QAnon
QAnon : origine et essor d’un nouveau culte[modifier]
L’irruption dans le Capitole, le 6 janvier, de dizaines de manifestants trumpistes a mis sur le devant de la scène un phénomène de société, tout aussi inquiétant que révélateur. De nombreux émeutiers arboraient la lettre Q sur leurs pancartes ou blousons. Sur internet, un mystérieux « Q » annonçait la victoire finale sur le « système », le renversement des corrompus de « l’État profond » par le peuple clairvoyant, et un sauveur de circonstance : Donald Trump. Ce 6 janvier serait le jour d’un « réveil démocratique ». Qu’est-ce donc que QAnon (combinaison de la majuscule Q et des premières lettres de Anonymous) ? En juin 2020, la journaliste américaine Adrienne LaFrance publiait une étude approfondie sur ce mouvement, dans le magazine libéral « The Atlantic » (en lien ci-dessous).
Sommaire
Genèse[modifier]
Le 4 décembre 2016, Edgar Welch, père de famille engagé dans sa communauté protestante évangéliste locale, entre dans une pizzéria de Washington, armé jusqu’aux dents. Il force l’ouverture d’une porte de service. Il est décontenancé : il s’agit d’un local informatique et non d’un escalier menant à la cave où des enfants sont torturés et abusés par un gang mené par le propriétaire des lieux et Hillary Clinton elle-même. Cette idée folle trouvee son origine dans la fuite d’emails d’un membre de l’équipe de campagne de Clinton rendus publics par Wikileaks deux mois auparavant. Certains messages concernaient des récoltes de fonds dans ce restaurant populaire. Très rapidement, venant des tréfonds obscurs d’internet, relayés via Twitter et YouTube, ce délire prit de l’ampleur et convainquit Edgar Welch d’intervenir. Se rendant compte de son erreur, il se livre à la police. Il sera condamné à 4 ans de prison.
Révélations[modifier]
Le 28 octobre 2017, un certain « Q » apparaît sur le forum 4chan. Il annonce l’arrestation le 30 octobre d’Hillary Clinton et une violente insurrection. Rien ne se passe mais « Q » continue ses prédictions en utilisant des formules énigmatiques. Entre les lignes, il se donne un profil d’agent de renseignement, la lettre Q étant liée à un niveau d’accès confidentiel. « Q » est un initié, il SAIT, et a besoin de l’aide des patriotes pour le « Grand Réveil ». Il s’agit de rejeter les institutions, d’ignorer les médias établis, de combattre les « apostats ». Trump est présenté comme une sorte de Jean le Baptiste.
Les croyants[modifier]
Il est impossible de quantifier les suiveurs de QAnon. En parcourant les milliers de comptes Facebook, on est frappé par la banalité des profils. Des millions d’Américains de classe moyenne se passionnent pour les prophéties de « Q ». Il s’agit d’une Amérique « périphérique », celle de l’électorat de Trump, qui se sent délaissée par l’élite dirigeante, celle des universités et des grandes villes libérales. Les événements annoncés ne se réalisent pas ? La résistance demande de la ruse, tant l’ennemi est puissant, pour mieux préparer « le Grand Réveil »... Il faut lire la Bible et guetter les messages de « Q ».
Les professionnels[modifier]
Si « Q » est anonyme, quelques individus se sont fait connaître comme des leaders. C’est le cas de David Haynes (ou « PrayingMedic »). Il se présente comme un croyant non complotiste. Ses vidéos (33 millions de vues cumulées !) lui assurent grâce à la publicité des revenus substantiels� LLes relais « professionnels » QAnon n’ont pas de stratégie coordonnée : ils publient sans s’inquiéter des redondances ou contradictions.
Qui est « Q » ?[modifier]
Les théories sont nombreuses mais peuvent être regroupées en 3 sortes :
- 1°) Il s’agirait d’un seul individu, un activiste trumpiste, un évangéliste, ou Trump lui-même, voire un plaisantin
- 2°) Derrière « Q » se cacheraient les propriétaires de ces plateformes alternatives.
- 3°) Ou encore un petit collectif militant ayant accès aux cercles de renseignement.
Raison contre Foi[modifier]
On présente souvent QAnon comme un mouvement politique d’extrême-droite. C’est inexact, selon Adrienne LaFrance. Le complotisme n’est pas lié à des aspirations politiques mais à certaines dispositions psychologiques. Bien sûr, QAnon a adopté une position pro-Trump mais Trump n’est pas un politicien porteur d’idéologie. QAnon s’inscrit dans une certaine tradition américaine complotiste (doutes autour de l’alunage d’Apollo, de l’assassinat de Kennedy, discours apocalyptiques). Son langage est emprunté au christianisme évangélique.
Apocalypse[modifier]
Selon l’historien Norman Cohn, les mouvements apocalyptiques apparaissent au cours de l’Histoire pendant des périodes de transition sociale et économique. On observe leur émergence dans l’Europe autour l’an 1000 et au 14ème siècle (Peste Noire). C’est aussi le cas dans la vallée du Rhin au 16ème et aux Etats-Unis au 19ème. QAnon, suggère Adrienne LaFrance, pourrait devenir un nouveau culte dans l’Amérique du 21ème siècle. Quand des élites épousent des idéologies prônant la lutte contre « le racisme systémique » ou niant l’existence des sexes biologiques, une partie du peuple voit en QAnon un refuge.