Vote par correspondance : fragilisation de la démocratie

De JFCM
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Vote par correspondance : fragilisation de la démocratie

Jim Bovard est un auteur américain libertarien (le parti minoritaire, "poil à gratter", entre Républicains et Démocrates) qui écrit régulièrement pour plusieurs grands journaux (de USA Today au Wall Street Journal). Sur le site de The American Conservative, il fait part de son inquiétude face au délitement du modèle démocratique américain, à la lumière des dernières élections. Le 20 Janvier, Joe Biden va solennellement jurer de « préserver, protéger et défendre la Constitution des Etats-Unis ». Or, selon Bovard, le modèle de « république constitutionnelle » voulu par les fondateurs dérive depuis le New Deal de Roosevelt vers une « dictature élective » où les votants se contentent de désigner un dirigeant doté de pouvoirs toujours plus grands. Il estime que le vote par correspondance favorise ce glissement.

Si l’ignorance et le manque d’engagement des citoyens ont laissé trop de marge aux politiciens, avant même l’ère Trump, les circonstances de l’élection présidentielle 2020 engagent le système démocratique dans une spirale dangereuse. À l’occasion de la pandémie, le vote par correspondance a été facilité par l’abaissement des barrières de contrôle. Certains États ont même autorisé l’emploi de sociétés privées pour gérer la collecte de bulletins. Plus de 65 millions de personnes ont voté ainsi, donnant la victoire à Biden. Certains cas étaient étonnants comme la Pennsylvanie par exemple : Trump l’emportait par 2 voix sur 3 dans les bureaux de vote quand 3 votes par correspondance sur 4 se portaient sur Biden. Mais quasiment toutes les plaintes pour fraude ont été rejetées par les tribunaux pour des motifs de procédure et non sur le fond.

Au-delà du débat sur la fraude, Bovard insiste sur le risque d’un vote par correspondance massif. À l’heure où des réseaux sociaux censurent sous prétexte que leurs sacro-saintes « conditions générales d’utilisation » ne sont pas respectées, les citoyens sont poussés à cocher une case dans leur coin sans savoir grand-chose du programme proposé, exactement comme ils approuvent d’un clic les pages de « termes et conditions » d’une application en ligne. Pour Bovard, le vote à distance met littéralement de la distance entre gouvernants et gouvernés, et donne de l’espace aux abus de pouvoir.

Les enjeux portés par les projets de Biden sont pourtant majeurs, et ils auraient dû mériter toute l’attention des électeurs : 1) Au nom de la lutte contre la pandémie, menace de fermer des pans entiers de l’économie américaine alors plus dépendante de l’État Fédéral. 2) Projet d’augmenter le nombre de juges à la Cour Suprême, ce qui reviendrait à réduire un contre-pouvoir par de nouvelles nominations. 3) Annulation d’une partie des prêts étudiants à hauteur de 10 000 dollars par tête avec option de pousser à 50 000 dollars à mi-mandat pour garantir le soutien de ces électeurs. 4) Projet de loi pour accorder la nationalité américaine à près de 11 millions d’illégaux, autant de voix supplémentaires. 5) Retour à l’offensive sur le front syrien et confrontation exacerbée avec la Russie.

Les changements dans le mode de scrutin de nombreux États en 2020 créent un précédent dangereux. Les libéraux et leurs relais médiatiques vont sûrement pousser à systématiser le vote par correspondance massif, enlevant toujours plus de barrières à la fraude au nom du « progrès ». Les élections futures pourraient se transformer en une course effrénée aux petits papiers dont l’objet serait d’accorder toujours plus de pouvoirs à quelques-uns sur le lit du moindre effort demandé au plus grand nombre. Notons qu’en France, l’élargissement du vote par correspondance vient d’être proposé par huit députés non-inscrits (ex LREM) dans un amendement au projet de loi organique relatif à l’élection du président de la République (examiné en séance plénière ce 19 janvier).

Biden va prononcer son serment le 20 Janvier alors que les Américains sont plus nombreux à croire aux sorcières, aux fantômes et à l’astrologie qu’ils le sont à soutenir le gouvernement fédéral. À peine un quart des électeurs républicains fait confiance au système électoral. Malgré les efforts médiatiques, Biden débutera son mandat avec une légitimité fortement contestée. Pendant 4 ans, la gauche américaine a comparé Trump à Hitler mais c’est leur champion qui en ce moment solennel sera entouré de hautes grilles de sécurité. La ville de Washington sera vide de citoyens mais peuplée d’hommes en armes sous le prétexte d’un risque de terrorisme intérieur. Quelle que soit la belle rhétorique que le nouveau président lira sur l’écran du téléscripteur, Bovard dit espérer que les Américains se rappelleront les mots du Sénateur Webster en 1837 : « La Constitution fut rédigée pour protéger le peuple du danger des bonnes intentions. De tous temps, des hommes ont voulu gouverner pour le bien du peuple, mais ce qu’ils voulaient vraiment, c’est gouverner. Ils promettent d’être de bons maitres, mais ce qu’ils veulent, c’est être vos maitres. »

Ludovic Lavaucelle