détail de la suite de l’exposé de Piaget, mais nous contenter de lister en les commentant de façon très lacunaire le groupe INRC et le groupement des 16 opérations que l’auteur a découverts en examinant les différentes opérations reliant les opérations précédentes.

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Le groupe INRC

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Après avoir exposé les seize liaisons ou opérations binaires (et avoir brièvement indiqué l’existence de 256 opérations ternaires auxquelles il consacrera un ouvrage séparé, JP52), Piaget examine les opérations qui permettent de passer de l’une à l’autre de ces seize liaisons (opérations sur des opérations donc). Il en découvre trois (ou quatre si l’on tient compte de l’opération identique, qui n’a de sens que par rapport aux trois autres):

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  • l’inverse d’une opération (par exemple l’inverse de l’affirmation complète qui donne la négation complète; ou bien, pour la disjonction pvq, la négation conjointe p'.q'),

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  • la réciproque (par exemple la disjonction pvq qui donne l’incompatibilité p'vq'),

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  • et enfin la corrélative (qui, toujours pour pvq, donne p.q).

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En procédant de la sorte pour chacune des seize opérations de base, il constate plus précisément l’existence de deux groupes, ou quaternes, composés chacun de quatre opérations distinctes, plus un groupe «dont les réciproques sont identiques entre elles et les corrélatives identiques aux inverses» (JP72a, p. 259), enfin un dernier groupe d’opérations qui présente «des corrélatives identiques entre elles et des réciproques identiques aux inverses» (id.).

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Après avoir démontré une série de théorèmes par rapport à ces différents quaternes d’opérations, Piaget expose le théorème central de sa logique des propositions, l’existence d’un groupe de transformations entre les quatre opérations agissant sur les seize opérations de base de la logique bivalente. C’est le fameux groupe INRC.

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I est l’opération identique, qui revient par exemple à poser pvq. N est une opération de négation qui revient à inverser la présence ou l’absence d’un couple (p,q) muni de ses valeurs de vérité dans la table de constitution des seize opérations de base; par exemple l’opération N appliquée à l’affirmation complète (pq v pq' v p'q v p'q'), que l’on peut aussi noter (p*q) ou (1v1v1v1), donne, (0v0v0v0), ou (0).

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L’opération réciproque R revient, non pas à inverser l’opération sur laquelle elle porte, mais à remplacer l’un par l’autre les termes sur lesquels porte l’opération, de telle sorte que si, par exemple, on a "p implique q", c’est-à-dire (1v0v1v1) il viendra (1v1v0v1), soit "q implique p"; enfin la corrélative C revient à inverser la réciproque d’une des seize opérations de base.

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Le groupe des quatre transformations ou opérations INRC obéit à des lois de composition extrêmement simples (comparativement à la complexité possible de l’application de ces opérations sur l’une ou l’autre des seize opérations de base de la logique bivalente). (fig. 34) Par ailleurs la composition des quatre opérations INRC est non seulement associative, sans restriction, mais également commutative. Outre le fait qu’il existe une opération identique, qui est I, chaque opération du groupe a, comme il se doit, une inverse, en l’occurrence elle-même.

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Ce groupe agit dans chacun des quatre quaternes dans lesquelles se distribuent les seize opérations de base. Mais il ne permet pas de passer d’un quaterne à un autre. Selon Piaget, il exprime «l’essentiel des transformations réversibles du système et en fonde la réversibilité» (JP72a, p. 276). C’est ce groupe qui fait comprendre la nature de la déduction logique en montrant comment les opérations qui interviennent dans cette déduction s’articulent les unes aux autres (par inversion, réciprocité, etc.).

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Le groupement des seize opérations

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Sans nous arrêter aux différents éclairages que l’analyse structurale de Piaget permet d’apporter à différents chapitres classiques de la logique (la syllogistique, mais aussi les axiomatiques de Hilbert, de Russell, etc.), mentionnons encore un résultat important de cette analyse.

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L’auteur montre que si l’on ne peut pas réunir les seize opérations au sein d’une seule structure obéissant aux lois d’un groupe, on peut au contraire les relier au sein d’un groupement unique «dont les formes diverses se composent directement les unes à partir des autres» (p. 319). La démonstration procède en cinq étapes, dont la troisième est centrale, puisqu’elle contient l’exposé du «groupement des seize liaisons binaires» (JP72a, p. 335).

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L’opération directe du groupement des seize liaisons binaires est la réunion disjonctive, ou l’addition, (v) d’une conjonction à une autre (par exemple: (0) v (p.q)). L’opération inverse est «la négation d’une conjonction, réunie conjonctivement à une autre» (JP72a, p. 335), par exemple : (0).(p.q)'. L’opération identique générale est l’opération qui résulte de la conjonction d’une opération directe et de son inverse: (p.q) v (p.q)' = (0).

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Comme pour les groupements additifs de classe et de relation, le groupement des seize opérations binaires comporte lui aussi des identiques spéciales: la "tautification", par exemple (p.q) v (p.q) = (p.q), la "résorption", par exemple (p.q) v [(p.q) v (p.q')] = (p.q) v (p.q'), et "l’absorption", par exemple, (p.q).[(p.q) v (p.q')] = (p.q). Enfin, dernière propriété qui fait que les transformations des seize liaisons les unes dans les autres au moyen de l’opération directe (v) et de l’opération inverse [.(...)'] obéissent aux lois propres à la structure de groupement, l’associativité.

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Pour terminer, rapportons encore la comparaison faite par Piaget entre ce groupement des seize opérations de la logique et le groupe INRC. Alors que les opérations directe et inverse qui agissent sur les seize opérations reviennent à les additionner (à les réunir disjonctivement ou conjonctivement) sans les modifier, les quatre opérations du groupe INRC les transforment les unes dans les autres. Ce groupe «constitue donc non pas la source, mais le régulateur du groupement, dont il exprime le facteur de mobiIité par opposition aux emboîtements comme tels» (JP72a, p. 348).

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Remarques finales

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Il y aurait bien d’autres points à traiter pour refléter dans toute leur étendue et leur richesse les résultats des études logiques réalisées par Piaget à la fin des années trente et dans les années quarante. La démarche constante de ces travaux est de mettre en lumière les structures sous-jacentes auxquelles obéissent les opérations logiques, de différents niveaux d’abstraction, qui agissent sur des "réalités" logiques variées, dont les classes, les relations et les propositions, mais aussi les opérations de classification, d’addition des différences, de réunions des propositions, etc.

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L’intérêt de cette démarche et des résultats auxquels elle aboutit est qu’elle permet de mettre en évidence les mécanismes opératoires les plus généraux par lesquels la pensée logique peut organiser ou déduire les réalités qu’elle considère; et qu’elle permet aussi de mettre en évidence les différences entre les mécanismes opératoires en jeu selon que la pensée s’applique à telle ou à telle réalité.

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Les comparaisons interstructurales auxquelles procède Piaget le conduisent ainsi à montrer en quoi un principe aussi important que celui de l’induction mathématique, qui repose sur l’implication p(n)->p(n+1), n’est pas aussi élémentaire que le principe d’induction logique, qui, lui, ne porte pas sur la réalité arithmétique mais sur les termes de la logique des propositions, et repose sur l’implication logique (p->q) (JP72a, p. 374).

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Elles le conduisent également à suggérer l’idée, constructiviste, que la non-contradiction (p.p'<->0) n’a pas la même valeur dans des systèmes faiblement structurés que dans des systèmes plus fortement structurés. Cette idée découle directement de la constatation logique que le mécanisme de construction opératoire intervenant dans le champ des systèmes faiblement structurés (les classes, les relations et les propositions logiques) est moins puissant que celui intervenant dans le champ des systèmes tels que celui de l’arithmétique (JP72a, p. 390).

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Logique des significations[modifier]

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Introduction

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La logique des classes, des relations et des propositions élaborée dans les années trente et quarante par Piaget constitue un tout et donne une vision très cohérente et relativement complète des opérations logiques et mathématiques susceptibles d’intervenir dans les activités intellectuelles propres à une pensée devenue opératoire. L’édifice ainsi construit est impressionnant et, mis en relation avec les résultats de la psychologie génétique, contribue à clarifier considérablement la nature de la raison humaine.

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Il est dès lors d’autant plus étonnant de constater que son auteur a eu le courage, quelque vingt ans après la parution de "l’Essai de logique opératoire", de remettre l’ouvrage sur le chantier afin d’explorer la possibilité de le compléter par une "logique de la signification" permettant de schématiser les activités intellectuelles portant non seulement sur les quantités intensives et extensives, mais aussi sur les qualités en tant que telles, c’est-à-dire sur les prédicats unaires conçus dans leur seule compréhension.

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Une raison au moins explique que Piaget, sur l’impulsion de Garcia et d’autres collaborateurs du Centre d’épistémologie génétique, se soit décidé dans les années septante à s’engager dans ce sens: comme plusieurs auteurs, dont lui-même, l’ont remarqué, la contrainte extensionnaliste, imposée au début de ce siècle aux travaux de mathématisation et de symbolisation de la logique par des logiciens qui craignaient comme la peste le psychologisme, avait introduit un biais dans les études logiques de Piaget. Elle l’avait amené à privilégier lui aussi, mais de façon beaucoup moins radicale, l’approche extensionnaliste des concepts par rapport à l’analyse logique de leur compréhension (pourtant Piaget était trop fin observateur de l’activité intellectuelle des enfants pour pouvoir mettre complètement entre parenthèses le rôle qu’y jouent les implications signifiantes).

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Que Piaget, comme psychologue autant que comme logicien, ait considéré la logique opératoire de l’enfant et de l’adolescent avant tout du point de vue extensionnaliste n’annule en rien la valeur des résultats des études de logique et de psychologie génétique réalisées dans les années trente, quarante et cinquante. Il est évident que la pensée humaine ne cesse de considérer les rapports quantitatifs, intensifs ou extensifs, existant entre les choses. D’autre part, contrairement à bien des psychologues qui ont utilisé la logique des propositions pour étudier la logique de l’enfant, Piaget et Inhelder ne sont jamais tombés dans le piège de proposer des problèmes logiques dépourvus de significations aux enfants et aux adolescents, quand bien même ce ne sont pas ces significations qu’ils étudiaient, mais les opérations portant sur des classes, des différences, ou sur la vérité hypothétique des propositions en jeu dans les situations qu’ils leur soumettaient.

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Ce soin pris à parler aux enfants ou aux adolescents de marguerites et de fleurs, ou de flexibilité des tiges et de combinaison des corps chimiques, et non pas d’éléphants roses ou de carrés ronds, explique que Piaget, avec raison, n’ait jamais éprouvé la moindre réticence à adopter un point de vue essentiellement extensionnaliste dans ses travaux classiques sur la logique opératoire.

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D’un autre côt, il est tout aussi évident que lorsque nous concevons une proposition telle que "Socrate est un homme donc Socrate est mortel", ce n’est pas forcément un rapport d’inclusion de classe que nous avons à l’esprit, mais une implication entre idées ou entre significations: être homme implique être mortel. De même est-il évident que le bébé, lorsqu’il reconnaît un objet, ne considère généralement pas des rapports d’extension, mais la signification des indices lui permettant d’inférer la présence d’une partie cachée de cet objet.

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Les recherches

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Les tout premiers éléments d’élaboration, par Piaget et Garcia, d’une logique des significations capable de compléter ce qui avait été laissé de côté dans les recherches logiques et psychogénétiques des années trente et quarante, sont exposés dans l’ouvrage heureusement intitulé "Vers une logique des significations" (JP87).

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La première partie, rédigée par Piaget, consiste en un examen psychologique d’un nouvel ensemble de données psychogénétiques portant sur les implications, les négations, les disjonctions et les conjonctions de significations dont on peut inférer la présence chez le bébé, ou que l’on peut observer chez l’enfant ou l’adolescent à différentes étapes de leur développement intellectuel.

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La seconde partie de l’ouvrage est un essai de présenter une modélisation de la logique des significations. Elle est rédigée par Garcia qui assume ainsi le rôle de logicien. Alors que Piaget s’était appuyé dans ses recherches classiques sur la logique symbolique des classes, des relations et des propositions développée au début du vingtième siècle, c’est dans la logique de "l’entailment" d’Anderson et de Belnap que Garcia croit pouvoir trouver l’instrument privilégié de modélisation des différentes formes de l’implication, de la négation, de la disjonction et de la conjonction signifiantes engagées dans les activités intellectuelles du bébé, de l’enfant et de l’adolescent.

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Avant d’examiner si le travail d’Anderson et de Belnap (basé sur l’étude des démonstrations mathématiques) peut réellement satisfaire le psychologue cherchant à modéliser la logique des significations de l’enfant, le résumé des conclusions de la partie rédigée par Piaget nous permettra plus précisément de savoir ce qu’il faut entendre par cette logique.

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Quelques résultats psychologiques

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Au terme de ses analyses psychologiques, Piaget expose trois sortes de conjonctions à l’oeuvre dans la pensée enfantine:

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  • les conjonctions "obligées" (par exemple la conjonction entre la présence d’une propriété de forme et une propriété de grandeur) ,

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  • les conjonctions "libres" (par exemple entre propriétés de forme et de couleur d’un objet),

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  • enfin les conjonctions "pseudo-obligées" (par exemple la liaison conçue comme nécessaire que le jeune enfant établit entre la grandeur dun objet et la place qu’il occupe dans une série, de telle sorte que le changement de place est jugé modifier cette grandeur).

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De même Piaget distingue-t-il dans les implications que l’on découvre chez l’enfant:

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  • des implications proactives (dans A implique B, les B consistent en conséquences nouvelles dérivées de A),

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  • des implications rétroactives «exprimant le fait que B implique A à titre de condition préalable»,

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  • et des implications justificatrices qui relient les formes proactives et rétroactives par «des connexions nécessaires atteignant ainsi les "raisons"» (JP87, p. 146; inachevée, l’étude des "raisons" est le dernier travail d’épistémologie génétique dirigé par Piaget).

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Enfin Piaget mentionne la différence trouvée entre des négations qu’il appelle "proximales" ou "distales" selon que la négation se fait par rapport à des référents proches ou distants des propriétés ou des faits niés.

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Les distinctions établies par Piaget sont reprises et précisées par Garcia dans les conclusions générales. Garcia y distingue notamment:

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  • des implications locales étroitement liées aux constatations que l’enfant fait sur les régularités empiriques lisibles dans les contextes particuliers dans lesquels il se situe,

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  • des implications systémiques qui «s’insèrent en un système de relations comprises de proche en proche» (JP87, p. 192),

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  • et enfin des implications structurales qui sont guidées par les lois de structures que Piaget avait mises en évidence dans sa logique opératoire.

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On voit tout l’intérêt des travaux sur la logique des significations réalisés à la fin des années septante. La recherche psychogénétique permet ici comme dans les autres domaines d’apporter un éclairage précieux sur les formes multiples que prennent les notions et les opérations logiques selon le niveau de développement hiérarchique des conduites logiques engagées par les sujets aussi bien dans l’organisation de la réalité concrète que dans leurs échanges propositionnels avec autrui (ou avec eux-mêmes).

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Des travaux encore à développer

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La logique d’Anderson et Belnap permet-elle de modéliser les conjonctions, les implications, les négations, etc., signifiantes observées par Piaget et ses collaborateurs psychologues? Dans cette logique, que résume Garcia, "l’entailment" exprime certes une notion plus naturelle d’implication que celle que l’on peut trouver dans la logique symbolique classique (où il suffit qu’une proposition, quelle qu’elle soit, soit fausse pour que l’on puisse en déduire qu’elle implique n’importe quelle autre proposition).

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Deux conditions sont requises pour affirmer que "p implique q" (ou que "p entraîne q"): la pertinence et une nécessité qui respecte la pertinence requise. C’est ce que l’on trouve dans l’exemple "être homme implique être mortel". Ce sont bien là en effet deux composantes qui apparaissent dans les implications signifiantes de la pensée naturelle (il reste alors bien sûr à déterminer les notions de nécessité engagée par cette pensée).

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Mais à côté des deux conditions de pertinence et de nécessité permettant de poser un rapport d’implication, une exigence supplémentaire est posée dans la logique d’Anderson et Belnap: il n’y aura un tel rapport que «si et seulement s’il existe un chemin possible qui nous mène déductivement de A à B» (JP87, p. 175).

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On peut se demander si cette troisième condition et les conséquences auxquelles elles entraînent Anderson et Belnap (utiliser la logique intuitionniste de Heyting, que Piaget connaissait déjà dans les années quarante) n’entachent pas irrémédiablement l’intérêt de la "logique de l’entailment" comme instrument de modélisation et d’analyse des implications, des négations, des disjonctions et des conjonctions signifiantes utilisées par le bébé, l’enfant et peut-être même l’adolescent (qui, lui, pense en termes de vérité et de fausseté autant et plus qu’en termes de signification, celle-ci restant pourtant toujours présente).

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Il est en effet bien évident que la troisième condition ne reflète probablement pas ce qui peut se produire dans le fonctionnement de la logique des significations chez l’enfant, et en tout cas pas du tout dans les implications, les négations, etc., signifiantes que l’on peut prêter au bébé.

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Remarque finale

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En conclusion, il est clair que, comparativement aux résultats impressionnants acquis dans les recherches logiques et psychogénétiques classiques, les nouvelles recherches ne peuvent être considérées que comme une première ébauche d’un travail encore à réaliser.

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En particulier, on peut se demander si, pour modéliser au moyen de nouveaux instruments la logique des significations que l’on peut mettre en évidence chez le bébé, l’enfant et l’adolescent il ne faudra pas se résoudre à partir de rien ou de presque rien. Les logiciens de profession qui ont élaboré de nouvelles logiques supposées dépasser celle, extensionnelle, de Russell et Whitehead, sont partis de l’analyse d’une pensée adulte extrêmement sophistiquée.

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Bien que visant la mathématique, Russell et Whitehead ont, eux, hérité d’une logique algébrique qui, en bonne partie, couvrait le champ de la pensée de l’enfant et de l’adolescent.

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Peut-être est-ce d’un nouvel Aristote, connaissant aussi bien que Piaget la "pensée" du bébé, que viendra la solution permettant de modéliser les activités logiques agissant sur les significations (c’est-à-dire les formes de conjonction, de disjonction, de négation ou d’implication de significations propres aux différentes étapes du développement de l’intelligence)...

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Notions[modifier]

(P) mentionne une définition fournie par la Fondation Jean Piaget.

abstraction empirique (P)[modifier]

Processus par lequel une information (la couleur, le poids, la force, etc.) est extraite d’un objet extérieur, des propriétés matérielles de l’action propre, voire même de propriétés des processus psychologiques, au moyen d’un cadre notionnel apriori ou d’un schème d’assimilation (rappelons que l’objet extérieur est lui-même le produit d’une construction de schèmes interagissant entre eux et avec leur milieu).
abstraction logique (P)
Synonyme de "division logique", l’abstraction logique est un terme technique qui, dans la logique élaborée par Piaget, désigne l’inverse de l’opération de multiplication logique. Etant donné un concept tel que, par exemple, celui de fleur rouge, l’abstraction logique revient à exclure l’un ou l’autre des prédicats dont la multiplication définit la classe des fleurs rouges. L’abstraction logique du prédicat de la couleur a ainsi pour résultat la classe des fleurs (ou le concept de fleur).
abstraction pseudo-empirique (P)
L’abstraction pseudo-empirique est le processus par lequel le sujet peut prendre connaissance de certaines propriétés logico-mathématiques en s’appuyant sur l’ordre (logique ou mathématique) que ses activités (logico-mathématiques) introduisent dans les objets extérieurs sur lesquels elles portent.
abstraction réfléchissante (P)
L’abstraction réfléchissante consiste à construire de nouvelles connaissances et structures logico-mathématiques en prenant appui sur des coordinations logico-mathématiques d’actions ou d’opérations déjà acquises.
abstraction simple (P)
Par abstraction simple il convient d’entendre soit une abstraction empirique, soit une abstraction pseudo-empirique. La notion de simplicité signifie donc ici que les cadres ou schèmes d’assimilation déjà acquis suffisent à permettre l’extraction d’informations propre au processus d’abstraction en cours.
accommodat phénotypique (P)
Un accommodat phénotypique désigne un organisme qui s’est modifié au cours de ses interactions avec son milieu. Selon Piaget, cette modification n’est pas prédéterminée dans les capacités adaptatives du système génétique, même si elle doit forcément être compatible avec ses potentialités.
accommodation (P)
L’accommodation est l’activité par laquelle un organisme ou un schème est modifié ou se transforme en vue de s’ajuster à un milieu ou à un objet. En ce sens, elle résulte forcément d’une activité préalable ou d’un début d’assimilation de ce milieu ou de cet objet par l'organisme ou par le schème, activité qui ne peut alors aboutir sans une telle accommodation.
accommodation phénotypique (P)
L’accommodation phénotypique est le processus par lequel un organisme s’adapte à un nouveau milieu, cette accommodation n’étant pas prédéterminée par le système génétique. Pour Piaget, ce processus pourrait en certains cas se répercuter sur ce système, en le contraignant à modifier son ensemble prédéterminé de réalisations phénotypiques possibles, c’est-à-dire en induisant une transformation adaptative du matériel héréditaire (en d’autres termes une accommodation génotypique).
acquisition phénotypique (P)
Les acquisitions phénotypiques sont les transformations des organismes résultant des interactions avec un nouveau milieu. Ces transformations ne sont pas génétiquement prédéterminées (du moins pas complètement). Elles dépendent en partie de multiples interactions qui échappent au contrôle de l’hérédité
activité perceptive (P)
Les activités perceptives dont il est question dans les recherches de Piaget sur les mécanismes perceptifs sont en général des activités de bas niveau, par lesquelles sont mis en rapport les "éléments" successivement centrés par un organe sensoriel.
adaptation phénotypique (P)
L’adaptation phénotypique désigne le processus par lequel un organisme se transforme sous la pression des modifications du milieu, ou le résultat de ce processus, sans que cette transformation soit prédéterminée au niveau du système génétique de cet organisme.
addition des classes (P)
L’addition des classes est le processus qui revient à ajouter une classe logique (par exemple la classe des tulipes) à une ou plusieurs classes (par exemple la classe des marguerites) avec pour résultat, dans la majorité des cas, la production d’une troisième classe (ici la classe des tulipes et des marguerites). Cette opération obéit à des lois de structure particulières.
addition des relations (P)
Dans ses différents travaux de psychologie génétique, l’addition des relations considérée par Piaget concerne avant tout l’addition des relations asymétriques. Cette addition porte sur les différences entre les éléments mis en relation.
addition logique (P)
La notion d’addition logique rassemble sous un même concept mathématique les notions d’addition de classes et d’addition de relations. Les différents groupements d’opérations additives et d’opérations soustractives caractéristiques des activités logiques du sujet obéissent à des lois mathématiques spéciales, proches de celles du groupe mathématique, décrites par Piaget dans ses différents ouvrages de logique opératoire.
algèbre logique (P)
L’algèbre logique consiste à appliquer aux objets de la science logique les concepts et les méthodes de l’algèbre numérique classique. Elle porte sur les opérations qui interviennent dans le calcul des classes, des relations ou des propositions.
analyse biométrique (P)
L’analyse biométrique se caractérise par l’application des méthodes statistiques et de la mesure aux êtres vivants. Dans l’usage qu’en fait Piaget, elle a pour objet l’étude non seulement de la fréquence et du mode d’association des caractères des organismes, mais également de l’amplitude de leurs variations morphogénétiques.
analyse psychogénétique (P)
L’analyse psychogénétique est l’un des procédés utilisés par l’approche comparative. Dans l’analyse psychogénétique, les phénomènes comparés sont les conduites d’enfants de tous les âges en rapport avec une certaine réalité (par exemple par rapport à l’espace). Le but le plus direct de cette analyse est de mettre en évidence les ressemblances et les différences entre ces conduites; le but indirect, d’éclairer psychogénétiquement la forme achevée des réalités étudiées.
analyse réflexive (P)
Démarche habituellement liée à l’activité philosophique, l’analyse réflexive est une conduite intellectuelle qui consiste à considérer un objet quelconque de pensée pour en dégager la signification, les raisons ou les conditions de possibilité.
animisme (P)
L’animisme est une forme primitive de causalité dans laquelle la réalité tout entière tend à être conçue comme peuplée d’êtres animés, dotés d’un vouloir-être et d’un vouloir-faire plus ou moins conscient. Ainsi les nuages bougent parce qu’ils veulent bouger, comme le font les animaux lorsqu’ils se déplacent.
antipsychologisme (P)
L’antipsychologisme désigne l’attitude d’esprit adoptée par les philosophes logiciens à l’encontre de toute tentative d’éclairer l’origine ou la nature des normes et des formes logiques, et plus généralement rationnelles, au moyen de recherches psychologiques. Cette attitude trouve son point de départ dans les essais malencontreux de philosophes et de psychologues qui ont cherché à réduire ces normes à des lois psychologiques, telles que celles supposées expliquer l’association des idées.
apriori (P)
Par apriori il faut d'abord entendre les conditions logiques (ou transcendantales au sens de Kant) de la connaissance objective d'une réalité quelconque. Par exemple, pour percevoir un objet dans l'espace, il est nécessaire que le sujet ait une notion préalable (au sens épistémologique) de l'espace. A cette première signification, l'épistémologie génétique en ajoute une deuxième, non plus exclusivement logique mais aussi temporelle : une condition peut être apriori au sens de Kant, et pourtant non donnée au départ de la psychogenèse.
apriorisme (P)
Apriorisme désigne la conception kantienne de la connaissance objective. Selon Kant, il n'est pas possible au sujet de percevoir des objets ou d'expliquer les phénomènes sans la présence préalable (au sens épistémologique du terme) de formes et de catégories apriori de la sensibilité et de l'entendement. Ce sont ces formes de la sensibilité et ces catégories de l'entendement, préalables à toute expérience, qui lui permettent de construire des objets géométriques, de voir le divers de l'expérience sous la forme d'objets physiques, ou encore de découvrir les lois auxquelles obéit l'enchaînement des phénomènes. Il convient de souligner que Kant ne s'est pas interrogé sur l'origine ou la genèse de ces apriori. Ce problème ne sera abordé que par les philosophes qui s'inscriront dans la filiation kantienne et qui pourront par ailleurs intégrer les connaissances apportées par l'histoire des sciences et plus généralement de la pensée humaine.
artificialisme (P)
L’artificialisme est une forme primitive de causalité dans laquelle l’ensemble des phénomènes extérieurs sont expliqués de la même manière que peuvent l’être les produits de l’intelligence humaine. De même que le potier fabrique un pot en étant guidé par son projet et par un certain nombre de connaissances pratiques et théoriques liées à son art, de même les phénomènes observés dans le monde extérieur seraient le résultat d’un projet et d’un art utilisés par des êtres conçus à l’image de l’homme et de son intelligence.
assimilation (P)
L’assimilation est le processus par lequel une réalité extérieure est intégrée à un schème. Pour Piaget, le processus d’assimilation est la condition de toute appréhension, par les systèmes cognitifs ou les schèmes, des réalités auxquelles ils sont confrontés ou avec lesquelles ils entrent en interaction.
assimilation génétique (P)
L’assimilation génétique est le processus par lequel la production d’un caractère phénotypique, liée initialement aux interactions créatrices des organismes d’une certaine espèce (ou variété héréditaire) avec le milieu dans lequel ils se trouvent, est progressivement prise en charge et déterminée par le système génétique des organismes de cette espèce, les caractéristiques du milieu servant alors tout au plus de signaux déclencheurs de cette production.
assimilation réciproque (P)
Lorsque deux systèmes cognitifs ou deux schèmes sont susceptibles d’agir sur une commune réalité (par exemple un schème visuel et un schème de préhension), l’assimilation de cette réalité par l’un des deux schèmes peut modifier la réalité qui est l’objet d’assimilation du second. Le cadre d’assimilation du second va dès lors peu à peu se différencier de manière à permettre l’assimilation des modifications en question (et vice versa). De ce processus peut surgir un schème nouveau, incorporant les deux précédents.
associationnisme (P)
L’associationnisme est une théorie de l’acquisition des idées développée par plusieurs philosophes du dix-huitième siècle, qui acceptent la thèse empiriste selon laquelle toute connaissance a sa source dans la réalité extérieure et procède de l’expérience sensorielle liant le sujet à cette réalité. Selon cette conception, les connaissances sont acquises par un mécanisme passif d’association d’idées permettant de refléter les régularités internes au monde extérieur. Cette thèse sera reprise par la majorité des psychologues de la fin du dix-neuvième siècle et du début du vingtième.
associativité (P)
L’associativité est l’une des propriétés caractéristiques de certaines structures mathématiques. Etant donné trois éléments ou trois opérations quelconques de l’une de ces structures (le groupe de l’addition des nombres entiers par exemple), leur composition est dite associative s’il revient au même de composer la première opération avec la seconde avant de composer l’opération résultante avec la troisième, ou de composer d’abord les deuxième et troisième pour composer ensuite l’opération résultante avec la première opération.
atomisme (P)
L’atomisme est une conception de la réalité qui consiste à soutenir la thèse selon laquelle l’univers est composé d’atomes ou éléments insécables. Dans sa "Critique de la raison pure", Kant a montré que, sous-jacente à cette thèse, se trouve une idée directrice de la raison qui pousse celle-ci à rechercher de tels éléments. Les travaux de Piaget et Inhelder sur le développement des quantités physiques chez l’enfant révèlent, quant à eux, comment l’apparition de l’intuition atomistique est liée à la construction des structures opératoires de l’intelligence.
atomisme logique (P)
L’atomisme logique est la transposition sur le plan de la logique de la thèse selon laquelle la réalité matérielle est composée d’éléments ultimes, d’atomes. L’atomisme logique revient alors à concevoir l’organisation du monde logique comme le reflet de cette réalité. Aux atomes (ou aux événement singuliers) correspondent des propositions élémentaires, et aux réalités composées du monde extérieur des propositions composées.
autoorganisation (P)
L’auto-organisation est le processus par lequel une organisation prend peu à peu forme, ou se transforme en raison de causes ou de mécanismes qui lui sont internes (et que l’on ne saurait identifier à un programme inné de production). Un système quelconque manifestera un tel processus uniquement si le résultat prend une forme non quelconque, et ne pouvant être expliquée par les lois du hasard.
autorégulation (P)
L’autorégulation est le processus interne à un système cybernétique grâce auquel celui-ci atteint un état de stabilité relative par rapport à la fin vers laquelle il tend. L’autorégulation peut être réalisée par le fonctionnement d’ensemble du système en question, ou bien elle peut être "déléguée" à l’une de ses parties (par exemple le cerveau d’un animal inférieur qui a charge de trouver des comportements adaptatifs stables assurant de manière optimale la survie de cet animal).
axiomatisation (P)
Entendue de la manière la plus classique, l’axiomatisation est l’activité par laquelle les mathématiciens ou les physiciens théoriciens cherchent à découvrir des propositions théoriques et des règles spécialisées de déduction ou de construction permettant d’engendrer, par simple application des règles, les "théorèmes" de la théorie faisant l’objet de cette activité.
behaviorisme (P)
Le behaviorisme, ou comportementalisme, désigne un courant important de la psychologie du vingtième siècle, qui a cherché à réduire l’objet de la psychologie à un ensemble de phénomènes susceptibles d’être complètement observables et analysables de l’extérieur, à savoir en termes de comportement.
biométrie (P)
La biométrie est une sous-discipline de la biologie caractérisée par l’usage primordial qui y est fait des statistiques et de la mesure pour étudier les propriétés des êtres vivants, et pour résoudre certains problèmes biologiques.
bonne espèce (P)
Dans le langage de la biologie du début du vingtième siècle, se dit de variétés biologiques pures dont les caractères obéissent aux lois de croisement mendélien, et que l’on obtient par de longues cultures d’élevage permettant de les séparer progressivement les unes des autres (puisque ces variétés héréditaires pures peuvent se mélanger par reproduction sexuelle, on ne les rencontre que très rarement dans la nature!).
catégorie (P)
Les catégories sont les concepts les plus généraux sous lesquels les objets peuvent être pensés (par exemple, le temps, l’espace, etc.). Ces catégories peuvent être conçues soit, avec Aristote, comme correspondant à des propriétés appartenant aux objets eux-mêmes, soit comme des concepts apriori par lesquels l’esprit pense la réalité empirique (qui s’offre à lui dans l’expérience).
causalité par efficace (P)
C’est la forme la plus primitive de causalité qui apparaît chez le bébé dès les premiers sentiments d’effort liés à l’activité de ses schèmes d’action. Lorsque un bébé regarde avec attention le mouvement de ses mains ou de ses pieds, ou plus généralement lorsqu’il découvre que tel schème d’action (par exemple celui de mouvement des doigts ou celui de la succion, ou encore celui de tirer sur une cordon suspendu au sommet de son lit) aboutit à un résultat plaisant et qu’il s’efforce de reproduire ce résultat, un sentiment d’efficace accompagne la conscience diffuse qu’il a de son action (alors même qu’il n’a pas encore conscience ni d’être un sujet, ni de l’existence d’une réalité autre que lui-même, sujet et objet restant encore non différenciés pendant les deux premiers mois qui suivent la naissance). Cette première forme de causalité se réduit ainsi à la conscience de l’activité propre, sans aucune compréhension des liens objectifs qui lient cette activité à ses effets.
causalité enfantine (P)
Dans ses premières recherches sur la causalité chez l’enfant, Piaget a utilisé l’expression de "causalité enfantine" pour résumer sous ce nom les explications artificialistes, animistes, etc., que l’on rencontre chez le jeune enfant, avant que celui-ci n’en propose d’autres, s’apparentant à celles utilisées par les sciences de la nature (l’explication mécanique notamment).
cercle des sciences (P)
Le cercle des sciences (ou la spirale, si l’on prend en compte la dimension temporelle du développement des sciences) est l'image qui, selon Piaget, traduit le mieux la nature des rapports entre les sciences.
cercle sujet-objet (P)
La conception de l’existence d’un cercle sujet-objet de la connaissance découle d’un double constat. Premièrement, il n'est pas possible au sujet de se connaître sans agir sur un objet (qui peut être le corps propre), ou encore sans se transformer en objet. Deuxièmement, et inversement, il n’est pas possible au sujet de connaître quoi que ce soit d’extérieur à lui, sinon en agissant sur la réalité visée. La connaissance de l'objet dépend donc forcément des cadres d'assimilation du sujet, de même que la connaissance du sujet passe par une certaine extériorisation de celui-ci.
classe logique (P)
Une classe logique est composée de l’ensemble des objets ou des êtres qui tombent sous un même concept, et qui sont dès lors regroupés en pensée, en faisant abstraction des différences qui les séparent. Par exemple la classe des fleurs est l’ensemble des objets dont chacun est une fleur. Une tulipe rouge et une marguerite blanche sont équivalentes en tant que fleur, et cela malgré leur différence de couleur.
classe secondaire (P)
Piaget appelle "classe secondaire" toute classe qui ne peut être définie que comme fraction de la classe logique emboîtante. Ainsi, par rapport à la classe logique des Carnassiers, composées de toutes les espèces (loup, chien, chat, lion, etc.) répondant aux critères de cette classe (régime essentiellement carné, dentition comprenant des canines pointues très développées, ...), les carnassiers non loups forment une classe secondaire qui est une fraction de la classe de tous les carnassiers; de même les mammifères non loups composent-ils une classe secondaire par rapport à la classe logique composée de tous les mammifères; de même encore les carnassiers non chiens forment-ils une autre classe secondaire par rapport à la classe de tous les carnassiers, etc.
classification naturelle (P)
Par classification naturelle il faut entendre l’activité à laquelle procède le naturaliste lorsqu’il s’efforce de découvrir au sein de la classe générale des êtres vivants des sous-classes (des genres, des espèces, des variétés, etc.) qui sont distinguées les unes des autres pour des raisons proprement théoriques, et non pas par simple commodité.
combinatoire (P)
Sur le plan de la mathématique, la combinatoire est la discipline qui étudie les lois des différentes formes de combinaison que l’on peut faire entre des objets (lois mathématiques concernant les permutations, les arrangements avec ou sans répétition d’objets, etc.). En psychologie génétique, la combinatoire désigne cette forme de la pensée formelle qui consiste à combiner de façon systématique, selon des principes proches de ceux que dégage par ailleurs la mathématique, soit des objets matériels, soit des propositions logiques et les opérations qui les relient.
commutativité (P)
La commutativité est l’une des propriétés caractéristiques de certaines structures de groupe ou de groupement. Un groupe ou un groupement d’opérations sera dit commutatif si l’ordre dans lequel sont composées deux opérations n’a pas d’importance (en d’autres termes, si l’opération A composée avec l’opération B produit la même opération que l’opération B composée avec A).
comportement phénotypique (P)
Contrairement au comportement héréditaire d’un organisme, dont la possible apparition est prédéterminée par le système génétique dont cet organisme a hérité au début de son existence, un comportement phénotypique est créé par celui-ci en réponse à des problèmes nouveaux posés par le milieu avec lequel il interagit. Un comportement phénotypique est ainsi le résultat de l’un ou de l’autre (ou encore de l’ensemble) des systèmes supragénétiques agissant au sein de l’organisme, par exemple de son système nerveux, s’il en a un. Pour Piaget, cette réponse non prédéterminée est susceptible d’induire une modification adaptée du système génétique hérité.
conceptualisme (P)
Doctrine sur la nature des concepts qui consiste à nier, contre le réalisme logique, leur existence en soi, indépendante du sujet, et à soutenir au contraire qu’ils sont inhérents à la pensée.
conditionnement opérant (P)
Le conditionnement opérant désigne un type d'apprentissage dans lequel l'action d'un être vivant (par exemple l’action de presser sur un levier, chez un rat) est suivie d'un renforcement positif ou négatif (par exemple la réception d'un aliment). Dans le cadre des recherches sur la naissance de l’intelligence, on peut interpréter ce genre d'apprentissage comme étant une assimilation par l'organisme du résultat (en l’occurrence la nourriture) de son action à un schème tel que celui de la nutrition, et de l'assimilation réciproque entre les deux schèmes ainsi impliqués (presser un levier et se nourrir).
conservation (P)
La conservation est une caractéristique attribuée à une certaine réalité (une classe logique par exemple), ou à une propriété d’une certaine réalité (la longueur d’une tige par exemple), celle de ne pas varier en dépit des transformations subies par cette réalité (qui peut être un objet de pensée).
constructivisme (P)
Le constructivisme est la conception progressivement élaborée par Piaget lors de ses nombreuses recherches de psychologie et d’épistémologie génétiques. Selon cette conception, l’acquisition de connaissances objectives dépend de la construction de cadres logico-mathématiques d’assimilation. Cette construction n’est pas quelconque, mais passe par une série de stades au cours desquels les formes ou les structures précédemment acquises sont incluses, avec ou sans modification, dans de nouvelles structures.
continu (P)
Comme "réalité", le continu caractérise le champ d’application des opérations infralogiques (les opérations spatiales par exemple) de la pensée concrète. De son côté la notion opératoire du continu soulève des problèmes épistémologiques importants. Les données psychogénétiques acquises à son sujet sont rares. Les quelques constatations recueillies suggèrent une acquisition tardive de cette notion, et sa dépendance par rapport aux opérations de la pensée formelle.
conventionnalisme (P)
En épistémologie génétique, le conventionnalisme désigne la doctrine selon laquelle les axiomes et les principes de base des sciences sont des conventions que se donne le chercheur et qui, à ce titre, ne peuvent être considérées comme vraies ou fausses, mais seulement comme plus ou moins utiles, ou plus ou moins fécondes.
cybernétique (P)
Créée à la fin des années trente en tant qu’étude des processus de contrôle et de communication chez l’animal et la machine, ou encore des systèmes dotés de mécanismes de régulation leur permettant d’atteindre un but, la cybernétique s’est progressivement complexifiée au point de devenir non seulement la science des régulateurs, mais aussi celle des systèmes naturels ou artificiels qui ont la particularité de comporter des mécanismes spécialisés d’autorégulation, d’autoéquilibration ou d’auto-organisation, assurant leur conservation malgré les transformations qu’ils subissent.
darwinien (P)
Se dit des conceptions ou des auteurs qui se basent sur l’explication donnée par Darwin du problème de l’origine des espèces. Selon cette explication, le mécanisme central de toute l’évolution est celui de la sélection naturelle, similaire au processus de sélection artificielle utilisé par les éleveurs pour améliorer leur bétail, à cela près que la nature sélectionne aveuglément parmi les individus d’une même espèce, et que d’innombrables variations spontanées distinguent, ceux qui sont les plus aptes à survivre et à se reproduire dans un milieu aux ressources limitées.
darwinisme (P)
Sous le nom de darwinisme sont rassemblées des conceptions se basant sur l’explication donnée par Darwin du problème de l’origine des espèces. Selon cette explication, le mécanisme central de toute l’évolution est celui de la sélection naturelle, similaire au processus de sélection artificielle utilisé par les éleveurs pour améliorer leur bétail, à cela près que la nature sélectionne aveuglément parmi les individus d’une même espèce (que d’innombrables variations spontanées distinguent) ceux qui sont les plus aptes à survivre et à se reproduire dans un milieu aux ressources limitées.
décentration (P)
De manière la plus générale, la décentration est le mécanisme qui permet au sujet individuel ou collectif d'échapper à toute forme de subjectivité déformante, parce que "égocentrée" ou "sociocentrée", pour atteindre des formes variées d'objectivité dans le rapport au monde ou à autrui.
décalage (P)
Un premier type de décalage, dit "vertical", concerne le constat selon lequel ce qui est acquis sur un plan du développement (par exemple celui de l’action) doit être reconstruit sur un nouveau plan (celui de la pensée concrète). Un deuxième type de décalage, dit "horizontal", concerne le fait que l’acquisition d’une notion (par exemple le poids) peut être plus tardive que celle d’une autre (la substance) alors que les structures opératoires impliquées dans leur acquisition sont formellement les mêmes.
dynamisme leibnizien (P)
Par dynamisme leibnizien, nous entendons ici les conceptions plus ou moins étroitement liées à l’idée de Leibniz identifiant la réalité avec des sortes de monades (entités métaphysiques) dotées d’une force intérieure, ou d’une force appétitive, qui entraîne leur développement spontané. Leibniz est certainement l’une des sources majeures de cet organicisme sur lequel s’appuieront les lamarckiens dans leur opposition au darwinisme.
effet de champ (P)
Dans ses recherches sur les mécanismes perceptifs, Piaget appelle "effets de champ" les phénomènes perceptifs qui résultent d’une fixation unique du regard sur son objet. Cette centration se traduit par une surestimation de l’élément centré, ce qui entraîne des illusions perceptives. Les effets de champ sont les mêmes à tous les âges du développement, diminuant toutefois légèrement en intensité à partir de cinq ans environ jusqu’à l’âge adulte.
égocentrisme (P)
Chez Piaget, l’égocentrisme désigne principalement un trait du fonctionnement cognitif de l’enfant intervenant à chacun des paliers de développement de l’intelligence (le sensori-moteur, la pensée concrète, la pensée formelle). L’enfant, qui n’a pas encore coordonné ses actions ou ses préopérations en des systèmes réversibles, ne considère son objet que d’un seul point de vue, ce qui peut avoir pour effet d’entraîner des erreurs de jugement. Cette conception s’étend à l’égocentrisme cognitif dans le comportement intersubjectif, et il a des effets sur le développement moral de l’enfant.
empirisme (P)
L’empirisme est l’une des grandes théories classiques de la connaissance. Il repose sur le postulat épistémologique selon lequel toutes les connaissances résultent de l’expérience. Chaque rencontre d’un individu avec son milieu imprime la forme du second sur l’organe des sens du premier (le milieu en question peut être interne à l’individu), ce qui assure une correspondance parfaite entre les connaissances et les propriétés du milieu.
empirisme logique (P)
L’empirisme logique désigne le courant de pensée qui, dans la première moitié du vingtième siècle, a donné une forme nouvelle et technique à l’ancienne thèse de Hume selon laquelle toute connaissance provient des sens ou de la seule expérience. Cette thèse laissait une place à la logique et à la mathématique, conçues comme des langages permettant d’exprimer ces connaissances, ou comme des instruments de classification des données ou de dduction.
entretien critique (P)
L’entretien critique (ou clinique-critique) est cette forme de dialogue entre un expérimentateur psychologue et un sujet qui consiste, pour le premier, à discuter avec le moins de contrainte méthodologique possible avec le second, dans le seul but de découvrir la connaissance que le sujet a d’une certaine notion ou d’un certain objet (le nombre par exemple). Cette discussion se fait généralement à propos de problèmes concrets tels que ceux de conservation.
épigenèse (P)
Par épigenèse, il faut entendre l’ensemble des interactions internes à un organisme, ainsi que l’ensemble de ses traits biologiques, qui se produisent ou qui apparaissent tout au long de son développement embryologique puis postnatal.
épistémologie (P)
L’épistémologie est l’étude des sciences ou des connaissances dans le but de répondre à des questions telles que celles de la signification et de l’origine des connaissances. L’une des fins principales de toute l’oeuvre de Piaget a été de transformer en science à part entière cette discipline qui, comme la logique ou la psychologie, était encore reconnue au dix-neuvième siècle comme relevant de la philosophie.
épistémologie dérivée (P)
L'épistémologie dérivée a pour objet l'examen des relations entre les sciences. Cet examen peut porter aussi bien sur les rapports entre leurs objets d'étude (le rapport entre la conscience et le système nerveux par exemple), que sur les rapports entre leurs concepts.
épistémologie interne (P)
L'épistémologie interne d’une science est l'analyse logique et réflexive que consacrent les savants de cette science aux concepts fondamentaux ou principaux de leur discipline, ainsi qu'aux modes d'explication qui lui sont propres.
équilibration (P)
L’équilibration, et plus précisément l’équilibration majorante, est le processus interne par lequel des instruments (et en particulier des structures et des schèmes opératoires) d’assimilation, d’explication et de transformation du réel de plus en plus puissants sont construits par le sujet au cours de sa psychogenèse. Ce processus contient des mécanismes, tels que l’abstraction réfléchissante et la généralisation complétive, qui expliquent son caractère majorant.
espace sensori-moteur (P)
L’espace sensori-moteur désigne l’espace progressivement construit par l’enfant dès sa naissance et jusqu’au tout début de la fonction représentative ou sémiotique. Ce n’est qu’au terme de cette construction que cet espace prend une forme relativement unifiée en raison du regroupement et de la coordination par l’enfant de l’ensemble des actions de déplacements de son corps propre et des objets environnants.
euclidien (P)
Se dit de l’espace euclidien et de la géométrie de même nom. L’espace euclidien est un cas particulier d’espace métrique. Les mathématiciens du dix-neuvième siècle ont permis de définir avec la plus grande précision ce qu’il convient d’entendre par espace euclidien. Il s’agit de tout objet dont les propriétés mathématiques obéissent aux axiomes de la géométrie euclidienne, et en particulier à l’axiome ou au postulat d’Euclide ("par un point extérieur à une droite on ne peut mener qu’une seule parallèle à cette droite").
expérience mathématique (P)
En agissant sur des objets extérieurs, il peut arriver que le sujet introduise entre eux des relations logiques ou mathématiques, comme lorsqu’il range les objets par ordre de grandeur, ou lorsqu’il les aligne pour les compter. L’expérience logico-mathématique désigne alors les constatations (empiriques) que le sujet peut faire relativement à l’ordre ainsi introduit au sein de ces objets. L’exemple-type donné par Piaget sur ce point est celui de l’enfant qui découvre qu’il revient au même de compter des objets en commençant par la droite ou en commençant par la gauche.
expérience physique (P)
Contrairement à l’expérience mathématique, dans laquelle les propriétés physiques des objets ne jouent qu’un rôle subsidiaire (assurer la permanence des objets manipulés par exemple), l’expérience physique a pour but de prendre connaissance de ces propriétés. Lorsque, par exemple, un enfant cherche à connaître la couleur d’un objet, ou son poids, etc., il réalise certes une activité de classification, de mise en relation ou de mesure. Mais le but de cette activité est alors de découvrir une information relative à l’objet lui-même.
figuratif (P)
La notion de figuratif désigne l’ensemble des réalités psychologiques découlant du processus d’accommodation d’un schème empirique (c’est-à-dire d’un schème portant sur une réalité extérieure au sujet). Ce peut être par exemple une perception (résultat de l’accommodation d’un schème perceptif), ou une image mentale (résultat d’une réalisation différée et intériorisée du travail d’accommodation du schème concerné).
finalisme (P)
Dans les travaux sur la causalité primitive ou sur la causalité enfantine, le finalisme désigne la tendance à expliquer n’importe quel phénomène en évoquant l’idée d’un projet, d’un plan ou d’un dessein, conçu par un être extérieur non naturellement lié au phénomène. La création de la cybernétique a autorisé le recours, en science, à une forme de finalisme scientifiquement acceptable, limitant l’usage explicatif de la notion de finalité aux seuls systèmes vivants, ainsi qu’aux systèmes artificiels qui leur sont reliés.
fixisme (P)
Le fixisme est une conception du vivant selon laquelle les classes biologiques sont apparues indépendamment les unes des autres et ne varient que sur des points mineurs. Cette conception est à l’opposé de l’évolutionnisme adopté par la biologie moderne, qui admet l’existence d’un lien de filiation naturelle ou de descendance entre les espèces.
fonction sémiotique (P)
Selon Piaget, la fonction sémiotique (au sens psychologique du terme) est la capacité, progressivement construite par le bébé dans les dix-huit premiers mois qui suivent sa naissance, de représenter des objets ou des scènes en leur absence. Cette capacité dépend, entre autres conditions, de la construction des catégories associées à l’intelligence sensori-motrice (se représenter un objet absent, comme le fait l’enfant de dix-mois, exige des notions déjà relativement élaborées de temps et d’espace).
fonction symbolique (P)
Dans la psychologie génétique de Piaget, la fonction symbolique se caractérise par la capacité de représenter des objets absents, laquelle apparaît sous sa forme complète chez l’enfant de dix-huit mois environ. Cette capacité résulte des progrès de l’intelligence au cours des mois qui suivent la naissance et exige la construction de notions déjà relativement élaborées de temps et d’espace. Le symbole, qui est l’un des deux instruments de cette fonction avec le signe, est le résultat d’une accommodation différée de l’activité de l’enfant à la réalité symbolisée.
forme apriori (P)
Dans la conception de Kant, les formes apriori (ou formes apriori de la sensibilité ou de l’intuition) sont ce par quoi un ordre spatial et temporel est établi entre les données brutes qui se présentent à la perception du sujet, ou ce dans quoi s’ordonnent ses sensations. Selon le philosophe, ces formes ne peuvent être des données ou ne peuvent être tirées de la sensation ou de la perception dans la mesure où, au contraire, elles sont la condition de la saisie de telles données.
gastéropode (P)
Classe de mollusques possédant un organe de locomotion placé sous le ventre, en forme de pied charnu (exemple) : limace ou escargot), parfois transformé en organe de natation.
généralisation complétive (P)
La généralisation complétive est un processus de construction cognitive qui se distingue de la généralisation logique classique par le fait que le nouveau système cognitif qui en résulte, non seulement s’applique à un plus grand nombre d’objets que le système de départ (ce qui est le cas de la généralisation classique), mais est par ailleurs plus riche en propriétés mathématiques et plus puissant en capacité de transformation de ces objets.
généralisation constructive (P)
Processus agissant en phase avec celui de l'abstraction réfléchissante, la généralisation constructive s'oppose à la généralisation empirique dans la mesure où elle aboutit à construire de nouveaux instruments cognitifs (par exemple de nouveaux concepts ou de nouvelles structures logico-mathématiques) qui non seulement couvrent un ensemble plus grand d'objets (par exemple les nombres rationnels par rapport aux nombres entiers), mais qui comportent plus de propriétés et de puissance opératoires que le concept ou la structure alors généralisés (la structure et le concept des nombres rationnels sont plus riches et non pas plus pauvres que la structure et le concept des nombres entiers, en compréhension comme en extension). On en distingue deux formes, la généralisation complétive et la généralisation synthétique.
généralisation synthétique (P)
La généralisation synthétique est l'une des deux formes de la généralisation constructive (la seconde forme étant dite complétive). Elle est constituée des processus au cours desquels le sujet élabore de nouveaux et plus puissants instruments ou structures logico-mathématiques par assimilation réciproque entre schèmes ou entre systèmes cognitifs précédemment acquis (ou en voie de construction). Un exemple typique est la synthèse du groupement des classes et du groupement des relations asymétriques qui aboutit à la création du groupe des entiers positifs (dans cet exemple, la synthèse ou fusion progresse au fur et à mesure des progrès de la construction des systèmes qu'elle réunit). Un autre exemple est celui des mathématiciens de l'école des Bourbaki qui, en étudiant des structures mathématiques connues, en ont tiré des structures plus générales englobant les premières. Ces deux exemples montrent que cette construction généralisante-synthétisante peut être conduite soit de manière spontanée, c'est-à-dire sans intention constructive de la part du sujet qui la réalise (comme c'est le cas pour la fusion des classes et des relations constitutives des nombres entiers positifs), soit de manière intentionnelle.
génome (P)
Dans le contexte de la conception biologique de Piaget, le génome est le système des gènes ou le bagage héréditaire que chaque organisme reçoit au moment de sa création (par exemple lors de la fécondation d’un oeuf par un spermatozoïde). Le génome d’un organisme est contenu dans chaque cellule de son corps, et en particulier dans les cellules sexuelles. Dans le même sens, en biologique contemporaine, on parlera du génome de tel ou tel individu. Mais le génome peut être aussi considéré comme l'ensemble des potentialités génétiques ou l'ensemble des déterminants héréditaires d'une espèce, qui se réalise de manière différenciée chez chaque individu de cet espèce. Du point de vue d'une théorie de l'évolution biologique, il ne revient pas au même de se centrer sur le génome individuel, comme le fait Piaget, ou du point de vue de l'espèce tout entière, comme le fait une biologie d'orientation darwinienne.
génotype (P)
Un génotype est l’ensemble abstrait des potentialités héréditaires impliquées par le système génétique ou le génome qu’un organisme reçoit au moment de sa création (lors de la fécondation de l’oeuf par le spermatozoïde par exemple). A une échelle supérieure, on appellera également génotype le patrimoine héréditaire commun aux individus d'une même race, ou encore l'ensemble prédéterminés des caractéristiques héréditaires de ces organismes, susceptibles d'être observables dans les différents milieux auxquels ils sont susceptibles d'être confrontés.
germen (P)
Mot latin, "germen" est le terme choisi par le biologiste Weismann pour désigner les éléments, selon lui non mortels, sauf par accident, qu’un organisme transmet à ses descendants lors de sa reproduction. Le germen est opposé au "soma", soit à la partie corporelle mortelle de l’organisme.
Gestaltpsychologie (P)
La "Gestaltpsychologie" est un important courant de psychologie qui s’est opposé au début de ce siècle à l’associationnisme alors dominant en démontrant le rôle que jouent les totalités et les interactions entre leurs parties dans la structuration des données de l’expérience perceptive. Ces interactions se traduisent par la perception de formes qui n’appartiennent pas aux contenus isolés du champ perceptif, mais qui les complètent de manire à respecter des lois de "bonnes formes" telles que la symétrie.
groupe (P)
La notion de groupe utilisée par Piaget correspond à la définition informelle suivante, proposée par son ami physicien Gustave Juvet. Un groupe mathématique est “un ensemble d’opérations où l’on a défini le produit de deux d’entre elles et l’inverse de chacune d’elles, cet ensemble étant précisément tel que, si une certaine opération en fait partie, l’inverse en fait partie aussi, et si deux transformations en font partie, leur produit en fait partie aussi”. Parmi les opérations considérées il en existe une, l’opération identique ou neutre, qui résulte de la composition de chacune des opérations par son inverse.
groupe de déplacements (P)
Du point de vue psychologique, le groupe des déplacements désigne les déplacements réels (ou les déplacements représentés) que le sujet conçoit en rapport avec des déplacements possibles, l’ensemble des déplacements réels (ou représentés) et des déplacements possibles formant alors système. Selon le niveau de développement cognitif de l’enfant, le système des déplacements obéit alors à des lois mathématiques de groupement ou bien de groupe.
groupe INRC (P)
Du point de vue psychologique, le groupe INRC désigne l’une des structures qui agit au sein de la pensée formelle en lui donnant une puissance opératoire accrue par rapport aux structures caractérisant l’intelligence concrète. Ce groupe unit à l’intérieur d’une seule structure les deux formes d’opérations réversibles, l’inversion (N) et la réciprocité (R), caractéristiques des deux familles de structures opératoires à l’oeuvre au sein de la pensée concrète (les structures de classe et celles de relation). Les deux autres éléments du groupe sont l’opération identique (I), et l’opération corrélative (C).
groupe mathématique (P)
La notion de groupe mathématique utilisée par Piaget correspond à la définition informelle suivante, proposée par son ami physicien Gustave Juvet. Un groupe est “un ensemble d’opérations où l’on a défini le produit de deux d’entre elles et l’inverse de chacune d’elles, cet ensemble étant précisément tel que, si une certaine opération en fait partie, l’inverse en fait partie aussi, et si deux transformations en font partie, leur produit en fait partie aussi”. Parmi les opérations considérées il en existe une, l’opération identique ou neutre, qui résulte de la composition de chacune des opérations par son inverse (exemple) : +1 composé avec -1 qui donne 0).
groupe objectif (P)
Dans son étude sur la construction de l'espace sensori-moteur, Piaget appelle "objectifs" les groupes de déplacements que le sujet sait reconnaître dans les mouvements visibles et invisibles des objets. En d'autres termes, le sujet utilise les propriétés d'associativité et d'inversion propres à ces déplacements. Lors de l’étape sensori-motrice du développement, les déplacements ne peuvent pourtant être composés que de proche en proche. Les groupes objectifs qu’ils forment pour le sujet obéissent alors aux lois du groupement, structure caractérisée par une associativité limitée.
groupe pratique (P)
Lors de ses travaux sur la construction du réel chez l'enfant, Piaget qualifiait de pratiques des structures partiellement isomorphes à un groupe mathématique que des mathématiciens comme Poincaré pouvaient reconnaître dans des phénomènes tels que les mouvements musculaires d'un organisme et les sensations correspondant à ces mouvements. Le regroupement que forment de tels phénomènes est le fait de systèmes neurophysiologiques, et, en tant que tel, il peut échapper (et il échappe normalement) à la conscience du sujet.
groupe subjectif (P)
Le groupe subjectif est une forme incomplète de regroupement des actions de déplacement qui consiste, pour le sujet, à ne considérer l'ensemble des déplacements réels que sous l'angle de ses propres actions (ce dont il ne prend naturellement pas conscience).
groupement (P)
Par groupement on peut entendre deux choses liées l'une à l'autre : 1. l'activité de grouper des opérations (ou des préopérations), et 2. l'une des formes de structure logico-mathématique réversible qui, selon Piaget, résultent d'un tel groupement au sens premier du terme. Au sens de structure mathématique, le groupement obéit à des lois plus faibles de composition des opérations que celles vérifiées par un groupe. Alors que dans un groupe toute opération peut être composée avec toute autre opération du groupe, dans le groupement, les compositions ne peuvent se faire que de proche en proche.
habitude (P)
Contrairement aux instincts, les habitudes sont des comportements acquis par expérience par un organisme. Si, comme l’a montré Piaget dans son étude sur la naissance de l’intelligence sensori-motrice chez l’enfant, les premières habitudes naissent de la différenciation de comportements réflexes, chaque étape de développement de l'intelligence voit apparaître la formation d'habitudes nouvelles, de complexité plus ou moins grande. Aux niveaux supérieurs de ce développement, les mécanismes infrapsychologiques (et donc inconscients) producteurs des habitudes peuvent être asservis par la volonté, comme l’illustre l’apprentissage d'un instrument de musique.
hétéronomie (P)
L’hétéronomie intellectuelle ou morale constitue l’état dans lequel se trouve une personne qui reçoit de l’extérieur les règles dirigeant sa conduite ou ses croyances. Les études sur le développement du jugement moral chez l’enfant ont montré que l’hétéronomie est paradoxalement liée à une étape lors de laquelle l’enfant ne parvient pas à se décentrer de son propre point de vue actuel pour le coordonner à d’autres.
histoire naturelle (P)
L’histoire naturelle est une discipline aussi ancienne que la science de la nature et qui a conservé de ses lointaines origines l’approche descriptive de ceux qui, comme les premiers savants philosophes de la Grèce antique, l’ont fondée ou, comme Aristote, ont précisé ses démarches. Répertorier, décrire, classer, telles sont ses méthodes. L’histoire naturelle ne porte pas seulement sur les êtres vivants. Elle est description de tout ce qui se rencontre dans le monde (histoire de la Terre, etc.).
holisme (P)
Le holisme est l’attitude qui, en biologie, consiste à refuser de réduire les phénomènes de la vie aux lois de ses composantes physico-chimiques, et qui surtout insiste sur la primauté qu’il convient de donner au tout sur les parties, à la fois dans l’étude de ces phénomènes et dans leur explication.
homéostase (P)
Terme proposé par le physiologiste américain Walter Cannon, l’homéostase (ou homéostasie) désigne ces processus de régulation physiologique que Claude Bernard avait pour la première fois décrits au dix-neuvième siècle et qui consistent à maintenir un état d’équilibre interne nécessaire au bon fonctionnement de l’organisme et de ses cellules.
idéalisme critique (P)
Issu des réflexions de Kant sur les conditions de possibilité d’une connaissance objective, l’idéalisme critique est la conception selon laquelle il est impossible de percevoir ou de connaître la réalité indépendamment de formes ou de notions apriori, ou encore de l’activité organisatrice par laquelle le sujet perçoit ou connaît cette réalité.
idéalisme mathématique (P)
L’idéalisme mathématique désigne les conceptions qui, de Platon à Brunschvicg, accordent une place primordiale à la mathématique pour mesurer la valeur des jugements que l’être humain peut porter sur les réalités qu’il considère, et pour se faire une idée aussi précise que possible de la notion de vérité. Chez Platon et chez d’autres philosophes prékantiens, l’idéalisme mathématique se double d’une prise de position métaphysique quant à ce que serait, finalement et indépendamment de toute connaissance humaine, la réalité absolue.
idéalité mathématique (P)
Idéalité mathématique est une expression adoptée par le philosophe français Jean-Toussaint Desanti pour désigner les êtres mathématiques de façon à éviter le sous-entendu réaliste lié usuellement à la notion "d’être". Cette expression offre également l’intérêt de mettre l’accent sur ce qui caractérise les idées mathématiques, leur intériorité qui fait que l’une de ces idées contient en puissance la totalité des autres qui lui sont mathématiquement liées.
illusion perceptive (P)
Les illusions perceptives sont des perceptions dans lesquelles le contenu sensoriel saisi par le sujet est modifié ou enrichi par rapport au contenu brut, tel qu’il viendrait se refléter sur un appareil purement physique (un appareil photographique par exemple). Piaget distingue les illusions primaires, présentes à tout âge, des illusions secondaires, qui n’apparaissent qu’à certaines étapes du développement cognitif.
image mentale (P)
Alors que, dans l’ancienne psychologie associationniste, les images mentales sont conçues comme une trace laissée par la perception d’un objet ou d’une scène sur l’appareil psychique, ou comme une perception moins vivace, les études sur la genèse de l’imitation chez le bébé aboutissent à concevoir l’image mentale comme une forme particulière d’imitation, intériorisée et différée.
immanentisme (P)
Dans l’emploi qu’en fait Piaget, la notion d’immanentisme renvoie à la conception philosophique et religieuse que Brunschvicg a développée en prolongement de ses réflexions critiques sur les limites de la connaissance. Ces réflexions aboutissant à la thèse selon laquelle il n’est pas possible d’affirmer quoi que ce soit sur une réalité absolue extérieure à la pensée, l’auteur n’en découvre pas moins dans la pensée les éléments susceptibles de rassembler les hommes en une communauté de destin.
indice (P)
L’indice est, avec le signal, le symbole et le signe, l’une des formes de signifiants que Piaget distingue dans ses travaux sur l’intelligence sensori-motrice chez l’enfant. En tant que considéré par l’enfant comme signifiant une réalité partiellement cachée ou absente (par exemple la forme du rideau derrière lequel se cache une personne), il apparaît au quatrième stade du développement de cette intelligence, en relation avec la coordination des moyens et des buts (le symbole et le signe n’apparaissent, eux, qu’au sixième stade).
infralogique (P)
Contrairement aux domaines de la logique et de l’arithmétique, qui portent sur des entités liées de différentes façons les unes aux autres par le sujet (construction d’une classe logique, addition de nombres, etc.), l’infralogique concerne les parties d’un objet et les opérations pouvant être réalisées sur celui-ci (partage de l’objet, etc.). Le discret est le domaine de la logique et de l’arithmétique; le continu, celui de l’infralogique. L’espace, le temps et les quantités physiques sont des exemples de domaines où les opérations et les notions en jeu sont d’ordre infralogique, et la géométrie une science de l’infralogique.
innéisme (P)
A l’origine, l’innéisme est la doctrine soutenant l’existence d’idées innées, c’est-à-dire non acquises, de quelque façon que ce soit, par le sujet. Cette thèse s’est généralisée de deux manières. Premièrement, ce ne sont plus seulement les idées qui peuvent être jugées innées, mais aussi des comportements. Ensuite, le développement de la biologie a entraîné la différenciation de deux formes d’innéisme, l’une qui prolonge le sens classique et que l’on peut qualifier de philosophique ou d’intellectuelle, l’autre qui renvoie à la notion d’innéité biologique.
INRC (P)
Du point de vue psychologique, le groupe INRC (Fig. 34) désigne l’une des structures qui agit au sein de la pensée formelle en lui donnant une puissance opératoire accrue par rapport aux structures caractérisant l’intelligence concrète. Ce groupe unit à l’intérieur d’une seule structure les deux formes d’opérations réversibles, l’inversion (N) et la réciprocité (R), caractéristiques des deux familles de structures opératoires à l’oeuvre au sein de la pensée concrète (les structures de classe et celles de relation). Les deux autres éléments du groupe sont l’opération identique (I), et l’opération corrélative (C), qui revient à prendre l’opération corrélative de celle à laquelle elle s’applique.
intelligence artificielle (P)
L’intelligence artificielle est une discipline scientifique se donnant pour but à la fois de réaliser des machines capables de comportements intelligents et de développer une théorie générale de l’intelligence, valable pour l’homme comme pour ces machines.
intelligence représentative (P)
L’intelligence représentative est cette forme d’intelligence qui consiste à utiliser les instruments de la fonction sémiotique (les symboles et les signes) pour organiser, transformer ou expliquer une réalité qui dépasse l’horizon de l’action sensori-motrice, ou encore pour résoudre des problèmes soulevés sur le plan de la pensée. Trois grandes étapes caractérisent le développement de cette intelligence : l’étape préopératoire, celle des opérations concrètes, et enfin l’étape de la pensée formelle.
intelligence sensori-motrice (P)
L’intelligence sensori-motrice est l’activité ordonnatrice et auto-organisée grâce à laquelle le sujet structure ses actions et les milieux avec lesquels il interagit de manière à atteindre les buts qu’il se fixe. L’autoconstruction de cette intelligence commence dans les mois qui suivent la naissance et s’achève vers dix-huit mois, avec la construction des instruments de base de l’intelligence représentative, la fonction symbolique notamment.
interactionnisme (P)
L’interactionnisme constitue l’une des quatre faces de la conception de l’intelligence et de la connaissance que Piaget a progressivement élaborées tout au long de son oeuvre (aux côtés des faces génétique, structurale et fonctionnelle). Lié à la formation de la pensée biologique de l’auteur, il concerne cette composante nécessaire de la construction de l’intelligence et des connaissances que sont les interactions du sujet avec le milieu physique et avec le milieu social.
intuition apriori (P)
Chez Kant, toute connaissance prend appui sur l’intuition ou sur l’expérience sensible. Mais le philosophe admet, à côté des données empiriques de l’intuition sensible, la présence d’une intuition apriori de l’espace et d’une intuition apriori du temps qui permet d’organiser les matériaux de la perception. Cette double intuition n’est pas tirée de l’expérience sensible, puisqu’elle en est au contraire la condition.
intuition articulée (P)
L’intuition articulée, dont on trouve l’origine chez le philosophe Höffding, désigne cette capacité qu’a le jeune enfant de mettre en rapport les contenus de son expérience (les états successifs de la réalité qu’il perçoit, qu’il se représente ou qu’il transforme) au moyen d’additions préopératoires, de déplacements non encore regroupés en structure, de sériations partielles, etc. Dès la fin des années soixante, Piaget parlera de fonctions constituantes pour caractériser ces sortes d’opérations incomplètes car non regroupées en structures réversibles.
intuition métaphysique (P)
L’intuition métaphysique est le nom donné par Bergson à une méthode philosophique d’approche des phénomènes qui consisterait à se libérer de tout préjugé pour atteindre une réalité telle qu’elle se présenterait en soi à l’esprit. Ce type d’approche, que l’on retrouve sous une autre forme dans la philosophie de Husserl, n’offre pas de contrôle empirique ou logique assurant un minimum de partage intersubjectif.
intuition opératoire (P)
L’intuition opératoire (ou l’intuition rationnelle) est cette capacité du sujet de connaissance de relier opératoirement les perceptions et les représentations qu’il a ou qu’il se fait des états d’une transformation donnée, sans que lui-même ait une claire représentation de ses opérations et de leur coordination dans l’usage qu’il en fait. Son intuition (ses perceptions et ses représentations) est ainsi organisée par un système de schèmes opératoires et de concepts qui assure une maîtrise parfaite de la situation, pour autant qu’il soit adapté à la situation considérée.
invariant (P)
La notion d’invariant est liée à celle de groupe (ou de groupement) d’opérations ou de transformations. Lorsque dans une telle structure une opération ou une transformation est réalisée, tout n’est pas modifié : ce qui reste inchangé, ce sont les invariants du groupe. Par exemple, en géométrie euclidienne, faire subir une rotation à une tige ne change pas la longueur de celle-ci. La longueur est un invariant dans l’espace euclidien. De même un nombre n’est pas modifié lorsqu’on lui ajoute un autre nombre.
jugement synthétique apriori (P)
Le jugement synthétique apriori est l’une des formes de jugements distinguées par Kant. Un jugement tel que "3 + 4 = 7" partage avec le jugement analytique (par exemple "un corps est étendu") son caractère nécessaire. Mais, d’un autre côté, il partage avec le jugement synthétique (ou jugement d’expérience, comme par exemple "la Terre est ronde") son caractère instructif ou fécond. "Apriori" désigne le caractère nécessaire de ce type de jugement à la fois nécessaire et fécond, et "synthétique" désigne son caractère instructif (ou, mieux, constructif) et fécond.
lamarckien (P)
On qualifie de lamarckiens les conceptions ou les auteurs se basant sur l’explication de l’origine des caractères biologiques donnée par Lamarck au début du dix-neuvième siècle. Deux thèses sont centrales dans cette explication : celle de l’origine initialement individuelle des nouveaux caractères, acquis lors des interactions des organismes avec leur milieu, et celle de la transmission biologique directe de ces caractères, des parents à leur progéniture.
lamarckisme (P)
Sous le nom de lamarckisme sont rassemblées les conceptions basées sur l’explication de l’origine des caractères biologiques donnée par Lamarck au début du dix-neuvième siècle. Deux thèses sont centrales dans cette explication : celle de l’origine initialement individuelle des nouveaux caractères, acquis lors des interactions des organismes avec leur milieu, et celle de la transmission biologique directe de ces caractères, des parents à leur progéniture.
limnée (P)
Les limnées sont des mollusques gastéropodes pulmonés d’eau douce ou salée. Certaines variétés de limnées occupent une place importante dans l’oeuvre de Piaget. C’est à leur sujet que celui-ci a réalisé des recherches tendant à conforter la thèse d’une action directe de l’adaptation individuelle des organismes à leur milieu sur l’évolution des espèces.
logicisme (P)
Le logicisme est une conception de la logique et des mathématiques, qui non seulement affirme l’autonomie absolue de ces disciplines par rapport à des sciences empiriques telles que la psychologie, mais qui de plus tend à nier le rôle du sujet dans leur constitution. Tel qu’il se manifeste chez des auteurs comme Frege ou dans une partie de l’oeuvre de Russell, le logicisme est aussi une thèse selon laquelle les mathématiques peuvent être entièrement fondées sur les principes logiques.
logique combinatoire (P)
Elaborée à partir des années trente par Curry, la logique combinatoire a pour particularité d’être une reconstruction axiomatique de la logique, basée sur un certain nombre d’opérateurs élémentaires agissant sur des objets quelconques (opérateurs de répétition, de substitution, d’identification, d’association, de permutation, etc.). L’avantage d’une telle approche est que le logicien n’a plus besoin d’utiliser la notion de variable. Piaget a utilisé les suggestions fournies par cette formalisation de la logique dans des recherches sur la fonction mathématique conduites au Centre d’épistémologie.
logique des neurones (P)
La notion de logique des neurones provient de l'application au cerveau vivant des modèles logico-mathématiques utilisés dans la conception des ordinateurs. La logique binaire est implantée selon le principe du tout ou rien (le courant électrique passe ou ne passe pas). McCulloch et Pitts ont montré comment le cerveau humain pouvait de la même façon réaliser des calculs logiques.
logistique opératoire (P)
La logistique opératoire est la partie de l’oeuvre de Piaget dans laquelle, adoptant la démarche du logicien, l’auteur a élaboré les modèles abstraits lui permettant de décrire, sur le plan psychologique cette fois, les caractéristiques des opérations logico-mathématiques auxquelles se livre le sujet parvenu à un certain niveau de son développement cognitif. C’est ce travail qui lui a permis de découvrir les groupements logiques et le groupe INRC, au sens mathématique de ces termes.
magico-phénoménisme (P)
Le magico-phénoménisme est l’une des formes d’explication des phénomènes chez le jeune enfant. Le phénoménisme signifiant cette identification spontanée du réel avec les apparences, la causalité magico-phénoméniste revient à croire en une action à distance des individus, et en premier lieu du sujet lui-même, sur les phénomènes se déroulant dans le réel.
malacologie (P)
La malacologie est la branche de la zoologie qui traite des mollusques (embranchement du règne animal dont l’une des classes, celle des gastéropodes, fut l’un des terrains privilégiés des recherches de Piaget en biologie).
matérialisme (P)
La doctrine classique ou le postulat métaphysique du matérialisme revient à identifier la totalité de la réalité à la matière et à expliquer toutes les formes constatables au sein de cette réalité par les seules lois de la matière, de la force et du mouvement.
matérialisme dialectique (P)
Synthèse entre la métaphysique de Hegel (qui concevait la réalité comme le produit d’un développement dialectique de l’esprit) et le matérialisme, le matérialisme dialectique est la doctrine développée par Marx et Engels pour rendre compte de manière unitaire de l’évolution des différents plans de la réalité (la cosmologie, la vie, les sociétés, etc.). Selon eux, la réalité serait faite de contradictions dont le dépassement expliquerait son évolution.
maturation (P)
En psychologie, la maturation biologique désigne le processus par lequel se développent, sous le contrôle du système génétique, les conditions organiques non seulement de l'apparition d'un comportement héréditaire, mais aussi de l'acquisition d'un comportement non biologiquement déterminé (la construction de l'intelligence sensori-motrice ou de la pensée opératoire a pour condition la maturation du système nerveux, qui peut d’ailleurs elle-même dépendre en partie de cette construction).
mécanicisme matérialiste (P)
Le mécanicisme matérialiste est une conception de l’explication de l’ensemble des phénomènes de la nature qui consiste à n’admettre comme explications valables que celles basées sur les lois de la matière et du mouvement.
mendélien (P)
Sont qualifiés de mendéliens, soit certains caractères héréditaires vérifiant les lois que le moine tchèque Mendel a tirées de ses travaux sur les croisements sexuels de végétaux, soit les conceptions basées sur ces travaux. Par ses recherches sur le croisement des pois, Mendel démontra comment certains caractères disjoints se distribuent statistiquement dans les générations successives de descendants de deux parents appartenant chacun à une variété hérditaire différente d’une même espèce végétale. Cette découverte constitue l’une des bases de la théorie contemporaine de l’évolution des espèces.
mentalité enfantine (P)
Par mentalité enfantine, il faut entendre les caractéristiques très générales de la pensée du jeune enfant mises en évidence par Piaget dans les années vingt (égocentrisme intellectuel, syncrétisme, etc.).
méthode comparative (P)
Prônée par Spencer dès le milieu du dix-neuvième siècle, la méthode comparative consiste à rendre apparentes les propriétés caractéristiques d’une réalité étudiée en la comparant avec une réalité voisine. Ces comparaisons peuvent en particulier porter sur les étapes de développement d’une certaine réalité (l’intelligence par exemple). Etudier la genèse d’un phénomène permet non seulement de décrire les particularités propres à chaque étape de son développement, mais peut aboutir également à découvrir l’explication de ce dernier.
méthode génétique (P)
Apparue au dix-neuvième siècle dans le contexte de la biologie de l'évolution, la méthode génétique a pour fin l'explication des formes "adultes" d'un phénomène biologique ou psychologique au moyen de l'étude de sa genèse. Chez Piaget, cette méthode est utilisée dans le but de parvenir à une explication génétique des connaissances, et en particulier d'un certain nombre de notions reconnues comme fondamentales pour les sciences mathématiques et physiques (le nombre, l'espace, etc.).
méthode historico-critique (P)
L’approche historico-critique des connaissances a été développée par les philosophes des sciences de la seconde moitié du dix-neuvième siècle et du début du vingtième, et a pris une forme exemplaire dans les oeuvres de Brunschvicg et de Meyerson, mais aussi chez des auteurs allemands tels que Ernest Cassirer. C’est par l’analyse historique, et non plus seulement logique, des connaissances que ces auteurs cherchent à éclairer la signification et l’origine des connaissances scientifiques, et à répondre à des questions telles que celle de la possibilité d’une science objective de la nature.
méthode logico-critique (P)
La méthode logico-critique est cette approche de la connaissance développée par Kant dans le but de répondre à la question des conditions de possibilité d’une science objective de la nature. Dans sa réflexion logique, Kant part des jugements que l’être humain formule sur la réalité extérieure (par exemple que tel objet se trouve placé en tel lieu) et déduit les conditions qui permettent ces jugements (en l’occurrence, étant une condition de la perception en tel lieu de l’objet considéré, la notion commune de l’espace ne saurait être tirée de l’expérience perceptive; elle est forcément un apriori, ou plus précisément, comme d’autres déductions le démontrent, une forme apriori de la sensibilité).
métrique (P)
Se dit de tout espace dans lequel une opération de mesure spatiale est possible. La forme la plus connue d’espace métrique est celle de l’espace euclidien, du nom du mathématicien grec, Euclide, qui en a fourni une première théorie axiomatique il y a près de deux mille ans.
monadologie (P)
La "monadologie" désigne la conception métaphysique de la réalité que Leibniz a exposée en 1714, deux ans avant sa mort. La réalité se composerait d’unités ou de monades, immatérielles, en nombre infini et dont chacune exprimerait dans les moindres détails l’univers qui lui est extérieur, mais de façon plus ou moins explicite et toujours de son propre point de vue. Les monades sont impénétrables à toute action extérieure, leur transformation ayant pour seule cause leur dynamisme intérieur, leur tendance interne, leur "appétition".
monisme (P)
Le monisme est une conception unitaire de la réalité. Dans la philosophie classique, le monisme s’opposait à une position dualiste affirmant la présence de deux substances, la matière et l’esprit, au sein de la réalité. Le monisme matérialiste revenait à identifier toute réalité à la matière étendue, le monisme spiritualiste ou idéaliste, à la considérer comme composée d’idées.
morphisme (P)
Défini très librement, un morphisme est une activité de mise en relation ou de mise en correspondance de deux structures entendues au sens le plus large du terme (qui inclut la notion de figure ou de configuration). Cette activité intervient dès les débuts de la psychogenèse et se poursuit jusqu’aux activités les plus abstraites du mathématicien, mettant en correspondance des structures mathématiques formelles qui peuvent être elles-mêmes des instruments de comparaison.
multiplication des classes (P)
En algèbre logique, l’opération de multiplication des classes revient à trouver les éléments d’une classe logique qui sont simultanément éléments d’une deuxième classe logique, et de produire par là une troisième classe. La classe des fleurs rouges appartenant à une collection d’objets de différentes couleurs revient à trouver dans cette collection d’objets ceux qui sont à la fois des fleurs et rouges.
multiplication des relations (P)
La multiplication des relations est l’opération qui consiste à composer deux ensembles de relations. Soit par exemple les relations asymétriques entre les différentes hauteurs que peut prendre le niveau d’un liquide dans un verre. Soit par ailleurs les relations asymétriques entre les largeurs de différents verres. L’opération de multiplication des relations asymétriques sera cette capacité qu’a un sujet de composer les deux sériations opératoires des hauteurs et des largeurs en jeu, par exemple, dans une situation de transvasement des liquides.
multiplication logique (P)
La notion de multiplication logique appartient à l’algèbre logique. Elle recouvre les différentes sortes de multiplications qui peuvent apparaître selon que les objets considérés sont des classes ou des relations. La multiplication des classes revient à trouver les éléments d’une classe logique qui sont simultanément éléments d’une deuxième classe logique. La multiplication des relations est l’opération qui consiste à composer deux ensembles de relations (par exemple la hauteur et la largeur d’un vase).
mutation (P)
En biologie de l’évolution, la notion de mutation a deux significations reliées. La première, la plus ancienne, a pour objet l’apparition perceptible, brusque et héréditaire d’un nouveau caractère chez un être vivant. La seconde porte non plus sur les caractères de l’organisme, mais sur son matériel héréditaire; c’est pourquoi elle est appelée mutation génétique (les gènes étant les éléments de ce matériel).
mutationnisme (P)
Le mutationnisme désigne cette conception de l’hérédité et de l’évolution des espèces qui, tout en ne niant pas le rôle de la sélection naturelle, s’oppose en partie au darwinisme en faisant porter le poids principal de l’évolution sur la notion de mutation génétique.
néo-darwinien (P)
Se dit des conceptions ou des auteurs se basant sur l’explication donnée par Darwin au milieu du dix-neuvième siècle au problème de l’origine des espèces. Selon cette explication, le mécanisme central de toute l’évolution est celui de la sélection naturelle. Le néo-darwinisme pousse plus avant ou complète la description du mécanisme de la sélection naturelle. A la suite de Weismann, il s'oppose à la thèse lamarckienne d'une action directe, au cours de la vie d'un organisme, des acquisitions individuelles sur le patrimoine héréditaire transmis aux descendants de cet organisme.
néo-darwinisme (P)
Se dit des conceptions se basant sur l’explication donnée par Darwin au milieu du dix-neuvième siècle au problème de l’origine des espèces. Selon cette explication, le mécanisme central de toute l’évolution est celui de la sélection naturelle. Le néo-darwinisme pousse plus avant ou complète la description du mécanisme de la sélection naturelle. A la suite de Weismann, il s'oppose à la thèse lamarckienne d'une action directe, au cours de la vie d'un organisme, des acquisitions individuelles sur le patrimoine héréditaire transmis aux descendants de cet organisme.
néo-lamarckien (P)
Se dit des conceptions ou des auteurs se basant sur l’explication de l’origine des caractères biologiques donnée par Lamarck au début du dix-neuvième siècle. Deux thèses sont centrales dans cette explication : celle de l’origine initialement individuelle des nouveaux caractères, acquis lors des interactions des organismes avec leur milieu, et celle de la transmission biologique directe de ces caractères, des parents à leur progéniture. Le néo-lamarckisme retient la thèse du passage de l'acquis à l'inné, mais redéfinit ou complète le mécanisme qui permet ce passage.
néo-lamarckisme (P)
Se dit des conceptions se basant sur l’explication de l’origine des caractères biologiques donnée par Lamarck au début du dix-neuvième siècle. Deux thèses sont centrales dans cette explication : celle de l’origine initialement individuelle des nouveaux caractères, acquis lors des interactions des organismes avec leur milieu, et celle de la transmission biologique directe de ces caractères, des parents à leur progéniture. Le néo-lamarckisme retient la thèse du passage de l'acquis à l'inné, mais redéfinit ou complète le mécanisme qui permet ce passage.
nombre cardinal (P)
Les nombres sont communément répartis en deux ensembles : les cardinaux et les ordinaux. Lorsque nous comparons deux collections d’objets, si elles ne sont pas trop grandes, nous pouvons d’un seul coup d’oeil juger qu’elles sont composées du même nombre d’éléments; c’est alors du nombre cardinal qu’il s’agit. Lorsqu’au contraire nous nous intéressons à l’ordre numérique des éléments dénombrés (premier, deuxième, etc.), c’est alors le nombre ordinal qui nous intéresse.
nombre ordinal (P)
Les nombres sont communément répartis en deux ensembles : les cardinaux et les ordinaux. Lorsque nous comparons deux collections d’objets, si elles ne sont pas trop grandes, nous pouvons d’un seul coup d’oeil juger qu’elles sont composées du même nombre d’éléments; c’est alors du nombre cardinal qu’il s’agit. Lorsqu’au contraire nous nous intéressons à l’ordre numérique des éléments dénombrés (premier, deuxième, etc.), c’est alors le nombre ordinal qui nous intéresse.
nominalisme (P)
Le nominalisme est la doctrine qui, en épistémologie de la logique ou en philosophie, s’oppose à la thèse selon laquelle il existerait dans la réalité extérieure ou dans la pensée quoi que ce soit qui se superpose aux individus (les êtres individuels extérieurs et les idées qui leur correspondent). Le nominalisme nie en particulier qu’il y ait quelque chose comme des concepts ou des idées générales.
objectivité (P)
Depuis Kant, la notion d'objectivité contient deux aspects indissociables. Est objectif non plus seulement ce qui s'impose au sujet parce qu'il se présente à lui comme indépendant de lui (l'objet), mais également ce qui s'impose à lui parce qu'obéissant à des lois que le sujet peut reconnaître grâce aux formes et aux notions apriori de l'intuition sensible et de l'entendement. Piaget complétera Kant en montrant comment ces formes et ces notions sont progressivement construites par le sujet, et comment elles dépendent de différents regroupements de l'action, puis des opérations.
objet permanent (P)
Dépendante de la construction par le sujet des catégories d’espace et de temps, la permanence de l’objet est une propriété attribuée par le sujet à un objet dont il postule une existence dans le temps et dans l’espace, indépendante de la perception ou de la conception qu’il peut avoir de cet objet. L’objet permanent est le premier invariant d’un groupe construit par l’enfant (et plus précisément d’un groupement), à savoir celui des déplacements que le bébé de dix-huit mois environ réalise dans son espace proche, ou qu’il fait accomplir aux objets de cet espace.
opératif (P)
Alors que la notion de "figuratif" recouvre l’ensemble des "réalités" (perception, image mentale ou souvenir-image) qui résultent directement ou indirectement du processus d’accommodation d’un schème à son objet, la notion "d’opératif" recouvre au contraire l’activité même du schème, en tant que cette activité transforme la réalité sur laquelle il porte.
opération (P)
Du point de vue de la psychologie génétique, les opérations sont des activités par lesquelles le sujet organise en pensée et en acte la réalité concrète (il classe ou ordonne les objets de cette réalité), la transforme (en agissant sur les propriétés spatiales ou physiques de ces objets), l’explique (en attribuant à cette réalité des opérations dont les lois de composition sont similaires aux lois de regroupement de ses opérations), ou encore par lesquelles le sujet organise ou transforme les opérations précédentes au moyen desquelles il agissait sur la réalité concrète.
opération concrète (P)
Elaborées en moyenne entre six et dix ans environ, les opérations concrètes constituent l’une des deux grandes familles d’opérations mises en évidence par Piaget et ses collaborateurs dans leurs recherches sur le développement de l’intelligence représentative chez l’enfant et l’adolescent, l’autre étant composée des opérations formelles. Les opérations concrètes constituent l’ensemble des activités opératoires (classer, sérier, dénombrer, décomposer, composer, etc.) par lesquelles le sujet organise, transforme et conçoit les objets réels.
opération formelle (P)
Du point de vue de la psychologie génétique, les opérations formelles ne sont rien d’autre que des opérations sur des opérations concrètes. Ces dernières revenant à classer, à sérier, à dénombrer, etc., les objets de la réalité concrète, les opérations formelles sont alors essentiellement des opérations par lesquelles les sujets classent ou ordonnent les opérations concrètes (avec leur résultat), en faisant du même coup se réunir au sein d’un groupe d’opérations les deux formes de réversibilité de la pensée concrète (à savoir l’annulation, soit par inversion soit par réciprocité, de l’effet d’une opération).
orthogenèse (P)
L’orthogenèse est une conception de l’évolution proposée à la fin du dix-neuvième siècle et basée sur le constat d’une certaine orientation dans les transformations des espèces vivantes. Baldwin et Piaget ont généralisé cette notion au développement psychologique de l’intelligence et de la pensée.
pangenèse (P)
La pangenèse est une conception adoptée par Darwin et d’autres biologistes du dix-neuvième siècle pour expliquer un certain nombre de propriétés de l’hérédité biologique. Basée sur le constat que tous les organismes vivants se développent à partir d’une seule cellule, l’hypothèse pangénétique revient à affirmer que cette cellule et celles qui en dérivent contiennent des particules matérielles très nombreuses, qui sont le support de l’hérédit et qui déterminent l’apparition des caractères observables d’un être vivant.
parallélisme psycho-physique (P)
Le parallélisme psycho-physique, ou psycho-physiologique, est la thèse selon laquelle les événements psychologiques conscients et les événements physiques, ou physiologiques, constituent deux séries sans lien de causalité entre elles, mais entre lesquelles il est possible d'établir des rapports de correspondance de différentes sortes (correspondance entre les états de chacune des séries, similarité de leurs structures respectives pouvant être décrites par des modèles logico-mathématiques identiques, etc.).
pensée concrète (P)
La pensée concrète se distingue de la pensée formelle, d’une part par la nature de l’objet sur lequel elle porte, ainsi que par l’attitude adoptée par le sujet relativement au statut de cet objet, et d’autre part par la nature des opérations utilisées pour la traiter, les deux allant de pair. La pensée concrète a pour objet une réalité sensible pouvant être perçue ou représentée.
pensée formelle (P)
La pensée formelle se distingue de la pensée concrète, d’une part par la nature de l’objet sur lequel elle porte (les possibles), ainsi que par l’attitude adoptée par le sujet relativement au statut de cet objet, et d’autre part par la nature des opérations utilisées pour la traiter. Les opérations mises en oeuvre par la pensée formelle ont pour particularité de porter, non pas sur la réalité sensible, mais sur les opérations (et leurs résultats) par lesquelles la pensée concrète organise cette dernière, et qui peuvent se refléter dans les propositions par lesquelles le sujet décrit son objet.
pensée opératoire (P)
Par pensée opératoire, il convient d'entendre toute activité de pensée mettant en oeuvre soit des opérations logico-mathématiques concrètes (opérations arithmétiques, mais aussi additions, soustractions, multiplications et divisions, de classes, de relations, ou encore de parties d’un objet, etc.), soit des opérations formelles (par exemple les opérations combinant des opérations concrètes ou transformant des propositions en leur négative, leur réciproque ou leur corrélative).
pensée représentative (P)
Par "pensée représentative", nous désignons les activités intellectuelles qui s’appuient sur les capacités de représenter, de concevoir et, pour la pensée opératoire, de transformer (en pensée) une réalité non actuellement perçue ou ne prolongeant pas directement cette dernière, voire même ne pouvant être l’objet d’une perception (le concept de fleurs, par exemple, couvre non pas les fleurs perçues, mais la classe des fleurs, qui, elle, n’est pas un objet de perception).
pensée sensori-motrice (P)
L’expression "pensée sensori-motrice" n'appartient pas au vocabulaire piagétien. Elle est utilisée ici pour désigner les notions, et plus généralement les significations et les liaisons logiques entre significations (implication signifiante, etc.), qui accompagnent les actions sensori-motrices, qui ne s'en détachent jamais et qui ne sont pas exprimées.
pensée symbolique (P)
Contrairement à la pensée logique, qui conçoit ses objets au moyen de concepts obéissant aux règles logiques assurant la non-contradiction, la pensée symbolique se représente les siens au moyen de symboles individuels ou sociaux qui autorisent des glissements de sens pouvant défier toute logique réglant la permanence des croyances, des jugements ou des raisonnements.
permanence de l’objet (P)
Dépendante de la construction par le sujet des catégories d’espace et de temps, la permanence de l’objet est une propriété attribuée par le sujet à un objet dont il postule une existence dans le temps et dans l’espace, indépendante de la perception ou de la conception qu’il peut avoir de cet objet. L’objet permanent est le premier invariant d’un groupe construit par l’enfant (et plus précisément d’un groupement), à savoir celui des déplacements que le bébé de dix-huit mois environ réalise dans son espace proche, ou qu’il fait accomplir aux objets de cet espace.
phénocopie (P)
Dans le prolongement de la notion d'assimilation génétique, utilisée par Waddington pour expliquer comment des caractères développés d'abord sur le terrain des ontogenèses individuelles pouvaient être pris en charge par le génome de cette espèce, Piaget a introduit dans ses derniers écrits de biologie le terme de phénocopie pour souligner ce même passage d'une adaptation individuelle (qui s'inscrit bien sûr dans le champ des possibles du système héréditaire) vers une adaptation héréditaire (qui peut se reproduire indépendamment des pressions du milieu). On relèvera cependant que le même terme de phénocopie peut être utilisé en sens inverse par la biologie darwinienne contemporaine pour exprimer le fait qu'une caractéristique héréditaire, un phénotype héréditaire, peut être simulé chez des organismes qui ne possèdent pas le déterminant héréditaire de ce caractère.
phénoménisme (P)
En philosophie le phénoménisme consiste à ne concevoir comme réel que le monde des phénomènes, c’est-à-dire ce qui apparaît dans l’expérience sensible. En psychologie génétique, le phénoménisme est l’un des traits de la "mentalité enfantine" décrite par Piaget. Il consiste en cette façon spontanée qu’ont les jeunes enfants ou les nourrissons de confondre l’existence des choses avec leur apparence, sans considération des rapports objectifs qui lient les unes aux autres les différentes facettes de l’expérience.
phénoménologie (P)
Le mathématicien et philosophe Husserl a choisi le terme de phénoménologie pour désigner une position philosophique qui consiste à ne pas chercher à déduire une quelconque métaphysique ou bâtir un système de philosophie, mais à adopter une certaine posture intellectuelle permettant de mettre en évidence et de décrire l’essence des choses se présentant à la conscience.
phénotype (P)
Le phénotype est l’ensemble des caractères apparents d’un organisme, ou encore l’ensemble des transformations biologiques qu’il subit au cours de son existence, à l’exception des éventuelles modifications de son système héréditaire (ou génétique). Il résulte de l’interaction de l’organisme (système génétique compris) avec son milieu, ainsi que des contraintes biologiques internes. La notion de phénotype n’est devenue pertinente que lorsque sest imposée l’idée de l’opposition entre ce qui concerne, d’un côté, le matériel héréditaire de l’organisme (le "germen"), et de l’autre son corps (le "soma").
phénotypique (P)
Sont qualifiés de phénotypiques des caractères ou des transformations qui concernent le phénotype d’un organisme, en d’autres termes, les différentes caractéristiques de son corps, à l’exception de tout ce qui concerne son système héréditaire.
philosophie analytique (P)
La philosophie analytique est cette branche de la philosophie, développée surtout dans les pays britanniques et aux Etats-Unis, qui privilégie l’analyse linguistique ou l’analyse logique des concepts par rapport à toute autre démarche philosophique. Son but premier est ainsi un travail de clarification, en vue de contribuer aux recherches sur le fondement logique d’une science, ou d’éliminer toute source de confusion et de faux problèmes dans les sciences.
philosophie critique (P)
La philosophie critique est cette branche de la philosophie inaugurée par Kant et qui se donne pour but de dégager par voie réflexive les limites de la connaissance humaine. Pour l’épistémologie, la philosophie critique offre le grand intérêt d’instaurer une distance par rapport aux différents savoirs, une sorte de suspension du jugement, qui permet de les apercevoir sous une angle nouveau et d’en détecter d’éventuelles lacunes, dont les fausses certitudes qui s’y attachent.
philosophie positive (P)
La philosophie positive peut être considérée comme un substitut de l’ancienne métaphysique, c’est-à-dire de ce projet ambitieux qu’avaient nombre de philosophes du passé de pouvoir apporter une réponse ultime à la question de l’être ou (du fondement de l’être). Instruit des critiques adressées aux anciennes métaphysiques par la philosophie kantienne, le philosophe désirant se prononcer sur la nature de ce qui est a encore une carte à jouer : celle de la synthèse de l’ensemble des savoirs construits par les sciences qui lui sont contemporaines.
platonisme (P)
Le platonisme désigne l’ensemble des conceptions philosophiques qui se sont fondées sur la doctrine formulée par Platon. Pour le philosophe grec, le monde sensible auquel nous avons communément affaire n’est pas la vraie réalité, mais seulement son reflet. La vraie réalité est le monde des idées, dont la mathématique offre une image partielle.
positivisme (P)
Le positivisme désigne l’ensemble des conceptions qui, à la suite de la doctrine formulée par Comte dans la première moitié du dix-neuvième siècle, limitent la connaissance à l’exposé des faits et des lois découverts par l’expérience sensible et par son prolongement que constitue l’expérimentation scientifique.
positivisme logique (P)
Doctrine ayant connu un vif succès dans la première moitié du vingtième siècle, le positivisme logique est la synthèse que des philosophes des sciences ont faite de la thèse positiviste avec la science logique (ou la logique symbolique) développée par des auteurs comme Russell et Wittgenstein. Selon le positivisme logique, la science toute entière se réduit, d’un côté, à des énoncés d’expérience décrivant les phénomènes et les lois empiriques qui les relient, et de l’autre, aux énoncés qui peuvent se déduire des premiers par application des lois de la logique.
pragmatisme (P)
Apparu à la fin du dix-neuvième siècle, le pragmatisme est une conception selon laquelle la connaissance n’a pas pour fin de connaître la réalité, mais d’être un instrument au service de l’activité humaine. De ce point de vue une connaissance est vraie, non parce qu’elle correspond à une réalité, mais parce qu’elle réussit, c’est-à-dire parce qu’elle permet de satisfaire le but que s’était proposé celui qui l’a formulée.
préopération (P)
Bien que l’usage du terme "préopération" soit peu fréquent chez Piaget, la notion qu’il désigne est importante. Les préopérations sont des actions logiques ou mathématiques (il faudrait écrire "prélogiques" et "prémathématiques"), intériorisées ou non, caractérisées par le fait qu’elles ne sont pas encore regroupées en structures assurant leur réversibilité logique. Regroupées de manière adéquate, elles deviendront ces opérations logiques, arithmétiques, spatiales, etc., que Piaget a décrites dans ses multiples travaux de psychologie génétique.
préopératoire (P)
Dans un sens large et peu précis du terme, "préopératoire" se dit de la pensée de l’enfant qui n’a pas encore atteint le stade des opérations concrètes. De façon un peu plus précise et théoriquement plus intéressante, ce terme s’applique aux conduites et aux notions que l’on peut constater chez un enfant en train de construire un système particulier d’opérations qui, une fois achevé, apparaîtra comme un groupement ou un groupe d’opérations répondant aux caractéristiques de la pensée opératoire.
prise de conscience (P)
Contrairement à l’usage courant du terme, pour lequel la prise de conscience se limite à projeter en quelque sorte sur la scène de la conscience, ou à "éclairer", une quelconque réalité jusqu’alors non consciente, la prise de conscience est pour Piaget une activité ou une conduite qui, comme toute autre, transforme l’objet sur laquelle elle porte.
projectif (P)
La géométrie projective concerne les propriétés des objets géométriques qui se conservent lors des transformations par projection. Ces propriétés sont, par exemple, l’alignement des points sur une droite, ou, pour quatre points se trouvant alignés sur une droite, le "birapport" entre le rapport des longueurs des segments orientés séparant deux de ces points du troisième, et le rapport des longueurs des segments orientés séparant les deux mêmes points du quatrième (soit "AB/BC divisé par AD/BD", AB, BC, AD et BD étant les quatre segments orientés).
psychologie génétique (P)
La psychologie génétique est une branche de la psychologie qui peut se définir moins par son domaine, que par sa méthode et les problèmes qu’elle tend à résoudre. Elle repose sur le postulat méthodologique selon lequel la nature de bon nombre de réalités psychologiques, y compris les notions par lesquelles le sujet organise ou conçoit le réel, peut être clarifiée par l’étude de leur psychogenèse. Ce postulat est lui-même basé sur l’hypothèse selon laquelle la réalité considérée, par exemple la pensée logique de l’adulte, est le résultat d’une genèse.
psychologisme (P)
Le psychologisme est une conception ou une orientation d’esprit qui consiste à étudier et à expliquer les objets propres à un domaine spécifique de recherche, tels que les normes logiques, les normes morales ou les fondements d’une science, en recourant aux méthodes et aux notions de la psychologie, sans considération de la spécificité de ces objets. Le psychologisme trouve sa meilleure illustration dans la façon dont les psychologues empiristes ont cherché à expliquer l’origine des notions mathématiques ou des normes logiques à partir des lois d’association des idées.
quantité extensive (P)
Le terme de "quantité extensive" a été choisi par Piaget pour caractériser ce qui oppose les quantités qui interviennent sur le plan de l’arithmétique ou de la mesure géométrique aux quantités intervenant en logique, et plus généralement dans tous les cas où un jugement opératoire de quantité peut être formulé sans que le sujet ait à réaliser une opération arithmétique ou une opération de mesure par report répété d’une unité.
quantité intensive (P)
Le terme de "quantité intensive" a été choisi par Piaget pour caractériser les quantités intervenant en logique, mais aussi dans tous les cas où un jugement opératoire de quantité peut être formulé sans que le sujet ait à réaliser une opération arithmétique ou une opération de mesure par report répété d’une unité.
raison constituante (P)
Raison constituante et raison constituée sont deux notions que le philosophe A. Lalande a proposées pour permettre de concilier deux traits manifestés par les "faits normatifs" : la permanence des normes et leur transformation. La raison constituante est la tendance fondamentale de l’esprit à trouver de l’identique en toute chose, préférant de par sa nature l’identité à l’altérité. Quant à la raison constituée, elle consiste en ces normes variées, mais qui tendent de plus en plus vers l’uniformité, qui apparaissent dans l’histoire de l’humanité.
raison constituée (P)
Raison constituante et raison constituée sont deux notions que le philosophe A. Lalande a proposées pour permettre de concilier deux traits manifestés par les "faits normatifs" : la permanence des normes et leur transformation. La raison constituante est la tendance fondamentale de l’esprit à trouver de l’identique en toute chose, préférant de par sa nature l’identité à l’alterité. Quant à la raison constituée, elle consiste en ces normes variées, mais qui tendent de plus en plus vers l’uniformité, qui apparaissent dans l’histoire de l’humanité.
rationalisme (P)
On peut distinguer deux formes générales de rationalisme dans l’histoire de la pensée occidentale. La première, le rationalisme métaphysique, consiste à concevoir la réalité comme étant un produit de la raison; il suffirait dès lors de prendre connaissance des premiers principes pour en déduire la totalité des phénomènes. La seconde, le rationalisme critique, a son origine dans la réponse de Kant à la critique formulée par l’empirisme à l’encontre du rationalisme métaphysique. La raison est intérieure à la pensée, et non pas le fondement du réel en soi.
réaction circulaire (P)
Empruntée à Baldwin, la notion de réaction circulaire est l’une des plus importantes de celles utilisées par Piaget pour caractériser les schèmes acquis par le bébé. L’idée centrale est celle d’un système sensori-moteur formé de composantes à la fois actives (une action simple ou complexe), perceptives (le bébé perçoit de façon plus ou moins différenciée ce qui s’offre à ses sens) et enfin fonctionnelles (le bébé est agréablement affecté par son action et l’effet qu’elle produit). L’effet positif de son action incite le sujet à la répéter, voire même à rechercher des effets positifs nouveaux.
réaction circulaire innée (P)
Par extension de la notion de réaction circulaire que Piaget emploie, après Baldwin, pour signifier le caractère circulaire et répétitif des premiers comportements acquis par l'animal ou par l'homme, nous utilisons ici la notion de réaction circulaire innée pour désigner l'auto-renforcement que constitue l'exercice des réflexes lors du premier stade de la naissance de l'intelligence. Le caractère circulaire et répétitif qui apparaît dès l'exercice des schèmes héréditaires permet leur différenciation et leur ajustement par rapport aux multiples réalités qui les alimentent.
réaction circulaire primaire (P)
Par réaction circulaire primaire, Piaget entend les premiers comportements acquis. Lorsqu'un mouvement tel que déplacer la main aboutit à alimenter un schème réflexe héréditaire (en l'occurrence le schème de succion), et donc à apporter une sensation agréable au nourrisson, ce mouvement ou ce geste tend spontanément à se répéter. Cette répétition entraîne la création d'une conduite non génétiquement prédéterminée, qui n'est plus un réflexe inné, mais une habitude élémentaire ou un réflexe acquis. Une telle habitude peut être elle-même insérée, comme le réflexe héréditaire, dans la construction d'une nouvelle réaction circulaire primaire plus complexe.
réaction circulaire secondaire (P)
Contrairement à la réaction circulaire primaire, la réaction circulaire secondaire résulte d'un lien immédiatement inféré par le sujet entre une action qu'il vient de réaliser et une conséquence inattendue de cette action. Là encore, il y a association (ou assimilation réciproque) de deux schèmes, mais cette association est cette fois le fait d'une activité spontanée du sujet psychologique, et non plus la conséquence de la simple co-activation de deux schèmes. La réaction circulaire secondaire est la première étape d'une différenciation des moyens et des fins qui aboutira à l'apparition de l'intelligence sensori-motrice.
réaction circulaire tertiaire (P)
Appartenant aux groupes des conduites typiques de la 5e étape de développement de l'intelligence sensori-motrice, la réaction circulaire tertiaire est liée à l'invention active, par le sujet, de conduites nouvelles avec attente de voir surgir des résultats inattendus, et consiste dans la répétition avec variation du comportement qui a produit un effet nouveau et intéressant. On observera avec intérêt comment cette nouvelle forme de réaction circulaire met en oeuvre une activité proactive et non plus simplement rétroactive, comme c'était le cas de la réaction circulaire secondaire. La variation intentionnelle des comportements ayant produit des résultats intéressant manifeste l'autonomie relative prise par l'activité accommodatrice par rapport à l'activité assimilatrice. Dans les réactions circulaires tertiaires, l'enfant s'intéresse avant tout à mieux connaître les particularités de l'objet ou de la situation sur lequel porte son action, les conditions qui font que celle-ci peut réussir ou échouer. L'assimilation se fait ici servante de l'accommodation.
réalisme (P)
Le réalisme consiste en la croyance à une indépendance absolue ou relative de ce que le sujet considère comme étant réalité (ou la réalité). Cette croyance, ou cette attitude, peut prendre une forme soit spontanée ou naïve, soit réfléchie, la seconde puisant ses racines dans la première. Elle est, à la base, liée à la construction de l’objet permanent; mais elle peut ensuite prendre des formes très variées : réalisme logique, réalisme nominal, réalisme des essences, réalisme empirique ou critique, etc.
réalisme logique (P)
Le réalisme logique est cette conception, que l’on peut trouver aussi bien dans la pensée spontanée que dans la philosophie, selon laquelle les être logiques, les concepts, les propositions, etc., existent en soi, qu’on les pense ou non.
réalisme naïf (P)
Le réalisme "naïf" désigne une attitude d’esprit spontanée qui consiste à considérer comme indépendante de soi la réalité perçue ou représentée. Lié à la construction de l’objet permanent, ce réalisme peut se traduire sur le plan de la pensée représentative par des formes plus spéciales, telles que le réalisme nominal, dans lequel les jeunes enfants considèrent que les noms sont liés aux choses comme le sont leurs autres propriétés (leur couleur, leur poids, etc.).
réductionnisme (P)
Le réductionnisme est une attitude qui consiste à rechercher l’explication d’une réalité quelconque au moyen d’un ensemble de lois, de conceptions ou de concepts explicatifs qui ont été originellement élaborés pour des objets appartenant à une réalité différente. Cette attitude incite à ignorer ce qui, dans la réalité ainsi expliquée, ne se laisse pas réduire sans autre à cet ensemble.
réductionnisme logique (P)
Le réductionnisme logique est cette forme particulière de réductionnisme qui consiste à vouloir assimiler de façon univoque et complète une réalité (ou une science) considérée au départ comme non logique, ou non complètement logique, à la réalité (ou à la science) logique. Un exemple connu illustre un tel réductionnisme. Il s’agit de la tentative de Frege et de Russell de réduire la totalité de la mathématique aux lois et aux notions de la logique, alors entendue au sens le plus étroit du terme (la logique des classes, des relations et des propositions).
réductionnisme psychologique (P)
Le réductionnisme psychologique est cette attitude qui consiste à rechercher dans des notions ou des lois psychologiques générales, ou encore dans une partie ou dans la totalité du réel psychologique, l’explication d’un ensemble spécial de phénomènes ou d’une réalité au départ considérée comme indépendante. Un exemple permet d’illustrer cette attitude. Il s’agit des travaux qui tendent à expliquer l’origine des concepts logiques ou mathématiques en recourant aux lois psychologiques d’apprentissage, ou aux lois du champ d’attention.
réflexe (P)
Les réflexes sont des comportements élémentaires qui sont soit héréditaires, soit acquis grâce à l'intervention de processus d'apprentissage obéissant à des lois neurophysiologiques générales et qui, à ce titre, échappent largement à l'activité du sujet psychologique (c'est le cas des réflexes conditionnés). Leur déclenchement se fait lui aussi sans intervention des comportements supérieurs ou intentionnels du sujet.
réflexe conditionné (P)
Du point de vue de la psychologie piagétienne, le réflexe conditionné est une forme élémentaire de comportement acquis qui consiste en l'association d'un stimulus et d'un comportement, association découlant de la co-activation de deux schèmes (avec ou sans intervention de comportements psychologiques engageant l’activité du sujet). Dans le cas paradigmatique du chien de Pavlov qui en arrive à saliver au son d'une cloche, l'association est établie entre un schème d'audition et un schème de nutrition, au départ indépendants l'un de l'autre.
régulation (P)
Une régulation est un processus spécialisé grâce auquel un système (ou un sous-système) finalisé tend à atteindre l’un de ses états d’équilibre. L’équilibre visé peut être "statique", comme la température d’un organisme vivant, ou dynamique, comme une succession régulière et canalisée d’états (en ce dernier cas, le réglage peut porter, par exemple, sur la vitesse de transformation d’un état à un autre).
régulation affective (P)
La notion de régulation affective est liée à l’interprétation originale, donnée par Janet, de certains sentiments, considérés comme des actions au second degré, qui portent sur les actions ou les activités psychologiques usuelles pour les préparer, les enclencher, les accélérer, les freiner ou les terminer. Ainsi la joie tend-elle à accélérer les activités en cours d’un individu. Ces régulations affectives de l’action seraient elles-mêmes dépendantes de "l’énergie psychique" que l’individu est capable d’investir dans ses actions, et toute une série de "pathologies mentales" résulteraient, selon Janet, de l’incapacité des malades à utiliser adéquatement les sentiments pour régler leurs conduites.
régulation parfaite (P)
Piaget utilise la notion de régulation parfaite pour caractériser ce qui différencie fonctionnellement les opérations de l’intelligence représentative (addition et soustraction de classes, etc.) des régulations qui apparaissent lors des étapes précédant directement la formation de chaque groupement ou groupe opératoire.
régulation perceptive (P)
Dans ses recherches sur la perception, Piaget a employé la notion de régulation perceptive pour caractériser des activités perceptives, acquises par le sujet, et qui lui permettent de compenser les effets d’illusion induits par toute centration perceptive.
relation asymétrique (P)
Une relation asymétrique se distingue d’une relation symétrique en ce sens qu’elle permet d’ordonner des objets les uns par rapport aux autres selon le critère fourni par cette relation (par exemple la relation asymétrique de longueur permet de sérier des baguettes de la plus courte à la plus longue, celle de couleur, de sérier des objets du plus clair au plus foncé, etc.).
relation logique (P)
Pour la psychologie génétique, de la même façon que la classe logique se distingue d’un nombre cardinal par des propriétés spéciales qui relèvent de la structure de groupement, les relations logiques se distinguent des relations mathématiques par le fait qu’elles portent sur des qualités (par exemple la relation "être le frère de") ou sur des quantités intensives (par exemple des différences de grandeurs, telles que "être plus grand que", sans que soit précisé de combien un objet est plus grand qu’un autre).
relativisme critique (P)
Conception formulée pour la première fois par Kant, le relativisme critique admet simultanément trois thèses : d’abord celle selon laquelle toute connaissance est relative au sujet (qui connaît), ensuite celle selon laquelle toute connaissance découle d’une interaction entre ce sujet et la réalité connue, enfin la thèse selon laquelle toute connaissance valable est objective et universelle. La troisième thèse différencie le relativisme critique du relativisme sceptique (qui tend à nier l’objectivité des connaissances).
renversabilité (P)
La renversabilité est une étape vers l'acquisition de la réversibilité d'une certaine action ou opération, logique ou mathématique. Elle se caractérise par le fait que, si l'enfant sait que la réalisation d’une certaine action ou préopération permettra de retrouver l'état antérieur d'un système,dont l'état actuel résulte d’une première action, il ne la considère pas encore pour autant comme l'inverse (ou la réciproque), au sens mathématique, de cette première action ou préopération.
réversibilité (P)
En physique, la réversibilité désigne la propriété théorique de certains systèmes de pouvoir retrouver un état passé par inversion du sens des processus (mouvements, etc.) qui ont conduit de l'ancien état à l'état actuel. Piaget a repris cette notion en l'appliquant aux processus de pensée ou à ce que conçoit le sujet lorsqu'il considère une action ou une opération comme l'inverse ou la réciproque d'une autre. Sur ce terrain, une réversibilité complète est possible dans la mesure où ce qui est en jeu est la signification des actions ou des opérations pour le sujet qui les considère.
schème (P)
Une première définition, simple mais quelque peu réductrice, est celle identifiant un schème au “canevas des actions répétables”, ou à “l’ensemble structuré des caractères généralisables d’une action”. L’emploi spontané que Piaget fait de cette notion est cependant plus riche. Le schème y est considéré comme un organe sensori-moteur ou purement notionnel d’organisation et de transformation d’une réalité, matérielle ou non (une scène du passé par exemple), considérée par le sujet.
schème de proportionnalité (P)
Le schème de proportionnalité a pour objet d'assimilation les situations dans lesquelles un double système d'actions ou d'opérations intervient. Un cas particulièrement simple est celui de la balance à deux bras auxquels on peut suspendre des poids plus ou moins lourds. Dans ce cas les deux facteurs qui agissent sur le comportement de la balance sont ceux de la distance et celui du poids. Le schème permettant de traiter sans difficulté ce genre de situations est lié à la construction de la pensée formelle et de la structure de groupe qui la caractérise (le groupe INRC).
schème opératoire (P)
Sortes d’organes d’assimilation et de transformation d’une réalité présente ou représentée, les schèmes opératoires sont composés d’un savoir-faire et d’un savoir lié à la construction des structures opératoires. Ainsi le schème opératoire de la sériation des longueurs est une méthode efficace consistant à rechercher le plus long des objets restants (jusqu’à épuisement de la collection d’objets à sérier), méthode que lenfant sait retrouver sans problème lorsqu’il a acquis la notion de relation asymétrique de longueur.
schème perceptif (P)
Un schème perceptif est une sorte d’organe sensori-moteur par lequel le sujet balaie un objet ou une situation qui s’offre à lui (pour l’être humain ce sera en général la vue ou le toucher). Un exemple est celui par lequel un sujet déplace son regard d’une partie d’un objet à une autre, ou palpe le contour de cet objet, de manière à le reconnaître.
schème préopératoire (P)
Les schèmes préopératoires sont des sortes d’organes cognitifs qui agissent sur le réel en l’organisant ou en le transformant, mais sans que ce résultat soit durablement incorporé au sein d’une structure de pensée assurant sa conservation opératoire dans le cadre d’une succession d’actions.
sciences cognitives (P)
La notion de sciences cognitives couvre l’ensemble des disciplines qui portent sur le fonctionnement de l’intelligence (et beaucoup plus généralement sur le traitement de toute information, de quelque niveau qu’elle soit), ainsi que celles qui portent sur les connaissances, alors entendues en un sens très général et parfois abusif. Sont considérées comme membres des sciences cognitives, en vrac, l’intelligence artificielle, la philosophie de l’esprit, l’épistémologie, la psychologie cognitive, génétique ou non, la linguistique, la biologie dite cognitive, l’immunologie, l’anthropologie culturelle, etc.
sédum (P)
Petites plantes à feuilles charnues qui croissent sur les vieux murs ou sur les rocailles.
sélection naturelle (P)
La sélection naturelle est, pour les biologistes darwiniens, le mécanisme central de l’évolution des espèces. Parmi les variations entre les organismes d’une espèce qui résultent des différences entre leurs systèmes génétiques, celles qui, toutes choses égales par ailleurs, augmentent la probabilité de reproduction du matériel héréditaire concerné, auront tendance à se généraliser au sein de la population, modifiant ainsi peu à peu les caractères de l’espèce.
série subjective (P)
La notion de série subjective a été proposée par Piaget dans son interprétation du développement du temps sensori-moteur chez le nourrisson, parallèlement à celle de groupe subjectif qu’il a utilisée pour caractériser un regroupement incomplet des actions de déplacement. Dans le cas des séries subjectives, le bébé ne tient pas compte de l’ordre objectif qui relie les événements extérieurs les uns aux autres et cherche à faire surgir ces événements directement de son action.
signal (P)
Du point de vue du sujet (ou de l’animal) auquel on fait acquérir un schème réflexe, le signal apparaît comme lié à ce qui va surgir ou simplement comme un stimulus usuel, assimilé à ce schème. En raison du caractère très élémentaire des comportements intervenant dans ces apprentissages, Piaget distingue le signal de l’indice au sens strict, qui, utilisé dès les premières conduites intelligentes, au quatrième stade du développement sensori-moteur, apparaît au sujet en tant que représentant d’une réalité non perçue, à laquelle cet indice est physiquement lié.
signe (P)
La notion de signe utilisée par Piaget se rapporte en partie à la conception du linguiste Ferdinand de Saussure qui distingue les signifiants arbitraires (ne comportant pas de rapport de similitude avec ce qu’ils représentent) des signifiants "motivés", et notamment, dans une certaine acception du terme en tout cas, des symboles, qui, eux, présentent un rapport de similitude ou d’analogie avec l’objet représenté. Conformément à cette distinction, Piaget tend donc à appeler signes les signifiants arbitraires.
signifiant (P)
Une phrase entendue, un mot lu, la balance de la justice, la trace laissée par un chamois dans la neige, la face visible d'un objet, etc., ces réalités sont des signifiants, c'est-à-dire des représentants d'une totalité à laquelle ils appartiennent (la face de l'objet pour l'objet tout entier), dont ils indiquent la présence passée (la trace dans la neige), qu'ils symbolisent (la balance pour la justice) ou qu'ils expriment ou constituent (le sens de la phrase exprimé par celle-ci). Une phrase, un mot, une trace, etc., ne sont des signifiants que parce qu'ils sont les parties co-déterminantes d'un rapport de signification qui met en jeu le signifiant, sa signification et le plus souvent une réalité visée par le sujet.
soma (P)
Mot latin, "soma" est le terme choisi par le biologiste allemand Weismann pour désigner le corps d’un organisme, à l’exception du matériel héréditaire que celui-ci comporte et que Weismann appelle le "germen".
spiritualisme (P)
Le spiritualisme est une doctrine philosophique selon laquelle le fondement de la réalité est l’esprit. La matière ne serait que la façon dont les réalités extérieures se présentent à la conscience des sujets. Piaget ne prend pas parti dans l’ancienne controverse opposant spiritualisme et matérialisme, ou plutôt il les renvoie dos à dos. L’objet qu’il étudie comprend à la fois des aspects qui vont dans le sens de l’ancien spiritualisme (les implications logico-mathématiques), et des propriétés allant dans le sens du matérialisme (les actions matérielles). Le relativisme critique et le constructivisme permettent de ne pas s’embarrasser d’une antinomie insoluble.
stade (P)
En psychologie génétique, il est convenu d’appeler stades les étapes de développement ou de construction d’une certaine notion ou d’une certaine compétence lorsque les trois conditions suivantes sont respectées : (1) chaque stade met en oeuvre une forme relativement stable de comportement ou de pensée pouvant être modélisée par une structure mathématique de complexité plus ou moins grande, (2) l’ordre de passage d’un stade à un autre se retrouve chez tous les sujets étudiés, et enfin (3) le passage d’un stade au suivant résulte en une intégration plus ou moins complète du dépassé dans le dépassant.
stade formel (P)
Le stade formel marque l’achèvement de la construction des structures logiques de la pensée chez l’enfant et l’adolescent. Il est caractérisé par une forme de pensée liée à la construction des opérations formelles et à l’utilisation de la pensée hypothético-déductive. Ces opérations et cette forme de pensée permettent au sujet de considérer des ensembles de possibles, et de se détacher ainsi de la considération directe, aux moyens des opérations et des notions logico-mathématiques concrètes, des objets sensibles, perçus ou représentés.
structure mathématique (P)
Par structure mathématique, il faut entendre les objets abstraits construits par les mathématiciens dès le milieu du dix-neuvième siècle environ. Ces structures sont, par exemple, les divers groupes exposés dans les traités modernes de mathématiques (groupe de l’addition des nombres, etc.). Contrairement au psychologue généticien, le mathématicien ne se préoccupe pas, en droit, des opérations de la pensée mathématique elle-même. Les opérations qu’il considère sont des objets supposés exister indépendamment de cette pensée.
structure opératoire (P)
“Structure opératoire” s’entend en deux sens liés l’un à l’autre. Il s’agit d’abord du groupement ou du groupe particulier d’opérations résultant d’un processus d’équilibration cognitive, au terme duquel sont regroupées des actions réelles ou de pensée appartenant à une même famille épistémologique (le temps, l’espace, le nombre, les propositions, etc.). Il s’agit ensuite des propriétés mathématiques qu’acquirent ces regroupements lorsqu’ils atteignent une composabilité interne qui explique les propriétés de stabilité et de réversibilité de la pensée logico-mathématique.
sujet épistémique (P)
Du point de vue de l’épistémologie génétique, la notion de sujet épistémique, très abstraite, caractérise cette part du fonctionnement cognitif – commune à tous les sujets d’un certain niveau de développement – constitutive des notions au moyen desquelles la réalité est organisée, transformée ou expliquée. Il est le centre du fonctionnement cognitif, ou plutôt le système cognitif dans sa totalité, abstraitement détaché des composantes non proprement cognitives de ce fonctionnement.
symbole (P)
La notion de symbole utilisée par Piaget se rapporte en partie à la conception du linguiste Ferdinand de Saussure distinguant les signifiants arbitraires (ne comportant pas de rapport de similitude avec ce qu’ils représentent) et les signifiants "motivés". Les symboles sont généralement considérés par Piaget comme des signifiants motivés, c’est-à-dire présentant un rapport de similitude ou d’analogie avec l’objet qu’ils représentent.
syncrétisme (P)
Après que Claparède ait utilisé la notion de syncrétisme pour caractériser la perception d’un jeune enfant, Piaget l’emploie à son tour dans ses premiers travaux pour décrire la pensée enfantine, et en particulier une forme de raisonnement dans laquelle les différentes propositions ne sont pas reliées par des opérations logiques, mais sont fusionnées au sein d’un schéma d’ensemble de telle sorte que le sens de chacune d’entre elles est perdu.
tableau sensoriel (P)
La langue ne disposant pas de terme pour désigner la notion primitive que le nourrisson a des "objets" ou des scènes qui l’entourent et qu’il assimile dans les premières semaines après sa naissance, Piaget a choisi d’utiliser à cet effet l’expression de "tableau sensoriel". Pour comprendre le sens de cette expression, il faut imaginer un monde sans consistance, composé d’apparitions et de disparitions successives, sans que ces apparitions et disparitions ne soient reliées au moyen de la notion commune d’objet.
tautologie (P)
La notion de tautologie couvre l’ensemble des opérations logiques ou des propositions, qui, en apparence, n’apportent aucune connaissance ou aucun objet logique nouveau. Par exemple l’addition de la classe des chevaux à la classe des chevaux, ou la classe des chiens à la classe des animaux ne produisent aucune nouvelle classe. En logique des propositions, les tautologies sont des propositions qui sont toujours vraies en raison de leur forme.
téléonomie (P)
Le terme de téléonomie a été proposé au milieu du vingtième siècle comme substitut à celui de finalité, que les savants contemporains hésitaient à utiliser en raison de ses usages passés et de son lien avec les doctrines finalistes de la réalité (les choses existent sous la forme qu’elles prennent, ou tout simplement sont, parce qu’un créateur l’a voulu).
topologique (P)
Un espace est dit topologique dans la mesure où ses propriétés, dont celle de voisinage, sont conservées lorsqu’on fait subir des déformations continues, sans cassure, à cet espace (un exemple classique et élémentaire est celui d’une surface élastique que l’on étire sans la déchirer, ou la chaussette que l’on retourne de telle sorte que sa surface apparemment extérieure devienne, toujours apparemment, "intérieure"). Ces espaces sont l’objet d’une branche particulière de la géométrie, la topologie.
transduction (P)
Forme de raisonnement que l'on trouve chez l'enfant de 2-4 dans lequel les notions d'individu et de classe, de partie et de tout, sont encore insuffisamment différenciées. La transduction se rattache à la pensée symbolique de l'enfant que Piaget rapproche de la pensée du rêve.
transitivité (P)
La transitivité est l’une des propriétés de base des groupements de relations symétriques aussi bien qu’asymétriques. La relation symétrique d’égalité numérique, ou encore la relation asymétrique de grandeur entre des baguettes possèdent par exemple cette propriété (par contre la relation d’amitié n’est pas transitive : les amis de nos amis peuvent, hélas, être nos ennemis). Parmi les nombreux résultats spectaculaires de la psychologie géntique, on trouve ce constat qu’un enfant ne maîtrise la propriété de transitivité propre à une relation que dans la mesure où il a construit les opérations correspondantes.
transport perceptif (P)
Le transport perceptif est l’activité qui permet aux sujets d’estimer la grandeur spatiale d’un objet ou d’une partie d’une scène par rapport à un autre objet ou une autre partie en mettant en rapport les activités d’accommodation permettant de cerner les contours respectifs des deux objets, ou des deux parties de la scène.
universalité (P)
En épistémologie, l’universalité est cette propriété de certaines connaissances d’être valables pour tout sujet connaissant de même niveau cognitif et, simultanément, de viser dans la réalité perçue ou conçue par le sujet non pas les particularités de cette réalité (par exemple tel tronc emporté dans la mer par un fleuve), mais ce en quoi celle-ci exemplifie une propriété de portée universelle (jamais un tronc ne remonte à la source d’un fleuve). Sous ce deuxième aspect, la notion épistémologique d’universalité se confond avec la notion logique. En logique en effet, l’universalité se dit d’un prédicat ou d’une proposition qui s’applique à tous les individus d’une classe logique (par exemple, la propriété d’être divisible par deux, qui s’applique à tous les nombres pairs).
variation fluctuante (P)
Les notions de variation fluctuante et de variation héréditaire appartiennent au vocabulaire de la biologie du début du vingtième siècle et concernent les formes ou les propriétés observables que les organismes prennent lors de leur développement individuel. Les variations fluctuantes sont celles qui dépendent non seulement du patrimoine héréditaire des individus mais également des circonstances dans lesquelles ceux-ci sont placés.
variation héréditaire (P)
Les notions de variation fluctuante et de variation héréditaire appartiennent au vocabulaire de la biologie du début du vingtième siècle et concernent les formes ou les propriétés observables que les organismes prennent lors de leur développement individuel. Par variation héréditaire, les biologistes entendaient alors les caractères des organismes entièremement déterminés par leur patrimoine héréditaire (la couleur des souris, par exemple), et ne résultant pas d’une adaptation des individus aux changements du milieu extérieur.
vicariant (P)
La vicariance est une notion appartenant au départ à la physiologie. Un organe est dit vicariant lorsqu’il peut suppléer au fonctionnement d’autres organes. Piaget a repris ce terme pour caractériser la substitution possible d’opérations logiques permettant d’aboutir à un résultat identique. Par exemple la substitution de l’addition des chinois et des non-chinois à l’addition des français et des non-français est une vicariance. L’examen de ces substitutions ou de ces vicariances, telles qu’elles interviennent par exemple dans le cadre de la classification naturelle des êtres vivants, ont conduit Piaget à y discerner la présence (et l’action!) d’un groupement.
vitalisme (P)
Le vitalisme est une doctrine qui consiste à admettre au sein de la vie la présence d’une force ou d’un principe spécial (le "principe vital") qui expliquerait les propriétés et les formes spéciales que manifestent les organismes vivants par rapport aux êtres inanimés. L’évolution des sciences a en partie confirmé l’opposition des vitalistes face aux biologistes matérialistes qui, eux, étaient convaincus que les lois du mécanisme physique suffisaient à expliquer cette origine.