Quora - avortement

De JFCM
Aller à : navigation, rechercher

En tant qu'homme, pourquoi vous vous positionnez sur la question de l'avortement (un sujet qui ne vous concerne pas) ?

Je ne suis pas un homme mais je vais répondre tout de même.

Les hommes se positionnent sur la question de l'avortement parce qu'ils sont des humains. Et par là même, ils sont travaillés par des débats éthiques qui vont au-delà de leur petite personne.

Ai-je le droit de me questionner sur l'euthanasie même si aucun de mes proches n'est en train d'agoniser dans des souffrances abominables ? Je considère que oui. Parce que la question du vivant et de ce qu'on a le droit de lui faire ou pas me concerne, du simple fait que j'appartiens à l'humanité.

L'avortement vient réveiller le débat éthique de quiconque a un peu de cervelle et de sensibilité, indépendamment de son sexe ou de sa culture. Et le principe du débat éthique, c'est qu'il est :

  • Personnel : Chaque débat éthique est singulier, précieux et preuve de sa conscience individuelle.
  • Viscéral : On ne peut rien faire pour lui échapper, il est la manifestation de notre travail intérieur et de notre dynamique existentielle.
  • Permanent : Aucune réponse fixe et définitive ne conviendra jamais, la question demeurera toujours.

Autrement dit, la question de l'avortement est un débat sans fin. Comme celle de l'euthanasie. Qu'on soit directement concerné ou pas, elle sera moteur de débats de valeurs qui vont bien au-delà du pro-choix ou du pro-vie. Cette binarité des positionnements est un leurre. Une façon de croire qu'on peut trancher la question pour toujours.

  • Quand j'entends un pro-life dire "la vie est sacrée", j'entends "j'ai tranché la question d'un coté et pour toujours, comme ça j'ai tordu le cou de mon débat éthique et il arrête de me torturer".
  • Quand j'entends un pro-choix dire "c'est juste un tas de cellules en trop", j'entends exactement la même chose. Une volonté de réduire un embryon à un objet sans valeur pour mettre fin à son débat éthique et trancher définitivement la question.

Sauf que la question…elle n'est pas si vite répondue que ça ! Elle ne se laisse pas trancher si facilement. On ne peut pas amputer de soi l'autre coté du paradoxe sans qu'il ne nous revienne en pleine figure…On ne peut pas faire comme si la vie de l'embryon passait toujours avant celle de la mère, sans regarder la détresse des femmes en face. Mais on ne peut pas non plus croire que le vivant est un objet comme un autre, dont on peut disposer à sa guise et jeter à la poubelle quand celui-ci nous encombre trop, sans voir toutes les dérives aliénantes que cela engendre.

En d'autres termes, les hommes donnent leur avis sur la question de l'avortement, parce qu'ils sont des humains capables de débat éthique, des citoyens qui prennent leur part dans la vie de la Cité, mais aussi des pères, des conjoints et des amants. Parce qu'au-delà de leur propre génome, être animés par des débats éthiques est une preuve de leur reliance au monde. Personne n'a le droit de les amputer de ça.

Je suis toujours étonnée par les gens qui sont à ce point prompts à trancher dans le vif du débat éthique.

Ils se mettent dans une situation impossible parce qu'un débat éthique n'appelle pas à être résolu, mais à être habité.

Il n'y aura jamais de réponse définitive et les lois sont condamnées à changer en permanence, au fil de la pensée dominante du moment.

Comprendre ça, c'est déjà faire un grand pas dans la compréhension de ce qui se joue. Et cela permet de repérer comment on génère de la polarisation dans la tête des gens.

"Une vie sacrée" face à "Un tas de cellules en trop". C'est un paradoxe qui empêche de penser la complexité des situations.

Les réponses se trouvent entre ces deux extrêmes. Entre la sacralisation d'un coté et la réification du vivant de l'autre. Et ces réponses sont condamnées à se réinventer sans cesse, en fonction des situations, et de la façon dont chaque protagoniste va hiérarchiser ses valeurs. Les femmes enceintes, les pères, les soignants, et la société toute entière qui débat, légalise et finance.

On n'a pas fini d'entendre parler de l'avortement. Et on ferait bien d'arrêter de croire qu'il existe une bonne réponse, capable de nous mettre tous d'accord, et qui nous permettrait de faire l'économie d'un débat intérieur permanent.