Pourquoi parler de néo-colonialisme ?

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La réponse de Marguerite A. Peeters

Marguerite A. Peeters suit les évolutions au niveau de la gouvernance mondiale depuis 1994. Elle est l’auteur de 300 dossiers détaillés sur les normes, le langage, l’éthique et les stratégies des institutions internationales et de leurs partenaires depuis la chute du mur de Berlin. Elle dirige Dialogue Dynamics, un institut spécialisé dans ces questions. Elle enseigne un cours sur l’éthique de la gouvernance mondiale dans une perspective de discernement chrétien en diverses institutions. Elle est consulteur du Conseil Pontifical de la Culture et du Conseil Pontifical pour les Laïcs.

Ses livres[modifier]

La nouvelle éthique mondiale. Défis pour l’Eglise (Dialogue Dynamics, 2006)

La mondialisation de la révolution culturelle occidentale (Dialogue Dynamics, 2011)

Le gender, une norme mondiale ? Pour un discernement. Préface du Cardinal Robert Sarah. (Mame, 2013)

Vingt ans de santé et de droits sexuels et reproductifs en Afrique : défis pour l’Eglise (Dialogue Dynamics, 2014)

Le citoyen et la personne. Rébellion et réconciliation (Dialogue Dynamics, 2014)

Pour commander les livres, écrire à : admin@dialoguedynamics.com


Sommaire


Pourquoi parler de néo-colonialisme ?[modifier]

L’imposition agressive et efficace de normes politiques et culturelles inspirées de la révolution sexuelle occidentale aux pays en voie de développement est une préoccupation croissante. Elle menace de produire dans ces pays les mêmes effets qu’en Occident : sécularisation des cultures et perte de la foi.

1.[modifier]

Les derniers papes ont dénoncé le néo-colonialisme qui exporte mondialement les « déchets toxiques spirituels » d’un Occident décadent et s’attaque particulièrement au mariage, à la famille, à la vie et à la morale chrétienne.

« Des colonisations idéologiques, qui viennent du dehors » (Pape François).[modifier]

Dans son discours aux familles prononcé à Manille le 16 janvier 2015, le pape François fait six fois allusion aux « colonisations idéologiques » venant « du dehors » et qui cherchent à « détruire la famille » : « de même que nos peuples, à un moment de leur histoire sont parvenus à maturité pour dire ‘non’ à toute colonisation politique, nous devons comme famille être très très clairvoyants, très habiles et très forts pour dire ‘non’ à toute tentative de colonisation idéologique de la famille ».

« Des efforts croissants de certains pour redéfinir l’institution même du mariage à travers le relativisme, la culture de l’éphémère et un manque d’ouverture à la vie ».[modifier]

François se réfère au « matérialisme » et « styles de vie qui détruisent la vie familiale et les exigences les plus fondamentales de la morale chrétienne ». Mais il fait aussi référence aux « efforts croissants de certains pour redéfinir l’institution même du mariage à travers le relativisme, la culture de l’éphémère et un manque d’ouverture à la vie ». Si les styles de vie hédonistes de l’Occident surfent sur la vague puissante de la mondialisation et échouent aujourd’hui sur les plages de tous les continents, il existe également un projet néo-colonialiste mondial, de nature politique et juridique.

« Le monde occidental exporte ses déchets toxiques spirituels » (Benoit XVI).[modifier]

Benoît XVI, dans son homélie au cours de la messe d’ouverture du second synode pour l’Afrique le 5 octobre 2009, affirmait : « Le colonialisme qui est révolu sur le plan politique, n’a jamais vraiment pris fin ». Autrement dit, l’esprit colonialiste perdure malgré la décolonisation censée permettre aux peuples de se gouverner eux-mêmes. Benoît XVI notait avec grande douleur que « le monde occidental » exporte « ses déchets toxiques spirituels » en Afrique, menaçant la santé de cet « immense poumon spirituel pour une humanité en crise de foi et d’espérance ».

« Une conspiration contre la vie, qui ne concerne pas uniquement les personnes mais va jusqu’à ébranler et déformer les relations entre les peuples et entre les États » (Jean-Paul II).[modifier]

C’est saint Jean-Paul II qui a été le plus explicite et vigoureux dans sa dénonciation du néo-colonialisme. C’est en effet sous son pontificat qu’ont eu lieu les conférences onusiennes du Caire (1994) et de Pékin (1995), qui ont transformé en normes politiques et culturelles mondiales les objectifs de la révolution culturelle occidentale. Dans son encyclique Evangelium Vitae, publiée six mois après le Caire, il fait allusion au déchaînement d’une « sorte de ‘conspiration contre la vie’ » qui « ne concerne pas uniquement les personnes dans leurs rapports individuels, familiaux ou de groupe, mais… va bien au-delà, jusqu’à ébranler et déformer, au niveau mondial, les relations entre les peuples et entre les États » (EV 12).

« Les menaces contre la vie ne faiblissent pas avec le temps. Au contraire, elles prennent des dimensions énormes » (Jean-Paul II).[modifier]

Et ce ne sont « pas seulement des menaces venues de l’extérieur, des forces de la nature ou des ‘Caïn’ qui assassinent des ‘Abel’ ; non, ce sont des menaces programmées de manière scientifique et systématique ». La « conjuration contre la vie », dit-il, se fait parfois « au nom de la solidarité ». Elle implique « des institutions internationales, attachées à encourager et à programmer de véritables campagnes pour diffuser la contraception, la stérilisation et l’avortement ».

Les médias en sont « souvent complices ».[modifier]

« Ils répandent dans l’opinion publique un état d’esprit qui présente le recours à la contraception, à la stérilisation, à l’avortement et même à l’euthanasie comme un signe de progrès et une conquête de la liberté, tandis qu’ils dépeingnent comme des ennemis de la liberté et du progrès les positions inconditionnelles en faveur de la vie » (EV 17). Depuis Evangelium Vitae, le processus décrit par Jean-Paul II a acquis une ampleur combien plus dramatique.

2.[modifier]

Avocate et acteur-clef de la décolonisation depuis son origine, l’ONU s’est paradoxalement transformée au fil des dernières décennies en centre névralgique d’un puissant mouvement néo-colonisateur.

La colonisation a eu des côtés négatifs, mais pas seulement.[modifier]

Les motivations des empires coloniaux qui se sont constitués depuis la fin du 19ème siècle étaient très mélangées. Elles n’étaient pas dépourvues d’intérêts égoïstes, notamment l’exploitation des ressources pour une population européenne alors en pleine croissance. La colonisation donnait aux états colonisateurs un droit de souveraineté sur les territoires. Elle s’est souvent faite dans la violence et a généralement été marquée par un paternalisme destructeur du développement des cultures indigènes. Cependant elle a aussi permis aux missionnaires, souvent héroïques, d’apporter le Christ à ces populations qui l’attendaient dans leur cœur sans le savoir.

L’ONU s’est rapidement engagée en faveur de la décolonisation.[modifier]

A sa création en 1945, l’ONU comptait parmi ses 51 membres fondateurs plusieurs pays à la tête d’empires coloniaux (dont le Royaume-Uni, la France, la Belgique, les Pays-Bas et les Etats-Unis). Cependant, l’article 1 de la Charte des Nations-Unies affirmait le « principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes ». L’ONU s’est rapidement engagée en faveur de la décolonisation. Le 16 décembre 1952, l’organisation naissante adopta une résolution sur la décolonisation dont voici le texte : « Les états membres de l’Organisation doivent reconnaître et favoriser la réalisation, en ce qui concerne les populations des territoires sous tutelle placés sous leur administration, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et doivent faciliter l’exercice de ce droit aux peuples de ces territoires, compte tenu des principes et de l’esprit de la charte des Nations Unies en ce qui concerne chaque territoire et de la volonté librement exprimée des populations intéressées, la volonté de la population étant déterminée par voie de plébiscite ou par d’autres moyens démocratiques, reconnus, de préférence sous l’égide des Nations Unies. »

Le grand tournant de la décolonisation s’est produit dans les années 1956-60.[modifier]

Le 14 décembre 1960, l’Assemblée Générale de l’ONU adopte une autre résolution: sa Déclaration sur l’Octroi de l’Indépendance aux Pays et aux Peuples Coloniaux (Rés. 1514). En 1961, elle crée un Comité Spécial de la Décolonisation chargé de faire appliquer cette déclaration. Nous sommes, jusqu’en 2020, dans la troisième décennie internationale de l’élimination du colonialisme. Cette décennie vise à l’indépendance des 17 territoires non autonomes existant encore dans le monde et représentant environ 2 millions de personnes.

Formellement et à très juste titre, l’ONU combat donc le colonialisme, contraire au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.[modifier]

Il est à noter que la décolonisation s’est opérée dans le cadre démocratique dont les colonisateurs avaient posé les fondements. L’ONU a interprété la « libre détermination » à la lumière des valeurs démocratiques occidentales, jugées universelles. Elle continue aujourd’hui à promouvoir la « démocratisation » des pays en voie de développement.

Mais les pays indépendants depuis la décolonisation sont de plus en plus soumis à des normes onusiennes véhiculant des points de vue occidentaux.[modifier]

L’accession à l’indépendance a été suivie, généralement très rapidement, de l’admission des anciennes colonies comme états-membres de l’ONU. Ces nations se sont alors ouvertes à une perspective nouvelle, multilatérale, permettant de riches échanges avec les autres états-membres de l’ONU. Elles devaient en principe jouir d’une « égalité souveraine » par rapport aux autres états, quelle que soit leur taille : leurs cultures, leurs traditions, la volonté de leurs peuples devaient être écoutées, prises en compte et respectées. Mais ces pays ont été soumis, dans une mesure croissante au fil des décennies, à l’influence des politiques et normes onusiennes véhiculant le point de vue d’experts occidentaux éloigné du développement humain intégral dont parle la doctrine sociale de l’Eglise. L’accès au multilatéralisme s’est souvent payé en conditions d’aide au développement, notamment en matière de contrôle démographique.

3.[modifier]

Précisément depuis que l’ONU défend l’auto-détermination au nom des droits de l’homme, de la démocratie, de l’égalité et de la liberté, ces valeurs universelles ont subi le choc d’une révolution culturelle extrêmement violente en Occident. La démocratie et ses valeurs se sont corrompues de l’intérieur. Les pays soumis à la pression de « se démocratiser » en ont souffert les conséquences : « démocratisation » en est venue à signifier en pratique « alignement sur la réinterprétation révolutionnaire des valeurs démocratiques ».

C’est au nom de la démocratie qu’on impose une conception idéologique de la liberté.[modifier]

Nous constatons qu’aujourd’hui, c’est au nom de la démocratie, de l’égalité et de la liberté citoyennes qu’on impose, en Occident comme ailleurs, le droit à l’identité de genre, à l’euthanasie, le droit des enfants à avoir des opinions divergentes de celles de leurs parents, dans la prolongation direction des revendications ayant acquis droit de cité au cours des décennies précédentes : droit à l’amour libre, la contraception, l’avortement, la fertilisation in vitro etc.

Le paradoxe est très insuffisamment perçu : la néo-colonisation est cachée car elle s’opère dans un cadre « démocratique ».[modifier]

Par opposition à la colonisation, qui était visible et formelle, officielle, la néo-colonisation est difficile à identifier car elle s’opère au nom de la liberté, de l’égalité, des droits, de la démocratie, de l’auto-détermination et de la non-discrimination, que la révolution a réinterprétées et prises en otage.

La grande décennie de la décolonisation a coïncidé avec l’accélération de la révolution culturelle en Occident.[modifier]

« Libre détermination » devrait pouvoir signifier organisation de la vie socioéconomique, culturelle, civile et politique selon la volonté des peuples, leurs cultures, valeurs, traditions et foi. Or il est un fait historique que la grande décennie de décolonisation (1957-67) ait coïncidé avec l’accélération de la révolution culturelle d’Occident, et que celle-ci ait radicalement réinterprété les valeurs démocratiques de liberté et d’égalité. En mai 68 éclate ce qu’on a appelé la « révolte de la jeunesse ». Elle fait virer la culture vers des thèmes tels que la mort du père, l’interdiction d’interdire, le rejet de l’autorité sous toutes ses formes (institutionnelle, paternelle, morale, religieuse), l’amour libre, la « libération de la femme » et son « droit de choisir », l’autonomisation absolue de l’individu, l’absolutisation du plaisir. La révolution a porté des fruits amers, dont la crise de l’institution du mariage, l’augmentation des infidélités conjugales et divorces, les blessures de l’avortement et des relations maritales brisées, la désorientation des jeunes. Par ailleurs, la révolution culturelle a fait faire à la sécularisation occidentale un grand bond en avant.

La pilule contraceptive a été commercialisée en Occident à partir de 1960.[modifier]

Les moyens de contraception modernes ont offert aux agents de la révolution sexuelle occidentale d’une part, et d’autre part aux institutions prônant le contrôle démographique des pays en voie de développement (à des fins égoïstes, sécuritaires, des pays occidentaux), les moyens techniques de réaliser leurs objectifs. Des ONGs motivées par ce double objectif (dont l’IPPF, le Planning Familial International, est la plus puissante) ont alors établi une collaboration opérationnelle avec l’ONU. Sous l’influence de l’IPPF, la planification familiale à travers la contraception devient un droit à la première conférence de l’ONU sur les droits de l’homme en 1968 à Téhéran. Le Fonds des Nations-Unies pour les Activités de Population (FNUAP) est créé en 1969 et partage l’orientation idéologique de l’IPPF.

Le « droit à l’amour libre » est destructeur du mariage et de la famille.[modifier]

Notons que la conférence de Téhéran octroie ce droit aux « parents ». Six ans plus tard à la première conférence de l’ONU sur la population à Bucarest de 1974, ce droit est attribué, non plus aux parents, mais aux « couples et individus ». Il se transforme, autrement dit, en droit à l’amour libre. Dès lors, le mot « parents » ne sera plus associé à ce droit dans le langage des Nations-Unies. De fait, la conférence sur la population qui s’est tenue au Caire en 1994 parle de santé et de droits sexuels et reproductifs pour les couples et individus, c’est-à-dire en dehors du cadre du mariage et de la famille. Rien de plus destructeur du sens de la communauté, de la famille, de la vie, de la maternité propre aux pays en voie de développement ! Depuis 74, l’objectif de contrôle démographique a été intégré à l’intérieur des politiques de santé et de promotion des droits de l’homme à destination des pays en voie de développement.

4.[modifier]

A la fin de la guerre froide, l’ONU a transformé les objectifs de la révolution culturelle d’Occident en normes politiques et culturelles mondiales. De 1990 à 96, l’ONU a organisé neuf grandes conférences internationales au cours desquelles les nouvelles « normes » furent adoptées. Elles portent des noms bien connus : santé et droits sexuels et reproductifs (ou génésiques), perspective du genre, déconstruction des stéréotypes (féminin, masculin, maternel, paternel, familial…), promotion d’un « nouveau paradigme » de la famille (« familles sous toutes ses formes » ou « diversité des familles ») etc.

C’est à la conférence du Caire de 1994, qui a tant fait souffrir saint Jean-Paul II, que fut adopté le concept normatif de santé et droits reproductifs.[modifier]

L’objectif principal du Caire était d’en assurer, endéans 2015, un accès universel. La santé et les droits reproductifs comportent notamment un « accès universel » à la « gamme complète » des contraceptifs, y compris à la « contraception d’urgence » ; une « éducation sexuelle complète », purement technique : non seulement amorale, mais immorale dans son contenu ; la prévention du SIDA à travers une telle « éducation sexuelle » et l’accès aux préservatifs ; la stérilisation, pour autant qu’elle soit volontaire ; la fertilisation in vitro ; l’« avortement sans risques », ainsi que le nomme le jargon mondial, là où il est légal – le raisonnement étant que, pour être « sans risques », il doit être légal : d’où la pression que les agents des SDSR exerce sur les gouvernements des pays en voie de développement pour légaliser l’avortement.

L’éthique des droits reproductifs et sexuels permet – ou plutôt « célèbre » - toutes sortes de relations sexuelles consensuelles, quel que soit l’âge (à partir de la puberté), le statut marital, le sexe et le genre.[modifier]

Les états-membres de l’ONU sont censés « s’approprier » les normes mondiales et les « internaliser ». Alors qu’elle se prétend « sensible aux cultures », la gouvernance mondiale (ONU, autres organisations internationales et supranationales, ONGs, Fondations, « experts » et autres « partenaires ») impose aux pays en transition et aux pays en voie de développement mentalités, styles de vie, contenus éducatifs, pratiques sanitaires, politiques et lois inspirés de la révolution sexuelle et culturelle occidentale. Cette imposition est à la fois socioculturelle, politique et juridique.

5.[modifier]

Depuis les années 1990, l’ONU se présente de plus en plus comme une organisation, non plus internationale (ce qu’elle est par mandat), mais mondiale. Cette qualification, auto-proclamée, est abusive. Elle représente de graves menaces au respect de la souveraineté des nations, un principe de la Charte des Nations-Unies, et à la subsidiarité. Elle est d’autant plus dangereuse que le contenu des normes dites mondiales est aujourd’hui souvent contraire à l’esprit de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, qui reconnaît la famille, fondée sur le mariage entre un homme et une femme, comme cellule de base de la société, et promeut la liberté de religion.

La néo colonisation, mondialiste, part de l’Occident.[modifier]

Contrairement à la première colonisation qui ne concernait que certains territoires majoritairement de l’hémisphère sud, la néo-colonisation s’adresse à tous les pays du monde : elle est mondialiste. Mais elle part d’Occident, où s’est développé son contenu mortifère et d’où proviennent ses agents politiques et financiers.

Un vol de souveraineté au profit d’une instance de gouvernance mondiale.=[modifier]

Parmi les 193 actuels états-membres de l’ONU, plus de 80 sont d’anciennes colonies. Un effet de la décolonisation a été de renforcer l’ONU comme organisation internationale. Le renforcement s’est poursuivi après la chute du mur de Berlin, lorsque les anciennes républiques soviétiques et pays satellites ont rejoint l’organisation. Ce n’est pas parce que les membres de l’ONU représentent aujourd’hui la quasi-totalité des pays du monde que l’on doive voler aux états leur souveraineté en transférant leur pouvoir à une instance de gouvernance mondiale.

Nous trouvons dans le langage onusien quantité d’expressions utilisant l’adjectif « mondial ».[modifier]

Par exemple des expressions comme : « sécurité mondiale », « politiques mondiales », « crises mondiales », « gouvernance mondiale », « cadre normatif mondial », « santé mondiale », « éducation mondiale » et ainsi de suite : pratiquement tous les thèmes traditionnels de la coopération internationale sont devenus mondiaux. La tendance est d’utiliser l’expression « éthique mondiale » à la place de « valeurs universelles ».

« Mondial » est un terme imprécis et vague : il confère aux experts de l’ONU un pouvoir normatif et éthique qui appartient d’abord aux peuples et à leurs gouvernements.=[modifier]

Seuls les techniciens de la gouvernance mondiale seraient en mesure d’élaborer des « solutions mondiales » à des « problèmes mondiaux » : telle est la logique du raisonnement des organisations internationales - logique malheureusement suivie sans discernement par bon nombre de peuples et gouvernements. Ainsi l’Organisation Mondiale de la Santé, qui publie en outre des manuels techniques pour faciliter l’accès à l’avortement « dans de bonnes conditions sanitaires », se considère aujourd’hui « mondialement normative » en matière de santé publique, et l’UNESCO, qui produit des manuels de formation en matière de « genre », « mondialement normative » dans le domaine de l’éducation, par exemple.

Le risque de substitution d’une éthique ouverte à la transcendance par une éthique purement laïque.[modifier]

Un autre danger du mondialisme éthique de la gouvernance mondiale est de substituer une éthique ouverte à la transcendance, à la loi que Dieu a inscrite dans le cœur de tous les hommes (qui est encore dans une large mesure l’éthique de certains peuples et cultures non-occidentaux) par une éthique purement laïque, horizontale, devenue aujourd’hui laïciste (qui est celle de l’Occident dans son état actuel et des organisations internationales, en pratique encore dirigées par l’Occident).

6.[modifier]

Depuis la conférence du Caire, la plupart des pays en voie de développement ont permis à leurs politiques de développement social, de santé et d’éducation – et fréquemment aussi à leurs lois, d’être infectés, du moins jusqu’à un certain point, par les composantes radicales de la santé reproductive. Dans la mesure où ils l’ont fait, ils ont vendu leur souveraineté et leur indépendance à une minorité étrangère au pouvoir de la gouvernance mondiale. Les agents de la santé et des droits reproductifs ont avancé en Afrique avec une détermination implacable. Rien ne saurait être plus contraire à l’âme africaine que des politiques et lois s’attaquant à la maternité, la vie et la famille.

De fortes pressions politiques et financières pour faire adopter des plans d’action destructeurs de la famille.[modifier]

En janvier 2006 (quatre ans seulement après le lancement de l’Union Africaine), les chefs d’états et de gouvernements africains, sous forte pression politique et financière, ont adopté le Cadre d’Orientation Continental pour la Promotion de la Santé et des Droits Sexuels et Reproductifs (2007-2010). Le « cadre d’orientation » - notons au passage les implications normatives de cette expression – a été développé par la Commission de l’Union Africaine en collaboration avec le FNUAP, le bureau régional africain de l’International Planned Parenthood Federation « et d’autres partenaires de développement » de la gouvernance mondiale. Pour mettre en œuvre ce « cadre », la Commission de l’Union Africaine a produit le Plan d’Action de Maputo. Le plan d’action vise notamment à intégrer les services de santé reproductive dans les soins de santé primaire, à mettre l’accès à la contraception moderne au centre des programmes de développement et des programmes d’autonomisation des jeunes et de la femme, et à former les « prestataires de services en soins d’avortements sans risques dans les pays où la loi l’autorise ». Le plan d’action de Maputo a été remplacé par la Campagne pour l’Accélération de la Réduction de la Mortalité Maternelle, Néonatale et Infantile en Afrique (CARMMA). L’accès aux contraceptifs, considéré comme l’un des chemins obligés principaux pour réduire la mortalité maternelle, est l’une des priorités de CARMMA.

Manipulés et achetés, les gouvernements africains élaborent des politiques, et parfois des lois, en faveur de la santé et des droits reproductifs.[modifier]

La manifestation la plus récente de compromissions de l’Union Africaine avec le programme d’action de la santé et des droits reproductifs est la Déclaration d’Addis-Abeba sur la Population et le Développement en Afrique après 2014, adoptée en octobre 2013. S’appuyant sur les « acquis » du Plan d’Action de Maputo et de CARMMA, la Déclaration d’Addis-Abeba est plus agressive. La section de la déclaration relative à la santé commence par l’affirmation des ministres africains que « les droits sexuels et reproductifs sont non seulement essentiels à la réalisation de la justice sociale, mais aussi au cœur de la réalisation des engagements pris à l’échelle mondiale, régionale et nationale en vue du développement durable. » Les ministres notent « l’accès limité à des services complets de soins de santé, dont les services en matière de santé sexuelle et reproductive » et le fait que « le taux moyen de prévalence des méthodes de contraception moderne en Afrique est le plus faible du monde, toutes régions considérées, et que les besoins de planification familiale insatisfaits sont les plus élevés ». Ils déclarent s’engager à rapidement mettre en œuvre le programme d’action du Caire dans son intégralité. Les gouvernements africains s’engagent non seulement à élaborer des politiques en faveur de la santé reproductive, mais aussi des lois – un « engagement » agencé par les avocats du « droit à l’avortement » pour tenter de les forcer à légaliser l’avortement. L’emphase mise sur les jeunes et l’« éducation sexuelle » est particulièrement préoccupante, considérant les désastres qu’une telle « éducation sexuelle » a produits en Occident depuis les années 1960s.

Sous la pression, tous les pays africains à l’exception du Tchad ont adopté la Déclaration d’Addis-Abeba.[modifier]

Ils montrent ainsi qu’ils ont déjà cédé aux pressions extérieures en faveur de la contraception, de la « pilule du lendemain », de la notion d’« avortement sans risques », d’une éducation sexuelle technique de style occidental et d’autres programmes d’action idéologiques provenant des leaders de la révolution sexuelle mondiale.
Les pressions auxquelles l’Afrique est soumise pour qu’elle s’aligne sur la perspective du lobby contraceptif et abortif transnational sont d’ordre à la fois culturel, politique, financier, économique et juridique. Le Protocole de Maputo à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples Relatif aux Droits des Femmes en Afrique est l’outil juridique - donc contraignant, en principe - de l’imposition.

Le Protocole de Maputo est le premier traité international (pour le continent africain) à reconnaître l’avortement comme un droit humain des femmes.[modifier]

Il a été adopté en 2003 au second sommet de l’Union Africaine sous la pression de plusieurs lobbys internationaux d’origine occidentale, dont principalement Equality Now. Le Protocole contient un article entier dédié au « droit à la santé et au contrôle des fonctions de reproduction » : l’article 14, qui promeut le droit à la contraception et au préservatif, à l’éducation sexuelle, et à « l’avortement médicalisé, en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère et du fœtus. »

En moins de dix ans, ce Protocole de Maputo de 2003 a été signé par presque tous les états africains (48 sur 54) et ratifié par 36 états.[modifier]

En théorie, les 36 pays ayant ratifié le protocole sont obligés d’aligner leurs politiques et leurs lois sur ses articles, et donc notamment de légaliser l’avortement (ce que la plupart des pays africains n’ont pas fait à ce jour).

Les lobbys internationaux ont apporté leur « aide technique » à la rédaction du Protocole et veillent agressivement à sa mise en oeuvre.[modifier]

Ils ont manipulé les gouvernements afin qu’ils le signent et le ratifient, et exercent désormais pression sur eux pour qu’ils l’appliquent en changeant leurs politiques et leurs lois. Leur objectif est de lier juridiquement les gouvernements africains le plus rapidement et vigoureusement possible et de les mettre ainsi sous leur contrôle idéologique.
C’est dans cette perspective qu’ils ont récemment exercé leur influence au niveau de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Cette Commision représente l’« organe de surveillance » de l’application des traités et protocoles de l’Union Africaine par les Etats-parties. Elle a adopté en mai 2014 des Observations Générales sur l’article 14 du Protocole de Maputo, qui traite des droits reproductifs : Observations Générales N°2 sur l’Article 14.1 (a), (b), (c) et (f) et l’Article 14.2 (a) et (c) du Protocole de Maputo. Ces observations, rédigées avec l’appui technique de la branche africaine d’un lobby américain, Ipas, sont un outil de pression juridique sur les états ; elles sont juridiquement normatives. Les Etats-parties du Protocole sont tenus de s’en servir pour rédiger leur rapport périodique à la Commission - rapport dans lequel ils sont censés rendre compte des mesures législatives prises en faveur de la perspective du genre et de la santé et des droits reproductifs.

Un Protocole clairement néo-colonialiste.[modifier]

Selon les observations, la ratification du Protocole engagerait juridiquement les Etats-parties à : légaliser ou dépénaliser l’avortement médicalisé, ou relire les lois restrictives pour les élargir ; procurer un « accès universel » à la « gamme complète » des contraceptifs modernes ; assurer aux femmes le droit de remettre en question ou de faire abstraction des croyances, traditions, valeurs et pratiques culturelles ou religieuses (24) ; « élaborer un plan national de santé publique, comportant des services complets de santé sexuelle et reproductive, des protocoles, directives et normes conformes aux normes probantes actuelles établies par l’OMS » (30) ; appuyer « l’autonomisation des femmes, la sensibilisation et l’éducation des communautés, des chefs religieux, des chefs traditionnels et des leaders politiques sur les droits sexuels et reproductifs des femmes » (44) ; garantir la fourniture d’une information complète et d’une éducation sexuelle aux adolescentes (51) ; intégrer la santé reproductive dans les programmes scolaires (52), et les droits sexuels et reproductifs dans les cours d’éducation civique (60) ; « affecter des ressources financières adéquates » à la santé reproductive, etc.

La pression est également maximale sur les pays seulement signataires, afin qu’ils passent à la ratification, et sur tous les pays, qu’ils aient ou non ratifié le Protocole, afin qu’ils dépénalisent ou légalisent l’avortement médicalisé.[modifier]

Les agents de la santé reproductive et de la perspective du genre ont pour stratégie de présenter les initiatives politiques et juridiques que nous venons de décrire comme « impulsées par les pays ».
Cette expression évoque la notion d’auto-détermination, mais la gouvernance mondiale lui donne un autre sens : les gouvernements nationaux, une fois devenus « propriétaires » du programme d’action de la gouvernance mondiale (formulé dans ce cas par des idéologues), l’ayant « internalisé », le mettent en œuvre au niveau national. Du début à la fin du processus, l’initiative est prise, non par les gouvernements nationaux et les peuples qu’ils sont mandatés de servir, mais par les néo-colonisateurs.

7.[modifier]

Pour la première fois dans l’histoire de l’Eglise, la constitution pastorale Gaudium et Spes, dans le contexte de décolonisation du début des années 1960s, met en lumière « les richesses des diverses cultures » (54) et le « génie propre de chaque peuple » (56). La vocation spécifique de chaque peuple, les dons que Dieu a fait à chacun sont aujourd’hui appelés, en ce temps de mondialisation, à bénéficier à tous, dans un fructueux « échange des dons ». Cette perspective ouvre un immense champ d’action.

La néo-colonisation non seulement stérilise les cultures, mais détruit la foi apportée par les missionnaires.[modifier]

Elle avance très rapidement, atteignant en priorité les jeunes séduits par les styles de vie occidentaux ; la culture est alors irréversiblement atteinte. Mais la néo-colonisation n’est pas une alternative viable.

Nous sommes invités à nous identifier au grand esprit décolonisateur de l’Église depuis le Concile.[modifier]

Lors de la canonisation des martyrs de l’Ouganda à Kampala le 31 juillet 1969, Paul VI a lancé cette invitation prophétique aux africains : « Africains, soyez missionnaires de vous-mêmes ! »

L’esprit colonialiste imprègne encore, inconsciemment mais plus fortement qu’on ne veut l’admettre, les mentalités occidentales.[modifier]

Que de travail il reste à faire pour s’ouvrir sincèrement aux dons spécifiques des cultures non-occidentales ! Ces dons sont aujourd’hui prophétiques.
Pensons par exemple à la place accordée à l’amour dans l’organisation politique traditionnelle africaine, au sens du partage, de la gratuité et de la communauté humaine, de la parole et de l’écoute, de la réalité et de la matière, de l’identité filiale de la personne humaine et de la fraternité humaine universelle, à la célébration de la maternité, à la joie de vivre, à l’amour des enfants et au respect des personnes âgées que l’on rencontre dans les cultures africaines !

Le « modèle occidental » s’est voulu universel mais il a exclu Dieu, le père, l’amour, la personne, une fraternité filiale dès la fondation de la démocratie moderne au 18ème siècle.[modifier]

Les peuples non-occidentaux peuvent aider les sociétés occidentales à se remettre en marche vers la personne : vers la civilisation de l’amour.


commentaires postés[modifier]

Jean-Paul Tagheu 03/07/2018 07:03[modifier]

Merci beaucoup, Madame, pour le combat de la vérité et de l'amour que vous menez pour l'humanité.

Marie-Colette 21/04/2018 22:05[modifier]

Bonjour ! pouvez-vous donner des exemples ? j'ai vécu, travaillé au Burkina Faso pendant 15 ans , et je comprends vos thèses ! c'est un sujet qui mérite réflexion, ouverture.... quand plus de temps, je lirai les passages- suite En savoir + merci !