Saint Albert le Grand (Maubert), Docteur de l'Elise, patron des savants chrétiens

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Quand saint Albert se présenta la première fois au pape Alexandre IV qui ne l’avait jamais vu auparavant, celui-ci l’accueillit gentiment en lui disant : « Maître Albert, levez-vous ! » et saint Albert de répondre : « Votre Sainteté, je suis déjà debout. » Saint Albert était petit, tellement petit que le Pape pensait avoir devant lui un homme agenouillé. Sa petitesse corporelle en revanche n’avait pas pu empêcher ses contemporains d’appeler Maître Albert « le Grand », tellement la renommée de l’ouverture et de l’universalité de son esprit était connue et admirée par tout l’Occident.



Un esprit scientifique[modifier]

Cette grandeur se préparait dans sa ville natale à Lauingen (Bavière, Allemagne). Albert est né dans cette ville sur le Danube vers l’an 1200. Nous ne saurions rien de son enfance, si lui-même ne nous avait pas témoigné de ses aventures dans les champs et les forêts. On s’imagine bien le jeune Albert pêchant, chassant, galopant sur son cheval, observant et admirant la beauté et la richesse de la nature. Très tôt, il développe un sens scientifique dont la méthode était l’observation et la déduction. Il découvre et constate par exemple que chaque animal est au mieux adapté à son environnement ce qui est pour lui une occasion de louange du créateur. Il en déduira plus tard que là où il y a toujours la neige, il devrait y avoir des ours blancs. À l’époque de saint Albert, l’existence de ces ours polaires n’était pas encore connue, mais la déduction, l’essai de s’unir à l’esprit du créateur et de voir les choses et la réalité comme Dieu les voit, a toujours été la méthode scientifique qu’il gardera pendant toute sa vie. Et grâce à cette méthode il voyait déjà ces ours blancs, sans les avoir vus.

L’entrée chez les Dominicains[modifier]

À partir de l’année 1222, Albert est étudiant en Italie et en 1229 son nom apparaît inscrit à l’Université de Padoue, une des plus grandes et renommées universités de son temps. Cette université proposait aux étudiants la philosophie, la médecine et le droit, mais pas la théologie. À Padoue, il y avait aussi un couvent dominicain qu’Albert fréquentait régulièrement. Cette communauté nouvelle a dû l’attirer à plus d’un titre par son enthousiasme de louange et la prédication du Christ. Albert tombe sous le charme irrésistible du premier successeur de saint Dominique, le bienheureux Jourdain de Saxe qui vient de rendre visite aux Frères de Padoue. À Paris, la prédication de Jourdain avait fait entrer dans l’Ordre des foules de Frères et même Albert n’avait pu y résister. Albert se sent attiré par l’Ordre, mais hésite à faire le pas décisif. Lors d’un entretien avec Jourdain, celui-ci lui assure : « Je te promets, mon fils, si tu entres dans notre Ordre, tu ne le quitteras plus jamais. » Ces paroles l’ont accompagné pendant toute sa vie religieuse et l’ont aidé lors des épreuves que chaque religieux peut affronter. Albert reçoit donc l’habit des mains du bienheureux Jourdain et commence son noviciat d’un an à Padoue en 1229.

Sous une protection maternelle[modifier]

Le noviciat n’est jamais facile. Pour Albert, il était particulièrement éprouvant car il doutait de ses capacités intellectuelles, comme il nous l’a raconté lui-même dans ses écrits. Peut-être est-ce pour cela que ses études ont pris tant de temps. Avec l’étude de la théologie en perspective, il ne se sentait pas de tenir le coup.

Il songeait alors à quitter le noviciat, lorsqu’une nuit, il eut une vision. Il se voyait quitter le couvent par le jardin. En grimpant sur une échelle pour escalader le mur, il apercevait quatre personnes. La première le poussait de l’échelle, la deuxième également, la troisième lui demandait ce qu’il était en train de faire. Albert répondait qu’il se sentait trop limité pour les études et qu’il ne voulait pas vivre une telle humiliation vis-à-vis des autres étudiants plus jeunes que lui. Mais on lui répondait : « Regarde, avec nous, il y a la Sainte Vierge, la Mère de la miséricorde et nous sommes ses serviteurs. Si tu demandes refuge auprès d’elle, nous voulons nous unir à ta prière pour que tu reçoives ce que tu demandes. » Albert était heureux de cette proposition et la Sainte Vierge s’adressait à lui pour lui demander ce qu’il désirait : «La science de la philosophie », répondait Albert. Et elle de répondre : « J’exauce ta prière ! Et maintenant ne perds plus courage et travaille bien. Par ta science, tu illumineras le monde entier. À la fin de ta vie, et pour que tu ne perdes pas ton humilité, la science te sera reprise, afin que tu ne perdes jamais de vue la source de toute science, le Seigneur Jésus Christ. »

Toute sa vie la Sainte Vierge a été son « Illuminatrix », celle qui l’illuminait lors de ses recherches, comme il le dit lui-même. Et Marie garda parole en protégeant ses études et recherches jusqu’au bout. À la fin de sa vie, lors d’un dernier cours, il perdit subitement tout son savoir, il ne pouvait plus continuer à enseigner. C’était l’occasion pour lui d’annoncer sa rencontre proche avec le Seigneur, qui aura lieu seulement en l’an 1280.

Un formateur hors pair[modifier]

À la fin de son noviciat en 1230, Albert prononça les vœux religieux. Il est envoyé ensuite pour des études de théologie à Cologne (Rhénanie) en Allemagne, une ville qui va devenir sa ville de prédilection. Après son ordination sacerdotale, quelques années plus tard, il devint lecteur des couvents respectifs de Hildesheim (Basse-Saxe), Fribourg-en-Brisgau (Bade-Wurtemberg), Ratisbonne (Bavière) et Strasbourg (Bas-Rhin). Le lecteur à l’époque était responsable de la formation permanente des Frères pour assurer une prédication toujours bien fondée sur la vérité des Saintes Écritures, et transmise avec enthousiasme.

Sa renommée était déjà véritablement considérable, car, lorsqu’il fallut chercher un successeur à Jourdain de Saxe, qui meurt en 1237 lors d’un naufrage en face de la Terre Sainte, Albert faisait partie des trois candidats susceptibles d’être élu. Mais la providence avait prévu pour lui plutôt une carrière universitaire. En 1245, il devient le premier étranger professeur de théologie à Paris. Pendant trois ans d’enseignement, il a dû certainement impressionner les étudiants comme en témoignent encore aujourd’hui à Paris la « rue Maître Albert » et la station de Métro « Maubert » (Maître Albert) dans le 5e arrondissement.

Albert prépara ainsi indirectement la fondation de l’université de Cologne[modifier]

La fondation d’un centre de formation[modifier]

De retour à Cologne en 1248, il est possible qu’il n’ait pas reconnu cette ville : avec l’arrivée des reliques des Rois Mages, l’ancienne cathédrale fut démolie pour donner place à une nouvelle construction gothique qui fut seulement achevée en 1880. Des sources disent qu’Albert lui-même fut l’architecte ou au moins l’inspirateur de la nouvelle cathédrale ; mais il est sûr qu’il a visité les fouilles pour les fondations, pour examiner avec son étudiant Thomas d’Aquin les différentes couches historiques. Ce n’est d’ailleurs pas le hasard qui a amené Thomas d’Aquin à Cologne auprès d’Albert.

À son retour à Cologne, on demanda à Albert de fonder comme c’était déjà le cas à Bologne (Italie), Montpellier (France) et Oxford (Angleterre), un Studium, c’est-à-dire un centre de formation théologique et philosophique pour les Frères. Thomas d’Aquin fit partie des premiers étudiants de ce Studium. Thomas devint son meilleur étudiant et Albert proposa son élève comme professeur à l’université de Paris. Mais le Maître de l’Ordre refusa.

Albert se révéla pour cette question comme un peu têtu, car il se mit en contact avec le légat du Pape, Hugues de Saint-Cher, qui prépara à Thomas le chemin vers Paris. Thomas n’avait que 27 ans et sans Albert, il ne serait jamais devenu professeur à Paris. Thomas lui-même craignait un peu cette nouvelle charge professorale, mais Albert l’encourageait en disant : « Toi, tu es véritablement un plus grand maître que moi ! » Le Studium qu’Albert avait fondé fut un véritable succès non seulement parce qu’il comptait Thomas d’Aquin comme son plus illustre étudiant, mais aussi parce que les étudiants et professeurs du monde entier venaient participer d’une manière ou d’une autre à ce centre d’études. Albert prépara ainsi indirectement la fondation de l’université de Cologne qui ouvrit ses portes en 1388.

Un émissaire de paix[modifier]

L’influence d’Albert à Cologne -et bien au-delà- continua à s’accroître. Par deux fois, sa sagesse renommée amena les citoyens de Cologne à lui demander d’établir la paix entre leur ville et son archevêque. Bien qu’il s’agissait de questions de droit économique, Albert savait toujours calmer les parties et durablement établir la paix en vérité.

La deuxième fois, il alla même contre les directives sévères du légat du Pape, ce qui suscita quelques querelles à Rome à la cours papale ; mais la paix établie par Albert était plus forte que l’égoïsme blessé de certains. À l’intérieur de l’Ordre dominicain, on était évidemment aussi fier d’Albert et il n’est pas étonnant qu’il devint prieur provincial de la province de la Teutonie (province dominicaine de l’Allemagne du Nord) en 1254. Au grand regret de ses Frères, il garda ce poste seulement pour trois ans. Il semble que partout où Albert apparut, chacun voulait le garder pour soi. Lorsque les Dominicains et Franciscains ont été calomniés et menacés par le clergé séculier à Paris à cause de leur mode de vie, Albert est encore envoyé auprès du Pape pour lui soumettre la situation. Le pape Alexandre IV trancha en faveur de sa demande, et il fut tellement impressionné par Albert qu’il le gardât à sa cour et le nomma professeur à l’université papale. Mais après un an, Albert demanda de rentrer à Cologne et d’être aussi libéré de la charge du provincial, ce qui lui fut été accordé.

À l’écoute de la volonté de Dieu[modifier]

Pendant trois ans, il peut s’adonner aux études et à l’enseignement, jusqu’à ce que le Pape lui demande en janvier 1260 d’accepter de devenir évêque de Ratisbonne, un diocèse dans une situation très précaire sur tous les points de vue. Le maître de l’Ordre de l’époque, Humbert de Roman, est horrifié par la pensée qu’un Frère prêcheur puisse accepter une telle charge et lui fait comprendre dans une lettre qu’il préférerait voir Albert sur son lit de mort plutôt que sur le trône de l’évêque.

Mais là encore, Albert suit sa conscience qui lui disait : « Si le successeur de Pierre le demande on ne peut pas refuser et s’il y a beaucoup de mauvais évêques, il n’est pas nécessaire de les prendre comme exemple. » Deux ans lui suffirent pour rétablir l’ordre dans le diocèse de Ratisbonne. Une fois cette mission accomplie, il demandât à être libéré de sa charge pour prêcher dans toute l’Allemagne et l’Europe, pour participer au Concile de Lyon en 1274 et partir encore quelques années avant sa mort à Paris, pour défendre la doctrine de son disciple saint Thomas d’Aquin.

Au vue de toutes les charges que saint Albert accomplit en lien avec le gouvernement de son Ordre et dans l’Église, on pourrait en oublier son influence intellectuelle. Il fait pourtant partie des premiers savants qui intégrèrent la pensé et la philosophie d’Aristote à l’université, une affaire très osée dans le milieu plutôt conservateur de l’époque. Il a aussi sensibilisé les universités aux sciences naturelles, qu’il intégra même au Studium des Dominicains de Cologne. Le nombre de ses écrits est impressionnant. Il paraît que saint Albert donnait comme secret pour travailler si efficacement, la prière, cette prière qui procure l’humilité et qui appelle grandes toutes les œuvres du Seigneur. À la fin de sa vie, Albert se retira dans sa petite cellule du couvent de Cologne et même pour le roi du Pays-Bas qui voulu lui rendre visite, il n’était plus disponible. Quand le roi frappa à la porte de sa cellule, Albert répondit : « Maître Albert n’est plus là. »

Albert le Grand meurt le 15 novembre 1280 entouré de ses Frères. Le 15 septembre 1622, il est béatifié par Grégoire XV ; puis il est canonisé le 16 décembre 1931 par le pape Pie XI qui le nomme docteur de l’Église. Fêté le jour anniversaire de sa mort et surnommé le « Docteur universel » (tandis que son élève Thomas d’Aquin est le « Docteur angélique »), il est le saint patron des savants chrétiens depuis 1941.

L’universalité d’Albert est intellectuelle et existentielle, elle est dans ce qu’il a fait et dans ce qu’il a été, mais elle est surtout le fruit d’une confiance absolue au Christ et à sa Divine Mère.