Sainte Anne d'Auray

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1625 - Sainte-Anne d'Auray, cœur spirituel du diocèse et de la Bretagne[modifier]

Sainte-Anne d'Auray (actuel Morbihan) est un lieu particulier et unique : il s'agit du seul lieu au monde où sainte Anne, Mère de la Vierge Marie, soit apparue dans l'histoire de l'Église. C'était au XVIIe siècle, à un paysan breton : l'événement a marqué toute la région et le sanctuaire est maintenant devenu le lieu de pèlerinage le plus important de tout l'Ouest de la France...

Père André GuillevicRecteur du sanctuaire de Sainte-Anne d'Auray

C’est sous le règne de Louis XIII que commence l’histoire du pèlerinage de Sainte-Anne d’Auray. Début août 1623, au soir d'une journée de travail, et alors qu'il pensait spécialement à sainte Anne « sa bonne patronne », une lumière très vive éclaira la chambre d’Yvon Nicolazic, jeune paysan breton, et une main apparaît dans la nuit en tenant un mystérieux flambeau. À plusieurs reprises ensuite, Nicolazic se verra conduit la nuit, au long des chemins creux, par un flambeau qui le précède. Un soir avec son beau-frère, ils verront une dame blanche avec un cierge à la main dans le fameux champ du Bocenno. Une autre fois, c’est une pluie d'étoiles qui tombe dans le champ. Tous ces événements se déroulent paisiblement, lentement. Nicolazic qui s'interroge sur leur signification ne change rien à sa vie, si ce n’est qu’il prie encore plus.

Le 25 juillet 1624, veille de la sainte Anne, la dame apparaît à nouveau le soir. Elle prononce à Nicolazic des paroles pour le rassurer et le conduit jusqu’à chez lui, un flambeau à la main. Cependant, l’homme ne peut rester avec les siens. S'interrogeant sur ces événements, il s'en va prier dans sa grange. C'est alors qu'il entend sur le chemin « le bruit d'une grande multitude en marche ». Mais il n'y a personne ! Puis dans la clarté, la dame mystérieuse apparaît de nouveau et lui parle : « Yvon Nicolazic, ne craignez pas. Je suis Anne, Mère de Marie. Dites à votre recteur que dans la pièce de terre appelée le Bocenno, il y a eu autrefois, même avant qu'il n'y eut aucun village, une chapelle dédiée en mon nom. C'était la première de tout le pays. Il y a 924 ans et 6 mois qu'elle est ruinée. Je désire qu'elle soit rebâtie au plus tôt et que vous en preniez soin parce que Dieu veut que j'y sois honorée. »

Yvon Nicolazic, disent les historiens, s'endormit tranquille. Il allait pourtant falloir encore un an avant que puisse être dite la première messe de sainte Anne au Bocenno, car le recteur le réprimanda d’abord sévèrement. Mais cet homme très pieux et admiré par tous est soutenu par les autres habitants du village, et notamment par sa femme, Guillemette Le Roux, jeune femme dévote et dévouée avec qui il est marié depuis plusieurs années sans pouvoir avoir d’enfants. Le Père Capucin d’Auray, le Père Modeste, et deux chrétiens laïcs, M.M. de Kermedio et de Kerloguen l'encouragent aussi. Ce dernier, propriétaire foncier du champ du Bocenno, promet de le donner pour la chapelle et lui conseille de se faire appuyer par les témoins des faits merveilleux.

Dans la nuit du 7 au 8 mars 1625 sainte Anne apparaît une nouvelle fois et recommande également à Yvon de prendre ses voisins avec lui : « Menez-les avec vous au lieu où ce flambeau vous conduira, vous trouverez l'image (la statue) qui vous mettra à couvert du monde, lequel connaîtra enfin la vérité de ce que je vous ai promis. » Peu après, les paysans déterrent au pied du flambeau une vieille statue de bois rongée, avec des traces de blanc et d'azur. Dès lors, les choses s’accélèrent : trois jours plus tard, les pèlerins commencent à arriver en foule pour prier sainte Anne devant la statue. C'était en réalité la réalisation de cette prophétie à Nicolazic de la « multitude en marche », multitude qui ne s'est pas arrêtée jusqu'à nos jours.

Après une enquête rapide mais très intense durant laquelle il entend Nicolazic et d’autres témoins, l’évêque de Vannes, Monseigneur Sébastien de Rosmadec, reconnaît l’authenticité des apparitions et autorise la célébration de la première messe le 26 juillet 1625. Dès juin 1625, la guérison d’un enfant muet est alléguée. Et entre 1625 et 1684, 1277 miracles sont officiellement authentifiés. Sur les 577 guérisons enregistrées entre 1634 et 1646, 54 concernent des paralytiques, 24 des aveugles.

Comme demandé par sainte Anne, la chapelle est bien construite par Nicolazic, avec l’appui des Pères Carmes, appelés par l’évêque. Mais elle est saccagée pendant la Révolution et démolie ensuite pour permettre la construction de la basilique actuelle, à la fin du XIXe siècle (entre 1866 et 1872), car il était indispensable de construire un édifice tel que celui-ci afin d’accueillir des pèlerins de plus en plus nombreux.

Depuis le XVIIe siècle, ce sont des millions de pèlerins qui sont venus sur ce lieu prier, supplier et remercier la Mère de la Vierge Marie, aïeule de Jésus Christ. Parmi ceux-ci, la plupart sont anonymes, humbles paysans de ce pays d’Auray, marins, ou pèlerins venant de plus loin à mesure que se développent les moyens de communication. Mais il y a aussi quelques grands de ce monde : empereurs, reines, présidents, nonces apostoliques et cardinaux.

L’un d’entre eux marque particulièrement ce lieu : le pape Jean-Paul II, qui actualise le message donné par sainte Anne, il y a presque quatre siècles. Le 20 septembre 1996, il rassemble 150 000 personnes pour la première visite d’un Pape en Bretagne, et rappelle dans son homélie : « Vivez l’espérance, mettez votre confiance en ce Dieu qui a fait alliance avec les hommes dans la personne de son fils Jésus ! Une représentation de sainte Anne nous la montre faisant lire la Bible à sa fille Marie. C’est une invitation à accueillir la parole de Dieu, à s’en imprégner pour en témoigner dans les réalités humaines. (...) »

Ces paroles du pape Jean-Paul II ne sont pas sans évoquer l’histoire personnelle d’Yvon et de Guillemette qui, très attristés de ne pouvoir être parents après plus de dix ans de mariage, verront largement leur vie changer après les apparitions. Ils donneront naissance à quatre enfants entre 1628 et 1640, dont l’aîné, Sylvestre, sera ordonné prêtre. Malheureusement, il mourra jeune, à 31 ans et sera enterré dans l’église de Pluneret. À travers l’histoire de cette famille du XVIIe siècle est ancrée une tradition aujourd’hui encore très fidèle : se rendre au sanctuaire de Sainte-Anne d’Auray pour obtenir la même grâce que ce couple, celle d’être parents.

Nicolazic verra sainte Anne une troisième et dernière fois, le 13 mai 1645, sur son lit de mort. Son procès de béatification est actuellement en cours.

Auray : seul lieu au monde où saint Anne soit apparue[modifier]

Le pèlerinage de Sainte-Anne d’Auray n’est pas en soi un pèlerinage « marial », car c’est bien sainte Anne qui est apparue et non pas sa fille, la bienheureuse Mère de Dieu. Cet évènement fait ainsi de ce sanctuaire un endroit particulier, car il est le seul lieu au monde où saint Anne soit apparue.

Aujourd’hui, le sanctuaire est le cœur spirituel du diocèse et de la Bretagne. Entre 600 000 et 800 000 pèlerins et visiteurs viennent sur ces lieux chaque année, ce qui en fait le sanctuaire le plus important de l’Ouest de la France. À elle seule, la fête de sainte Anne les 25 et 26 Juillet rassemble environ 30 000 personnes lors de diverses célébrations ; et le Pardon qui s'y déroule chaque année est le plus important de Bretagne.

Compléments[modifier]

La confrérie de Sainte-Anne[modifier]

Fondée en 1641 avec l’aide du clergé et des fidèles, c’est une association d’entraide et de secours aux pèlerins et aux plus démunis. Au cours des siècles, elle a pris une solide importance en portant un secours matériel à des personnes démunies, en accueillant nombre de pèlerins venus de toute la France et assurant un soutien spirituel. Le 14 mai 1870, le pape Pie IX l’érige en archiconfrérie et accorde le même jour une indulgence aux pèlerins franchissant la Scala Santa (construite par les Carmes en 1662). L’archiconfrérie compte aujourd’hui plusieurs milliers d’adhérents répartis sur les cinq continents.

Les reliques du sanctuaire[modifier]

Parmi les nombreuses reliques conservées à Sainte-Anne d’Auray, il convient d’en citer au moins deux :

  • Depuis 1890, un reliquaire-ostensoir, placé dans la chapelle de Sainte-Anne contient un présumé morceau d’un bras de sainte Anne, offert aux Bretons en 1639 par le roi Louis XIII en reconnaissance de la naissance de son fils Louis, futur Louis XIV. Cette relique de sainte Anne a été rapportée de Constantinople en 1223.
  • En 2014, à l’occasion de la canonisation de Jean-Paul II, une relique du nouveau saint a été donnée au sanctuaire breton : quelques cheveux.

La statue de la tour[modifier]

Une statue de sainte Anne d’un poids de 12,5 tonnes a été hissée au sommet de la tour octogonale de la basilique (75 mètres de hauteur) en 1976.

Les pèlerins célèbres[modifier]

  • Le 15 août 1858 : pèlerinage de l’empereur Napoléon III et de l’impératrice Eugénie.
  • En 1874 : pèlerinage du président de la République, Mac-Mahon.
  • En 1947 : pèlerinage du Général de Gaulle.
  • En 1949 : Mgr Roncalli, nonce apostolique, futur Jean XXIII, préside la fête de Sainte-Anne.
  • Le 20 septembre 1996 : Jean-Paul II célèbre une messe à Sainte-Anne d’Auray devant près de 150 000 personnes.

Un mot sur sainte Anne[modifier]

Nous ne disposons pas de détails historiques sur sainte Anne, mère de Marie et grand-mère de Jésus. Le Nouveau Testament ne la mentionne pas. La première source l’évoquant date de la seconde moitié du IIe siècle de notre ère : c’est le Protévangile de Jacques. Il mentionne qu’Anne était mariée à Joachim. Bien que souffrant de stérilité, un jour, tandis qu’elle priait, un ange lui annonça qu’elle allait enfanter. Anne jura de consacrer sa fille à Dieu.

Anne, c’est la « grâce » (Hannah en hébreu). Comme dans l’Ancien Testament, beaucoup de mères de prophètes sont stériles avant une intervention de Dieu en leur faveur : Isaac (Gn 11, 30), Jacob et Esaü (Gn 25, 31), Samson ((Jg 13, 2-3) Samuel, dernier juge d’Israël (1 S 1, 5 et 1 S 2, 11).

Le Protévangile de Jacques décrit l’enfance de Marie avec ses parents. À l’âge de trois ans, Anne et Joachim la menèrent au Temple de Jérusalem où elle fut bénie par le grand prêtre, Zacharie.

Une seconde tradition évoque un nomade nommé Akar, ou Isachar dans le Pseudo-Matthieu (rédigé entre 600 et 625), qui aurait été le vrai père d’Anne, née à Nazareth. C’est à l’âge de 20 ans qu’elle aurait épousé Joachim avant de donner naissance à Marie à 40 ans. Joachim serait mort peu après la naissance de Jésus.

Le culte de sainte Anne est répandu dès le VIe siècle, en particulier en Orient. L’empereur Justinien lui dédie une église à Constantinople. Des théologiens l’évoquent (saint Jean Damascène, saint Epiphane, etc.).

En Occident, saint Jérôme contribue à sa popularité. Peu à peu, les fidèles lui rendent un culte, la fêtent, la prient, de la péninsule italienne à l’Angleterre. Au Xe siècle, Naples célèbre une fête en l’honneur de sa conception. Vers 1100, les fidèles de Cantorbéry font de même. Sainte Anne est patronne des guildes religieuses anglaises au Moyen Âge. En 1382, le pape Urbain VI rend sa fête obligatoire sur le sol britannique et en 1584, cette fête (chaque 26 juillet) est étendue à l’Église universelle.

En accord avec la volonté de Marie et de Jésus, le corps de sainte Anne a été confié aux Saintes Maries lors de leur départ de Palestine pour être conduit en France. À son arrivée, saint Auspice en devint le gardien et emmena la relique à Apt où il la cacha dans un souterrain, découvert par Charlemagne à Pâque 792. Le Christ et Marie ont ainsi souhaité que le corps de sainte Anne repose en France, témoignant à notre pays une immense confiance. Sainte Anne est aujourd’hui la protectrice des marins.

« Anne enfanta la Souveraine » (Saint Jean Damascène)[modifier]

Joachim se choisit pour épouse Anne, cette femme d’élite digne des plus grands éloges. En effet, comme la première Anne, aux temps anciens, affligée par la stérilité mais qui avait obtenu par la prière et par un vœu de donner naissance à Samuel, celle-ci à son tour et par les mêmes supplications, obtint de Dieu la Mère de Dieu. Sur ce point, elle ne le cède donc en rien à aucune des femmes illustres. Ainsi la grâce, car telle est la signification du nom « Anne », enfanta la souveraine (signification du nom « Marie »). Marie, en effet, a vraiment été établie la souveraine de toutes les créatures, elle qui fut la Mère du Créateur. Elle voit le jour dans la maison de Joachim, près de la porte probatique (porte de Jérusalem proche de la piscine probatique où l'on purifiait les animaux qui devaient être offerts en sacrifice), et est conduite au Temple. Ensuite, « plantée dans la maison de Dieu », et nourrie par l’Esprit, semblable à un olivier fertile, elle devient la demeure de toutes les vertus. Détachant son cœur de toutes les convoitises de cette vie et de la chair, elle conserve son âme vierge autant que son corps, comme il convient à celle qui allait concevoir Dieu dans son sein.

Sources documentaires[modifier]

  • Jansen-Paigne S., « Les miracles de sainte Anne d’Auray », dans Jean Delumeau (sous la dir. de), Un Chemin d’histoire. Chrétienté et christianisation, Paris, 1981, p. 188-208.
  • Lebrun François, Se soigner autrefois. Médecins, saints et sorciers aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Hachette, coll. Pluriel, 1995.
  • Provost Georges, La Fête et le sacré. Pardons et pèlerinages en Bretagne aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Cerf, 1998.
  • Sbalchiero Patrick, « Nicolazic (Yvon) », dans Dictionnaire des miracles et de l’extraordinaire chrétiens, Paris, Fayard, 2002, p. 575-576.