SPA
SOCRATE (-470, Athènes - -399)[modifier]
Socrate naquit en -470. Vers -435 il commença à enseigner, dans la rue, dans les gymnases, les stades, les échoppes, au gré des rencontres. Vivant pauvrement, n’exerçant aucun métier, il parcourait les rues d’Athènes vêtu plus que simplement et sans chaussures, dialoguant avec tous, en cherchant à les rendre plus sages par la connaissance de leur ignorance :
« Je sais que je ne sais rien » (« »).
Il enseignait, ou plus exactement questionnait, gratuitement, contrairement aux sophistes, qui enseignaient la rhétorique moyennant une forte rétribution. Cette mission faisait de lui à ses yeux le seul citoyen véritable, c’est-à-dire le seul qui s’interroge sérieusement sur la vie politique.
«On le voyait, écrit un helléniste réputé, Maurice Croiset, errer à travers les rues d'Athènes, du matin au soir, pauvrement vêtu, insensible au froid et au chaud, insoucieux de ses affaires personnelles, uniquement occupé de rendre ses concitoyens meilleurs.
Il les allait prendre partout, sur la place du marché, dans les boutiques, dans les gymnases, et il les interrogeait à sa manière. Examen très sérieux.
L'homme ainsi appréhendé se sentait d'abord séduit par l'humeur enjouée de son interlocuteur, par la grâce de son esprit; mais les questions se succédaient; elles devenaient pressantes, indiscrètes; on disait ce qu'on n'aurait pas voulu dire, on se voyait mis en face de vérités gênantes; il fallait avouer qu'on avait tort ou se contredire impudemment.
On était pris, à moins qu'on ne se fâchât, ce qui n'allait pas sans quelque ridicule. Et Socrate ne se laissait pas écarter facilement. Il ne se lassait jamais. Il tenait tête à tout le monde, et il avait toujours le dernier mot.»
(PLATON, présentation de "L'Apologie de Socrate", Oeuvres complètes, tome 1, Société d'Édition «Les Belles Lettres», Paris, 1959)
En -420 la Pythie de Delphes aurait répondu à son ami d'enfance Chéréphon :
"De tous les hommes Socrate est le plus sage".
Cette mission divine s’exprime également par le démon de Socrate, un signe divinatoire, une sorte de voix intérieure qui lui révèle les actes dont il faut s’abstenir.
Lors de la guerre du Péloponnèse, en -414, il sauva Xénophon, à la bataille de Délion, contre les thébains.
C'est vers ces années-là (-407) que Platon devint son disciple.
Sous la tyrannie des Trente, qui dura huit mois, il lui fut interdit d’enseigner. On lui intima l'ordre de procéder à l'arrestation d'un citoyen, Léon, qu'il considérait comme innocent. Il refusa de se soumettre.
Socrate mourut en mai ou juin 399 av. J.-C., condamné à boire la ciguë, après avoir été accusé d'impiété et de corruption de la jeunesse, comme le rapporte Xénophon dans les Mémorables :
" Je me suis souvent demandé par quels arguments les accusateurs de Socrate ont persuadé les Athéniens qu'il méritait la mort comme criminel d'État."
L'accusation portée contre lui était à peu près ainsi conçue : Socrate est coupable de ne pas reconnaître les dieux reconnus par l'État et d'introduire des divinités nouvelles.
Un sage et un rebelle...
PLATON[modifier]
"Qu'est-ce que la philosophie occidentale ? Une série de notes de bas de page à l'œuvre de Platon." Alfred North Whitehead
L'œuvre de Platon nous est parvenue pratiquement intacte. Il s'agit de vingt-huit Dialogues ainsi que de treize autres dont l'authenticité est plus ou moins douteuse. Il existe, en outre, treize Lettres, dont trois (VI, VII et VIII) sont généralement reconnues comme étant de la main de Platon.
Les Dialogues de Platon couvrent un très large éventail de thèmes: le devoir, le courage, la vertu, la justice, l'amour, la beauté, la science, la nature, la rhétorique, la concordance des mots avec l'être et avec les idées, la nature de l'homme, la sagesse, la royauté, la législation, etc. À une seule exception - exception de taille, car il s'agit des Lois, sa dernière œuvre, qui expose en détail ses idées sur la politique éducative - Socrate est directement ou indirectement un des protagonistes des Dialogues.
Socrate apparaît dans l'œuvre de Platon comme la personnification de l'éducateur, même s'il nie être enseignant. De ce fait, la plupart, sinon tous ses Dialogues, répondent à un objectif essentiellement éducatif : toute l'œuvre est au service de la paideia.
Les écrits de Platon on eu une influence décisive sur toute la philosophie, voire sur l'ensemble de la culture occidentale et jamais autant qu'avec Platon, la philosophie ne s'est inspirée des sciences et des techniques :
"L'image de Platon comme philosophe de la transcendance arrimé au ciel des Idées, est un profond contresens... Jamais autant qu'avec Platon la philosophie ne s'est inspirée des sciences et des techniques."
A. Macé, Platon, philosophie de l'agir et du pâtir
Platon distingue l'idée du concept :
Le concept est intérieur au penseur qui appréhende avec plus ou moins de précision une réalité qui n’existe pas en dehors de sa pensée.
L'idée est extérieure au penseur, elle n’est pas physique, c’est un idéal, la source du concept, elle est éternelle ; c’est la vraie réalité.
Dans l’idée, Platon inclut les mathématiques (Platon a fréquenté les cercles Pythagoriciens et l’on retrouve ici toute l’influence des pensées de Pythagore). Il voit les mathématiques comme une réalité éternelle, indépendante de l’activité du mathématicien. Les mathématiques existent en elles-mêmes et en toute indépendance car leurs existences impliquent l’existence d’un contenu indépendant de la présence d’une pensée ; c’est sa définition de la conviction.
« Si la géométrie oblige à contempler l'essence, elle nous convient ; si elle s’arrête au devenir, elle ne nous convient pas. (…) Elle a pour objet la connaissance de ce qui est toujours et non de ce qui naît et périt.
Par suite, mon noble ami, elle attire l'âme vers la vérité, et développe en elle cet esprit philosophique qui élève vers les choses d'en haut les regards que nous abaissons à tort vers les choses d'ici-bas.
Il faut donc, autant qu'il se peut, prescrire aux citoyens de ta Callipolis de ne point négliger la géométrie ; elle a d'ailleurs des avantages secondaires qui ne sont pas à mépriser.
Ceux que tu as mentionnés, et qui concernent la guerre ; en outre, pour ce qui est de mieux comprendre les autres sciences, nous savons qu'il y a une différence du tout au tout entre celui qui est versé dans la géométrie et celui qui ne l'est pas. »
Platon - La République, Livre VII .
La vérité est l’essence (l’être) et l’éternité des mathématiques est l’éternité de l’être.
L’essence est l’objet de la connaissance ; cette essence est nommée " Idée " du grec " idea " signifiant visible. L’essence est l’objet stable de la Science. Les essences : chacun d’entre-nous sont les idées. Les mondes de l’Idée ou monde intelligible existe à coté du monde sensible (des sens) car la manifestation existe de par le fait qu’elle participe à l’Idée. Il y a donc deux mondes :
- Le monde intelligible : celui de l’Idée
- Le monde sensible : celui des sens
"La lecture de Philèbe permet de comprendre l'origine technique et scientifique de la philosophie. Socrate indique que les Dieux ont révélé que toute chose est une et multiple. Tout art et toute science consistent à connaître l'unité et la multiplicité de la chose que l'on prend pour objet."
Platon, à la suite de Thalès et Pythagore, va lui aussi proposer une représentation de l'univers.
Il décrit dans le Timée la mise en forme de l'univers à partir d'éléments (voir solides de Platon) : la terre (hexaèdre), le feu (tétraèdre), l'air (octaèdre) et l'eau (icosaèdre), eux mêmes décomposables en triangles élémentaires susceptibles de se recomposer en d'autres solides... Il remarque par exemple que un corpuscule de feu (tétraèdre) et deux corpuscules d'air (octaèdre) donnent un corpuscule d'eau (icosaèdre)... c'est presque une équation chimique !
"[L'Artisan divin (ou Démiurge) ] donna au monde la forme la plus convenable et la plus appropriée à sa nature; or la forme la plus convenable à l'animal, qui devait contenir en lui tous les autres animaux, ne pouvait être que celle qui comprend toutes les formes.
C'est pourquoi il donna au monde la forme sphérique, ayant partout les points extrêmes également distants du centre, ce qui est la forme la plus parfaite. Il polit toute la surface de ce globe animé, et cela pour plusieurs raisons.
D'abord ce monde (animal) n'avait besoin ni d'yeux, ni d'oreilles, parce qu'il ne restait, en dehors de lui, rien à voir, ni rien à entendre; il n'y avait pas non plus autour de lui d'air à respirer; il n'avait besoin d'aucun organe pour la nutrition, ni pour rejeter les aliments digérés, car il n'avait rien à rejeter, ni rien à absorber. Non. Il est fait pour se nourrir de ses propres forces, et toutes ses actions, toutes ses affections lui viennent de lui-même et s'y renferment; car l'auteur du monde estima qu'il vaudrait mieux que son ouvrage se suffît à lui-même que d'avoir besoin de secours étranger.
Par la même raison, il ne jugea pas nécessaire de lui faire des mains, parce qu'il n'avait rien à saisir, ni rien à repousser, et il ne lui fit pas non plus de pieds, ni rien de ce qu'il faut pour la marche. Mais il lui donna un mouvement approprié à la forme de son corps et qui, entre les mouvements, appartient principalement à l'esprit et à l'intelligence.
Faisant tourner le monde constamment sur lui-même, il lui ôta les sept autres mouvements, ne voulant pas qu'il fût errant à son gré; le monde enfin, n'ayant pas besoin de pieds pour exécuter ce mouvement de rotation, il le fit sans pieds et sans jambes (Platon, Timée.)."
Pour résoudre le problème de la connaissance scientifique, Platon va mettre en place ce qui deviendra la méthode de toutes recherches scientifique : la méthode hypothético-déductive.
Elle consiste à poser a priori une liste d'axiomes (présupposés), puis à vérifier, en se fondant sur des règles d'inférence (de logique), si les propositions que l'on arrive à déduire des axiomes (les théorèmes, donc) présentent une correspondance convenable et raisonnable avec les données des observations.
Seulement, dans le Timée, Platon pose les axiomes a posteriori. De plus, ses règles d'inférence sont implicites. Enfin, les observations et vérifications expérimentales y sont quasi-inexistantes : Platon fait peu appel à l'observation pour montrer la validité de son système.
Ainsi, Platon ne prend pas l'observation comme point de départ, ni comme critère de validité de son système : il n'y a que trois expériences faites tout au long de l'œuvre !
Pourquoi seulement trois expériences ?[modifier]
Platon critique l'idée de soumettre tel ou tel aspect de sa théorie à une expérience locale, contrôlée et répétable. Car pour lui, la vérification expérimentale implique une reproduction exacte de la nature. Ce qui, toujours selon lui, est impossible.
De plus, l'observation et la vérification sont confrontées à des obstacles majeurs. En effet, pour faire cela scientifiquement, il faut y faire entrer une certaine notion de mesure. Or, à cette époque, les instruments de mesure précis n'existent pas. Personne n'a de mesure commune, et les mathématiques en sont encore à leur stade primitif.
Le Timée a peut-être été inspiré par un regard critique porté sur la physique présocratique – plus particulièrement sur un physicien : Anaxagore (là où le regard théologique voyait des dieux dans les astres, lui ne les considérait que comme des masses incandescentes. Il considérait entre autres que la lune (formée de terre) reflétait la lumière du soleil (qui est une pierre chaude).
Il faut également noter qu’il inspira à Démocrite sa théorie atomique.
Dans le Phédon (entre deux séquences cherchant à prouver l'immortalité de l'âme), lors d'un récit de Socrate, Platon expose ses relations avec les physiques antérieures.
Selon Socrate, chez Anaxagore, le mécanisme prend le dessus sur l'ordre de la finalité. De plus, Anaxagore confond les causes avec les conditions d'existence ( la fin avec les moyens).
Platon et l'astronomie[modifier]
La question n’est pas triviale, Platon la pose dans son ouvrage "La République". Comme toujours dans son œuvre, elle est traitée sous la forme d’un dialogue.
Le schéma standard de ces dialogues est le suivant : Socrate, qui ne paie pas de mine mais en connaît un rayon, discute d’un sujet d’importance avec un type (dans tous les sens du terme) plein d’idées toutes faites.
Socrate conduit son interlocuteur au doute par quelques questions bien orientées ; celui-ci revoit de fil en aiguille ses positions, avant de se ranger finalement à une opinion étonnamment proche de celle de Platon. (Notons au passage que les spécialistes doutent fortement que Platon nous restitue fidèlement l'enseignement de Socrate, son maître : plus probablement il s'est servi d'une figure emblématique pour faire passer ses propres idées. Mais comme le vrai Socrate n'a laissé aucune trace écrite, il est difficile d'avoir des certitudes.).
En l’occurrence, c’est Glaucon(frère cadet de Platon) qui joue le rôle du faire-valoir. On est au livre VII de la "République", Socrate vient de lui asséner son fameux mythe de la caverne et il n’est déjà plus bien frais.
La conversation roule maintenant sur les sciences qu’il convient d’étudier pour devenir un philosophe accompli. Socrate :
- Et après l’étude de la géométrie, ne placerons-nous pas celle de l’astronomie ? Qu’en penses-tu, Glaucon ?
L’autre ne se méfie pas et répond :
- Je le pense ; car la connaissance exacte des saisons de l’année, des mois, des années n’est pas seulement utile à l’agriculture et à la navigation ; elle convient encore aux fonctions de celui qui gouverne.
Socrate le rembarre aussi sec :
- Je te trouve bon ; tu m'as tout l'air de craindre que le vulgaire ne te soupçonne d'imposer des études inutiles.
Mortifié, le pauvre gars tente une seconde sortie un peu plus tard :
- Mais comme tu m'as reproché tout à l'heure de faire un éloge maladroit de l'astronomie, je vais la louer maintenant d'une manière conforme au point de vue sous lequel tu l'envisages. Il est, ce me semble, évident pour tout le monde qu'elle oblige l'âme à regarder en haut et à passer des choses d'ici-bas aux choses du ciel.
A-t-on jamais vu pareil nigaud ! Ainsi, il suffirait de rester le nez en l’air à contempler rêveusement les étoiles pour devenir philosophe ! Socrate l’achève :
- Ma foi ! elle ne manque pas d'audace ta conception de l'étude des choses d'en haut ! Tu as l'air de croire qu'un homme qui regarderait les ornements d'un plafond la tête penchée en arrière, et y distinguerait quelque chose, userait, ce faisant, de sa raison et non de ses yeux !
Et il complète ainsi :
- Peut-être, après tout, est-ce toi qui en juges bien et moi sottement ; mais je ne puis reconnaître d'autre science qui fasse regarder en haut que celle qui a pour objet l'être et l'invisible […]. On doit considérer les ornements du ciel comme les plus beaux et les plus parfaits des objets de leur ordre, mais, puisqu'ils appartiennent au monde visible, ils sont bien inférieurs aux vrais ornements, aux mouvements selon lesquels la pure vitesse et la pure lenteur, dans le vrai nombre et toutes les vraies figures, se meuvent en relation l'une avec l'autre, et meuvent ce qui est en elles ; or ces choses sont perçues par l'intelligence et la pensée discursive et non par la vue; ou peut-être crois-tu le contraire ?
- Nullement, répond Glaucon, penaud.
L’astronomie a donc deux intérêts. Premièrement, elle forme l’apprenti philosophe, qui en se livrant à l’étude des mouvements des astres apprend à se servir de sa cervelle davantage que de ses yeux. Deuxièmement, et surtout, c’est par elle qu'il percevra l’invisible, c'est-à-dire, la réalité qui se cache derrière les apparences ; la seule vraie réalité pour Platon, une réalité intemporelle, immuable, qu’il appelle encore l'"Être" : un monde figé dans une divine perfection...
Certes, nous dit Platon, les courbes énigmatiques que dessinent les planètes dans le ciel nous émeuvent, un artiste n’en dessinerait pas de plus belles ; mais leur beauté est bien supérieure encore lorsqu’on les voit avec les yeux de l’intelligence, c’est à dire lorsqu’on parvient à en comprendre la logique et à les déduire d'une composition de mouvements simples et bien connus. Ces derniers, bien qu'invisibles, sont les vrais mouvements, ceux que produisent réellement les divinités pour déplacer les planètes. (Ces mouvements, pour Platon, sont ceux des sphères homocentriques. Aristote, élève de Platon, sera en phase avec son maître sur ce point.). Les connaître, c'est percer des secrets divins ; c'est connaître les dieux, ou tout au moins, commencer à le faire...
D’après Médiévaliste.com
Platon ne s'accorde pas ici avec les idées pythagoriciennes, proposées pour expliquer le mouvement général, diurne, de la sphère céleste par la rotation de la Terre autour d'elle-même. C'est ce mouvement qu'il désigne par rotation dans un même lieu, en tautô topô, c'est-à-dire sans changement de lieu, ou metadatikôs. Quant à la Terre, il la supposait complètement immobile.
L'Académie[modifier]
Lorsque Platon créa l'Académie, vers -385, il avait un peu plus de quarante ans. Il installa son institution dans une propriété avec jardin située non loin de la ville.
L'Académie est souvent considérée comme la première université de l'histoire, ce qui n'est pas tout à fait exact. Elle ressemblait davantage à l'universitas médiévale qu'à l'université moderne. Elle était un centre de recherches et d'études mais nous en ignorons les détails d'organisation.
C'était plus une communauté scientifique qu'une école. Les communautés pythagoriciennes que Platon a fréquentées en Grande Grèce l'ont sans doute inspiré quand il créa l'Académie. Juridiquement, elle était constituée sous forme d'une confrérie religieuse. Elle était consacrée aux Muses. Professeurs et disciples y vivaient dans une atmosphère communautaire que renforçaient une pédagogie du dialogue, des discussions complétant l'exposé doctrinal.
Platon dirigea l'Académie jusqu'à la fin de sa vie, ce qui signifie qu'il fut pendant une quarantaine d'années l'animateur et le principal enseignant de ce centre intellectuel de la Grèce antique.
Après la mort de Platon, l'Académie continua d'exister jusqu'en 529 de l'ère chrétienne, c'est-à-dire pendant près de neuf siècles.
Selon une vieille tradition, une inscription au-dessus du portail de l'Académie (postérieure à Platon) stipulait que des connaissances en géométrie étaient une condition pour y avoir accès. Lui-même mathématicien chevronné, Platon invita d'autres spécialistes de cette discipline à enseigner à l'Académie, par exemple Eudoxos, qui était mathématicien, astronome, géographe et médecin.
Les sciences naturelles avaient également leur place à l'Académie, ce que l'on a tendance à oublier, tellement l'image de Platon, grand maître de l'éthique et de la métaphysique, est ancrée dans la tradition. Le grand dialogue Timée ou De la nature porte témoignage des efforts de l'Académie dans ces domaines et des connaissances encyclopédiques en sciences naturelles qui y avaient trouvé demeure.
Sources :[modifier]
- Œuvres de Platon, traduites par Victor Cousin (site Remacle)
- Hugo.Bratelli.free.fr/Platon
- Arnaud Macé, Platon, philosophie de l'agir et du pâtir (Academia Verlag, 2006)
- Cosmovisions
- Humanum
- Encyclopédie de l'Agora
- Wikipedia
- Archipress (Michel Serres)
- CNRS (Platon et la Géométrie: la méthode dialectique en République 509d-511e)
- Médiévaliste.com
- Biographies diverses
ARISTOTE[modifier]
"Aristote a toujours consolé ceux pour lesquels Platon n'avait rien pu". Roger Nimier
"La véritable école du Commandement est la culture générale. ... Au fond des victoires d'Alexandre, on retrouve toujours Aristote." Charles de Gaulle
Quand on lit et relit les biographies d’Aristote et les passages les plus significatifs de l’œuvre, on reste perplexe et saisi de vertige devant le génie de cet homme… et son culot !
Sa philosophie spéculative fut redécouverte au Moyen Âge, grâce aux philosophes arabes (en particulier à Averroès), et traduite mot à mot en latin par deux proches de Thomas d’Aquin.
La philosophie aristotélicienne, transformée par Thomas en doctrine officielle de l’Église catholique, devint alors la référence scientifique et philosophique de toute réflexion sérieuse, donnant ainsi naissance à la scolastique et au thomisme. Son succès fut si grand qu’on le nommait simplement le Philosophe.
Cette grande influence de l’œuvre s’explique sans doute en partie par son caractère encyclopédique, qui tente de totaliser le savoir.
Pourtant, si l’on a pu considérer Aristote comme la synthèse incarnée de toute la culture philosophique et scientifique grecque, on ne voit plus aujourd’hui sa philosophie comme un système ayant réponse à tout.
Le culot, car Aristote tranchait à peu près sur tout, parfois en négligeant des observations ou des faits établis par ses prédécesseurs. Souvent il eut la tentation de tout déduire par le raisonnement d'un petit nombre de principes hasardeux et négligea ou méconnut la véritable induction.
Dans sa Physique, où il ramène tout à quatre qualités primordiales, le sec et l'humide, le chaud et le froid, il se borne trop souvent, à des explications non étayées.
Il n’était ni un grand mathématicien, ni un grand astronome et sa physique, consacrée comme sa philosophie par l’église, a fait perdre quelques siècles aux sciences exactes. En disant cela à un collègue biologiste, j’ai eu le sentiment, il y a peu, de commettre un sacrilège car il est vrai aussi que dans ce domaine, jusqu’à Buffon on n’a pas fait mieux !
Cependant il faudra attendre Roger Bacon, puis Galileo Galilei et enfin Torricelli et Blaise Pascal pour que soient ébranlés les fondements de la physique d’Aristote.
Aristote dut faire nécessairement une très mauvaise physique de détail; et c’est ce qui lui a été commun avec tous les philosophes, jusqu’au temps où les Galilée, les Torricelli, les Gueric, les Drebellius, les Boyle, l’académie del Cimento, commencèrent à faire des expériences. La physique est une mine dans laquelle on ne peut descendre qu’avec des machines que les anciens n’ont jamais connues. Ils sont restés sur le bord de l’abîme, et ont raisonné sur ce qu’il contenait sans le voir.
Voltaire, Dictionnaire philosophique
L’homme[modifier]
Son nom en grec, Aristotelês, signifie "le meilleur". Philosophe, élève et disciple (durant vingt années) de Platon -qui l’appelait le lecteur- il fut, avec Ménechme, l'un des précepteurs (professeurs particuliers), d'Alexandre le Grand.
La rigueur de sa pensée, dont la clé de voûte est le syllogisme, permet de le considérer comme le premier grand logicien après Zénon.
Après avoir été écarté deux fois de la direction de l’Académie de Platon, il fonde à Athènes, dans l'enceinte du "Gymnase", son école, dite "péripatéticienne", car Aristote enseignait tout en marchant (du grec péripatein = promener). Située au Lukeion, colline des loups, établissement d'entraînement des athlètes, l'école d'Aristote a donné le mot lycée.
Le Lycée était situé sur un lieu de promenade (peripatos) où le maître et ses disciples philosophaient en marchant. Les aristotéliciens sont "ceux qui se promènent près du Lycée" (Lukeioi Peripatêtikoi, ). Le Lycée comprenait une bibliothèque, un musée... qu'Alexandre le Grand finançait.
Aristote faisait deux types de cours, l'un, du matin, appelé "acroamatique", réservé aux disciples avancés, l'autre, de l'après-midi, ouvert à tous, et appelé "exotérique".
On y enseignait également les sciences physiques, la biologie et la cosmologie héritée d'Eudoxe et de Platon. La pensée aristotélicienne, exprimée dans la "théorie de la Connaissance" influencera considérablement la philosophie et les sciences occidentales jusqu'à la Renaissance.
L’œuvre et son influence[modifier]
Son œuvre nous est parvenue sous forme de notes de cours, ce qui explique le caractère parfois inintelligible de certains de ses écrits. On sait cependant qu’il écrivit de son vivant des dialogues à la manière de Platon, dont il ne nous reste que de rares fragments.
Historiquement, Aristote apparaît comme le premier auteur effectuant des classifications hiérarchiques du savoir de façon systématique. Ce mode de classement, qui pourrait être de son invention (il était en tout cas inconnu des bibliothécaires de Sumer), a survécu jusqu’à nos jours.
Aristote remet en cause la théorie des Essences ou Idées de son maître, Platon, lui substituant la doctrine de la substance et de l'Etre. Bien qu'il n'ait pas inventé ce terme, il est le père de la métaphysique.
Les idées du philosophe[modifier]
- Si Aristote accepte certaines idées platoniciennes, comme l’immortalité de l’âme et la nature divine des corps célestes, il remet en cause certaines théories du maître : pour lui le plus haut degré de réalité n’est pas ce qui apparaît par le raisonnement, mais ce qui est perçu par les sens. Il affirme que la raison est vide avant que les sens n’entrent en action.
- Il pose les lois du raisonnement et fonde la logique comme instrument de précision du discours philosophique.
Sa philosophie se divise en trois parties ; elle diffère de la division habituellement reçue (logique, physique, éthique) : la philosophie théorétique, la philosophie pratique et la philosophie poétique. La partie théorétique se divise à son tour en physique, mathématique et théologie ; la philosophie pratique en économique, éthique et politique ; la poétique comprend toutes les activités qui produisent une œuvre.
- Il introduit une conception des phénomènes de causalité dans la nature, qu’il divise en quatre : la cause matérielle, la cause efficiente, la cause formelle et enfin la cause finale.C’est cette dernière qui fonde le principe d’Aristote sur la finalité des choses ; selon lui, tout obéit à un « dessein » qui nous dépasse ; cette idée aura une grande influence sur les théologiens chrétiens du Moyen Âge.
- Il lie politique et éthique ; pour lui, la plus haute forme de société ne peut être que la démocratie.
Les idées de l'homme de science[modifier]
- Il construit une somme de connaissances dans toutes les disciplines (biologie, astronomie, physique), basée sur l’observation et l'expérimentation.
- Il établit une classification des êtres vivants, en partant du principe que tous les êtres vivants ont une âme, mais une âme de nature différente (âme nutritive, âme sensitive, âme appétitive et locomotrice). Seul l’homme a une âme rationnelle.
- Il édifie une « échelle de la Nature», qui est une échelle de complexité croissante de l’« âme», partant de la matière inanimée et s’élevant vers les plantes, puis les éponges, les méduses, les mollusques et ainsi de suite jusqu’au sommet où figurent les mammifères et l’homme.
Aristote a été l’un des premiers à procéder à des classifications hiérarchiques systématiques des connaissances et des concepts.
La biologie[modifier]
Les œuvres consacrées à la biologie représentent près du tiers de l’œuvre d’Aristote. On pense généralement que ces œuvres sont les plus tardives, écrites bien après l’Organon ; il abandonne complètement sa logique, au profit de la seule observation : la théorie devra rendre compte de ce qui est observé, et non l’inverse - alors que Platon, dans sa classification des animaux (cf Le Sophiste) met les poissons dans le même groupe que les oiseaux, ou qualifiait l’homme d’"animal bipède sans plumes"
Cette œuvre est principalement descriptive : L’Histoire des Animaux est une compilation de faits concernant la vie des différentes espèces animales ; Les Parties des Animaux (*) traite de la classification des animaux par genre et par espèce.
Il est intéressant de noter que ce pan de la science aristotélicienne aura une durée de vie bien plus importante que sa physique : si cette dernière fut critiquée et ruinée par les découvertes de Galilée, la classification des animaux d’Aristote perdurera jusqu’à Buffon.
Ses Recherches sur les animaux, au contraire, ont été le meilleur livre de l’antiquité, parce qu’Aristote se servit de ses yeux. Alexandre lui fournit tous les animaux rares de l’Europe, de l’Afrique, et de l’Asie. Ce fut un fruit de ses conquêtes. Ce héros y dépensa des sommes qui effraieraient tous les gardes du trésor royal d’aujourd’hui; et c’est ce qui doit immortaliser la gloire d’Alexandre, dont nous avons déjà parlé.
De nos jours un héros, quand il a le malheur de faire la guerre, peut à peine donner quelque encouragement aux sciences; il faut qu’il emprunte de l’argent […] pour faire couler la substance de ses sujets dans son coffre des Danaïdes, dont elle sort le moment d’après par cent ouvertures. Alexandre faisait venir chez Aristote éléphants, rhinocéros, tigres, lions, crocodiles, gazelles, aigles, autruches. Et nous autres, quand par hasard on nous amène un animal rare dans nos foires, nous allons l’admirer pour vingt sous; et il meurt avant que nous ayons pu le connaître.
Voltaire, Dictionnaire philosophique
La physique[modifier]
La physique d'Aristote sera la référence jusqu'au XVIIe siècle et s'enracine dans une définition du mouvement qui n'est pas conçu comme l'état d'un corps (au même titre que le repos), comme il le deviendra à partir de Descartes, Galilée, et de la physique moderne, mais comme la modalité par laquelle quelque chose va à son accomplissement, dans le cheminement qui mène de la puissance à l'acte.
Aristote distingue trois sortes de mouvements : la croissance et la décroissance, l'altération, le déplacement (dans l'espace). A la suite d'Empédocle, Aristote considère que les corps (terrestres) sont constitués de quatre principes, ou éléments : l'air, la terre, l'eau et le feu. Et c'est cette composition qui constitue l'explication du mouvement (et des diverses transformations, que cela comprend) des corps. Le feu monte, par exemple, car son lieu naturel est le haut, et au contraire la terre descend, car le bas est son lieu naturel.
Les corps célestes, constitués d'un cinquième élément, l'éther, ont un mouvement particulier : circulaire. Ce mouvement est le plus parfait, mais, il n'est pas de ce monde. L'univers est divisé ainsi en deux régions distinctes : le monde sublunaire, monde du changement et de la corruption des choses, et le monde supralunaire, celui des astres, lieu de l'incorruptibilité. Dans son Traité du Ciel, Aristote s'attache, l'un des premiers, à réfuter la doctrine pythagoricienne du mouvement de rotation de la Terre.
Pour lui, l'apparence, c'est la réalité. Et la Terre est nécessairement immobile au centre de l'univers. Cosmovisions
La vision cosmologique géocentrique, confortant celle d'Eudoxe, reprise par Saint Thomas d'Aquin au 13e siècle et érigée en dogme, entrava le développement de la science, sinon celle de l'astronomie, jusqu'au 17è siècle.
Aristote et l’alchimie[modifier]
Rappel : l’alchimie est une science occulte construite sur un hermétisme et cherchant d’une part l’immortalité par des élixirs, la Pierre philosophale, et d’autre part la transmutation de métaux en or (l'objectif est la fabrication de la pierre philosophale qui transmute les métaux en or et permet la préparation de la panacée ou remède universel). Elle concevait un univers composé de trois étages : matériel (la terre), astral, divin, où, d’après Platon et Aristote, le monde vivant occupait les deux premiers niveaux.
Il faut distinguer l’alchimie arabe ou Al Khimyya, précurseur de la chimie moderne, et l’alchimie occidentale ésotérique et héritière d’Hermès Trismégiste (trois fois le plus grand).
Hermès Trismégiste est le nom donné par les Grecs au Dieu Thot, représenté comme un homme à tête d’ibis ou de babouin et doué de pouvoir de magicien, dans l’ancienne Égypte au IIIe millénaire avant notre ère. Mais il est aussi l’auteur légendaire de nombreux livres sur l’alchimie et l’hermétisme qui sont parus en Égypte au IVe siècle.
L’hermétisme est la doctrine ésotérique fondée sur ces écrits. Il est né d’un syncrétisme entre les mythologies de l’ancienne Égypte et l’astrologie helléniste, d’après les écrits de Platon et d’Aristote.
Les modèles philosophiques principaux de l’alchimie sont surtout les présocratiques, les atomistes, Platon et Aristote.
Les premiers philosophes naturalistes, ceux qui ont soutenu l’existence d’un seul principe du tout (Thalès, Parménide, Anaximène, Héraclite…) sont évoqués explicitement par Olympiodore comme précurseurs.
Les alchimistes de réfèrent aussi souvent à Platon. Le Timée exerce une influence majeure :
- par le modèle opératif du dieu artisan,
- par la doctrine concernant la structure géométrique de la matière,
- par l’évaluation des éléments selon leurs différents états physiques.
Aristote est très souvent cité. Sa conception de la matière exposée notamment dans les Meteorologica trouve un grand écho chez les alchimistes :
- La matière est continue et uniforme,
- La matière est composée de quatre éléments: terre, air, eau, feu.
- Les quatre caractéristiques fondamentales sont : froid, sec, chaud, humide.
- Le vide n'existe pas.
Ces affirmations constituèrent les bases de l'alchimie.
On lira, à propos Cristina Viano (chargée de Recherches au CNRS). En particulier :
Aristote et l'alchimie grecque : La transmutation et le modèle aristotélicien entre théorie et pratique dont voici la présentation :
Les rapports entre l'alchimie grecque et la philosophie d'Aristote apparaissent complexes et contradictoires.
En effet, si la théorie de l'alchimie se constitue dans sa plus grande partie à travers les outils conceptuels de la physique et de la métaphysique aristotéliciennes, l'idée de la transmutation est incompatible avec les fondements de l'aristotélisme même.
Dans le but de mettre à jour les termes de ce rapport paradoxal et de saisir les chances et les limites que la philosophie naturelle aristotélicienne pouvait offrir à l'alchimie, on procède ici en deux opérations inverses.
La première consiste à dégager les concepts et les doctrines aristotéliciennes dont a hérité la théorisation alchimique. La deuxième consiste à lire la théorie aristotélicienne du mélange « chimique » dans la perspective de la production in vitro de l'or.
Lire aussi du même auteur : La matière des choses, le livre 4 des Météorologiques d’Aristote et son interprétation par Olympiodore.
On pourra aussi prendre connaissance de la somme du grand chimiste Marcelin Berthelot : Les Origines de l'Alchimie (1885).
Ce livre a été réalisé d'après les manuscrits grecs de la Bibliothèque nationale : la doctrine des alchimistes et leurs idées théoriques sur l'unité de la matière s'y trouvent exposées et interprétées pour la première fois. Berthelot publiera un peu plus tard, avec la collaboration de Ch. Ruelle, la Collection des anciens alchimistes grecs.
Les concepts[modifier]
Logique et syllogisme[modifier]
C'est dans ses Topiques, traité à vocation didactique, qu'Aristote nous éclaire sur le raisonnement dialectique, art du dialogue (du grec dialegein = discourir, dialoguer) permettant la recherche de la vérité, cher à Héraclite et dont les stoïciens hériteront avec l'école philosophique fondée à Athènes vers 308 avant J.-C. par Zénon de Citium (vers -335/-264).
Du grec sun et logos signifiant, mot à mot, qui utilise le discours (au sens discursif), le syllogisme (connu en latin par modus ponendo ponens = manière d'affirmer, d'établir en affirmant) et plus brièvement modus ponens) est une déduction logique résultant de la conjonction de deux propositions (prémisses) dénommées majeure et mineure.
Le raisonnement hypothético-déductif[modifier]
Outre la notion de syllogisme, on doit à Aristote les acceptions actuelles du vocabulaire lié au raisonnement déductif (on parle aussi de raisonnement hypothético-déductif), exposées dans les Topiques et dans ses traités sur la logique, Les Analytiques, La métaphysique :
Topiques Livre I,1 : Un raisonnement déductif est une formule d'argumentation dans laquelle, certaines choses étant posées, une chose distincte de celles qui ont été posées s'ensuit nécessairement, par la vertu même de ce qui a été posé.
C'est une démonstration lorsque les points de départ de la déduction sont des affirmations vraies et premières, ou du moins des affirmations telles que la connaissance qu'on en a prend naissance par l'intermédiaire de certaines affirmations premières et vraies; c'est au contraire une déduction dialectique lorsqu'elle prend pour points de départ des idées admises.
Sont vraies et premières les affirmations qui emportent la conviction, non pour une raison extérieure à elles, mais par elles-mêmes (...).
Sont des idées admises en revanche, les opinions partagées par tous les hommes, ou par presque tous, ou par ceux qui représentent l'opinion éclairée, et pour ces derniers par tous ou par presque tous, ou par les plus connus et les mieux admis comme autorités (...)
Aristote, Topiques Tome 1, Livre I-IV, texte traduit par J. Brunschwig, Ed. « Les Belles Lettres », Paris – 1967
_________________
(*) : (...) Anaxagore prétend que c'est parce qu'il a des mains que l'homme est le plus intelligent des animaux. Ce qui est rationnel, plutôt, c'est de dire qu'il a des mains parce qu'il est le plus intelligent.
Car la main est un outil ; or la nature attribue toujours, comme le ferait un homme sage, chaque organe à qui est capable de s'en servir.
Ce qui convient, en effet, c'est de donner des flûtes au flûtiste, plutôt que d'apprendre à jouer à qui possède des flûtes.
C'est toujours le plus petit que la nature ajoute au plus grand et au plus puissant, et non pas le plus précieux et le plus grand au plus petit.
Si donc cette façon de faire est préférable, si la nature réalise parmi les possibles celui qui est le meilleur, ce n'est pas parce qu'il a des mains que l'homme est le plus intelligent des êtres, mais c'est parce qu'il est le plus intelligent qu'il a des mains.
En effet, l'être le plus intelligent est celui qui est capable de bien utiliser le plus grand nombre d'outils : or, la main semble bien être non pas un outil, mais plusieurs. Car elle est pour ainsi dire un outil qui tient lieu des autres.
C'est donc à l'être capable d'acquérir le plus grand nombre de techniques que la nature a donné l'outil de loin le plus utile, la main.
Aussi, ceux qui disent que l'homme n'est pas bien constitué et qu'il est le moins bien partagé des animaux (parce que, dit-on, il est sans chaussures, il est nu et il n'a pas d'armes pour combattre) sont dans l'erreur. Car les autres animaux n'ont chacun qu'un seul moyen de défense et il ne leur est pas possible de le changer pour faire n'importe quoi d'autre, et ne doivent jamais déposer l'armure qu'ils ont autour de leur corps ni changer l'arme qu'ils ont reçue en partage.
L'homme, au contraire, possède de nombreux moyens de défense, et il lui est toujours loisible d'en changer et même d'avoir l'arme qu'il veut et quand il le veut. Car la main devient griffe, serre, corne, ou lance, ou épée, ou toute autre arme ou outil. Elle peut être tout cela, parce qu'elle est capable de tout saisir et de tout tenir.
La forme même que la nature a imaginée pour la main est adaptée à cette fonction. Elle est, en effet, divisée en plusieurs parties. Et le fait que ces parties peuvent s'écarter implique aussi pour elles la faculté de se réunir, tandis que la réciproque n'est pas vraie. Il est possible de s'en servir comme d'un organe unique, double ou multiple.
Les Parties des animaux, § 10, 687 b, éd. Les Belles Lettres, trad. P. Louis, pp. 136-137.