Sur Zémour et la nouvelle pensée unique

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Eric Zemmour et la nouvelle pensée unique[modifier]

ÉDITO. Les idées d’extrême droite s’affichent comme jamais dans l’histoire récente, portées par l’omniprésence à la télé, dans les librairies, la presse ou sur le Net d’individus réactionnaires, à l’instar d’Eric Zemmour. Une véritable offensive idéologique. Avec en ligne de mire, la conquête du pouvoir.

Par Grégoire Leménager

Publié le 17 juin 2021 à 18h47 Mis à jour le 17 juin 2021 à 19h27

On ne peut plus rien dire. C’est le mantra que martèlent, depuis des années, dans des émissions de radio, sur des plateaux de télévision, sur internet, à la une de plusieurs journaux, quelques individus tragiquement bâillonnés par une pesante dictature médiatique. Ils ne peuvent plus rien dire, mais on les entend beaucoup, ces sinistres prophètes du « suicide français ». A commencer par Eric Zemmour, le chroniqueur du « Figaro » qui pontifie sur la chaîne CNews et qui, désormais, envisage très sérieusement de se présenter à l’élection présidentielle de 2022. Il estime que Macron « a ce qu’il mérite » quand il se fait gifler par un jeune homme ; affirme que Pétain a « sauvé les juifs français » ; trouve « notre régime totalitaire féministe et antiraciste » beaucoup plus inquiétant que le poison raciste ou les brutes qui tabassent leur femme ; et, surtout, à coups de chiffres souvent faux, s’en prend frénétiquement aux immigrés et aux musulmans qui, selon l’écrivain Renaud Camus, procèdent sournoisement au « grand remplacement » de notre population par une autre.

Mais on ne peut plus rien dire. La rhétorique victimaire est un tremplin classique de l’hystérie identitaire. C’est aussi une stratégie efficace. Et s’il y a une chose que les nouveaux gourous de l’extrême droite ont bien assimilée, c’est la théorie d’un marxiste, Antonio Gramsci, pour qui la conquête du pouvoir passe d’abord par une bataille culturelle, une bataille de mots, d’images et d’idées. A force de ne pouvoir rien dire, Eric Zemmour et ses comparses ont fait infuser leur pensée unique, inique et xénophobe. Il est devenu très politiquement correct de manipuler sans précaution le concept flou d’« islamo-gauchisme ». Un député LR nommé Guillaume Peltier veut liquider l’Etat de droit pour « créer une justice exceptionnelle, sans appel possible ». Et Philippe de Villiers appelle tranquillement à « l’insurrection » dans « Valeurs actuelles » pendant que vingt généraux y dénoncent un « laxisme » du pouvoir qui nous conduit tout droit à « la guerre civile ».

Des terminologies loin d’être neutres

Il n’est pas indifférent que le président de la République lui-même se soit mis à emprunter, ici et là, à la novlangue apocalyptique des plus réactionnaires : par exemple le mot « ensauvagement », récemment, pour évoquer les réseaux sociaux, un an après avoir utilisé les catégories maurrassiennes opposant « pays légal » et « pays réel » pour parler de sécurité. Cela ne fait pas d’Emmanuel Macron un dangereux fasciste, comme aimeraient le penser certains, mais il y a des terminologies qui sont loin d’être neutres. Nous vivons à présent dans une époque où, pour « mesurer la prégnance du racisme », un hebdomadaire proche de l’Elysée peut publier un sondage invitant à dire quelles catégories de population semblent « trop nombreuses » dans notre pays.

Le « New York Times » rapproche « la montée d’un discours insulaire, nationaliste, droitier » en France de ce qui s’est passé aux Etats-Unis ces dernières années, et compare les recettes de CNews, lancée par Vincent Bolloré en 2017, aux méthodes qui ont permis à la chaîne américaine Fox News de favoriser l’élection de Donald Trump en 2016. Il est possible que le « New York Times » exagère un peu. L’audience d’un Eric Zemmour, qui culmine de temps en temps à un million de téléspectateurs, reste celle de la vedette d’une petite chaîne du petit écran. Mais les noces de la propagande et du business ne sont jamais rassurantes. Alors que démarre la campagne présidentielle, il n’y a pas grand-chose de bon à espérer quand la course à l’audience fait la courte échelle à des bavards qui tordent les faits, surfent sur les peurs contemporaines et se radicalisent en direct aux heures de grande écoute.

Grégoire Leménager

Le monde parallèle d’Eric Zemmour : 14 contre-vérités passées au crible[modifier]

Le chroniqueur de CNews, candidat potentiel à l’élection présidentielle, prend ses aises avec la réalité des faits. Florilège de ses innombrables contre-vérités.

Par Nathalie Funès et Paul Lonceint

Publié le 17 juin 2021 à 12h52 Mis à jour le 18 juin 2021 à 10h55

Temps de lecture 16 min

Eric Zemmour sur le plateau de CNews. (Captures d'écran / CNews)

Chroniqueur multicarte (CNews, Paris Première, « Figaro Magazine »), auteur d’ouvrages qui tournent en boucle autour de la supposée décadence de l’Hexagone (« Mélancolie française », « le Suicide français », « Destin français »…), Eric Zemmour, 62 ans, se prend à rêver de la présidentielle. Grisé par le million de téléspectateurs drainés sur CNews, la chaîne ultra-droitière de Vincent Bolloré, et, semble-t-il, peu perturbé par les accusations d’agressions sexuelles, révélées par Médiapart, le voilà qui lâche : « Peut-être qu’il faut passer à l’action, car la prévision, la prédiction, même la prophétie ne suffit pas. ». La phrase, pleine de lourds sous-entendus, diffusée le 6 juin, a été prononcée lors d’une interview donnée à Livre noir, média de la droite « hors les murs » que viennent de lancer des proches de Marion Maréchal, jugée plus extrémiste que sa tante.

Le polémiste occupe de plus en plus de place dans l’atmosphère pré-trumpienne de la campagne présidentielle. Cela fait longtemps déjà qu’il a adopté le concept des « faits alternatifs » inventé par l’entourage de l’ancien président américain. Sans doute enivré par ses envolées xénophobes qui lui ont valu la célébrité, de multiples plaintes et trois condamnations (pour provocation à la discrimination raciale en 2011, provocation à la haine religieuse envers les musulmans en 2018, injure et provocation à la haine envers les musulmans en 2020), Eric Zemmour a l’habitude de réécrire l’histoire et de prendre ses aises avec la réalité. Avec, « Face à l’info » la tribune cathodique quotidienne qui lui a été offerte à l’automne 2019 sur CNews, son appétence pour la post-vérité s’est encore renforcée. La lutte contre les fausses informations est même devenue à ses yeux un prétexte pour « légitimer une reprise en main des réseaux sociaux par l’idéologie dominante », comme il l’a déclaré doctement dans « Zemmour & Naulleau », son émission sur Paris Première, le 26 mai. Quant aux chiffres officiels, ils sont tout simplement et le plus souvent « excommuniés » lorsqu’ils ne sont pas conformes à la pensée zemmourienne. Le chroniqueur n’hésite pas à dénoncer « les “biais idéologiques” des statistiques produites par les démographes concernant l’évolution de la population française en leur opposant le bon sens populaire : “Les Français observent la rue, le métro, les salles de classe, surtout dans les quartiers populaires, et constatent l’évidence […] du ‘grand remplacement’” », relate ainsi l’historien Gérard Noiriel, dans « le Venin dans la plume. Edouard Drumont, Eric Zemmour et la part sombre de la République » (La Découverte, 2019).

Désormais, donc, « grâce » à « Face à l’info » et aux multiples ronds de serviette d’Eric Zemmour dans le paysage médiatique français, c’est chaque jour que les « fake news » s’invitent dans les foyers français. Contre-vérités, chiffres inventés, affirmations sorties de nulle part, faits historiques travestis… « L’Obs » a retrouvé les meilleures perles du (peut-être) futur candidat à l’élection présidentielle.

Les violences contre les personnes dépositaires de l’autorité publique, dont les policiers, sont punies de 20 ans de réclusion criminelle, si elles entraînent la mort, de 15 ans en cas d’infirmité et de 5 ans en cas d’incapacité de travail de plus de 8 jours. C’est une circonstance aggravante précisée dans l’article 222-8 du code pénal, contrairement à ce que laisse sous-entendre Eric Zemmour.

Une note du ministère de la Justice au Sénat datant du 8 avril 2021 indique, de plus, que « le taux de réponse pénale relatif aux violences [avec cette circonstance aggravante, NDLR] s’élève, entre 2017 et 2019, à 95 % », soit 11 points de plus que les violences commises sur d’autres types de personnes (84,5 %). « Les auteurs de violences sur personne dépositaire de l’autorité publique ont été poursuivis en 2019 dans 79,3 % des cas, précise encore le document, contre 59,3 % lorsque l’infraction n’est pas aggravée ou aggravée par une autre circonstance. »

« Macron a lui-même désacralisé sa fonction […]. Il n’a pas à engager un dialogue avec un quidam. Il est le roi, surtout dans la conception française des institutions. On peut la critiquer mais c’est la conception française voulue par le général de Gaulle. » « Face à l’info », CNews, 8 juin 2021.

Charles de Gaulle est une référence souvent utilisée – et réinterprétée – par Eric Zemmour. A son retour au pouvoir en mai 1958, pendant la guerre d’Algérie, le général a voulu mettre fin à l’instabilité de la IVe République, en instaurant une nouvelle Constitution. « Il a aussi souhaité que l’Etat ait un chef fort, en lui donnant la légitimité de l’élection populaire [le suffrage universel direct pour la présidentielle est institué en 1962, NDLR] », précise le constitutionnaliste Dominique Rousseau, la monarchie française étant, elle, fondée sur le droit divin, transmis de père en fils.

Tous les présidents de la Ve République ont eu un rapport direct avec la population lors de leurs déplacements, ce qui n’est pas le cas aux Etats-Unis ou en Israël. Jacques Chirac s’était d’ailleurs plaint des conditions sécuritaires trop strictes à son égard lors d’un voyage à Jérusalem en 1996. Quant au général de Gaulle, cible de plusieurs tentatives d’attentat, notamment par des partisans de l’Algérie française, il était réputé pour avoir sillonné tous les départements de France et s’être arrêté dans chaque village. Il se vantait même d’avoir été, en 1961, le premier chef d’Etat français à avoir visité la Lozère… depuis le roi Dagobert. « Les premières années, il avait un rapport direct avec le peuple. » Ses bains de foule sont restés légendaires.

« “Quotidien” [sur TMC, NDLR] fait une émission sur Lilie, 8 ans, qui veut être un garçon. C’est les expériences du docteur Mengele ! » « Face à l’info », CNews, 31 mai 2021.

La première construction pénienne pratiquée sur un patient trans s’est déroulée en 1946, après la Seconde Guerre mondiale. En France, le processus de changement d’identité anatomique est homologué par l’article 41 du code de déontologie de l’Ordre des Médecins et bénéficie d’une prise en charge hospitalière. Rien à voir avec les « expériences du docteur Mengele ». A Auschwitz, le tortionnaire nazi, Josef Mengele, surnommé « l’Ange de la mort », avait installé un bloc opératoire où il réalisait des expérimentations très diverses (inoculation du typhus, brûlures, mutilations…) sur les détenus juifs et tziganes, hommes, femmes et enfants, dont la plupart sont morts.

« On a enlevé le christianisme, c’est pour ça qu’on a l’islam, c’est une religion dans le remplacement. » « Face à l’info », CNews, 14 mai 2021.

Au début des années 1950, plus de 90 % des Français se disent catholiques. Aujourd’hui, d’après l’Enquête européenne sur les valeurs (2018), ils ne sont plus que 32 %. Ceux qui se définissent comme « sans religion » sont devenus largement majoritaires (58 %). Ce sont en fait eux qui ont « remplacé » les catholiques. Alors que seuls 6 % des Français se déclarent musulmans, devant les protestants (3 %).

« Les Italiens se protègent beaucoup mieux que nous de l’immigration car ils n’ont pas le droit du sol. » « Face à l’info », CNews, 2 avril 2021.

Le fait que la France permette aux enfants nés dans l’Hexagone de parents étrangers nés à l’étranger d’acquérir la nationalité automatiquement et de plein droit à la majorité irrite la droite extrême. Mais cette différence entre les législations française et italienne ne se traduit pas dans les statistiques. En 2017, l’Italie comptait entre 500 000 et 700 000 migrants clandestins, contre 300 000 à 400 000 pour la France, d’après un rapport de l’institut Pew Research de 2019. La part des étrangers en situation légale en Italie est de 8,4 % (Istat) et de 7,6 % en France (Insee). L’Italie n’est donc pas mieux « protégée », pour reprendre le terme d’Eric Zemmour, de l’immigration que la France.

« Les pays qui obtiennent les meilleurs résultats dans l’éducation ont gardé les méthodes traditionnelles. » « Face à l’info », CNews, 18 mars 2021.

La Finlande, troisième pays de l’OCDE au dernier classement du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa 2018) et restée très longtemps en tête du palmarès, fait office de référence dans l’excellence éducative mondiale. Elle a mis en place dans les années 1970 puis renforcé au cours de la décennie 1990 un système scolaire innovant, le peruskoulu, qui est très éloigné des « méthodes traditionnelles ». Les élèves passent en moyenne 45 minutes par cours, pour un total de 670 heures par an dans le primaire, contre 864 heures en France. Les collégiens finlandais consacrent aussi moins de temps à travailler chez eux, moins de trois heures par semaine – record parmi les pays de l’OCDE – contre près de six heures en France. Il n’y a pas de notes les cinq premières années de la scolarité. Les élèves entretiennent aussi avec les instituteurs des relations beaucoup plus informelles et horizontales qu’en France. L’indice d’anxiété scolaire finlandais est l’un des plus faibles de l’OCDE, selon le dernier rapport Pisa.

« Sur les 14 millions [de Français, NDLR] qui touchent une retraite, il y a 50 % de gens nés à l’étranger. » « Face à l’info », CNews, 23 octobre 2020.

Selon la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), le chiffre est de 18 % et comprend aussi les Français nés à l’étranger.

Les mineurs isolés « n’ont rien à faire ici, ils sont voleurs, ils sont assassins, ils sont violeurs, c’est tout ce qu’ils sont ! Il faut les renvoyer et il ne faut même pas qu’ils viennent ! ». « Face à l’info », CNews, 29 septembre 2020.

A l’occasion d’une audition à l’Assemblée nationale, l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE) a rédigé une note qui portait notamment sur les faits de délinquance concernant les mineurs non accompagnés (MNA), jeunes étrangers ou migrants âgés de moins de 18 ans et qui ne sont sous l’autorité ni de leur père, ni de leur mère, ni d’aucun adulte. L’Observatoire a souligné « l’absence de statistiques fiables » sur le sujet. En septembre 2020, la Mission mineurs non accompagnés (MMNA) de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse estimait entre 2 000 et 3 000 les mineurs isolés étrangers délinquants, soit environ 10 % des MNA, « sans que cette estimation puisse réellement faire l’objet d’une vérification ». Le chiffre serait en augmentation, mais très éloigné du « c’est tout ce qu’ils sont ! » d’Eric Zemmour.

Sur les 16 760 jeunes enregistrés en 2019, 95 % étaient des garçons, 61 % venaient de Guinée, Mali et Côte d’Ivoire et 10,6 % du Maghreb. Ils représentaient 15 % à 20 % de l’effectif de la prise en charge des services de la protection de l’enfance. La mission précisait dans son rapport 2019 que les mineurs isolés « pris en charge dans un cadre pénal présentent un état de santé physique et/ou psychique très dégradé (traumatismes, conduites addictives, maladies…) » avec « une recrudescence des actes autoagressifs (automutilation, tentative de suicide, suicide…) » lorsqu’ils sont poursuivis dans un cadre pénal. Le rapport concluait : « Ce sont des enfants comme les autres. Notre attention à leur égard ne doit pas être défaillante au risque de voir durablement ébranlés les principes et fondements de non-discrimination, et de droit à la dignité auxquels nos institutions sont attachées. ».

A la suite de la déclaration d’Eric Zemmour, le parquet de Paris a ouvert une enquête pour « provocation à la haine raciale » et « injures publiques à caractère raciste ». Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), gendarme des ondes, a sanctionné CNews d’une amende de 200 000 euros pour « incitation à la haine » et « à la violence ».

« Les chiffres américains révèlent que les Noirs sont d’abord tués par les Noirs, à 97 %. Les Blancs ont deux fois plus de chance d’être tués que les Noirs. 80 % des Blancs sont tués par des Noirs. » « Face à l’info », CNews, 1er juin 2020.

Ce sont en fait de fausses statistiques qui ont été attribuées au FBI et ont circulé lors de la campagne présidentielle américaine de 2016. Elles avaient même été relayées par Donald Trump et font depuis les délices de la fachosphère sur les réseaux sociaux. Selon les chiffres de 2014 du site internet du FBI, 82 % des Blancs tués l’ont été par des Blancs, et 15 % par des Noirs. Le chiffre cité par Eric Zemmour qui se rapproche des statistiques réelles du FBI est celui de 90 % de Noirs tués par des Noirs. Selon une étude réalisée par l’Académie des Sciences Américaines entre 2013 et 2018, les hommes noirs ont 2,5 fois plus de risques d’êtres tués par la police au cours de leur vie que les hommes blancs, en proportion de la population.

« Vous avez osé dire que Pétain avait sauvé les juifs… – … français ! C’est encore une fois le réel, je suis désolé. » « Face à l’info », CNews, dialogue avec l’essayiste Bernard-Henri Lévy, 21 octobre 2019.

Sur les 330 000 juifs présents en France en 1940, 75 000 ont été déportés avec la complicité de l’Etat français. Parmi eux, 24 000 Français, soit le tiers de l’ensemble des déportés, qui n’ont donc pas été « sauvés » par le maréchal Pétain. Laurent Joly, historien spécialiste de Vichy, indique dans son dernier ouvrage « l’Etat contre les juifs. Vichy, les nazis et la persécution antisémite » (Grasset, 2018) qu’au cours de la dernière année, Vichy ayant transféré aux autorités allemandes ses listes de noms et d’adresses, près de la moitié des déportés étaient alors nés en France…

Traîné devant la justice pour « contestation de crime contre l’humanité », Eric Zemmour est relaxé par la 17e chambre du tribunal de Paris en février dernier au motif que ses propos ont été prononcés « à brûle-pourpoint lors d’un débat sur la guerre en Syrie », même s’ils contiennent « la négation de la participation [de Pétain] à la politique d’extermination des juifs menée par le régime nazi ». Les parties civiles, l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), l’association J’accuse, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), SOS Racisme et le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) ont fait appel.

Eric Zemmour est né dans une famille juive venue d’Algérie qui a subi, comme tous les israélites de la colonie nord-africaine, un dispositif législatif antijuif mis en place de son propre chef par le régime de Pétain, sans que l’Allemagne ne l’ait même demandé. Perte de la nationalité française (acquise avec le décret Crémieux de 1870) dès octobre 1940, application des lois métropolitaines sur le statut des juifs, interdiction d’un grand nombre de professions, expulsion des élèves des établissements scolaires, internement d’une quinzaine de milliers de soldats juifs démobilisés dans des camps du sud algérien… Le débarquement allié de novembre 1942 en Afrique du Nord a permis de stopper l’avancée des troupes allemandes qui arriveront jusqu’en Tunisie, où des juifs seront déportés. Les juifs d’Algérie ont retrouvé la nationalité française l’année suivante.

« J’étais scandalisé par le comportement d’Emmanuel Macron. Je pense que ce monsieur Audin, mort dans des conditions tragiques […], était un traître et méritait 12 balles dans la peau. C’était un type qui était contre la France, qui aidait le FLN, qui aidait à tuer des Français. » « L’Opinion », 18 septembre 2018.

Eric Zemmour est sur la même ligne que Marine Le Pen, vis-à-vis de la décision d’Emmanuel Macron en septembre 2018 de reconnaître la responsabilité de la France dans la mort du militant indépendantiste Maurice Audin lors de la guerre d’Algérie. Et comme la présidente du Rassemblement national (RN, ex-Front national), il « refait » l’histoire de la guerre d’Algérie. Le mathématicien et membre du Parti communiste algérien (PCA), engagé pour l’indépendance, est arrêté le 11 juin 1957, pendant la bataille d’Alger, par les parachutistes de Massu, torturé au centre de tri et de transit d’El Biar et fait partie des milliers de disparus de la guerre d’Algérie. Après des décennies d’une version officielle évoquant une « évasion », Emmanuel Macron a reconnu que le jeune père de famille de 25 ans avait « été torturé puis exécuté ou torturé à mort ». Maurice Audin n’a en fait « jamais aidé à tuer des Français », comme l’affirme Eric Zemmour. Il était chargé des activités de propagande et de cacher des membres du PCA, dissous en 1955 par les pouvoirs publics. « Ce qu’a fait concrètement Maurice Audin, c’est héberger des membres de la direction du PCA, pas du tout des poseurs de bombe, pas du tout non plus des membres du FLN. C’étaient des gens qui étaient favorables à l’indépendance, lui n’a jamais pris d’arme », avait précisé à l’AFP l’historien François-René Julliard, au moment de la déclaration d’Eric Zemmour. Pendant la guerre d’Algérie, les « Français » qui ont tué le plus de « Français » sont les membres de l’OAS (Organisation armée secrète), un mouvement politico-militaire clandestin proche de l’extrême droite qui a été créé en février 1961 pour défendre le maintien de la présence française en Algérie. Les représentants de l’Etat, militaires, policiers, fonctionnaires, étaient les premiers visés. Le général de Gaulle était la bête noire des pro-Algérie française.

« Normalement, chez moi, en tout cas depuis une loi de Bonaparte qui a malheureusement été abolie en 1993 par les socialistes, on doit donner des prénoms dans ce qu’on appelle le calendrier, c’est-à-dire les saints chrétiens […]. Votre mère a eu tort de vous appeler [Hapsatou, NDLR] […]. Corinne, ça vous irait très bien. » « Les Terriens du dimanche ! », C8, dialogue avec la chroniqueuse Hapsatou Sy, 16 septembre 2018.

Sous le Consulat, la loi du 11 germinal de l’an XI (1er avril 1803) réglemente le choix des prénoms parmi « les noms en usage dans les différents calendriers, et ceux des personnages connus de l’histoire ancienne ». Mais il n’est fait nulle part mention du seul calendrier des saints. La loi a ensuite connu plusieurs modifications. Sous la Ve République et la présidence du général de Gaulle, en 1966, il est stipulé que « les enfants français doivent, normalement, recevoir des prénoms français ». Quelques prénoms étrangers sont acceptés, ainsi que « des prénoms coraniques pour les enfants de Français musulmans ». La loi de janvier 1993, sous le deuxième septennat de François Mitterrand, libéralise le choix des prénoms, dans la mesure où ils ne portent préjudice ni au droit des tiers ni à l’enfant.

« La culture grecque, c’est l’Europe. » Dans « Destin français. Quand l’histoire se venge » (Albin Michel), septembre 2018.

L’Empire byzantin, de langue et de culture principalement grecque, est apparu vers le IVe siècle dans la partie orientale de l’Empire romain qui se divisait alors en deux. Les mondes byzantins et latins sont restés largement distincts et se sont même opposés durant plusieurs siècles. Au cours de la quatrième croisade (1204-1204), les Occidentaux prennent et pillent Constantinople : les tensions sont alors vives au sein de la chrétienté, les Grecs sont perçus négativement par les Latins et vice-versa.

Le concept de l’Europe émerge seulement au XVe siècle, après la prise de Constantinople, la « capitale » de l’empire byzantin, par les troupes de Mehmed II. Il s’est développé en raison de la montée en puissance de l’Empire ottoman et de l’opposition entre l’Europe chrétienne et l’Asie musulmane. La culture grecque a également été reçue par le monde musulman. Les Grecs, avec leur langue et leur écriture, ont abordé l’Afrique du Nord par la Cyrénaïque (dans l’actuelle Libye) en 631 avant notre ère. Les ruines du temple de Zeus à Cyrène, classées au patrimoine mondial de l’Unesco, en témoignent encore. Dans la quasi-totalité des cas, l’Occident latin a redécouvert le corpus grec (les textes médicaux, scientifiques ou philosophiques, notamment Aristote) via des écrits arabes.

« Depuis trente ans, il y a une immigration constante de population venue du sud de la Méditerranée, qui est petit à petit arrivée en France avec le regroupement familial en 1975, une grande erreur car on est passés d’une immigration de travail à une immigration de peuplement […]. Il faut arrêter le regroupement familial. » BFMTV, 13 octobre 2014.

Le regroupement familial – mesure qui permet à un étranger de faire venir son conjoint ou ses enfants en France – est autorisé depuis une ordonnance de 1945 du gouvernement provisoire du général de Gaulle. En 1976, le regroupement familial devient un droit plus systématique pour le ressortissant étranger. Il est aujourd’hui codifié au niveau européen.

Dans les années 1970, l’immigration « de travail » est effectivement freinée. Le motif familial devient plus important que l’économique. Mais cette « immigration de peuplement », pour reprendre l’expression d’Eric Zemmour, est quasi stable depuis cinq décennies. On enregistrait 81 500 titres de séjour au motif familial en 1971 et… 90 502 en 2019 (sur un total de 277 406). Le motif familial est aujourd’hui pratiquement à égalité avec le motif étudiant.

Nathalie Funès et Paul Lonceint